Publicité alcool : quel statut pour le conditionnement ?

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Les décisions
in extenso sur
legipresse.com
Publicité alcool : quel statut pour le
conditionnement ?
MOTS-CLÉS : Publicité en faveur de l’alcool, loi Evin, support
de publicité, compétition sportive
Cour d’appel de Paris (pôle 1- ch. 3)
9 février 2016
ANPAA c/ Brasseries Kronenbourg
336-17
L’opération commerciale visant à proposer à la vente des
canettes et packs de bière dont le conditionnement
représente quatre joueurs de football, avec la mention
« Barclays Premier League Bière officielle » et « L’instinct de
la Premier League » avec apposition du logo et de la
marque de ladite bière, constitue de la propagande en
faveur de cette boisson alcoolique dès lors qu’en
associant une compétition sportive à une boisson
alcoolique, elle est destinée à favoriser chez un public
passionné par ce sport un lien entre cette boisson
alcoolique et des matchs de compétition et relève donc
des restrictions prévues par les articles L. 3323-2 et
L. 3323-4 du Code de la santé publique.
(…)
Sur ce, la cour
Considérant qu’aux termes de l’article 809 du Code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence
d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures
conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour
prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un
trouble manifestement illicite ; que dès lors la contestation
émise par la SAS Les Brasseries Kronenbourg au titre de l’interprétation de l’article L. 3323-4 du Code de la santé publique,
même sérieuse, ne s’opposait pas aux pouvoirs de la juridiction
saisie par l’ANPAA, dès lors que l’atteinte à une disposition
d’ordre public est constitutive d’un trouble manifestement
illicite ; qu’au surplus l’urgence n’est pas requise pour l’application de ce texte ;
Considérant que la loi dite Evin a notamment pour finalité
d’exclure toute publicité qui inciterait à une consommation
abusive d’alcool considérée comme dangereuse pour la santé ;
Considérant L. 3323-2 du Code de la santé publique dispose
que : « La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en
faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente
ne sont pas interdites sont autorisées exclusivement :
1° Dans la presse écrite à l’exclusion des publications destinées à
la jeunesse, définies au premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 49956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ;
2° Par voie de radiodiffusion sonore pour les catégories de radios
et dans les tranches horaires déterminées par décret en Conseil
d’État ;
3° Sous forme d’affiches et d’enseignes ; sous forme d’affichettes
et d’objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé,
dans des conditions définies par décret en Conseil d’État ;
4° Sous forme d’envoi par les producteurs, les fabricants, les importateurs, les négociants, les concessionnaires ou les entrepositaires,
de messages, de circulaires commerciales, de catalogues et de
brochures, dès lors que ces documents ne comportent que les
mentions prévues à l’article L. 3323-4 et les conditions de vente
des produits qu’ils proposent ;
5° Par inscription sur les véhicules utilisés pour les opérations
normales de livraison des boissons, dès lors que cette inscription
ne comporte que la désignation des produits ainsi que le nom et
l’adresse du fabricant, des agents ou dépositaires, à l’exclusion
de toute autre indication ;
6° En faveur des fêtes et foires traditionnelles consacrées à des
boissons alcooliques locales et à l’intérieur de celles-ci, dans des
conditions définies par décret ;
7° En faveur des musées, universités, confréries ou stages d’initiation œnologique à caractère traditionnel ainsi qu’en faveur de
présentations et de dégustations, dans des conditions définies
par décret ;
8° Sous forme d’offre, à titre gratuit ou onéreux, d’objets strictement réservés à la consommation de boissons contenant de
l’alcool, marqués à leurs noms, par les producteurs et les fabricants
de ces boissons, à l’occasion de la vente directe de leurs produits
aux consommateurs et aux distributeurs ou à l’occasion de la
visite touristique des lieux de fabrication ;
9° Sur les services de communications en ligne à l’exclusion de
ceux qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet,
apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse,
ainsi que ceux édités par des associations, sociétés et fédérations
sportives ou des ligues professionnelles au sens du Code du
sport, sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni
intrusive ni interstitielle.
Toute opération de parrainage est interdite lorsqu’elle a pour
objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou
indirecte, en faveur des boissons alcooliques »;
Que l’article L. 3323-4 dispose :
« La publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de
la dénomination, de la composition du produit, du nom et de
l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que
du mode d’élaboration, des modalités de vente et du mode de
consommation du produit.
Cette publicité peut comporter des références relatives au terroir de
production, aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine
telles que définies à l’article L. 115-1 du Code de la consommation
ou aux indications géographiques telles que définies dans les
conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés. Elle
peut également comporter des références objectives relatives à la
couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives de produit.
Le conditionnement ne peut être reproduit que s’il est conforme
aux dispositions précédentes.
Toute publicité en faveur de boissons alcooliques, à l’exception des
circulaires commerciales destinées aux personnes agissant à titre
professionnel ou faisant l’objet d’envois nominatifs ainsi que les
affichettes, tarifs, menus ou objets à l’intérieur des lieux de vente
à caractère spécialisé, doit être assortie d’un message de caractère
sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé » ;
Légipresse n°336 - Mars 2016 173
Cours & tribunaux
Considérant que la publicité illicite au sens desdits articles
s’entend de tout acte en faveur d’un organisme, d’un service,
d’une activité, d’un produit ou d’un article ayant pour effet,
quelle qu’en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique
sans satisfaire aux exigences de l’article L. 3323-4 du Code de
la santé publique ;
Considérant que la société Kronenbourg soutient que le
consommateur qui prend connaissance des mentions figurant
sur les canettes et le pack se trouve déjà dans le rayon des
bières du distributeur ; qu’en l’absence de publicité préalable
sur le conditionnement, le choix du consommateur s’exerce
librement entre les marques qui lui sont proposées ; que cette
analyse tendant à opérer une distinction entre publicité et
conditionnement est confortée par la loi elle-même qui ne
vise pas le conditionnement, et ne permet sa reproduction
que s’il est conforme à ses dispositions ;
Considérant toutefois, que précisément, l’article L. 3323-4 qui
conditionne la reproduction du conditionnement au respect
de ses prescriptions, sous-entend que le conditionnement est
utilisé par les distributeurs comme support de publicité ; que
le conditionnement est en effet un support de communication destiné à attirer le choix du consommateur par rapport
au produit concurrent, situé à proximité immédiate sur le
même rayon ; que l’opération commerciale visant à proposer
à la vente des canettes et packs de bière Carlsberg, dont le
conditionnement représente quatre joueurs de football, avec
la mention « Barclays Premier League Bière officielle » et « L’instinct de la Premier League » avec apposition de la marque et
du logo Carlsberg constitue bien de la propagande en faveur
de cette boisson alcoolique dès lors qu’en associant une compétition sportive à une boisson alcoolique, elle est destinée à
favoriser chez un public passionné par ce sport un lien entre
cette boisson alcoolique et des matchs de compétition et
relève donc des restrictions prévues par les articles précités ;
que de surcroît le règlement du jeu, mentionné sous le pack,
précise bien que les lots d’articles et places du championnat
ne peuvent se gagner qu’à condition d’acheter un pack de
bière afin de reproduire le code mentionné à l’intérieur du
pack pour se reporter sur facebook à l’adresse du jeu ;
Considérant que les mentions figurant sur les canettes et les
packs litigieux comportent des références visuelles qui sont
étrangères aux seules indications objectives et techniques
du produit énumérées à l’article L. 3323-4 du Code de la
santé publique ; qu’elles constituent en outre une opération
de parrainage ayant pour objet ou pour effet la propagande
ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons
alcooliques qui est interdite par le dernier alinéa de cet article ;
Considérant que la liberté d’expression et d’information prévue par l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne et de circulation des produits au sein de
la Communauté européenne peut, en l’absence de mesures
communautaires d’harmonisation, être limitée par des réglementations nationales justifiées par les raisons mentionnées à
l’article 56 paragraphe 1 du Traité sur l’Union européenne ou
des raisons impérieuses d’intérêt général ; que les restrictions
imposées par la loi Evin répondent à un impératif de santé
publique, principe de valeur constitutionnelle ; qu’elles reposent
sur des raisons impérieuses d’intérêt général et la nécessité
que la réglementation applicable ne soit pas contournée, et
174 Légipresse n°336 - Mars 2016
sont donc proportionnées au but poursuivi ; que le fait que
la publicité pour des boissons alcooliques serait admise dans
certains États membres ou soumise à des règles moins strictes,
en l’occurrence le Danemark qui a conclu un contrat de parrainage avec une ligue sportive britannique, ne signifie pas pour
autant que les règles imposées dans l’État où les produits sont
distribués sont disproportionnées ; que la réglementation de
la publicité en faveur des boissons alcoolisées s’applique donc,
sans distinction d’origine, aussi bien aux produits nationaux
qu’aux produits importés d’autres États membres ;
Considérant que pour ce même motif de proportionnalité
avec l’objectif poursuivi, elles ne peuvent être considérées
comme une entrave à la liberté d’expression garantie par
l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme, alors que la publicité diffusée sur les
canettes et packs de bière vise à promouvoir les valeurs du
sport – fraternité dans l’effort collectif, notamment par l’association de photographies de footballeurs connus unis dans
un même mouvement – mais sur des supports de boisson
alcoolique pour en favoriser l’achat et la consommation, de
sorte que l’information objective et neutre limitée aux qualités
objectives du produit permise par la loi Evin est détournée ;
Considérant que le non-respect des dispositions d’ordre public
du Code de la santé publique relatives à la lutte contre l’alcoolisme sont constitutives d’un trouble manifestement illicite
que le juge des référés a le pouvoir de faire cesser ; que la
mesure ordonnée par le premier juge consistant dans le retrait
sous astreinte des canettes et des packs de bière Carlsberg
comportant les mentions incriminées est donc justifiée et
nécessaire à la cessation du trouble ;
Considérant que l’article L. 3223-2 du Code de la santé publique
autorise la publicité sur des services de communication en
ligne, à l’exclusion de ceux qui sont principalement destinés
à la jeunesse ou qui concernent le monde du sport, sous
réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive,
ni interstitielle ;
Considérant que le jeu Barclays Premier League organisé par la
société Kronenbourg est édité sous le pack de bière et est ouvert
à toute personne majeure disposant d’un compte facebook ;
que par procès-verbal du 8 juillet 2014, l’huissier de justice
commis par l’ANPAA a vérifié qu’en se connectant sur l’adresse
carlsbergfc.fr comme indiqué sur le pack, il est dirigé vers la
page de connexion Facebook.com à laquelle il a accédé sans
que son âge ne lui ait été demandé ; que ce jeu, qui n’est pas
un mode de publicité en ligne intrusif puisque l’utilisateur, à
le supposer majeur, doit cliquer sur les icônes adéquates, ni
insterstitiel puisqu’il n’apparaît pas de manière intempestive à
l’ouverture de page, figure sur le site de la boisson alcoolique et
procède par association entre celle-ci et la compétition sportive ;
qu’ainsi, outre le fait qu’il est soumis à une obligation d’achat,
qui ne peut être considérée comme une modalité de vente, ce
jeu qui est accessible sur le site de la boisson Carlsberg, favorise
l’association entre la boisson alcoolique et la compétition de
football, en infraction aux dispositions de l’article L. 3223-2 dernier alinéa du Code de la santé publique, de sorte que, constitutif
d’un trouble manifestement illicite, le juge des référés a à juste
titre ordonné qu’il soit retiré du site de Carlsberg ;
Considérant par contre que c’est avec pertinence que le premier juge a rejeté la demande tendant au retrait des affiches
paraissant sur la page Facebook de Carlsberg représentant
onze bouteilles de bière empilées sous forme de pyramide,
dont le caractère illicite au regard des règles susvisées n’est
pas manifeste ; que de même la décision sera confirmée en
ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts formée par l’ANPAA, en ce qu’elle excède
ses pouvoirs ;
Considérant que le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ;
Qu’à hauteur de cour, il convient d’accorder à l’ANPAA,
contrainte d’exposer de nouveaux frais pour se défendre, une
indemnité complémentaire sur le fondement de l’article 700 du
Code de procédure civile dans les conditions précisées au
dispositif ci-après ;
Que Les Brasseries Kronenbourg qui succombent ne peuvent
prétendre à l’allocation d’une indemnité de procédure et
supporteront les dépens d’appel ;
Par ces motifs
Confirme l’ordonnance entreprise ;
(…)
Prés. : Mme Roy-Zenati, Cons. : Mmes Bodard-Hermant et Quentin
de Gromard - Av. : Me Giafferi et Me Gras
■■
COMMENTAIRE
Eric Andrieu
Avocat au Barreau de Paris
1. L’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) poursuivait en référé les Brasseries Kronenbourg
du fait de la diffusion de canettes et de packs de bière Carlsberg
comportant diverses illustrations et mentions relatives au football
et, plus particulièrement, à la Barclays Premier League, dénomination du championnat anglais de première division. Il s’agissait
de la photographie de joueurs, de la mention « Bière officielle de
la Barclays Premier League », et du logo de la compétition. Il était
également proposé un jeu sur internet permettant de gagner,
entre autres, des places pour des matches de la Barclays Premier
League.
2. Le président du tribunal de grande instance de Paris1 avait fait
droit à l’essentiel des demandes en ordonnant à Kronenbourg
le retrait de ses produits et la suppression du jeu (qui avait été
retiré de son site par Kronenbourg dès le 16 septembre 2014).
Saisie par Kronenbourg, la cour d’appel de Paris confirme l’ordonnance.
3. Il n’est pas contestable que la représentation de joueurs de
football ne figure pas parmi les éléments autorisés par l’article
L. 3323-4 du Code de la santé publique pour la publicité en faveur
des alcools.
1. Ord. réf. TGI Paris, 21 octobre 2014
La question qui se posait était celle du statut des conditionnements puisque ce texte, après avoir rappelé ce qui peut figurer
dans les publicités pour ces produits (origine, composition, mode
d’élaboration, mode de consommation…), énonce : « Le conditionnement ne peut être reproduit que s’il est conforme aux dispositions précédentes. » Le législateur fait ainsi clairement une distinction entre le conditionnement et les autres supports. En un
mot, si le conditionnement n’est pas reproduit sur les autres
supports, il n’est pas soumis aux restrictions de la loi Evin.
La cour constate cette distinction puisqu’elle note que l’analyse
de Kronenbourg « tendant à opérer une distinction entre publicité et conditionnement est confortée par la loi elle-même qui ne
vise pas le conditionnement et ne permet sa reproduction que s’il
est conforme à ses dispositions. »
La conséquence logique et directe de ce constat aurait dû l’amener à rejeter la demande de l’ANPAA puisqu’elle portait sur des
éléments figurant sur le conditionnement des produits Carlsberg,
et ce a fortiori à l’occasion d’un référé, l’infraction reprochée ne
pouvant dans ces conditions être « manifestement illicite » au
sens de l’article 809 du Code de procédure civile.
Pourtant, il n’en est rien et l’interdiction ordonnée par le premier
juge est confirmée aux termes d’un raisonnement que l’on peut
trouver contestable. Les juges retiennent en effet que l’article
L. 3323-4 « sous-entend que le conditionnement est utilisé par les
distributeurs comme support de publicité ». C’est tout à fait exact
mais c’est précisément la raison pour laquelle un statut particulier est accordé aux conditionnements. C’est un support publicitaire mais un support qui n’est pas soumis aux mêmes règles que
les autres.
Dès lors, la suite du raisonnement de la cour, qui constate que
les éléments critiqués constituent bien de la propagande en
faveur de Carlsberg, est faussée puisqu’encore une fois cette
propagande n’aurait dû être soumise qu’aux règles spécifiques
prévues par le texte en faveur des conditionnements.
4. Concernant le jeu, il résulte de l’arrêt qu’il avait été retiré du
site sur lequel il était hébergé dès le 16 septembre 2014, c’està-dire antérieurement à l’ordonnance de référé et évidemment
à l’arrêt de la cour.
On comprend mal dans ces conditions qu’il ait pu être l’occasion
d’un débat, le juge des référés n’étant en principe plus compétent pour ordonner le retrait d’une opération d’ores et déjà
terminée, de la même manière qu’il n’est plus compétent pour
statuer sur l’arrêt d’une campagne publicitaire déjà terminée2.
Au-delà de cette question, la cour retient que :
●● L’huissier de justice commis par l’ANPAA a accédé à la page
Facebook sur lequel le jeu était hébergé sans que son âge ne
lui ait été demandé. Il n’est pas indiqué les conséquences qu’il
convient d’en tirer.
2. CA Paris, 21 septembre 2007, RG 07/04262.
Légipresse n°336 - Mars 2016 175
Cours & tribunaux
Il faut rappeler cependant que le filtre d’âge est automatiquement
généré par Facebook qui interdit en principe l’accès des pages
consacrées aux boissons alcoolisées aux mineurs.
Le jeu n’est ni intrusif, ni interstitiel, ce qui eut été
illicite en application des règles de la publicité des
alcools sur internet résultant de l’article L. 3323-2,
9° du Code de la santé publique.
●●
Le jeu était soumis à une obligation d’achat « qui
ne peut être considérée comme une modalité de
vente », la cour semblant ainsi répondre à l’argument selon lequel le jeu aurait pu être légitimé
puisque les modalités de vente sont l’un des éléments autorisés par l’article L. 3323-4.
●●
Nous savons qu’il n’y a pas de définition légale de la notion de
parrainage. Par ailleurs, il semble qu’il existait un contrat de
parrainage entre la société Carlsberg de droit danois et la Barclays
Premier League, mais pas entre celle-ci et la société Brasseries Kronenbourg qui était en l’occurrence
poursuivie. Dans ces conditions, la notion de
Le législateur fait
trouble manifestement illicite pouvait ici aussi se
ainsi clairement une
poser.
distinction entre le
conditionnement et
les autres supports.
En un mot, si le
conditionnement n’est
pas reproduit sur les
autres supports, il
n’est pas soumis aux
restrictions de la loi
Evin.
La motivation sur ce point est très lapidaire, ce qui
est regrettable car il est indéniable qu’en achetant
le produit, les consommateurs pouvaient participer au jeu, ce qui constituait un avantage venant
compléter le simple achat des produits, ce qui était susceptible
d’en faire légitimement une modalité de vente.
Rappelons à cette occasion que le fait de lier le jeu à un achat
n’est plus interdit par le Code de la consommation depuis les
modifications intervenues à la suite de la directive de 2005 sur
les pratiques commerciales déloyales3.
5. Relevons enfin certains des éléments mis en
avant par la cour sans qu’ils influent directement
sur la décision prononcée :
●● Il est rappelé, en préambule et à juste titre, que
« la loi dite Evin a notamment pour finalité d’exclure
toute publicité qui inciterait à une consommation
abusive d’alcool considérée comme dangereuse
pour la santé », ce qui est exact et conforme à la
décision rendue par le Conseil constitutionnel
lorsqu’il avait été saisi préalablement à la promulgation de cette loi4.
●● La cour indique que les mentions figurant sur les packs comportent des références étrangères « aux seules indications objectives et techniques du produit énumérées à l’article L. 3323-4 » puis
qu’il y a un détournement de « l’information objective et neutre
limitée aux qualités objectives du produit » permise par cette loi.
La référence à l’objectivité va au-delà du texte de la loi Evin.
Le jeu favorisait l’association entre Carlsberg et la Barclays
Premier League, ce qui était une infraction à l’article L. 3323-2,
dernier alinéa, du Code de la santé publique, c’est-à-dire qu’il
constituait une opération de parrainage du championnat de
football anglais par la marque Carlsberg.
S’il est prévu par l’article L. 3323-4 que la publicité des alcools
« peut également comporter des références objectives à la couleur
et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit », cette
condition d’objectivité n’est pas imposée pour les autres mentions
et références figurant dans ce texte.
Là encore, cette affirmation aurait pu mériter des commentaires
plus détaillés.
3. Directive 2005/29/CE, 11 mai 2005.
4. DC, 90-283, 8 janvier 1991.
●●
176 Légipresse n°336 - Mars 2016
E. A.
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