Cours & tribunaux
Considérant que la publicité illicite au sens desdits articles
s’entend de tout acte en faveur d’un organisme, d’un service,
d’une activité, d’un produit ou d’un article ayant pour effet,
quelle qu’en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique
sans satisfaire aux exigences de l’article L. 3323-4 du Code de
la santé publique ;
Considérant que la société Kronenbourg soutient que le
consommateur qui prend connaissance des mentions figurant
sur les canettes et le pack se trouve déjà dans le rayon des
bières du distributeur ; qu’en l’absence de publicité préalable
sur le conditionnement, le choix du consommateur s’exerce
librement entre les marques qui lui sont proposées ; que cette
analyse tendant à opérer une distinction entre publicité et
conditionnement est confortée par la loi elle-même qui ne
vise pas le conditionnement, et ne permet sa reproduction
que s’il est conforme à ses dispositions ;
Considérant toutefois, que précisément, l’article L.3323-4 qui
conditionne la reproduction du conditionnement au respect
de ses prescriptions, sous-entend que le conditionnement est
utilisé par les distributeurs comme support de publicité ; que
le conditionnement est en effet un support de communica-
tion destiné à attirer le choix du consommateur par rapport
au produit concurrent, situé à proximité immédiate sur le
même rayon ; que l’opération commerciale visant à proposer
à la vente des canettes et packs de bière Carlsberg, dont le
conditionnement représente quatre joueurs de football, avec
la mention «Barclays Premier League Bière officielle» et «L’ins-
tinct de la Premier League» avec apposition de la marque et
du logo Carlsberg constitue bien de la propagande en faveur
de cette boisson alcoolique dès lors qu’en associant une com-
pétition sportive à une boisson alcoolique, elle est destinée à
favoriser chez un public passionné par ce sport un lien entre
cette boisson alcoolique et des matchs de compétition et
relève donc des restrictions prévues par les articles précités ;
que de surcroît le règlement du jeu, mentionné sous le pack,
précise bien que les lots d’articles et places du championnat
ne peuvent se gagner qu’à condition d’acheter un pack de
bière afin de reproduire le code mentionné à l’intérieur du
pack pour se reporter sur facebook à l’adresse du jeu ;
Considérant que les mentions figurant sur les canettes et les
packs litigieux comportent des références visuelles qui sont
étrangères aux seules indications objectives et techniques
du produit énumérées à l’article L.3323-4 du Code de la
santé publique ; qu’elles constituent en outre une opération
de parrainage ayant pour objet ou pour effet la propagande
ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons
alcooliques qui est interdite par le dernier alinéa de cet article ;
Considérant que la liberté d’expression et d’information pré-
vue par l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne et de circulation des produits au sein de
la Communauté européenne peut, en l’absence de mesures
communautaires d’harmonisation, être limitée par des régle-
mentations nationales justifiées par les raisons mentionnées à
l’article 56 paragraphe 1 du Traité sur l’Union européenne ou
des raisons impérieuses d’intérêt général ; que les restrictions
imposées par la loi Evin répondent à un impératif de santé
publique, principe de valeur constitutionnelle ; qu’elles reposent
sur des raisons impérieuses d’intérêt général et la nécessité
que la réglementation applicable ne soit pas contournée, et
sont donc proportionnées au but poursuivi ; que le fait que
la publicité pour des boissons alcooliques serait admise dans
certains États membres ou soumise à des règles moins strictes,
en l’occurrence le Danemark qui a conclu un contrat de parrai-
nage avec une ligue sportive britannique, ne signifie pas pour
autant que les règles imposées dans l’État où les produits sont
distribués sont disproportionnées ; que la réglementation de
la publicité en faveur des boissons alcoolisées s’applique donc,
sans distinction d’origine, aussi bien aux produits nationaux
qu’aux produits importés d’autres États membres ;
Considérant que pour ce même motif de proportionnalité
avec l’objectif poursuivi, elles ne peuvent être considérées
comme une entrave à la liberté d’expression garantie par
l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme, alors que la publicité diffusée sur les
canettes et packs de bière vise à promouvoir les valeurs du
sport – fraternité dans l’effort collectif, notamment par l’asso-
ciation de photographies de footballeurs connus unis dans
un même mouvement – mais sur des supports de boisson
alcoolique pour en favoriser l’achat et la consommation, de
sorte que l’information objective et neutre limitée aux qualités
objectives du produit permise par la loi Evin est détournée ;
Considérant que le non-respect des dispositions d’ordre public
du Code de la santé publique relatives à la lutte contre l’alcoo-
lisme sont constitutives d’un trouble manifestement illicite
que le juge des référés a le pouvoir de faire cesser ; que la
mesure ordonnée par le premier juge consistant dans le retrait
sous astreinte des canettes et des packs de bière Carlsberg
comportant les mentions incriminées est donc justifiée et
nécessaire à la cessation du trouble ;
Considérant que l’article L.3223-2 du Code de la santé publique
autorise la publicité sur des services de communication en
ligne, à l’exclusion de ceux qui sont principalement destinés
à la jeunesse ou qui concernent le monde du sport, sous
réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive,
ni interstitielle ;
Considérant que le jeu Barclays Premier League organisé par la
société Kronenbourg est édité sous le pack de bière et est ouvert
à toute personne majeure disposant d’un compte facebook ;
que par procès-verbal du 8 juillet 2014, l’huissier de justice
commis par l’ANPAA a vérifié qu’en se connectant sur l’adresse
carlsbergfc.fr comme indiqué sur le pack, il est dirigé vers la
page de connexion Facebook.com à laquelle il a accédé sans
que son âge ne lui ait été demandé ; que ce jeu, qui n’est pas
un mode de publicité en ligne intrusif puisque l’utilisateur, à
le supposer majeur, doit cliquer sur les icônes adéquates, ni
insterstitiel puisqu’il n’apparaît pas de manière intempestive à
l’ouverture de page, figure sur le site de la boisson alcoolique et
procède par association entre celle-ci et la compétition sportive ;
qu’ainsi, outre le fait qu’il est soumis à une obligation d’achat,
qui ne peut être considérée comme une modalité de vente, ce
jeu qui est accessible sur le site de la boisson Carlsberg, favorise
l’association entre la boisson alcoolique et la compétition de
football, en infraction aux dispositions de l’article L. 3223-2 der-
nier alinéa du Code de la santé publique, de sorte que, constitutif
d’un trouble manifestement illicite, le juge des référés a à juste
titre ordonné qu’il soit retiré du site de Carlsberg ;
Considérant par contre que c’est avec pertinence que le pre-
mier juge a rejeté la demande tendant au retrait des affiches
174 Légipresse n°336 - Mars 2016