1
Corruption et bien-être social inter-temporel des nages dans les
économies Africaines
sumé
Lobjectif de cette étude est de déterminer l’effet de la corruption sur le bien-être social inter-
temporel des ménages dans les économies africaines. Pour ce faire, l’article analyse leffet de
la corruption sur le veloppement soutenable en mettant un accent particulier sur la
soutenabilité faible, caractérisée par la non-décroissance du bien-être social inter-temporel.
Une analyse économétrique sur des données de panel constituées de 34 pays africains sur la
période 2002-2010, montre que toute augmentation d’un point du niveau de corruption se
traduit par une réduction dun peu plus de deux points de l’indicateur de bien-être social inter-
temporel en Afrique. De plus cet effet est plus accentué dans les pays de la zone CEMAC,
moins intégrés et aux institutions faibles que dans les pays appartenant à d’autres unions
économiques. Les politiques d’intégration africaine qui visent à long terme l’amélioration du
bien-être des nages devraient par conséquent accorder une attention particulière au frein
que représente la corruption dans le processus d’intégration. La lutte contre la corruption
semble ainsi être une condition préalable à tout processus de veloppement et dintégration
en Afrique.
Mots clés : Corruption, soutenabilité faible, bien-être social inter-temporel.
2
I. INTRODUCTION
Lanalyse des effets de la corruption sur l’activité économique co nstitue un intérêt majeur, en
raison de la prise en compte de l’influence des facteurs institutionnels dans la termination
des écarts de niveau de développement entre les pays.
Bien que la littérature économique dominante, notamment la théorie moraliste, mette l’accent
sur limportance relative des effets négatifs de la corruption sur la croissance économique et
le développement, de cents travaux mettent en évidence la difficulté de fournir des preuves
rigoureuses de cet effet négatif de la corruption sur la croissance et le veloppement (Aidt,
2009).
Les éments et aperçues issus du programme de recherche relatif aux effets de la corruption
sur la croissance économique sont certes importants et nécessaires pour la compréhension des
effets macroéconomiques de la corruption, mais il semble de plus en plus que ce programme
de recherche écorce le mauvais arbre (Aidt, 2010). En effet, les mesures de politique
économique doivent être principalement guidées par des considérations liées au bien-être
social et à la préservation de la qualité de l’environnement. Le développement soutenable doit
ainsi s’inscrire dans les politiques des décideurs dans le processus d’intégration en Afrique.
Ce d’autant plus que la qualité des institutions des pays appartenant à une union économique
influence le comportement des pays membres (Ganuza et Haulk, 2000).
Le concept de veloppement soutenable en lui-me est assez controversé et
pluridimensionnel. Il se fère aux « sentiers de progrès humain qui répondent aux besoins et
aspirations de la génération présente sans compromettre la capacides générations futures à
satisfaire les leurs ».
Bien qu’encore très controversé, ce concept est pluridimensionnel et intègre dans l’acception
commune, les trois dimensions de la soutenabilité dans une dialectique qui constitue
l’essentiel des débats actuels sur limpact des activités humaines sur lhabitat naturel et social
(Njomgang, 2009). Ces trois principales dimensions de la soutenabilité sont : i) la dimension
environnementale, qui constitue la dimension de base, l’environnement constituant une
contrainte pour l’activité économique ; ii) la dimension économique, qui se fère à
l’efficience des combinaisons productives ; iii) la dimension sociale, qui se fère à la
répartition des fruits de la croissance.
3
Par ailleurs, il existe fondamentalement sur le plan théorique, un clivage important entre deux
approches compmentaires (bien quapparemment opposées) duveloppement soutenable.
La premre, qualife de « soutenabilité faible » est fone sur la transposée économique de
la loi de la conservation de la matière, exprimée par l’égalité comptable ex-post entre la masse
des ressources extraites de l’environnement et utilisées dans les activités économiques, et la
masse des déchets produits par ces activités (Ayres et Kneese, 1969). Cette approche
considère que le capital naturel et les diverses autres formes de capitaux créées par l’homme
sont substituables. Elle insiste sur la noncroissance du bien-être social inter-temporel
comme critère de soutenabilité (Dasgupta et Mler, 2000 ; Pezzey, 1989 ; Hartwick, 1977) et
suppose que la gestion efficiente de la base productive, constituée des diverses formes de
capitaux substituables, détermine l’évolution du bien-être social dans le temps. Cette
conception de la soutenabili couvre en fait les deux dimensions économique et social,
traditionnelles duveloppement soutenable.
Les tenants de la seconde approche, qualife de « soutenabilité forte », consirent quant à
eux, que l’efficience est un critère insuffisant pour satisfaire les préoccupations du
développement soutenable et proposent des règles de soutenabili impliquant, soit l’état
stationnaire (Daly, 1992 ; Daly et Cobb, 1989), soit une volonté d’intégrer préoccupations
économiques et écologiques (Perrings, 1994 ; Common et Perrings, 1992). L’approche de
soutenabilité forte rejette ainsi lhypothèse de substituabilité entre capital naturel et capital
créé.
Le veloppement soutenable n’est cependant pas le seul concept difficile à finir. Il est
également difficile dapporter une finition unanime de la corruption. Cependant,
l’appréhension économique conduit généralement à finir la corruption comme lutilisation
d’un pouvoir ou d’un bien public à des fins privées, « the use of public good for private
gain », selon Bardhan (1997). Cette approche économique fait ressortir le point de vue de
deux grandes écoles à savoir l’école du libéralisme économique et l’école institutionnaliste.
Selon les libéraux, la corruption découle de l’insuffisance de l’offre des biens et services
publics par rapport à la demande. Cette situation est à l’origine de nombreuses files d’attente
que subissent les demandeurs de services publics. Pour contourner ces files d’attente, les
demandeurs sont amenés à offrir des avantages pécuniaires indus aux agents publics. Les
institutionnalistes quant à eux insistent sur le pouvoir discrétionnaire énorme dont disposent
les agents publics pour expliquer la corruption. Des situations monopolistiques sont
4
généralement couplées à ce pouvoir discrétionnaire des agents publics pour expliquer la
corruption. Cette apphension conduit à un débat fondamental sur linfluence de la
corruption sur le développement soutenable.
A cet effet, et conformément à lapproche moraliste, la corruption suppose que les
bureaucrates et les fonctionnaires exigent des pots-de-vin en échange de la fourniture des
services publics, tels que la délivrance des licences d’exploitation ou la passation des marchés
publics ; ce qui pourrait créer dimportants coûts de transactions et des distorsions
suppmentaires, néfastes pour l’efficience économique et le bien-être social. Cette finition
suppose également que, les bureaucrates sont à mesure de recevoir des pots-de-vin en échange
de leur laxisme dans l’application de certaines gles, ou dans la mise en œuvre de certaines
mesures de gulation ; traduisant ainsi le fait que la corruption pourrait conduire à la
surexploitation et à la destruction de certaines ressources naturelles, malgré les
réglementations adopes et visant notamment à conserver ces ressources.
Cependant, et bien que marginale, l’approche fonctionnaliste s’oppose à l’approche moraliste
dominante. Les tenants de l’approche fonctionnaliste soutiennent quen permettant aux agents
privés de surmonter les lenteurs administratives, la corruption « huile les rouages de
l’économie », améliore l’efficience économique et induit un accroissement du bien-être social.
Ainsi, il existe un débat fondamental concernant les effets de la corruption sur le
développement durable et ce débat ne saurait être mis à lécart de celui lié au processus
d’ingration dans les économies africaines.
Toutefois, l’observation des statistiques relatives aux évolutions des indicateurs de corruption
et de développement soutenable pour les économies africaines, révèle une corlation négative
entre le niveau de corruption et la soutenabilité duveloppement dans ces pays.
En effet, 90% des pays africains qui ont une épargne nette ajustée négative, caractéristique
d’un processus de veloppement non soutenable, ont simultanément des indices de
perception de la corruption inférieurs à 3, caractéristiques des niveaux de corruption élevés.
Cet article a donc pour objectif de montrer comment la corruption affecte le bien-être social
inter-temporel des ménages dans les économies africaines.
5
II. La corruption, un facteur de réduction du bientre social inter-temporel en
Afrique.
Selon Arrow et al. (2004), le bien-être social inter-temporel dans une économie à une période
t est une mesure de la valeur actualisée du bien-être social que cette économie atteint à chaque
période future, le long d’un sentier de veloppement. Conformément à la logique
néoclassique, l’évolution du bien-être social inter-temporel dépend des flux de revenus que
peut générer léconomie. Or, la capacité de l’économie à générer des flux de revenus
importants dépend à son tour non seulement de l’efficience des activités publiques et privées,
mais aussi et surtout du niveau de l’investissement véritable (ou épargne nette ajustée) q ui
caractérise l’évolution de la base productive de l’économie (Stiglitz, 1997 ; Gnègnè, 2009).
Ainsi en affectant l’efficience économique à chaque période de temps, la corruption est
susceptible d’influencer le bien-être social au cours du temps (Acemoglu et Verdier, 2000 ;
Ehrlich et Lui, 1999). Par ailleurs, la corruption peut également avoir un effet sur le bien-être
social inter-temporel, en affectant les différentes composantes de la base productive (Aidt,
2010 ; Dasgupta, 2010).
1. Le modèle théorique
Le modèle théorique suggère que le niveau de bien-être social inter-temporel est
déterminé par les principaux facteurs suivant : les institutions qui déterminent l’allocation des
ressources dune part, et la base productive constituées des différents stocks de capitaux
évalués à leurs prix implicites respectifs d’autre part.
On considère une économie constituée d’un très grand nombre d’individus identiques
vivant ensemble. Par souci de simplici, on supposera que la taille de la population est fixe.
Le temps t est suppocontinu. Cette économie produit un bien universel
t
Y
à partir du
travail
t
L
, du capital physique
t
K
et des flux de ressources naturelles
t
R
. La technologie de
production est représentée par :
(1)
 
,,
t t t t
Y F L K R
0
t
t
F
L
,
0
t
t
F
K
,
0
t
t
F
R
et
t
F
est continûment difrentiable.
Il est important de préciser que la fonction de production n’est pas nécessairement
concave. Et comme conséquence à cela, les résultats concernant les effets de la corruption sur
le bien-être social inter-temporel peuvent très bien s’appliquer à une large catégorie des
1 / 23 100%