THÉÂTRE
« Yes, peut-être » à la Verrière, à Lille :
Les mots de Duras éclairés par la scène
La Verrière ouvre sa saison par une pièce de
Marguerite Duras. Texte obscur, mais mise en
scène éclairante de Brigitte Mounier.
PAR CATHERINE PAINSET
metro@lavoixdunord.fr
PHOTO PATRICK JAMES
C'est une pièce dont on sort avec
plus de questions que de réponses,
avec le plaisir d'avoir assisté à un
vrai moment de théâtre, avec la
mélodie d' India Song dans la tête.
Au début, on a eu du mal à
comprendre les mots - mots
inventés, mots inconnus,
onomatopées, absence flagrante de
pronoms, de syllabes, distorsion de
la syntaxe. Puis on a peiné à saisir
le sens - qui sont ces deux femmes,
survivantes du monde d'avant,
d'avant « Fission IV », d'avant le
« grand bouleversement », isolées
dans un théâtre délabré ? cet
homme, ce guerrier inconscient,
est-il dangereux, est-il promesse
d'avenir ? Enfin on s'est laissé faire
par la langue, l'imaginaire de
Marguerite Duras. On a bien voulu
écouter et regarder, sans forcément
comprendre.
Vingt minutes de plus, et Yes,
peut-être serait peut-être
insupportable. Sans la mise en
scène de Brigitte Mounier, elle
serait peut-être seulement
verbeuse, ennuyeuse. « Je me suis
efforcée de rendre l'action épique,
pour porter le texte », dit la
directrice de la Cie des Mers du
Nord. C'est en 1996 que la jeune
femme a choisi cette pièce écrite
en 1968 et presque jamais montée.
La ville de Dunkerque lui avait
demandé une lecture en hommage
à Duras, qui venait
de mourir (sa mère
y avait été
institutrice). « Cette
répétition de " oh la
la, yes", ça m'a fait
rire », ose-t-elle... Il
faut quelques années de plus pour
que la lecture se transforme en
représentation théâtrale, jusqu'à ce
que la ville de Grande-Synthe
accepte de la coproduire. Privée de
didascalies (chez Duras, elles sont
minimalistes, abstraites), Brigitte
Mounier s'est « régalée » à inventer
l'épaisseur de ses personnages, à
régler le jeu de ses comédiens
(impeccables Michèle Fritel, Ève
Gollac et Hervé Degunst), à créer
un décor post-catastrophe
nucléaire, à parsemer la pièce
d'éléments exogènes (des images
de Duras chez Pivot, sa voix, les
notes d'India Song, la « vraie »
communication d'Areva, taguée,
sur affiche déroulante...).
Si Brigitte Mounier a rencontré ce
texte de Duras, inspiré par
Hiroshima et la guerre du Vietnam,
c'est sans doute aussi parce qu'elle
vit à deux pas de la centrale de
Gravelines, entourée de quatorze
sites Seveso... On comprend qu'elle
veuille voir en Yes, peut-être un
message d'espoir.
Aujourd'hui à 19 h, demain et samedi à 20 h 30,
à la Verrière, 54, rue Alphonse-Mercier à Lille.
14 à 7 €.
Tél : 03 20 54 96 75.
Michèle Fritel, la vieille résistante, Ève Gollac,
la jeune intruse: un dialogue âpre sur la
guerre, la bombe nucléaire, l'espoir...
C’est en 1996 que
Brigitte Mounier a
choisi cette pièce
écrite en 1968 et
presque jamais montée