Math. Z. 225, 453–465 (1997)
c
Springer-Verlag 1997
Actions sans points fixes sur les surfaces compactes
M. Belliart
URA au CNRS 751, Universit´
e de Valenciennes, Le Mont Houy, F-59326 Valenciennes Cedex,
France
Received 28 November 1994; in final form 20 July 1995
0. Introduction
Soit une action continue d’un groupe de Lie connexe Gsur une vari´
et´
e connexe
M; on dit que mMest un point fixe s’il est invariant sous l’action de G. Les
points fixes ´
etant les singularit´
es les plus ´
el´
ementaires des actions de G,ilest
naturel d’´
etudier leurs conditions d’existence. Nous nous restreignons ici au cas
o`
uMest une surface compacte. Ce cas est `
a la fois int´
eressant et pratique :
Int´
eressant, par exemple parce qu’il est peut-ˆ
etre possible d’´
etendre la formule
de l’indice de Poincar´
e aux actions de certains groupes de Lie, ce qui constitue
un enjeu utile pour la compr´
ehension de ces actions (voir `
a ce sujet [Pl3]) ;
les surfaces constituent `
a cet ´
egard un “terrain d’exp´
eriences” favorable.
Pratique, parce qu’on peut utiliser le manque de dimension pour des preuves
de nature topologique : ainsi, une orbite a la dimension 0,1 ou 2. Si c’est 0,
l’orbite est un point fixe, et nous sommes renseign´
es ; si c’est 1, elle s´
epare
localement l’espace ; si c’est 2, elle est ouverte. Ce type de raisonnement
n’est plus possible en dimension sup´
erieure.
Dans le cas le plus simple o`
uG=,Unr
´
esultat classique dˆ
u`
a Poincar´
e
([Po]) affirme que si la caract´
eristique d’Euler χ(M)deMest non nulle, il
existe toujours un point fixe. Plus g´
en´
eralement, Plante a montr´
e dans [Pl1] que
si χ(M)/=0etGest nilpotent, toute action de Gsur Ma un point fixe (voir
aussi [Pl2], [Pl3] pour d’autres r´
esultats).
Etant donn´
es une action du groupe G0et un morphisme surjectif πde G
sur G0, on peut construire l’action induite de G, qui est donn´
ee par la formule
g.m:= π(g).m. Il est clair qu’en tant qu’action de G, celle-ci est sans int´
erˆ
et
(c’est une action du groupe G0de dimension inf´
erieure). Pour ´
ecarter ce genre
de construction, on a recours `
a une d´
efinition : on dit que Gagit effectivement
sur Msi le seul ´
el´
ement de Gqui stabilise tout point de Mest 1. Ceci ram`
ene
454 M. Belliart
le probl`
eme pr´
ec´
edent `
al
´
etude des actions effectives de Gsur M. Selon [Pl2],
si Gagit effectivement sur une surface compacte Mtelle que χ(M)<0, Gest
r´
esoluble et la longueur de sa suite d´
eriv´
ee est au plus 3. Par ailleurs, le groupe
affine r´
eel Gagit effectivement et sans point fixe sur toute surface compacte
selon [Pl1].
Soient Gun groupe de Lie connexe, Mune surface connexe et compacte. Nous
allons r´
epondre compl`
etement au probl`
eme suivant :
Existe-t-il une action continue de G sur M sans point fixe ?
Pour cela, `
a toute surface Mnous associerons une liste finie (et tr`
es courte)
de groupes de Lie G1, ..., Gket nous montrerons que Gagit sans point fixe
sur Msi et seulement si Ga l’un des Gipour quotient. Attention : ceci veut
simplement dire qu’il existe un morphisme surjectif de Gsur (par exemple) G1,
ce qui n’implique pas que l’action soit induite ; celle-ci peut au contraire ˆ
etre
globalement tr`
es compliqu´
ee.
Nous notons 1le cercle /. Nous d´
ecrirons au paragraphe suivant des groupes
de Lie r´
esolubles de petite dimension G,Get Gα(α ). Notre r´
esultat
est le suivant :
Th´
eor`
eme Principal. Le groupe de Lie G poss`
ede une action continue et sans
point fixe sur la surface compacte M dont la caract´
eristique d’Euler-Poincar´
e est
χ(M)si et seulement si G poss`
ede pour quotient l’un des groupes suivants:
1. Cas o`
uχ<0:G.
2. Cas o`
uχ=0: 1ou PSL(2,).
3. Cas o`
uχ>0:G,G,G
αou PSL(2,);
´
egalement PSO(3), PSL(3,)et PSL(2,)si M est sans bord.
On obtient ce th´
eor`
eme essentiellement en mettant bout `
a bout les r´
esultats suiv-
ants :
Th´
eor`
eme A. Si G est r´
esoluble et χ(M)>0, il existe une action continue et
sans point fixe de G sur M si et seulement si G a pour quotient G ,G ou Gα
(ce qui est possible si et seulement si G n’est pas nilpotent).
Th´
eor`
eme B. Si χ(M)<0, il existe une action continue et sans point fixe de G
sur M si et seulement si G admet G pour quotient.
Th´
eor`
eme C. Si G est semi-simple, il existe une action sans point fixe de G sur
M si et seulement si χ(M)0et
1. G a PSL(2,)pour quotient, ou
2. χ(M)>0, M est sans bord et G a PSL(3,), PSL(2,)ou PSO(3) pour
quotient.
Ces r´
esultats am´
eliorent et compl`
etent ceux de l’article [Be], dont le but ´
etait de
r´
epondre aux trois questions suivantes, pos´
ees par Plante dans [Pl1] :
Actions sur les surfaces compactes 455
(1) Si Gest `
a croissance exponentielle, agit-il sans point fixe sur toute surface
compacte Mtelle que χ(M)0 ? Que se passe-t-il dans le cas particulier
o`
uGest r´
esoluble ?
(2) Si Gest r´
esoluble et si ad(X) a une valeur propre r´
eelle non nulle pour un
certain Xdans l’alg`
ebre de Lie de G, est-ce que Gpeut agir sans point fixe
sur toute surface compacte ?
(3) Si Gest `
a croissance polynomiale, est-ce que toute action de Gsur une
surface compacte telle que χ(M)<0 a un point fixe ?
Aux §§ 1, 2 et 3, nous prouvons les th´
eor`
emes A, B et C. Ceci nous permet
d’obtenir le th´
eor`
eme principal et une r´
eponse aux questions de Plante dans un
quatri`
eme paragraphe. Nous utiliserons beaucoup la classification donn´
ee dans
[Mo], §10 des actions transitives de groupes de Lie sur les surfaces, ce qui nous
´
epargnera les preuves – ´
el´
ementaires mais fastidieuses – utilis´
ees dans [Be]. En
fait, les r´
esultats non classiques utilis´
es ici proviennent presque exclusivement
des deux articles [Pl1] et [Mo].
1. Gr´
esoluble, χ>0.
Nous d´
ecrivons d’abord quelques groupes de Lie r´
esolubles non nilpotents qui
joueront un rˆ
ole essentiel dans la preuve du th´
eor`
eme A.
(*) Le groupe affine r´
eel Gest le groupe des transformations de ayant la
forme : xax +b/(a,b)
+×
Son alg`
ebre de Lie est l’alg`
ebre engendr´
ee par deux vecteurs X,Yet le
crochet [X,Y]=X; nous la noterons G.
(*) Le groupe affine complexe Gest le groupe des transformations de ayant
la forme : zuz +v/(u,v)×
Quand on le voit comme un groupe r´
eel, son alg`
ebre est engendr´
ee par quatre
vecteurs X1,X2,Y1,Y2et les crochets
[X1,Y1]=X
1[X
2
,Y
1
]=X
2[X
1
,Y
2
]=X
2[X
2
,Y
2
]=X
1
[X
1
,X
2
]=0 [Y
1
,Y
2
]=0.
Nous noterons cette alg`
ebre G.
(*) Soit α∈ − ; notons <(α)et=(α) ses parties r´
eelle et imaginaire. Soit
Gαl’alg`
ebre de dimension 3 dont une base X1,X2,Yv´
erifie :
[X1,Y]=<(α)X
1+=(α)X
2[X
2
,Y]=−=(α)X1+<(α)X2
[X1,X2]=0.
Puisque Gαa un centre trivial, il existe un unique groupe de Lie Gα`
a centre
trivial dont l’alg`
ebre est Gα. Bien que ceci ne nous soit d’aucune utilit´
e dans
456 M. Belliart
la suite, nous remarquons que deux groupes Gαet Gβsont isomorphes si et
seulement si l’un des nombres α/β, αβ est r´
eel. De plus, Gαest simplement
connexe si et seulement si αn’est pas imaginaire pur. Le revˆ
etement universel
de Gαest le produit semi-direct o`
uagit sur par :
(z,t)etαz.
Remarque. Comme les groupes G,Get Gαsont `
a centre trivial, si Gest l’un
de ces groupes et si Hest un groupe connexe ayant la mˆ
eme alg`
ebre que G,
Hest un revˆ
etement de G. Une premi`
ere preuve de l’utilit´
e de ces groupes (ou
plutˆ
ot de leurs alg`
ebres) est le
Lemme 1. Soit Gune alg`
ebre r´
esoluble. Les ´
enonc´
es suivants sont ´
equivalents:
1. Gest non nilpotente.
2. Ga pour quotient l’une des alg`
ebres G,Gou Gα.
Preuve. Il est clair que le second point implique le premier. Nous montrons la
r´
eciproque. Nous admettrons de nombreux faits classiques sur les alg`
ebres de Lie
r´
esolubles et leurs repr´
esentations ; ceux-ci se trouvent par exemple dans [Bo].
Soient G0et G00 les deux premi`
eres alg`
ebres d´
eriv´
ees de G.SiGn’est pas
nilpotente, G/G00 n’est pas nilpotente, aussi on peut se ramener `
aG00 ={0}.
Notons τla repr´
esentation adjointe de G/G0dans l’alg`
ebre Der(G0) des
d´
erivations de G0. Nous remarquons que tout sous-espace vectoriel de G0stable
par τest un id´
eal de G, ce qui r´
esulte trivialement de la d´
efinition de τ. Par
ailleurs, comme τn’est pas nilpotente, il existe un sous-espace stable (peut-ˆ
etre
nul) Itel que τsoit irr´
eductible sur G0/I. En quotientant par l’id´
eal I,on
s’est ramen´
e`
aτirr´
eductible.
Nous notons qu’il existe e
YG/G0tel que τ(e
Y) soit un automor-
phisme inversible de l’espace vectoriel G0. Ceci r´
esulte de la classification des
repr´
esentations irr´
eductibles des alg`
ebres ab´
eliennes dans les espaces r´
eels ; selon
cette classification, τa la forme τ0πo`
uπest une projection de G/G0sur
ou et τ0est l’une des trois repr´
esentations
τ:Der( ),(x,y)xy
ou
τ:Der ( ),(u,v)uv
ou
τα(α ): Der ( ),(x,z)xαz.
Pour obtenir e
Y, il suffit de le prendre hors de Ker(π).
Soit e
Z1, ..., f
Znune base du noyau de π; soient Y,Z1, ..., Zndes ´
el´
ements de G
se projetant sur e
Y,e
Z1, ..., f
Zndans G/G0. Par d´
efinition de G0, on a pour tout
indice i
[Y,Zi]d´
ef
=XiG0.
Actions sur les surfaces compactes 457
Par construction de Y, il existe TiG0tel que [Y,Ti]=X
i, et en remplac¸ant Zi
par ZiTi(qui est ´
egalement un repr´
esentant de e
Zi)onseram
`
ene `
a[Y,Z
i]=0.
L’identit´
e de Jacobi implique alors pour tout UG:
[[U,Zi],Y]=[[U,Y],Z
i]
|{z }
[G0,Zi]
+[U,[Zi,Y]]
|{z }
=[U,0]
=0.
Comme ad(Y) est inversible sur G0, ceci implique que [U,Zi] = 0, ce qui prouve
que les Ziengendrent un id´
eal de G. En quotientant, on s’est ramen´
e`
aτfid`
ele
(= sans noyau). La classification pr´
ec´
edemment cit´
ee implique que τest l’une
des repr´
esentations τou τα, et la construction des alg`
ebres correspondantes
termine la preuve.
Du lemme pr´
ec´
edent d´
ecoule la
Proposition 2. Si G est r´
esoluble non nilpotent, il a un quotient G ,G ou Gα.
Preuve. Nous nous ramenons au lemme 1 par un raisonnement en trois points.
Soient Hl’un des groupes G,Gou Gα,Hson alg`
ebre, e
Gle revˆ
etement
universel de G:
1. Si GaHpour quotient, GaHpour quotient.
2. Si GaHpour quotient, e
GaHpour quotient.
3. Si e
GaHpour quotient, GaHpour quotient.
Le point (1) est trivial. Nous montrons le point (2). Il n’est pas trivial `
a cause
d’un probl`
eme technique : `
a un quotient G/Nne correspond un quotient G/N
que si le groupe N tangent `
aNest ferm´
e dans G. Toutefois, dans notre situation,
Gest simplement connexe et on peut utiliser un r´
esultat de [Mo] :
Proposition. Soient A un groupe de Lie simplement connexe, B un sous-groupe
normal connexe. Alors, B est un sous-groupe ferm´
edeA.
Ceci prouve le point (2). Nous montrons le point (3). Comme Ha un centre
trivial, Hest un quotient de e
G/Zo`
uZest le centre de e
G; comme e
Gest un
revˆ
etement de G,Gadmet e
G/Zpour quotient : ceci prouve le point (3).
Ce qui pr´
ec`
ede suffit d´
ej`
a pour obtenir le
Th´
eor`
eme A. Si G est r´
esoluble et χ(M)>0, il existe une action continue et
sans point fixe de G sur M si et seulement si G a pour quotient G ,G ou Gα.
D´
emonstration. Selon la proposition 2, ou bien Ga pour quotient G,Gou
Gα, ou bien Gest nilpotent. Si Gest nilpotent, son action a un point fixe par
le th´
eor`
eme de Plante. Si Ga pour quotient G0l’un des groupes consid´
er´
es,
toute action sans point fixe de G0induit une action sans point fixe de G. Plante
a construit des actions sans point fixe de Get Gαsur les trois surfaces de
caract´
eristique >0 ; nous construisons des actions de Gsans point fixe sur ces
surfaces, ce qui ach`
eve la preuve.
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