TRAVAIL ET SANTÉ MARS 2014 VOL.30 No 1
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MOTIVATION
prêt à partir, jetant un regard sur votre montre
et essayant de vous éloigner en mettant un bras
dans une manche de votre imperméable, ne
devant finalement votre salut qu’à la porte de
l’ascenseur qui se refermait sur vous (ouf…).
L’intention de cette personne était peut-être
bonne, mais son ignorance de vos réactions ren-
dait sa communication complètement ineffi cace.
Créer le rapport volontairement
S’il est primordial d’être attentif à l’effet que
produit votre communication sur l’autre et de
développer un détecteur du rapport pour véri-
fier si vous êtes sur le bon chemin, il est tout
aussi important de développer des moyens
efficaces qui vous permettront de rétablir le
contact s’il est rompu. Il arrive fréquemment
aussi que vous deviez entrer en contact avec un
interlocuteur avec lequel le rapport est à créer
et que vous ayez peu de temps pour établir le
climat de confiance nécessaire. Par exemple,
vous devez passer une entrevue de sélection
pour un emploi ou pour un nouveau poste ou,
inversement, vous êtes l’intervieweur qui doit
recevoir des candidats en entrevue. À ces mo-
ments, les moyens intuitifs que nous utilisons
habituellement ne suffisent pas toujours. Nous
avons besoin d’un répertoire de comporte-
ments qui vont nous aider à créer volontaire-
ment ce rapport.
Je ne vous apprendrai rien en vous disant
que c’est de façon non verbale que s’établit
l’essentiel du rapport entre deux personnes.
Certains spécialistes de la communication vont
même jusqu’à dire que plus de 90 % de celui-ci
se fait de façon non verbale, donc le plus sou-
vent de manière inconsciente. Le rapport entre
deux individus se crée donc principalement
au-delà des mots et de la logique du discours
qui s’adressent à notre partie consciente. D’où
l’utilité de savoir comment établir et maintenir
un rapport non verbal avec les autres.
Pour créer volontairement un rapport, vous
devez rapidement rejoindre la personne sur
son propre terrain en communiquant avec le
même langage verbal et surtout non verbal
qu’elle. Les professionnels de la communica-
tion vont utiliser pour ce faire un processus très
efficace : la synchronisation.
Le pouvoir de la synchronisation
Lors de votre prochain diner au restaurant,
observez les gens aux tables voisines et exercez-
vous à deviner ceux qui sont en rapport et
ceux qui ne le sont pas. Votre attention sera
probablement attirée vers ces deux personnes
assises en coin, penchées l’une vers l’autre, ap-
puyées toutes les deux sur leurs avant-bras, se
regardant dans les yeux et échangeant amicale-
ment. Si vous continuez à les regarder du coin
de l’œil, vous remarquerez que, lorsque l’une
des deux se recule pour s’appuyer sur sa chaise,
l’autre fait de même ; ou encore, si l’une prend
son verre de vin, l’autre l’imite. Vous aurez
peut-être l’impression d’assister à une danse
synchronisée dont les protagonistes sont eux-
mêmes inconscients. Ces gens-là sont-ils en
rapport ? Bien sûr qu’ils le sont si vous pouviez
entendre leur conversation, vous remarqueriez
même qu’ils se parlent sur le même ton de voix,
avec la même intensité. Et si vous étiez encore
plus près, vous noteriez que leur respiration se
fait au même rythme, tout comme leurs pulsa-
tions cardiaques.
Ne dirait-on pas qu’ils sont
le miroir l’un de l’autre ?
Portez ensuite attention à ces deux per-
sonnes attablées un peu plus loin. L’une parle
abondamment, d’une voix convaincante, avec
force gestes. Elle est assise bien droite, avancée
sur le bout de sa chaise, pendant que l’autre
regarde distraitement autour, comme à la re-
cherche de quelqu’un, joue avec un ustensile
en faisant occasionnellement un signe de la
tête, recule sa chaise et se croise les jambes, re-
garde sa montre, marmonne parfois quelques
phrases entre deux soupirs. Gageriez-vous sur
les chances de la première personne de con-
vaincre la deuxième de son idée ? Vous miseriez
sans doute davantage sur ses chances de ne plus
la revoir, n’est-ce pas ? La simple observation
du langage non verbal de cette communica-
tion vous permet de savoir de l’extérieur, sans
l’ombre d’un doute, que le contact n’est pas
établi entre ces deux individus.
La prochaine fois que vous vous retrouverez
en contact avec quelqu’un, que vous vous
sentirez « en pays de connaissance » avec une
personne que vous rencontrez peut-être pour
la première fois, prenez un peu de recul. Vous
remarquerez qu’elle est probablement synchro-
nisée avec vous ou que vous reflétez, sans vous
en être rendu compte jusque là, certains com-
portements de l’autre personne, un rythme ou
un timbre de voix, des attitudes corporelles,
un vocabulaire même. Vous vous êtes, sans
le savoir, synchronisés mutuellement l’un sur
l’autre.
Une des plus belles illustrations du pouvoir
de la synchronisation nous est donnée par le
parent qui s’approche du jeune enfant qui s’est
fait mal en tombant. Voyez la scène. L’enfant
est assis par terre, inventant les cris, le visage
déformé par des grimaces de douleur (ou
d’humiliation…). Le parent s’avance, s’assied
à côté de l’enfant, grimace à son tour en disant
« Ouch ! Ça fait mal ça. » Le rapport est créé
instantanément et bien souvent, les pleurs ces-
sent comme par magie.