Broncho-alvéolites du nourrisson (193c)
Docteur Isabelle PIN
Septembre 2004
Pré-requis :
Anatomie de voies aériennes inférieures
Infections virales
Résumé :
La bronchiolite du nourrisson est une infection virale fréquente des voies aériennes
inférieures de l’enfant de moins de 2 ans, survenant par épidémies automno-hivernales,
principalement liée au virus respiratoire syncithial (VRS). Elle se traduit par une toux et
un encombrement bronchique associée à des sifflements ou une gêne respiratoire. La
gravité est liée au jeune âge (< 6 semaines), et au terrain sous jacent(antécédents de
prématurité < 35 semaines de gestation, de maladies cardiaque ou pulmonaires).
Le diagnostic est clinique. Une radiographie pulmonaire peut être nécessaire dans les
formes graves ou compliquées.
Le traitement est principalement symptomatique et repose sur le drainage des voies
aériennes supérieures (désinfection rhino-pharyngée) et inférieures (kinésithérapie
respiratoire). Dans les formes graves, nécessitant une hospitalisation, des mesures
assurant une hydratation et une alimentation correcte, et une oxygénothérapie peuvent
être nécessaires. Les traitements bronchodilatateurs et corticoïdes ne sont pas
recommandés. En cas de signes francs de surinfection bronchique, une antibiothérapie
secondaire peut se discuter.
La plupart des enfants guérissent en quelques jours. Un syndrome obstructif expiratoire
récidivant peut survenir dans les suites, conduisant au diagnostic d’asthme du nourrisson
à partir du 3ème épisode de récidive de dyspnée expiratoire sifflante. Exceptionnellement,
une bronchiolite oblitérante peut s’installer conduisant à un tableau de bronchopathie
chronique obstructive fixée.
La prévention de la transmission interhumaine est fondamentale pour limiter les
épidémies. Une prévention passive par injections mensuelles d’Ac monoclonal anti VRS
(Palivizumab : SYNAGIS ®) est indiquée avant et pendant la saison épidémique dans
certains cas d’enfants anciens prématurés, ou porteurs de cardiopathies congénitales ou
de maladies respiratoires chroniques graves.
Mots-clés :
Bronchiolite, nourrisson, Virus Respiratoire Syncithial.
Références :
Supplément des Archives de Pédiatrie : Janvier 2001. Vol 8(supplt 1) : p1-196.
Conférence de consensus sur la prise en charge de la bronchiolite du nourrisson.
Liens :
Conférence de consensus : prise en charge de la bronchiolite du nourrisson :
http://www.anaes.fr/ANAES/anaesparametrage.nsf/HomePage?ReadForm
1. Définition. Épidémiologie
Encore appelées bronchiolites aiguës ou bronchopneumopathies aiguës dyspnéisantes, il s'agit
d'une infection fréquente de l'enfant de moins de 2 ans, d'origine virale, associant plus ou
moins dyspnée, sibilants et toux dans un contexte d'infections des voies aériennes inférieures.
Elles touchent environ 2 % des enfants avant l'âge de 2 ans; 70 à 80 % des cas entre 2 et 10
mois.
Elles surviennent par épidémies en automne et en hiver. Les facteurs de mauvais pronostic
sont la vie en collectivités ou en famille nombreuse, le bas niveau socio-économique et le
tabagisme passif.
2. Physiopathologie. Virus en cause
Le Virus Respiratoire syncitial (VRS) est responsable de plus de 70 % des cas, avec
épidémies de novembre à mars. Un nouveau virus, Métapneumovirus (MPV), a été
récemment mis en cause dans certains cas de bronchiolite du nourrisson.
Tableau : Principaux virus responsables de bronchiolite du NRS et leurs caractéristiques
(I. Pin)
La porte d'entrée du virus se situe le plus souvent au niveau du pharynx ou du nez. La
multiplication virale de proche en proche propage l'infection tout le long des voies aériennes.
Elle est caractérisée par une nécrose de l'épithélium respiratoire, une destruction des cellules
ciliées et une hypersécrétion. L'infection et les défenses locales (anticorps IgA et réaction
lymphocytaire T) provoquent un oedème de la muqueuse et une infiltration cellulaire
péribronchovasculaire et parfois alvéolaire. Les conséquences sont une obstruction
bronchiolaire et des bouchons bronchiques fréquents pouvant conduire à une distension
thoracique et à des troubles de ventilation. La récupération est progressive avec reconstitution
de l'épithélium en 15 jours ou plus.
Les particularités des bronchiolites du NRS tiennent à des causes:
anatomiques: prédominance des petites voies aériennes chez le NRS et pauvreté de la
ventilation collatérale;
immunologiques: déficit relatif en IgA, sécrétion possible d'anticorps de type IgE
antivirus.
3. Manifestations cliniques
3.1. Signes cliniques
Début fréquent par une rhinopharyngite.
Toux grasse ou quinteuse, coqueluchoïde;
Dyspnée expiratoire avec polypnée
Parfois signes de lutte: battement des ailes du nez, tirage intercostal et sus-claviculaire,
balancement thoracoabdominal.
Signes associés: troubles digestifs; fièvre inconstante, modérée.
3.2. Examen clinique
Distension thoracique.
Association de crépitants, ronchi et sibilants à l'auscultation.
Parfois cyanose ou polypnée. Une fréquence respiratoire > 70 par minute est
considérée comme un critère de gravité.
Signes associés, liés à l'infection virale: angines, otites, éruption cutanée.
3.3. Examens paracliniques
Ne sont pas systématiques.
Radiographie pulmonaire est faite en cas de bronchiolite grave ou récidivante,
association :
o d'une hyperclarté diffuse avec distension,
o d'images signant l'atteinte bronchique, bronchiolaire et alvéolaire bilatérale:
accentuation de la trame bronchovasculaire, opacités floconneuses mal
systématisées, surcharge hilaire.
o parfois troubles de ventilation.
Photo : radiographie pulmonaire
Distension thoracique, foyer dense rétractile évoquant un trouble de ventilation segmentaire du lobe supérieur
droit
(G. Emeriaud)
Evaluation de l’hématose: capital dans la surveillance, notamment des formes graves :
o hypoxémie constante par troubles des rapports ventilation/perfusion, appréciée
par la saturation transcutanée grâce à un oxymètre de pouls; une SaO2 < 92 %
en air ambiant est considérée comme un critère de gravité
o hypercapnie et acidose respiratoire dans les cas graves, par hypoventilation
alvéolaire liée à la sévérité de l'atteinte et à l'épuisement, appréciée par la
mesure des gaz du sang.
3.4. Signes de gravité. Complications immédiates
Environ 5 % des bronchiolites, dont 2 % vont nécessiter une intubation avec ventilation
assistée. Mortalité très faible.
Signes de gravité clinique : critères d’hospitalisation
o terrains particuliers : antécédents de prématurité et de dysplasie broncho-
pulmonaire, mucoviscidose, cardiopathies congénitales, malformations
thoraciques.
o troubles digestifs
o âge < 6 semaines: risque d'apnées
o signes de lutte, cyanose
o signes d'hypercapnie : troubles de la conscience, sueur, épuisement, tacycardie
et hypertension artérielle.
Signes de gravité paracliniques :
o hypoxémie avec SaO2 < 90 %
o hypercapnie et acidose respiratoire
o troubles de ventilation radiologique.
4. Diagnostic
4.1. Diagnostic différentiel
Dyspnée hautes: laryngites, épiglottite, coqueluche.
Staphylococcies pleuropulmonaires, infections à Chlamydia trachomatis.
Bronchiolites traînantes: mucoviscidose, inhalation d'un corps étranger, compression
trachéale, troubles de la déglutition.
4.2. Diagnostic étiologique
Possible pour le VRS, par technique d'immunofluorescence ou immunoenzymatique (Elisa)
sur les sécrétions rhinopharyngées; réponse rapide en 24 heures.
Difficile pour les autres virus en dehors de la montée des anticorps à 2 prélèvements séparés
de 15 jours d'intervalle.
5. Évolution et pronostic
5.1. Guérison habituelle sans séquelles en 8 à 10 jours
5.2. Répétition des symptômes. Relation avec l'asthme du
nourrisson
Récidive de la toux et des sibilants très fréquente: environ 50 % au cours de la
première année, 25 % à l'âge de 5 ans. Réhospitalisation dans 15 % des cas.
Evolution vers l'asthme du nourrisson et de l'enfant: la récidive de 3 épisodes de
dyspnée expiratoire sifflante, quelque soit l’âge de l’enfant et les facteurs déclenchants
fait poser le diagnostic d’asthme du NRS.
Les facteurs de risque sont:
o le tabagisme passif et le tabagisme maternel pendant la grossesse
o une plus petite taille des voies aériennes inférieures
o une tendance à sécréter des IgE antivirales.
o des antécédents atopiques familiaux (asthme chez la mère) ou personnels
(eczéma).
Il est possible que les lésions épithéliales post virales favorisent la constitution d'une
hyperréactivité bronchique et la sensibilisation allergique par pénétration des
allergènes au niveau des voies aériennes.
Persistance d'anomalies radiologiques, notamment distension thoracique.
Persistance d'anomalies fonctionnelles, même très à distance de l'épisode aigu:
distension thoracique, augmentation des résistances des voies aériennes, syndrome
restrictif, hyperréactivité bronchique.
5.3. Bronchopathie chronique obstructive
Dans moins de 1 % des cas, les lésions bronchiolaires ne régressent pas et évoluent vers une
bronchiolite oblitérante, avec détresse respiratoire persistante, insuffisance respiratoire
chronique et troubles de la croissance staturopondérale. Il s'agit le plus souvent de
bronchiolites à Adénovirus des sous groupes 7 et 21. Rarement d'authentiques dilatations des
bronches par destruction des parois bronchiques peuvent se constituer.
6. Traitement
6.1. Traitement symptomatique
Oxygénothérapie si hypoxémie.
Drainage des voies aériennes supérieures (désinfection rhino-pharyngée) et inférieures
(kinésithérapie respiratoire).
Fractionnement de l'alimentation, éventuellement alimentation entérale ou et/ou
perfusion si troubles digestifs.
Maintien d'une hydratation satisfaisante pour faciliter l'expectoration des sécrétions et
éviter les bouchons. En cas de formes très alvéolaires, discrète déshydratation.
Intubation et ventilation assistée en cas de défaillance respiratoire grave.
6.2. Traitements bronchodilatateur et corticoïde
Les bronchodilatateurs inhalés (béta2 mimétiques et atropiniques) ne sont pas efficaces en
moyenne lors du premier épisode de bronchiolite. Ceci est vrai aussi pour les corticoïdes par
voie générale. Leur utilisation n’est pas recommandée.
Les corticoïdes inhalés n’ont pas démontré d’efficacité pour prévenir les récidives d’épisodes
et la constitution d’un asthme du nourrisson. Ils ne sont pas indiqués à la phase aigue ou dans
les suites immédiates d’une bronchiolite.
6.3. Traitement antibiotique
Compte tenu de l’étiologie le plus souvent virakle, un traitement antibiotique n’est pas
indiqué. Dans certains cas de co-infections bactériennes ou en cas d'otite moyenne aigue
associée, un traitement antibiotique peut être discuté. Ans ces cas, les antibiotiques actifs sur
les germes de surinfection (Pneumococcus pneumoniae, , Hemophylius Influenzae, Moraxella
Catarrhalis) sont indiqués : ampicillines, amoxicilline ± acide clavulanique, céphalosporines.
6.4. Traitement antiviral
Aucun traitement antiviral n’a démontré une efficacité dans cette atteinte.
6.5. Traitement prophylactique
Le vaccin tué produit dans les années 60 avait plutôt un effet délétère. Recherche en cours
d'un vaccin vivant atténué.
Un Ac monocolonal anti VRS a été développé. Il s’agit du palivizumab (SYNAGIS ), qui
s’utilise en traitement passif de 5 injections IM mensuelles à la dose de 15 mg/kg/injection, en
période pré et per-épidémique. Les indications sont très limitées et concernent les enfants à
risque de bronchiolite grave :
Prématurés nés à un âge gestationnel < 32 semaines :
o de moins de 6 mois au début de la période épidémique et ayant présenté une
dysplasie bronchopulmonaire (DBP) définie par une oxygénodépendance à
l’âge de J28
o de moins de 2 ans au début de la période épidémique et présentant :
une DBP sous O2 à domicile ou O2 arrêtée depuis moins de 3 mois
ou une DBP très symptomatique (bronchites récidivantes, obstruction
bronchique) nécessitant un traitement de fond.
Autres pathologies respiratoires chroniques : enfants de moins de 12 mois au début de
la période épidémique et présentant :
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