Prédicats, prédication et structures prédicatives - Risc-CNRS

Prédicats, prédication et structures prédicatives
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Prédicats, prédication et structures prédicatives
T
EXTES RÉUNIS SOUS LA DIRECTION DE
Amr Helmy Ibrahim
Prédicats, prédication et structures prédicatives
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S O M M A I R E
I
NTRODUCTION
3
Amr Helmy Ibrahim
Les conditions de la prédication dans les langues 12
Claire Martinot, Jelena Kuvac-Kraljevic, Tomislava Bosnjak-Botica, Lilian Chur
Prédication principale vs seconde à l'épreuve des faits d'acquisition 50
Jean-Pierre Desclés
Prédication en logique et en linguistique, une approche cognitive et formelle 82
Gillette Staudacher-Valliamee
La prédication en créole de la Réunion: perspectives typologiques 112
Isabelle Roy
Typologie des prédicats non verbaux dans les phrases copulatives et
théorie de la prédication 131
Jacques François
Perte de prédicativité et auxiliarisation en français. Examen intégratif de
deux ressources lexicales 147
Jan Radimský
A propos de la voix dans la prédication nominale en italien 162
Frédéric Torterat
Structure syntagmatique vs structure prédicative: l'exemple de l'infinitif
et du gérondif 170
Peter Lauwers
La prédication attributive: portée, structuration interne et statut théorique 178
Sylvie Ferrando
Fonctionnement des micro-prédications adjectivales dans les discours:
l'exemple des portraits littéraires 203
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INTRODUCTION
Cet ouvrage est d'un double besoin de clarification et de mise au point au sujet
d'une question que grammairiens et linguistes ont depuis fort longtemps, pour ne pas dire
depuis toujours, tour à tour située au coeur de leurs pratiques ou, au contraire, considérée
comme totalement étrangère à leurs préoccupations: la prédication. Venue de la logique
elle fait toujours l'objet de définitions contradictoires, la notion, quand elle n'est pas formulée
dans un cadre méthodologique d'une cohérence irréprochable et qu'elle ne s'appuie pas sur des
exemples dont l'interprétation fait l'unanimité, est, il est vrai, susceptible de déstabiliser et
d'obscurcir les descriptions linguistiques.
Ces difficultés constituent néanmoins un précieux révélateur. Il est en effet de plus en
plus clair que la prédication sous ses différentes formes régit directement la relation des
formes morphosyntaxiques à l'interprétation sémantique qu'elles déclenchent chez les
locuteurs. Dans un vocabulaire plus actuel, on peut dire que la prédication se trouve à
l'interface de la grammaire, conçue comme l'ensemble organisé arbitrairement des
mécanismes formels qui assurent le fonctionnement d'une langue, et de la sémantique, conçue
comme un ensemble de principes motivés dont la configuration cohérente permet d'interpréter
ce fonctionnement.
A ce titre les questions que soulève la conceptualisation de la prédication vèlent
nécessairement les points forts mais aussi les failles ou les omissions de toute description
linguistique.
C'est pourquoi il nous a paru utile, dans un premier temps, d'inviter sans exclusive des
chercheurs d'horizons différents à exprimer et débattre oralement de la prédication autour de
quatre questions:
(1) Quelle est ou quelles sont, s'il y en a, les catégories linguistiques ou les parties du
discours qui ont vocation à être prédicatives?
(2) La prédication est-elle une propriété intrinsèque d'un constituant de la langue, une
fonction ou un type de relation ?
(3) Existe-t-il un lien entre la perception d'une prédication dans un énoncé et la construction
ou la structure de cet énoncé? Si oui, peut-on dresser une liste de structures toujours
prédicatives ou ayant vocation à l'être?
(4) Y a-t-il un compromis entre la conception de la prédication en logique et les conceptions
linguistiques de cette notion? Ce compromis est-il souhaitable ? Est-il nécessaire
d'avoir une conception unifiée de la prédication?
Le débat un colloque international qui s'est tenu à la Maison de la Recherche de
l'Université de Paris-Sorbonne le 15 mars 2008 - engagé par la question de Gilbert Lazard "La
prédication implique-t-elle un sujet?"
1
, a réuni onze communicants et une cinquantaine de
participants. Mais si les journées scientifiques et les colloques accueillent volontiers les idées
neuves et fournissent un cadre privilégié aux rencontres et aux confrontations, ils ne peuvent
pas fournir le type d'espace qu'exige le développement d'une véritable argumentation
scientifique. L'expression orale, animée mais aussi biaisée par les attentes hétérogènes et
1
À paraître dans la revue Faits de langue (Paris: Ophrys).
Introduction
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inégales du public ainsi que par les conflits d'intérêts de chercheurs partageant le même
territoire, se doit d'accéder à la maturité en se transposant à l'écrit. Il nous a donc paru
nécessaire d'inviter les intervenants à proposer un texte plus achevé, peut-être aussi mieux
documenté, éventuellement différent, prenant en compte les discussions et les critiques
suscitées par l'intervention orale. Il nous a également paru nécessaire que les auteurs acceptent
de se soumettre à une nouvelle évaluation, entièrement anonyme et en grande partie
indépendante de celle qui avait abouti à la sélection du colloque. A une exception près, tous
les intervenants se sont prêtés de bonne grâce au jeu. La plupart des textes que nous publions
sont très différents tant sur la forme que sur le fond des interventions orales faites au colloque.
Il ne s'agit donc en aucun cas d'actes de colloque mais bien d'une publication originale qui
doit marquer un premier jalon dans une série de travaux portant sur la prédication.
Le premier texte, signé Amr Helmy Ibrahim, défend une conception quelque peu
iconoclaste de la prédication. Pour son auteur, c'est à une forme de complétude, produit d'un
ajustement harmonique de l'énoncé et de la syllabe - à l'instar de l'accord parfait que connaît
la musique-, couplé à une mise en ordre partielle des constituants de l'énoncé, qu'un locuteur,
adulte ou enfant, reconnaît l'existence d'une prédication. N'y interviennent donc ni la logique,
sous toutes ses formes, ni la cohérence sémantique de nos interprétations ou de nos
mécanismes cognitifs, pas plus que notre connaissance du monde.
Cette approche doit beaucoup et dans cet ordre, aux hypothèses de Andrew Carstairs
Mc Carthy (1999) sur les origines du langage et plus particulièrement sur le rôle de la
structure syllabique dans la genèse des premiers sons humains articulés, aux théories des
physiciens et musiciens français des XVIIe et XVIIIe siècle sur la musique et plus
particulièrement leur conception de l'harmonie, à la place accordée par Zellig S. Harris (1988
/ 2007) dans l'économie générale des langues à la mise en ordre partielle des constituants d'un
énoncé, enfin à la constatation difficilement contestable, que l'on peut déduire des travaux
entrepris sous la direction de Maurice Gross
2
pour donner au français un équivalent du
Systema Naturae de Carl von Linné, que chaque langue a un petit nombre de structures
syntaxiques définitoires dont dérivent toutes ses autres constructions et qui régissent
largement les relations de la forme au sens dans cette langue.
Le texte proposé par Claire Martinot, Jelena Kuvac, Tomislava Bosnjak et Lilian
Chur aborde la problématique de la prédication, principale et seconde, en interrogeant
l’évolution de la capacité à prédiquer chez des enfants de langues maternelles différentes
allemand, croate et français - au cours de la période des acquisitions dites tardives (4-10 ans).
Trois phénomènes de prédication seconde ont été observés de près: la relative
appositive, le gérondif et l'adjectif prédicatif adjacent au nom.
L’analyse, strictement linguistique, mise en oeuvre par les auteurs, s’inscrit dans un
cadre transformationnel non générativiste qui décrit, aux niveaux lexical, syntaxique et
sémantique, le type de relation, par répétition, changement de sens ou équivalence
2
Ceux qui n'auraient pas eu la chance de suivre les cours, de lire l'œuvre et de connaître la personne de ce
linguiste hors du commun décédé à Paris le 8 cembre 2001, pourront lire la longue notice nécrologique que
j'avais envoyée dans la semaine qui a suivi sa mort à tous ceux que je connaissais de par le monde et qui a été
retenue par la Linguist List (13.60 Friday January 11 2002); elle a été par la suite publiée dans la revue
Hermès, 34 (2002: 227-231) [Editions du CNRS] ainsi que dans la revue belge Romaniac; celle, en anglais,
du linguiste américain Ray Dougherty "A blank stare at the sunset of the shortest day of the year"
(21.12.2001), toujours consultable à http://www.nyu.edu\pages\linguistics\kaleidoscope , l'article de Jean-
Claude Chevalier dans le journal Le Monde (13 décembre 2001), et mes deux articles "Maurice Gross: une
refondation de la linguistique au crible de l'analyse automatique" (2002), facilement consultable sur plusieurs
sites internet et "Le cadre du lexique-grammaire" (2003) [LINX 48, Approches syntaxiques contemporaines,
(Danielle Leeman éd.), Nanterre: Université Paris X].
Introduction
Prédicats, prédication et structures prédicatives
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sémantique, qui permet de passer des prédications en langue cible aux prédications produites
par les enfants. Selon l’hypothèse acquisitionnelle défendue dans cet article, l’acquisition de
la langue maternelle ne peut avoir lieu autrement que par des procédures de transformations
multiformes que les auteurs désignent comme des reformulations - et que le linguiste doit
décrire.
La tâche de production sollicitée pour cette étude – restitution par l’enfant de l’histoire
qui vient de lui être lue permet de sélectionner un certain nombre de phénomènes
relationnels récurrents comparables dans différentes langues. La distinction que font les
enfants entre prédication principale et seconde d'une part, le mode de reformulation des
différentes occurrences de prédication seconde de l’histoire source d'autre part, ont fourni les
résultats suivants :
- Si dès 4 ans, les enfants distinguent la prédication principale de la prédication
seconde, le taux de production des différentes réalisations de prédications secondes
augmente nettement à partir de 8 ans ;
- Les contraintes phrastiques et catégorielles sont également surmontées à partir de 8
ans, ce qui permet aux enfants de transférer une information d’une phrase à l’autre
sans modifier le sens de l’ensemble, de restructurer une prédication principale et une
prédication seconde en une seule prédication complexe et enfin d’établir des
équivalences sémantiques entre une phrase et un mot prédicatif.
Pour Jean-Pierre Desclés, parler, penser et raisonner étant des activités intimement
liées, l'étude correcte des prédicats et de la prédication ne saurait se faire sans articuler des
concepts et des méthodes venus des trois disciplines majeures qui ont pour objet ces activités
à savoir la linguistique, la psychologie cognitive et la logique. Mais cette articulation, estime
Desclés, est soumise à deux conditions: la première est de dépasser, en logique, aussi bien la
conception aristotélicienne que la conception frégéenne du prédicat et d'adopter, à la suite
d'Antoine Culioli et de Sébastien Shaumyan, l'appareil formel de la logique combinatoire de
Haskell / Curry; la deuxième est de choisir, en linguistique, un modèle d'analyse de type
fonctionnel, applicatif ou opératif , c'est-à-dire qui manipule des unités linguistiques qui
fonctionnent comme des opérateurs appliqués à des opérandes.
Desclés oppose cette classe de modèles formels il place les grammaires
catégorielles, les grammaires d'opérateurs, les grammaires fonctionnelles et les grammaires
applicatives, à la classe des modèles syntagmatiques il place les grammaires structurales,
les grammaires de réécriture, les modèles HPSG et LFG, les grammaires d'unification et les
TAG. C'est d'ailleurs dans un cadre applicatif, dont il illustre le formalisme, qu'il redéfinit le
prédicat et la prédication. Il considère le prédicat comme un type spécifique d'opérateur -
« une expression non saturée qui devient l'élément central de la proposition » - et la
prédication comme « une opération d'application d'un prédicat opérateur à ses arguments-
opérandes ». Il en résulte qu' « en tenant compte de la curryfication », « la structure
prédicative résulte d'une hiérarchisation des termes (en fait les différents actants) qui entrent
successivement dans la construction propositionnelle, faisant ainsi du 'sujet syntaxique' le
dernier terme qui vient saturer une expression qui restait encore insaturée".
Desclés montre enfin comment, dans ce cadre, son modèle - la GAC (Grammaire
applicative et cognitive) - résout des problèmes linguistiques - par exemple la diathèse - que
la logique des prédicats du premier ordre était incapable de résoudre.
Partant du créole réunionais, Gilette Staudacher-Valliamée se propose de montrer la
place centrale qu'occupe l'analyse de la prédication dans la description des créoles, de leur
évolution et de la place qu'il convient de leur assigner dans les études de typologie.
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