Spécialité Terminales/Durkheim Année scolaire 2009-2010
mesure. Pour procéder tant à cette classification qu'à cette comparaison, il faut donc substituer au fait interne qui nous
échappe un fait extérieur qui le symbolise et étudier le premier à travers le second. Ce symbole visible, c'est le droit.
Il convient donc de classer les règles juridiques d'après les différentes sanctions qui y sont attachées.
Il en est de deux sortes. Les unes consistent essentiellement dans une douleur, ou, tout au moins, dans une diminution infligée à
l'agent; elles ont pour objet de l'atteindre dans sa fortune, ou dans son honneur, ou dans sa vie, ou dans sa liberté, de le priver
de quelque chose dont il jouit. On dit qu'elles sont répressives ; c'est le cas du droit pénal. [ ... ] Quant à l'autre sorte, elle
n'implique pas nécessairement une souffrance de l'agent, mais consiste seulement dans la remise des choses en état, dans le
rétablissement des rapports troublés sous leur forme normale, soit que l'acte incriminé soit ramené de force au type dont il a
dévié, soit qu'il soit annulé, c'est-à-dire privé de toute valeur sociale. On doit donc répartir en deux grandes espèces les règles
juridiques, suivant qu'elles ont des sanctions répressives organisées, ou des sanctions seulement restitutives.
La première comprend tout le droit pénal; la seconde, le droit civil, le droit commercial, le droit des procédures, le droit
administratif et constitutionnel, abstraction faite des règles pénales qui peuvent s'y trouver.
Émile DURKHEIM, De la division du travail social. PUF, 1991 [1893]
Il est nécessaire de partir de la distinction des deux types de droit afin de montrer la méthode utilisée par Durkheim.
Commencer par développer le modèle théorique que sont les deux types de solidarité pourrait réduire, pour les élèves, la
sociologie à un discours général sur la société.
1) Sur quel critère observable se fonde la distinction entre deux types de droit ?
La distinction entre deux types de droit se fonde sur le critère observable de type sanction.
2) En quoi consistent ces types de droit ?
Dans le droit répressif, la sanction a pour fonction de faire expier le criminel qui a froissé la conscience collective.
Dans le droit restitutif, la sanction a pour fonction de rétablir la situation telle qu’elle aurait dû être.
Transition : Une analyse des types de droit permet donc d'étudier les formes de solidarité :
au droit répressif va correspondre une solidarité mécanique
au droit restitutif va correspondre une solidarité organique
b) Le lien social change de forme à mesure que la DT se développe
Cela correspond au passage d'une solidarité mécanique à une solidarité organique.
Document 4
[...] Nous reconnaîtrons deux sortes seulement de solidarités positives que distinguent les caractères suivants :
1. La première relie directement l'individu à la société sans aucun intermédiaire. Dans la seconde, il dépend de la société, parce
qu'il dépend des parties qui la composent.
2. La société n'est pas vue sous le même aspect dans les deux cas. Dans le premier, ce que l'on appelle de ce nom, c'est un
ensemble plus ou moins organisé de croyances et de sentiments communs a tous les membres du groupe : c'est le type collectif.
Au contraire, la société dont nous sommes solidaires dans le second cas est un système de fonctions différentes et spéciales
qu'unissent des rapports définis. Ces deux sociétés n'en font d'ailleurs qu'une. Ce sont deux faces d'une seule et même réalité,
mais qui ne demandent pas moins à être distinguées.
3. De cette seconde différence en découle une autre qui va nous servir à caractériser et à dénommer ces deux sortes de
solidarités.
La première ne peut être forte que dans la mesure où les idées et les tendances communes à tous les membres de la société
dépassent en nombre et en intensité celles qui appartiennent personnellement à chacun d'eux. Il y a dans chacune de nos
consciences, avons-nous dit deux consciences : l'une, qui nous commune avec notre groupe tout entier qui, par conséquence, n'est
pas nous-même, mais la société vivant et agissant en nous; l'autre qui ne représente au contraire que nous dans ce que nous
avons de personnel et de distinct, dans ce qui fait de nous un individu. La solidarité qui dérive des ressemblances atteint son
maximum quand la conscience collective recouvre exactement notre conscience totale et coïncide de tous points avec elle : mais,
à ce moment notre individualité est nulle.
Les molécules sociales qui ne seraient cohérentes que de cette seule manière ne pourraient donc se mouvoir avec ensemble que
dans la mesure où elles n'ont pas de mouvements propres, comme font les molécules des corps inorganiques. C'est pourquoi nous
proposons d'appeler mécanique cette espèce de solidarité. Ce mot ne signifie pas qu'elle soit produite par des moyens
mécaniques et artificiellement. Nous ne la nommons ainsi que par analogie avec la cohésion qui unit entre eux les éléments des
corps bruts, par opposition à celle qui fait l'unité des corps vivants. Ce qui achève de justifier cette dénomination, c'est que le
lien qui unit ainsi l'individu à la société est tout à fait analogue à celui qui rattache la chose à la personne.
Il en est tout autrement de la solidarité que produit la division du travail. Tandis que la précédente implique que les individus se
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