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définition de l'homme. Les spiritualistes ne rejettent pas les sciences, mais veulent proposer une
méthode de savoir, de connaissance, qui ne se réduit pas exclusivement au discours scientifique
(positiviste), et qui ne verse pas dans la décrédibilisation de ce dernier (néocriticisme).
Bergson poussera vers l'aboutissement du spiritualisme, qui s'opposera aussi bien à l'idéalisme
qu'au positivisme. Mais il faut noter que Bergson n'a jamais rejeté la méthode scientifique. Il l'a bien
au contraire toujours louée, et il fera de la rigueur, de la précision, de l'empirisme (à travers l'examen
attentif des faits collectés, l'adoption des idées d'évolution et de progrès), ses outils de travail. Mais il
aura tendance à penser que les sciences ne peuvent résoudre certaines questions métaphysiques
majeures : la liberté, l'origine de la vie, l'amour, etc. Bergson considère en effet que face à des
données métaphysiques, un outil complémentaire devrait être mobilisé, celui de l'être intérieur, du
moi subjectif, qui obéit à une autre dimension que celle du réel, du temps objectif. D'où toute
l'importance qu'il va accorder à l'étude de ces dimensions intérieures (conscience, temps vécu…).
S'intéressant précisément à la question de la liberté ou de la détermination de l'agir humain,
Bergson en est venu, de proche en proche, à aborder les problématiques du temps vécu et du moi
intérieur. Ces problématiques seront abordées à partir d'une question première : la cause de nos
actions peut elle être trouvée dans notre raison et dans notre conscience, ou doit-elle être
recherchée dans les processus physiologiques qui se produisent en nous sans que nous puissions les
contrôler ? Pouvons-nous dire que nous agissons ou se trouve-t-il que nous sommes agis ?
Pour Bergson, il faut reformuler le problème de la liberté loin des considérations positivistes et
rationalistes, qui la ramènent à des catégories morales (Emmanuel Kant) ou psychiques (l'école
anglaise). Bergson pense la liberté en les termes suivants. Quand on choisit d’agir, on le fait selon tel
ou tel motif qui nous semble parfaitement valable. On choisit toujours ce motif parmi d’autres. Mais
qu’est-ce qui nous fait pencher pour ce motif-là ? Le choix du motif est lui-même mû par d’autres
motivations. Or, lier son action ou sa décision à un motif est la preuve que nous ne sommes pas
libres. Et si on veut dépouiller totalement nos actions/décisions de toute motivation, comme le
prétendent les défenseurs du libre-arbitre, nous nous trompons, car il y a toujours une motivation,
une cause aux effets. C’est ce qu’affirment les déterministes. Mais aucun des deux ne se trompe : ni
le déterministe, qui associe les actions aux motivations, ni le partisan du libre arbitre, qui a
l’impression d’être libre. Grâce à son concept de la durée, Bergson cherchera résoudre le paradoxe
d’une liberté conditionnée par des motifs et non réductible à ces mêmes motifs, autrement dit non
aliénable. Comment le concept de la durée permet-il d’élucider ce problème ? L'innovation de
Bergson consiste donc à résoudre le problème de la liberté et de la détermination en éclairant une
distinction jusque-là demeurée dans l'ombre ou mal interprétée : la distinction entre le temps et
l'espace.
En outre, Bergson remarque que les positivistes et les rationalistes partent d'un présupposé
commun : les processus psychiques, libres ou déterminés, peuvent être entendus par une
symbolisation spatiale. Les défenseurs et les adversaires de la liberté conçoivent la délibération
comme une succession linéaire d'états psychiques donnant lieu à une action X : quand ils débattent si
Examen individuel conscient et réfléchi qu'une personne réalise avant de décider s'il faut accomplir ou non
une action. La délibération est alors solidaire d'une conception positive de la liberté, à savoir une liberté non
pas conçue comme simple absence de contrainte, mais comme démarche active : l'acte libre est un acte
mûrement réfléchi, débarrassé de tout préjugé.