ARCHITECTURE FINANCIÈRE INTERNATIONALE
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son déclenchement comme dans son déroulement, c’est un pur problème
de liquidité. Si les opérateurs sont convaincus que la liquidité sera toujours
suffisante, la crise ne se déclenche pas. Mais la liquidité est elle-même
directement fonction de la coordination des anticipations. Elle ne peut ve-
nir à manquer que si elle est testée.
La plupart des théoriciens soutiennent que ces deux modèles de crises
couvrent tous les cas possibles. Pour le prêteur en dernier ressort les crises
pures de deuxième génération sont un terrain idéal. L’externalité, qui a un
coût social élevé si la spéculation est victorieuse, ne vient que de la dé-
faillance du marché. La crainte que la liquidité puisse être insuffisante pro-
voque la ruée des opérateurs du marché qui assèche la liquidité et justifie
leurs craintes. En apportant la liquidité qui peut faire défaut, le PDR coor-
donne les anticipations sur le bon équilibre. Les prix demeurent dans leur
plage qui correspond aux anticipations faites sur les valeurs des actifs et
des dettes. Au contraire, la rupture de cet équilibre, par effondrement du
taux de change par exemple, rend insolvable un grand nombre d’agents
qui avaient emprunté des devises et qui combinaient risque de crédit et
risque de change. L’insolvabilité dans les crises de deuxième génération
est la conséquence d’une crise de liquidité résultant de la carence du prê-
teur en dernier ressort. Ce défaut de coordination sur la liquidité résulte de
l’externalité qui la définit. Ce n’est pas une situation d’information asymé-
trique ; en conséquence il n’y a pas d’aléa moral attaché à l’action du PDR
dans ce contexte. On peut cependant soutenir que cela peut en créer un pour
l’avenir. C’est bien pourquoi le PDR doit intérioriser l’externalité en impli-
quant les intermédiaires les plus concernés comme teneurs de marché dans
un consortium de soutien au marché.
Peut-on considérer que la crise asiatique est un mélange d’éléments de
première et de seconde génération ou doit-on évoquer un troisième type de
crise pour en interpréter toutes les facettes ? Il ne fait pas de doute que les
attaques sur le système monétaire de Hong-Kong sont du deuxième type. Il
a été argumenté que la crise en Thaïlande était du premier type à cause d’un
déficit insoutenable de la balance courante et d’un taux de change réel su-
révalué. Soit, mais quid de la Corée ? C’est le pays par excellence du mira-
cle asiatique célébré par la Banque Mondiale. Il est difficile de croire que
son étude très approfondie était intrinsèquement fausse de bout en bout.
Y a-t-il eu une dégradation fulgurante des fameux « fondamentaux » macro-
économiques entre 1993 et 1997 ? À l’évidence non. Il semble pourtant
qu’on ne puisse entièrement assimiler Hong-Kong et la Corée dans l’étio-
logie des crises. La différence se trouve dans les structures financières :
sont-elles solides ou fragiles ? Mais alors si on introduit la fragilité finan-
cière dans les fondamentaux, on élargit sérieusement cette notion par rap-
port aux modèles de crises de première génération. Il n’est peut-être pas si
arbitraire que cela de parler de crise d’un troisième type qui, soit dit en
passant, était la crise financière standard dans la finance globalisée de l’étalon
or étudiée notamment par Kindleberger.