les tumeurs du pancreas objectifs

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LES TUMEURS DU PANCREAS
Item 155. Module 10
Pr Daniel JAECK
OBJECTIFS
A. ADENOCARCINOME CANALAIRE
Ø Connaître les principaux symptômes révélateurs d’un adénocarcinome du pancréas
en fonction de la topographie de la tumeur
Ø Savoir que les examens biologiques sont peu utiles au diagnostic
Ø Connaître les examens d’imagerie utiles au diagnostic
Ø Décrire les examens utiles au bilan d’extension des cancers du pancréas et leurs
principaux résultats
Ø Définir une stratégie diagnostique et thérapeutique selon les résultats des
explorations précédentes
Ø Connaître les moyens du traitement palliatif de l’ictère et du prurit au cours des
cancers inextirpables
Ø Citer les autres mesures thérapeutiques utiles
Ø Indiquer le pronostic du cancer du cancer du pancréas
B. TUMEURS ENDOCRINES
Ø Distinguer les deux types de tumeurs endocrines du pancréas
Ø Connaître les principaux types de tumeurs sécrétantes
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LES TUMEURS DU PANCREAS
Pr Daniel JAECK
A. ADENOCARCINOME CANALAIRE
INTRODUCTION
Le cancer du pancréas (CP) représente 20 % des cancers digestifs et sa fréquence semble en
augmentation. En l’absence de traitement, son taux de survie ne dépasse pas 20 % à 1 an.
Cette gravité tient à la précocité de l’extension tumorale et au fait qu’aucun des moyens
diagnostiques actuels n’a permis d’améliorer la précocité de la détection du cancer au stade
initial. Il n’existe pas de marqueur biologique sensible et spécifique permettant la détection du
CP à un stade précoce.
L’ictère et/ou les douleurs solaires, présents dans 90 % des cas au moment du diagnostic,
témoignent généralement d’un stade déjà avancé de l’affection. Cependant une petite tumeur
située à proximité de la voie biliaire principale, dans son trajet intra-pancréatique, peut
provoquer un ictère précoce. A l’opposé, les cancers localisés au corps et à la queue du
pancréas sont de diagnostic encore plus tardifs.
Aucune prévention primaire n’est actuellement possible en-dehors de la lutte contre le
tabagisme.
Le diagnostic de CP est généralement porté par les explorations morphologiques :
échographie, tomodensitométrie, IRM, cholangio-pancréatographie rétrograde ou plus
récemment cholangio-pancréatographie IRM, écho-endoscopie.
Le seul traitement dont l’efficacité est prouvée est l’exérèse chirurgicale réalisable dans
environ 30 % des cas.
DEFINITION
Le cancer du pancréas (CP) est un adénocarcinome développé à partir des cellules épithéliales
du pancréas exocrine. Il est d’origine canalaire dans la majorité des cas. Son étiologie est
inconnue. L’adénocarcinome de l’ampoule de Vater (ampullome), exclu de la définition du
CP, bénéficie d’un pronostic meilleur que le cancer du pancréas car de diagnostic plus
précoce en raison de l’apparition rapide d’un ictère obstructif.
I - EPIDEMIOLOGIE
La fréquence du CP est en augmentation dans de nombreuses régions du monde et son taux de
mortalité reste élevé. En France, le CP représente 20 % des cancers digestifs. Il est
responsable de 4 000 décès par an (4 % des morts par cancer) et se place au 4ème rang des
causes de mortalité par cancer digestif après les cancers colo-rectaux, gastriques et
œsophagiens. L’incidence et la mortalité des CP augmentent avec l’âge de façon linéaire à
partir de 45 ans. Quatre vingt pour cent des CP apparaissent entre 60 et 80 ans. En France, le
sex ratio serait de 2 hommes pour 1 femme.
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Le CP est inégalement réparti sur la planète. La France est un pays à prévalence
intermédiaire ; l’Afrique noire est une région à forte prévalence. Certains facteurs
d’environnement ont été incriminés dans la survenue du CP : le tabac, une alimentation riche
en graisses. Le rôle de l’alcool est controversé. La pancréatite chronique pourrait constituer un
facteur favorisant du CP, de même que les antécédents d’irradiation abdominale.
II – ANATOMIE PATHOLOGIQUE
1) Macroscopie
Le CP siège au niveau de la tête du pancréas dans 75 % des cas, au niveau du corps et de la
queue dans 20 % et il est diffus dans 5 % des cas.
Dans la forme squirrheuse, la lésion est mal limitée et indurée, blanc-jaunâtre et peut
présenter des calcifications. Dans la forme encéphaloïde (plus rare), la lésion est molle,
friable, grisâtre. Des remaniements nécrotiques et hémorragiques, plus ou moins importants
peuvent être présents. L’aspect kystique est rare, mais mérite d’être connu (risque d’erreur
diagnostique). Des lésions de pancréatite d’amont peuvent accompagner l’obstacle tumoral.
2) Histologie
La classification histologique de l’OMS est la plus utilisée. Elle repose sur l’aspect
architectural et cytologique de la tumeur.
a) Adénocarcinome
Les tumeurs épithéliales malignes les plus fréquentes sont les adénocarcinomes développés à
partir des canaux pancréatiques. Elles réalisent différents types histologiques :
- adénocarcinomes habituels, ductulaires, papillaires ou tubulo-acineux
- adénocarcinomes mucineux caractérisés par une grande quantité de mucus extra-cellulaire
- adénocarcinomes à cellules en bague à châton
- cystadénocarcinomes muco-sécrétants, rares, de meilleur pronostic que les précédents
avec une survie à 5 ans voisine ou supérieure à 50 %.
b) Les autres tumeurs sont très rares :
carcinomes indifférenciés, carcinomes adénosquameux, carcinomes épidermoïdes et
carcinomes à cellules acineuses.
A noter enfin les cas exceptionnels de cystadénocarcinomes séreux (qui ont remis en cause la
notion de bénignité des cystadénomes séreux) et enfin le cystadénocarcinome acineux qui
correspond à la forme kystique multi- loculaire du carcinome acineux ou à cellules acineuses.
3) Classification TNM
La classification TNM retient les stades suivants :TIS : carcinome in situ, T1 : tumeur limitée
au pancréas inférieure ou égale à 2 cm, T2 : tumeur limitée au pancréas supérieure à 2 cm,
T3 : tumeur étendue à l’un des organes suivants : duodénum, cholédoque, tissu péripancréatique, T4 : tumeur étendue à l’une des structures suivantes : estomac, rate, colon, gros
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vaisseaux (veine porte, tronc coeliaque, artère mésentérique supérieure, artère hépatique) ;
l’envahissement lymphatique : N0 : pas d’envahissement lymphatique, N1 : envahissement
des relais lymphatiques régionaux, N1a : métastases dans un seul ganglion lymphatique,
N1b : métastases dans plusieurs relais ganglionnaires régionaux ; les métastases : M0 : pas de
métastase à distance , M1 : métastases à distance (foie, péritoine...).
Les auteurs japonais ont affiné la classification TNM en numérotant les relais ganglionnaires
(1 à 18) susceptibles d’être envahis.
Plus récemment, l’envahissement des gaines péri- nerveuses a également été codifié.
III – DIAGNOSTIC CLINIQUE
Le CP ne se manifeste que tardivement au stade d’envahissement des organes de voisinage.
De plus, aucun de ces signes cliniques n’est spécifique. Ceci explique la difficulté d’un
diagnostic précoce.
1) Circonstances révélatrices
a) Formes habituelles
La douleur est le signe révélateur le plus fréquent. Elle est présente initialement dans plus de
la moitié des cas. Son siège varie selon la localisation du cancer : hypochondre droit dans le
cancer céphalique, hypochondre gauche dans le cancer de la queue, épigastre dans le cancer
corporéal. En fait, il n’y a pas de corrélation anatomoclinique absolue. La douleur est de type
solaire, transfixiante, favorisée par le décubitus, insomniante, devenant rapidement
térébrante. Elle est parfois calmée par la position genu pectorale ou le décubitus ventral et par
l’aspirine. Sa signification est péjorative car elle témoigne le plus souvent d’un envahissement
des plexus nerveux de la région cœliaque.
L’ictère est caractéristique du CP céphalique. Il peut être nu, sans signe d’accompagnement,
ou associé à des douleurs. Il peut être tardif quant il témoigne d’un envahissement massif de
la tête ou de l’existence d’adénopathies ou de métastases hépatiques ou précoce quant il
révèle un cancer développé à proximité de la papille ou au contact du cholédoque rétropancréatique. Dans ce cas, un diagnostic précoce est possible et l’exérèse chirurgicale a plus
de chance d’être curative. Dans tous les cas, l’ictère est de type cholestatique (selles
décolorées, urines foncées). Il est d’intensité progressivement croissante, évolue sans phase de
rémission. Il s’accompagne d’un prurit qui peut le précéder et qui s’intensifie progressivement
pour devenir très intense et invalidant.
Une tumeur palpable est observée dans 10 à 30 % des cas et à un stade avancé. Elle est le plus
souvent profonde, dure, mal limitée, de siège épigastrique.
L’altération de l’état général (asthénie, anorexie et surtout amaigrissement) est quasiconstante. L’amaigrissement peut être rapide et massif (perte de 5 à 10 kg en 1 mois).
b) Formes atypiques
Les formes digestives réalisent des tableaux variés : diarrhée motrice, entéropathie exsudative,
hémorragie, sténose duodénale, ascite, angiocholite, syndrome de malabsorption.
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Les formes pseudo-rhumatologiques entraînent des douleurs dorsales postérieures,
insomniantes et aggravées par la toux. Elles inquiètent par leur persistance et surtout par leur
intensité. Il n’est pas rare de voir des malades initialement vus en service de rhumatologie.
Une fièvre isolée au long cours peut également constituer la seule manifestation d’un cancer
du pancréas.
L’apparition d’une hyperglycémie chez un malade auparavant bien portant ou l’aggravation
brutale d’un diabète jusqu’alors bien équilibré doit faire craindre la survenue d’un CP.
Une anémie inflammatoire, de même qu’une hyperleucocytose, une éosinophilie, une
thrombocytémie, une coagulation intra-vasculaire disséminée (en rapport avec des métastases
médullaires) ou des thrombophlébites des membres inférieurs (typiquement superficielles, peu
inflammatoires, migratrices et récidivantes, à bascule intéressant successivement les 2
membres inférieurs) peuvent être révélatrices.
L’épanchement pleural à activité amylasique élevée et la cytostéatonécrose cutanée restent
plus exceptionnels.
c) Formes métastatiques
Les métastases peuvent être révélatrices d’un CP. Elles se développent surtout au niveau du
foie et du péritoine. Le poumon est l’organe extra-abdominal le plus souvent atteint. La
propagation se fait ensuite vers les ganglions médiastinaux sus-claviculaires et cervicaux.
2) Examen physique
L’ictère est en général intense, cutanéo-muqueux, avec urines foncées et selles décolorées. Il
peut être plus discret uniquement conjonctival. Le foie est augmenté de volume, régulier (foie
de cholestase) ou dur et nodulaire (métastases). La découverte d’une grosse vésicule tendue et
indolore a une bonne valeur diagnostique (loi de Courvoisier-Terrier) par opposition aux
ictères lithiasiques s’accompagnant le plus souvent d’une vésicule lithiasique scléroatrophique.
La recherche d’adénopathies en particulier sus-claviculaires, d’une ascite et d’une carcinose
péritonéale au toucher rectal doit être systématique.
IV – LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES
1) Biologie
a) Bilan standard
Aucun test biologique n’est spécifique du CP. Le cancer de la tête s’accompagne souvent
d’un syndrome biologique de cholestase. Un syndrome inflammatoire accompagne parfois les
formes fébriles. Un diabète non insulino-dépendant est présent chez 1/3 des malades.
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b) Marqueurs tumoraux
La sensibilité de l’antigène carcinoembryonnaire (ACE) est de 25 à 60 % mais sa spécificité
est très faible. La sensibilité de l’antigène CA 19-9 est de l’ordre de 75 %. Le CA 19-9 s’élève
dans d’autres affections néoplasiques et en cas de cholestase mais un taux très élevé (>400
U/ml) oriente fortement vers un CP.
2) Radiologie
La sensibilité et la spécificité de l’échographie réalisée dans de bonnes conditions techniques
et de la tomodensitométrie (TDM) pour le diagnostic de CP sont voisines de 80 %. Ces
examens permettent d’explorer le pancréas et les organes de voisinage et de rechercher ainsi
les métastases hépatiques, une ascite, une carcinose péritonéale. L’échographie, moins
coûteuse que la TDM, plus facilement disponible et n’exposant pas à des radiations
ionisantes, doit être réalisée de première intention. Néanmoins l’exploration pancréatique par
l’échographie est souvent gênée par la présence d’air dans les structures digestives qui se
projettent en avant du pancréas (colon, estomac, intestin grêle). Si ’léchographie n’est pas
instructive, le scanner doit être effectué, voire l’IRM.
a) Echographie abdominale
Elle affirme une éventuelle dilatation des voies biliaires intra et extra-hépatiques avec une
grosse vésicule. Le syndrome tumoral se traduit par des modifications de forme et de taille du
pancréas qui s’apprécient surtout grâce à la mise en évidence des repères vasculaires rétropancréatiques. Ces signes ont d’autant plus de valeur qu’il s’accompagnent d’anomalies de
l’échogénicité. Le CP apparaît en gé néral sous forme d’une lésion hypoéchogène, très
rarement sous forme d’un nodule hyperéchogène. Même en l’absence d’un syndrome de
masse ces anomalies de l’échogénicité gardent une grande signification pathologique. Sauf
cas particulier, seules les masses de 2 cm ou plus peuvent être détectées. La dilatation du
Wirsung, lorsqu’elle existe, est presque toujours reconnue et a une grande valeur. Une
thrombose portale est également bien vue en échographie ou en écho-Doppler
b) Tomodensitométrie
Cet examen est très utile chaque fois que l’échographie ne permet pas de diagnostic formel. Il
est indispensable avant traitement chirurgical. Les lésions de 2 cm de diamètre ou plus sont
généralement visualisées. La modification du canal de Wirsung est facilement repérée. Après
injection, il est réalisé une étude vasculaire de la lésion et des axes vasculaires juxtapancréatiques. Les coupes doivent suivre la dilatation cholédocienne sur toute sa hauteur
permettant de définir le siège de l’obstacle. L’extension tumorale aux gros troncs juxtapancréatiques (tronc porte, pédicule mésentérique, pédicule splénique) est appréciée.
c) Cholangiopancréatographie
rétrograde
cholangiopancréatographie IRM
endoscopique
(CPRE)
et
La CPRE a une sensibilité et une spécificité de 90 % pour le diagnostic de CP. Elle permet
une double opacification canalaire : la Wirsungographie peut montrer une interruption brutale
de la progression du produit de contraste ; la cholangiographie peut montrer, dans les cancers
céphaliques, une sténose du cholédoque intra-pancréatique surmontée d’une dilatation des
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voies biliaires. Dans cette situation, le risque élevé d’angiocholite secondaire à l’examen
impose une décompression rapide des voies biliaires. Actuellement cet examen a tendance à
être remplacé par une exploration non invasive, la cholangiopancréatographie IRM. Cette
exploration permet en effet de retrouver les images tumorales lorsqu’elles mesurent au moins
1,5 cm ou 2 cm de diamètre. Elle permet également de visualiser le Wirsung et la voie biliaire
principale en montrant des images d’arrêt ou de rétrécissement en rapport avec le processus
tumoral.
d) Echoendoscopie
Cet examen peut être très utile pour le diagnostic de CP et également afin d’effectuer un bilan
d’extension loco-régional avec une sensibilité supérieure à 90 %. C’est principalement pour la
détection des petites tumeurs que cet examen est supérieur à l’échographie, au scanner et à
l’IRM.
e) Cytoponction pancréatique
La cytoponction à l’aiguille fine par voie percutanée sous guidage échogr aphique ou
scannographique des lésions suspectes a une sensibilité de 70 à 80 % et une spécificité de 100
%. Les complications de cette technique sont rares et les disséminations sur le trajet de
l’aiguille exceptionnelles mais ce risque ne peut être complètement exclu. Ce mode de
prélèvement permet une étude cytologique et éventuellement histologique par l’intermédiaire
d’une micro-biopsie.
V - CONDUITE DU DIAGNOSTIC
Les différents modes de révélation du CP et l’ensemble des examens complémentaires
disponibles ne doivent pas perdre de vue que son diagnostic est le plus souvent évident en
pratique clinique.
Dans les formes typiques, révélées par un ictère et/ou un syndrome douloureux solaire,
l’échographie permet d’emblée de suspecter fortement le diagnostic qui sera éventuellement
confirmé par un examen histologique pré ou per-opératoire. L’examen histologique préopératoire est surtout indiqué en cas de traitement type radiochimiothérapie néo-adjuvante
pré-opératoire qui nécessite une preuve histologique formelle.
C’est principalement devant une forme atypique que l’on peut être amené à réaliser
l’ensemble des explorations complémentaires disponibles à condition bien évidemment qu’il
n’existe pas de contre- indication évidente à un traitement chirurgic al.
En vue d’une exérèse chirurgicale, il peut être intéressant de vérifier les modifications
vasculaires de la région pancréatique par une angiographie coelio- mésentérique. Le temps
portographique permettra d’analyser une éventuelle compression ou un envahissement du
tronc porte. L’angio-IRM permet également de visualiser les vaisseaux péri-pancréatiques de
manière non invasive.
En pratique , le problème le plus difficile est le diagnostic différentiel d’une masse
pancréatique identifiée par échographie, TDM, et/ou Wirsungographie chez un malade
présentant des douleurs épigastriques et une altération de l’état général. Un tel tableau doit
systématiquement faire évoquer un CP mais peut également correspondre à une pancréatite
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chronique qui représente le principal diagnostic différentiel du CP. Le diagnostic de
pancréatite chronique ne doit être affirmé qu’après avoir formellement éliminé un CP, ceci
afin de ne pas retarder un geste chirurgical à visée curative. Aucun argument clinique ou
biologique n’a une sensibilité et une spécificité suffisantes pour permettre le diagnostic de
certitude. Hormis les cas où le résultat du cytodiagnostic est positif, c’est sur la confrontation
des données cliniques, biologiques et morphologiques que sera établi un diagnostic de
présomption et que l’intervention sera décidée à la fois pour confirmer le diagnostic et pour
procéder, chaque fois que cela est possible, à une exérèse chirurgicale, seul traitement à visée
curative.
VI – TRAITEMENT
1) Chirurgie
a) Chirurgie curative
La duodénopancréatectomie céphalique (DPC) est l’intervention de choix dans les CP
céphaliques. Elle enlève en bloc le cadre duodénal, la tête du pancréas, le segment distal de la
voie biliaire principale et permet l’exérèse des relais ganglionnaires pré et rétroduodénopancréatiques. Le rétablissement du circuit digestif nécessite une anastomose du
jéjunum au moignon pancréatique puis à la voie biliaire principale et enfin à l’estomac (anse
en Y). Le moignon pancréatique peut également être implanté à la face postérieure de
l’estomac. Il est également possible de réaliser une DPC avec conservation pylorique , ce qui
améliore le résultat nutritionnel. L’exérèse est accompagnée de curages ganglionnaires
emportant les relais susceptibles d’être métastasés. En cas d’envahissement portal, il est
également possible d’associer une résection de la veine porte à la DPC afin d’obtenir une
résection R0 (= à visée curative).
La splénopancréatectomie gauche est proposée dans les localisations du cancer au corps et/ou
à la queue du pancréas.
La duodénopancréatectomie totale peut être justifiée en cas de forme multicentrique du CP.
b) Chirurgie palliative
Les interventions palliatives sont destinées à supprimer la rétention biliaire et à permettre la
poursuite d’une alimentation orale. Elles comprennent :
- les dérivations biliaires dont la plus efficace semble être l’anastomose hépatico-jéjunale
sur anse en Y après exérèse de la vésicule
- les dérivations digestives, telle la gastro-jéjunostomie, qui permettent de court-circuiter
une sténose duodénale ou antrale. La dérivation digestive est généralement associée à
visée prophylactique à la dérivation biliaire pour éviter une réintervention. En effet, une
sténose digestive est observée dans 15 à 30 % des cas après anastomose bilio-digestive.
2) Traitements antalgiques
Ils sont fondamentaux étant donné la fréquence et l’intensité de la douleur. Les grands
principes des traitements médicamenteux sont la prise régulière à doses suffisantes
d’antalgiques puissants. Le recours aux opiacés, d’abord per-os, puis par voie percutanée, puis
injectable, est souvent nécessaire.
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Lorsque l’état général du malade le permet, d’autres traitements doivent être discutés ; ainsi la
neurolyse du plexus coeliaque par infiltration transcutanée ou per-opératoire (par injection
d’alcool de phénol ou de corticoïdes) entraîne une disparition ou une amélioration des
douleurs dans plus de 75 % des cas.
3) Autres traitements
a) Chimiothérapie
Parmi tous les agents chimiothérapiques testés, seuls ou en associa tion, aucun n’a entraîné
une amélioration de la survie. Néanmoins, des résultats encourageants ont été récemment
démontrés avec certains protocoles et notamment par le recours à la Gemcitabine.
b) Radiothérapie externe
La radiothérapie pourrait être utile dans le traitement des CP non réséquables mais localisés.
Les résultats sont cependant décevants et surtout elle est responsable de complications non
négligeables (grêle radique). La radiothérapie per-opératoire a l’avantage d’augmenter les
doses par irradiation directe sans dommage pour les tissus avoisinants mais nécessite une
infrastructure radio-chirurgicale complexe. La radiothérapie associée à la chimiothérapie en
pré-opératoire (radiochimiothérapie néo-adjuvante) fait l’objet d’une évaluation par une étude
prospective multicentrique en cours actuellement.
c) Drainages biliaires non chirurgicaux
Le meilleur procédé semble actuellement la mise en place d’une endoprothèse biliaire réalisée
après cathétérisme rétrograde de la papille. En cas d’impossibilité, on peut tenter un drainage
par voie percutanée trans- hépatique si les voies biliaires sont dilatées.
4) Indications
Un geste chirurgical peut être proposé exceptionnellement dans un but diagnostique dans les
rares cas où les explorations pré-opératoires n’ont pas apporté de certitude diagnostique et en
cas de diagnostic différentiel difficile avec une pancréatite chronique ou un cystadénome. Un
geste curatif est effectué si le bilan pré-opératoire ne montre ni tumeur inextirpable, ni
métastases multiples et lorsque le terrain le permet.
Lorsque la laparotomie confirme le caractère réséquable de la tumeur et l’absence de contreindication à un geste d’exérèse, l’intervention la plus souvent pratiquée compte tenu de la
localisation habituelle du CP, tête ou corps est une DPC avec examen histologique
extemporané de la tranche de section pancréatique pour envisager une totalisation de l’exérèse
pancréatique en cas d’envahissement de cette tranche.
Lorsque la tumeur n’est pas réséquable ou s’il existe des métastases hépatiques, péritonéales
ou une extension ganglionnaire massive à distance, l’exérèse à visée curative est contreindiquée et une double dérivation biliaire et digestive palliative est discutée, éventuellement
associée à une alcoolisation des ganglions splanchniques en cas de douleur ou
systématiquement à visée préventive.
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Si le patient est jugé inopérable, la mise en place d’une prothèse biliaire est la seule possibilité
en cas d’ictère. De même, il n’est habituellement pas effectué de geste palliatif chirurgical s’il
est découvert une ascite, des métastases péritonéales massives ou une infiltration du pédicule
hépatique. Ces contre- indications à un geste chirurgical peuvent être décelées, soit lors du
bilan pré-opératoire, soit par une laparoscopie pratiquée sous anesthésie générale avant de
s’engager dans une laparotomie.
VII – PRONOSTIC
1) Eléments du pronostic
Les tares pré-existantes, une dénutrition, un retentissement rénal de l’ictère sont des facteurs
de mauvais pronostic.
Quel que soit le type histologique, le pronostic reste mauvais, hormis pour le
cystadénocarcinome mucineux. Outre la taille de la tumeur, sa localisation influe sur le
pronostic : les petites tumeurs de la tête du pancréas ont un meilleur pronostic que les tumeurs
caudales, même de petite taille, le plus souvent en raison de leur diagnostic tardif.
Le pronostic est fonction de l’extension aux ganglions et aux vaisseaux mésentériques. Pour
les ganglions, la signification pronostique est totalement différente entre un envahissement
des ganglions proximaux et celui des ganglions distaux placés sur les collecteurs
lymphatiques principaux. L’extension aux vaisseaux mésentériques supérieurs représente
également un facteur de gravité rendant l’exérèse très difficile.
Il n’existe aucune corrélation entre le taux d’ACE ou de CA 19-9 et le pronostic du CP.
Toutefois, une élévation massive des marqueurs est souvent le reflet d’une masse tumorale
importante ou d’un cancer avec métastases hépatiques.
2) Résultats thérapeutiques
a) Traitements curatifs
Seuls les traitements chirurgicaux peuvent prétendre à la guérison du CP. La DPC n’est
possible que dans 20 à 30 % des cas. La survie à 5 ans est de l’ordre de 15 à 20 %. La
mortalité opératoire oscille entre 2 et 5 % pour les équipes expérimentées. La morbidité postopératoire peut atteindre 30 %. Elle est dominée par la désunion de l’anastomose pancréaticojéjunale ce qui lui fait actuellement souvent préférer l’anastomose pancréatico-gastrique
moins exposée à ce risque.
3) Traitements palliatifs
La mortalité post-opératoire des interventions palliatives se situe entre 15 et 20 %. Ces
chiffres relativement élevés s’expliquent par le fait que les patients sont en mauvais état
général. La mortalité immédiate est moins importante après mise en place préalable d’une
prothèse biliaire par endoscopie. La survie moyenne est de 8 mois en l’absence de métastase
et moins de 6 mois dans le cas contraire.
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B. LES TUMEURS ENDOCRINES
Il faut distinguer les deux types de tumeurs endocrines du pancréas.
Les tumeurs endocrines du pancréas sont classées en fonction de leur caractère non sécrétant
ou sécrétant. Les premières se traduisent par un syndrome tumoral ; pour les secondes, la
symptomatologie est plus évocatrice en raison des effets des hormones produites par la
tumeur. Ces tumeurs peuvent être uniques et sporadiques ou multiples (touchant le pancréas,
mais aussi l’hypophyse, les parathyroïdes, la thyroïde, les surrénales) et s’intégrer alors dans
une néoplasie endocrine multiple (NEM) qui est d’origine génétique.
Il faut connaître les principaux types de tumeurs sécrétantes en précisant le peptide sécrété
et les principaux symptômes :
Ø Insulinome : insuline, hypoglycémie.
Ø Gastrinome : gastrine, syndrome de Zollinger-Ellison.
Ces deux tumeur s sont de loin les plus fréquentes des tumeurs endocrines.
Ø Vipome : VIP, syndrome de Verner-Morrison (diarrhée cholériforme)
Ø Glucagonome : glucagon, diabète, éruption cutanée.
Ø Somatostatinome, calcitoninome ; Ppome, carcinoïde du pancréas, etc.
Le risque de malignité est exceptionnel pour les insulinomes, de 20 à 40 % pour les
gastrinomes, fréquent pour les glucagonomes.
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