Faculté de Médecine ULP Strasbourg Année 2002
219
LES TUMEURS DU PANCREAS
Item 155. Module 10
Pr Daniel JAECK
OBJECTIFS
A. ADENOCARCINOME CANALAIRE
Ø Connaître les principaux symptômes révélateurs d’un adénocarcinome du pancréas
en fonction de la topographie de la tumeur
Ø Savoir que les examens biologiques sont peu utiles au diagnostic
Ø Connaître les examens d’imagerie utiles au diagnostic
Ø Décrire les examens utiles au bilan d’extension des cancers du pancréas et leurs
principaux résultats
Ø Définir une stratégie diagnostique et thérapeutique selon les résultats des
explorations précédentes
Ø Connaître les moyens du traitement palliatif de l’ictère et du prurit au cours des
cancers inextirpables
Ø Citer les autres mesures thérapeutiques utiles
Ø Indiquer le pronostic du cancer du cancer du pancréas
B. TUMEURS ENDOCRINES
Ø Distinguer les deux types de tumeurs endocrines du pancréas
Ø Connaître les principaux types de tumeurs sécrétantes
Faculté de Médecine ULP Strasbourg Année 2002
220
LES TUMEURS DU PANCREAS
Pr Daniel JAECK
A. ADENOCARCINOME CANALAIRE
INTRODUCTION
Le cancer du pancréas (CP) représente 20 % des cancers digestifs et sa fréquence semble en
augmentation. En l’absence de traitement, son taux de survie ne dépasse pas 20 % à 1 an.
Cette gravité tient à la précocité de l’extension tumorale et au fait qu’aucun des moyens
diagnostiques actuels n’a permis d’améliorer la précocité de la détection du cancer au stade
initial. Il n’existe pas de marqueur biologique sensible et spécifique permettant la détection du
CP à un stade précoce.
L’ictère et/ou les douleurs solaires, présents dans 90 % des cas au moment du diagnostic,
témoignent généralement d’un stade déjà avancé de l’affection. Cependant une petite tumeur
située à proximité de la voie biliaire principale, dans son trajet intra-pancréatique, peut
provoquer un ictère précoce. A l’opposé, les cancers localisés au corps et à la queue du
pancréas sont de diagnostic encore plus tardifs.
Aucune prévention primaire n’est actuellement possible en-dehors de la lutte contre le
tabagisme.
Le diagnostic de CP est généralement porté par les explorations morphologiques :
échographie, tomodensitométrie, IRM, cholangio-pancréatographie rétrograde ou plus
récemment cholangio-pancréatographie IRM, écho-endoscopie.
Le seul traitement dont l’efficacité est prouvée est l’exérèse chirurgicale réalisable dans
environ 30 % des cas.
DEFINITION
Le cancer du pancréas (CP) est un adénocarcinome développé à partir des cellules épithéliales
du pancréas exocrine. Il est d’origine canalaire dans la majorité des cas. Son étiologie est
inconnue. L’adénocarcinome de l’ampoule de Vater (ampullome), exclu de la définition du
CP, bénéficie d’un pronostic meilleur que le cancer du pancréas car de diagnostic plus
précoce en raison de l’apparition rapide d’un ictère obstructif.
I - EPIDEMIOLOGIE
La fréquence du CP est en augmentation dans de nombreuses régions du monde et son taux de
mortalité reste élevé. En France, le CP représente 20 % des cancers digestifs. Il est
responsable de 4 000 décès par an (4 % des morts par cancer) et se place au 4ème rang des
causes de mortalité par cancer digestif après les cancers colo-rectaux, gastriques et
œsophagiens. L’incidence et la mortalité des CP augmentent avec l’âge de façon linéaire à
partir de 45 ans. Quatre vingt pour cent des CP apparaissent entre 60 et 80 ans. En France, le
sex ratio serait de 2 hommes pour 1 femme.
Faculté de Médecine ULP Strasbourg Année 2002
221
Le CP est inégalement réparti sur la planète. La France est un pays à prévalence
intermédiaire ; l’Afrique noire est une région à forte prévalence. Certains facteurs
d’environnement ont été incriminés dans la survenue du CP : le tabac, une alimentation riche
en graisses. Le rôle de l’alcool est controversé. La pancréatite chronique pourrait constituer un
facteur favorisant du CP, de même que les antécédents d’irradiation abdominale.
II ANATOMIE PATHOLOGIQUE
1) Macroscopie
Le CP siège au niveau de la tête du pancréas dans 75 % des cas, au niveau du corps et de la
queue dans 20 % et il est diffus dans 5 % des cas.
Dans la forme squirrheuse, la lésion est mal limitée et indurée, blanc-jaunâtre et peut
présenter des calcifications. Dans la forme encéphaloïde (plus rare), la lésion est molle,
friable, grisâtre. Des remaniements nécrotiques et hémorragiques, plus ou moins importants
peuvent être présents. L’aspect kystique est rare, mais mérite d’être connu (risque d’erreur
diagnostique). Des lésions de pancréatite d’amont peuvent accompagner l’obstacle tumoral.
2) Histologie
La classification histologique de l’OMS est la plus utilisée. Elle repose sur l’aspect
architectural et cytologique de la tumeur.
a) Adénocarcinome
Les tumeurs épithéliales malignes les plus fréquentes sont les adénocarcinomes développés à
partir des canaux pancréatiques. Elles réalisent différents types histologiques :
- adénocarcinomes habituels, ductulaires, papillaires ou tubulo-acineux
- adénocarcinomes mucineux caractérisés par une grande quantité de mucus extra-cellulaire
- adénocarcinomes à cellules en bague à châton
- cystadénocarcinomes muco-sécrétants, rares, de meilleur pronostic que les précédents
avec une survie à 5 ans voisine ou supérieure à 50 %.
b) Les autres tumeurs sont très rares :
carcinomes indifférenciés, carcinomes adénosquameux, carcinomes épidermoïdes et
carcinomes à cellules acineuses.
A noter enfin les cas exceptionnels de cystadénocarcinomes séreux (qui ont remis en cause la
notion de bénignité des cystadénomes séreux) et enfin le cystadénocarcinome acineux qui
correspond à la forme kystique multi-loculaire du carcinome acineux ou à cellules acineuses.
3) Classification TNM
La classification TNM retient les stades suivants :TIS : carcinome in situ, T1 : tumeur limitée
au pancréas inférieure ou égale à 2 cm, T2 : tumeur limitée au pancréas supérieure à 2 cm,
T3 : tumeur étendue à l’un des organes suivants : duodénum, cholédoque, tissu péri-
pancréatique, T4 : tumeur étendue à l’une des structures suivantes : estomac, rate, colon, gros
Faculté de Médecine ULP Strasbourg Année 2002
222
vaisseaux (veine porte, tronc coeliaque, artère mésentérique supérieure, artère hépatique) ;
l’envahissement lymphatique : N0 : pas d’envahissement lymphatique, N1 : envahissement
des relais lymphatiques régionaux, N1a : métastases dans un seul ganglion lymphatique,
N1b : métastases dans plusieurs relais ganglionnaires régionaux ; les métastases : M0 : pas de
métastase à distance , M1 : métastases à distance (foie, péritoine...).
Les auteurs japonais ont affiné la classification TNM en numérotant les relais ganglionnaires
(1 à 18) susceptibles d’être envahis.
Plus récemment, l’envahissement des gaines péri-nerveuses a également été codifié.
III DIAGNOSTIC CLINIQUE
Le CP ne se manifeste que tardivement au stade d’envahissement des organes de voisinage.
De plus, aucun de ces signes cliniques n’est spécifique. Ceci explique la difficulté d’un
diagnostic précoce.
1) Circonstances révélatrices
a) Formes habituelles
La douleur est le signe révélateur le plus fréquent. Elle est présente initialement dans plus de
la moitié des cas. Son siège varie selon la localisation du cancer : hypochondre droit dans le
cancer céphalique, hypochondre gauche dans le cancer de la queue, épigastre dans le cancer
corporéal. En fait, il n’y a pas de corrélation anatomoclinique absolue. La douleur est de type
solaire, transfixiante, favorisée par le décubitus, insomniante, devenant rapidement
térébrante. Elle est parfois calmée par la position genu pectorale ou le décubitus ventral et par
l’aspirine. Sa signification est péjorative car elle témoigne le plus souvent d’un envahissement
des plexus nerveux de la région cœliaque.
L’ictère est caractéristique du CP céphalique. Il peut être nu, sans signe d’accompagnement,
ou associé à des douleurs. Il peut être tardif quant il témoigne d’un envahissement massif de
la tête ou de l’existence d’adénopathies ou de métastases hépatiques ou précoce quant il
révèle un cancer développé à proximité de la papille ou au contact du cholédoque rétro-
pancréatique. Dans ce cas, un diagnostic précoce est possible et l’exérèse chirurgicale a plus
de chance d’être curative. Dans tous les cas, l’ictère est de type cholestatique (selles
décolorées, urines foncées). Il est d’intensité progressivement croissante, évolue sans phase de
rémission. Il s’accompagne d’un prurit qui peut le précéder et qui s’intensifie progressivement
pour devenir très intense et invalidant.
Une tumeur palpable est observée dans 10 à 30 % des cas et à un stade avancé. Elle est le plus
souvent profonde, dure, mal limitée, de siège épigastrique.
L’altération de l’état général (asthénie, anorexie et surtout amaigrissement) est quasi-
constante. L’amaigrissement peut être rapide et massif (perte de 5 à 10 kg en 1 mois).
b) Formes atypiques
Les formes digestives réalisent des tableaux variés : diarrhée motrice, entéropathie exsudative,
hémorragie, sténose duodénale, ascite, angiocholite, syndrome de malabsorption.
Faculté de Médecine ULP Strasbourg Année 2002
223
Les formes pseudo-rhumatologiques entraînent des douleurs dorsales postérieures,
insomniantes et aggravées par la toux. Elles inquiètent par leur persistance et surtout par leur
intensité. Il n’est pas rare de voir des malades initialement vus en service de rhumatologie.
Une fièvre isolée au long cours peut également constituer la seule manifestation d’un cancer
du pancréas.
L’apparition d’une hyperglycémie chez un malade auparavant bien portant ou l’aggravation
brutale d’un diabète jusqu’alors bien équilibré doit faire craindre la survenue d’un CP.
Une anémie inflammatoire, de même qu’une hyperleucocytose, une éosinophilie, une
thrombocytémie, une coagulation intra-vasculaire disséminée (en rapport avec des métastases
médullaires) ou des thrombophlébites des membres inférieurs (typiquement superficielles, peu
inflammatoires, migratrices et récidivantes, à bascule intéressant successivement les 2
membres inférieurs) peuvent être révélatrices.
L’épanchement pleural à activité amylasique élevée et la cytostéatonécrose cutanée restent
plus exceptionnels.
c) Formes métastatiques
Les métastases peuvent être révélatrices d’un CP. Elles se développent surtout au niveau du
foie et du péritoine. Le poumon est l’organe extra-abdominal le plus souvent atteint. La
propagation se fait ensuite vers les ganglions médiastinaux sus-claviculaires et cervicaux.
2) Examen physique
L’ictère est en général intense, cutanéo-muqueux, avec urines foncées et selles décolorées. Il
peut être plus discret uniquement conjonctival. Le foie est augmenté de volume, régulier (foie
de cholestase) ou dur et nodulaire (métastases). La découverte d’une grosse vésicule tendue et
indolore a une bonne valeur diagnostique (loi de Courvoisier-Terrier) par opposition aux
ictères lithiasiques s’accompagnant le plus souvent d’une vésicule lithiasique scléro-
atrophique.
La recherche d’adénopathies en particulier sus-claviculaires, d’une ascite et d’une carcinose
péritonéale au toucher rectal doit être systématique.
IV LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES
1) Biologie
a) Bilan standard
Aucun test biologique n’est spécifique du CP. Le cancer de la tête s’accompagne souvent
d’un syndrome biologique de cholestase. Un syndrome inflammatoire accompagne parfois les
formes fébriles. Un diabète non insulino-dépendant est présent chez 1/3 des malades.
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !