VI CONFÉRENCE DE CONSENSUS EN MÉDECINE D’URGENCE
PRISE EN CHARGE DES MALAISES
AU SERVICE D’ACCUEIL ET D’URGENCE
Introduction
Le malaise est un motif de recours fréquent dans les services d’accueil et d’urgences (SAU), (près de 10 p. 100
des patients). Prendre en charge un malaise est un exercice quotidien en médecine d’urgence, qui présente
cependant un risque d’erreurs important en raison de plusieurs difficultés.
La première difficulté est liée aux nombreuses situations recouvertes par le terme de malaise ». Le cadre restrictif
des syncopes est plus fréquemment étudié dans la littérature, mais limiter la réflexion aux syncopes est peu opérant.
C’est en effet aux « malaises» qu’est confronté le médecin aux urgences, et la démarche s’effectue à partir de ce
motif de recours apparent et vague.
La deuxième difficulté est liée à l’appréciation de la gravité. Il peut être difficile de repérer certains patients ayant
une pathologie grave, mettant en jeu le pronostic vital, parmi une majorité de patients sans gravité.
La difficulté est donc double, banaliser le < malaise» et méconnaître un diagnostic grave ou dramatiser ce risque
et réaliser une prise en charge systématique trop lourde. Ceci explique la diversité considérable des procédures de
prise en charge. Cette diversité est patente dans l’enquête prospective, incluant 270 patients dans dix services. Elle
confirme la nécessité de préciser le cadre nosologique des malaises et, dans ce cadre, de proposer des
recommandations.
La Société Francophone des Urgences Médicales a organisé une Conférence de Consensus le 26 avril 1996 à
Grenoble et a demandé au jury de répondre aux cinq questions suivantes:
1 - Les « malaises », quelles situations pathologiques peut-on regrouper sous ce terme ? La perte de connaissance
est-elle un cadre nosologique particulier?
2 - Quelles sont les données importantes de l’interrogatoire et de l’examen clinique ? Quels sont les critères de
gravité immédiate?
3 - Quelle est la place des examens complémentaires dans la stratégie diagnostique étiologique ? Le bénéfice des
investigations complémentaires est-il évalué?
4 - Quelle orientation doit être prévue / hospitalisation, sortie, consultations secondaires, dans quelles conditions?
5 - Quel est le rôle infirmier lors de la prise en charge des malaises au SAU?
Question 1. Les « malaises»:
quelles situations pathologiques peut-on regrouper sous ce terme?
La perte de connaissance est-elle
un cadre nosologique particulier?
Le terme de «malaise» est très imprécis mais largement utilisé. Il représente, parmi les admissions en urgence, un
motif
de recours apparent
et fréquent (entre 3 et 10 p. 100 selon les études).
Au sens le plus général, le «malaise» désigne une situation pathologique aiguë perçue par le malade ou par
l’entourage comme une modification de son état antérieur. Il y a un accompagnement habituel, mais non
obligatoire, par un trouble de la vigilance avec ou sans hypotonie et/ou chute. Lorsque le malade est admis, la
symptomatologie a été habituellement résolutive mais peut persister. Ce cadre n’est pas opérationnel et doit être
restreint.
On entend par malaise, de façon restrictive, un épisode aigu, régressif, qui est caractérisé par un trouble de
conscience ou de vigilance (perte de connaissance brève ou lipothymie), avec ou sans une hypotonie qui peut être
responsable de chute. Le retour à l’état antérieur est spontané, rapide ou progressif
Il n’y a pas lieu d’isoler la perte de connaissance dans un cadre nosologique particulier. Elle n’a en effet pas de
spécificité étiologique et n’implique pas en soi de gravité particulière.
On regroupe dans ce cadre les termes habituels de
syncope,
lipothymie,
perte de connaissance brève.
C’est dans ce cadre restrictif que les recommandations sont émises.
Cette restriction de définition par rapport au motif de recours apparent impose d’éliminer (fig. 1):
les états pathologiques où l’apparition est progressive (plusieurs heures);
Fig. 1.
C
a
d
re noso
l
og
i
que
d
es
malaises
Initial evaluation of fainting or
swoonin
g
les états pathologiques où les symptômes ne sont pas résolutifs mais persistants. L’interrogatoire et
l’examen clinique permettent alors d’identifier des situations pathologiques définies guidant la conduite pratique.
Ainsi en est-il des douleurs thoraciques ou abdominales aiguës, des dyspnées, des troubles de
vigilance persistants, des états neurologiques déficitaires, des états infectieux, des manifestations allergiques, des
crises d’angoisse. de dépression ou de délire. Ces situations peuvent cependant s'accompagner de pertes de
connaissance qui constituent alors un facteur de gravité
les états pathologiques aigus. régressifs. n’ayant pas comporté de trouble de vigilance, d’hypotonie ou de
chute mais d’autres symptômes posent un problème diagnostique plus difficile. Ils sont souvent adressés pour
«malaise». Ces signes doivent guider les investigations (Tabl. 1). Ces « pseudomalaises» ne font pas partie du cadre
nosologique que nous avons défini.
Au total
Une réponse positive aux trois questions suivantes permet d’individualiser les malaises tels que nous les avons
définis
Y a-t-il eu trouble de conscience ou de vigilance?
Le début a-t-il été aigu?
Les troubles ont-ils été régressifs ?
Question 2. Quelles sont les données importantes de l’interrogatoire
et de l’examen clinique?
Quels sont les critères de gravité
immédiate?
L’interrogatoire
L’interrogatoire est un élément capital du diagnostic. Il s’adresse au malade, à l’entourage, au médecin traitant,
aux accompagnants et aux témoins, au besoin par téléphone. Il convient de rechercher et de consulter un éventuel
dossier hospitalier antérieur.
Quelles questions à poser?
L’âge du patient
Il oriente le raisonnement étiologique.
Souvent, chez la personne âgée, la notion de malaise n’est pas dissociable de la notion de chute. L’appréciation
du retour à la normale est difficile si l’état antérieur est inconnu.
Les antécédents et facteurs de comorbidité
Les facteurs personnels
On recherche la notion de malaise antérieur avec ou sans perte de connaissance, une pathologie associée et
évolutive ou l’existence d’une pathologie antérieure cardiovasculaire, neurologique, psychologique, métabolique ou
autre.
Une étude minutieuse du traitement pris par le patient, y compris par automédication, est entreprise et
particulièrement les médicaments cardiovasculaires, neuropsychotropes et anti-diabétiques.
Tableau I
Manifestations paroxystiques sans trouble de conscience:
"pseudo-malaise”
Acute clinical signs without loss of consciousness. Differential diagnosis
Symptomatologie aiguë Etiologies à évoquer~
Céphalées aiguës
-Migraines (commune et
basilaire)
Intoxication CO
Epistaxis méningée
HTA maligne
- Phéochromocytome
Déficit neurologique
transitoire
- Paresthésies
- Déficit moteur
-Troubles visuels
-Troubles du langage
-Trouble mnésique
-Accident ischémique transitoire
- Migraines
- Ictus amnésique
Palpitations Troubles du rythme cardiaque
Dyspnée aiguë - Pneumothorax
- Embolie pulmonaire
- Pleuropneumopathie
Fièvre, marbrures Bactériémie, état septique
Douleurs thoraciques - Insuffisance coronarienne
- Embolie pulmonaire
- Pathologie aortique
(dissection ou anévrisme)
Douleurs abdominales Pathologies digestives aiguës
(perforation d’un organe creux,
embolie...) et/ou cardiaques
et/ou pelviennes (GEU...)
Asthénie aiguë - Hémorragie interne (digestive
ou gynécologique)
- Hypovolémie (intoxication
alimentaire, gastro-entérite...)
Vertiges vrais - Pathologie ORL
- Insuffisance vertébro-basilaire
Modification des
téguments
- Pâleur
- Rougeur
- Cyanose
- Erythème, prurit,
oedéme
- Anémie
- Flush (carcinoide,
phéochromocytome...)
- Hypoxie
- Allergie
Troubles
psychiatriques aigus - Toxiques
- Médicaments
- Causes métaboliques
(hypoglycémie)
- Porphyries
Liste non exhaustive.
La notion de sevrage ou de modification thérapeutique récente est très importante. Il faut y associer la recherche
de prise de toxiques ou de stupéfiants.
Les facteurs familiaux
Leur importance et leur analyse est fonction du contexte de survenue du malaise
- Les circonstances de survenue
Les prodromes
Leur recherche doit être systématique. Les prodromes les plus fréquemment retrouvés sont des palpitations, une
sensation de chaleur, des sueurs, un état vertigineux, des troubles visuels et auditifs.
Les circonstances physiologiques de survenue
La position du patient au cours du malaise est
recherchée de même que la notion d’un changement de position, tout particulièrement le passage de clinostatisme
en orthostatisme.
Le délai de survenue par rapport au repas permet d’évoquer, s’il est à distance, une hypoglycémie chez les
diabétiques. En fin de repas le malaise chez une personne âgée est plutôt de type vaso-vagal.
Les malaises vaso-vagaux peuvent être envisagés dans les situations suivantes: confinement, station debout
prolongée, émotion. Un même mécanisme est impliqué dans les malaises survenant au cours d’une douleur aiguë
dont l’étiologie ne peut être retenue comme cause directe du malaise.
On en rapproche les malaises survenus au cours des quintes de toux, des fausses routes, des efforts de défécation
ou de miction en particulier nocturnes.
Des malaises survenant au cours d’un rasage, d’une compression cervicale, de mouvements de la tête ou du cou
témoignent d’une hyperexcitabilité du sinus carotidien.
L’insomnie, le sevrage éthylique ou médicamenteux (anti-épileptiques, benzodiazépines), une stimulation
lumineuse intermittente sont des situations favorisantes des crises convulsives.
La survenue d’un malaise à l’acmé d’un effort doit faire redouter une étiologie cardiaque ; par contre sa survenue
à l’arrêt de l’effort en particulier chez le sujet jeune est évocatrice d’une hypertonie vagale.
Les circonstances environnementales
Il convient de s’assurer de l’absence ou de la présence d’une source potentielle de monoxyde de carbone surtout
lorsqu’il y a confinement: chauffage, chauffe-eau, véhicule en marche dans un garage...
On ne peut exclure la possibilité d’intoxication oxycarbonée lorsque le malaise est survenu rapidement après la
sortie du lieu de confinement. Le diagnostic est également à évoquer d’emblée en cas de malaises collectifs.
La notion d’événements psychologiques doit être cherchée en particulier toute cause de stress, source de malaise
d’ordre psychique sur terrain prédisposé.
Les signes d’accompagnement des malaises
Une notion très importante concerne l’évaluation de la réalité et de la durée de la perte de connaissance. Elle est
parfois difficile à faire préciser par le patient ou à estimer par l’intermédiaire des témoins.
L’interrogatoire des témoins peut permettre de préciser la couleur du visage au moment du malaise (pâleur,
cyanose, rubéfaction) la description de mouvements anormaux, la notion d’une prise initiale du pouls, ainsi que
l’existence de manifestations respiratoires.
La recherche de toute symptomatologie fonctionnelle, même fugace, et associée au malaise est capitale. La nature
de ces signes est très variable (dyspnée, douleurs thoraciques ou abdominales, céphalées...).
Les crises comitiales partielles peuvent avoir une sémiologie riche, polymorphe et trompeuse, notamment des
crises partielles complexes à sémiologie psychique. C’est essentiellement le caractère stéréotypé du déroulement
d’un malaise récidivant qui est le caractère le plus évocateur.
L’évolution du malaise
L’interrogatoire apprécie la rapidité de la récupération, sa qualité, l’existence d’un état confusionnel post-critique
et éventuellement d’un syndrome déficitaire transitoire observé par l’entourage.
On précise le délai de recoloration après reprise de la conscience, la notion de palpitations, de douleurs
thoraciques post-critiques.
Au total
Les données de cet interrogatoire permettent un diagnostic dans au moins 50 p. 100 des cas, c’est pourquoi il se
doit d’être précis.
L’absence de donnée anamnestique fiable et de témoin doit faire explorer ce malaise comme étant a priori
organique et potentiellement grave.
Un exemple de fiche d’interrogatoire d’un patient ayant présenté un malaise est proposé dans le tableau II.
1 / 15 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !