dans le quel mon pied avait décuplé de volume et l'écrasait contre le mur; disant cela, il
ne semble pas soulagé par la dimension métaphorique de son discours et colle sa
chaise contre la paroi la plus éloignée de la pièce. Il semble même étouffer et ouvre la
fenêtre, ce qui ne laisserait pas de m'inquiéter s'il n'était accueilli par les cloches de
l'église voisine qui intrusent ses oreilles et le poussent à refermer.
- Un équivalent psychotique du compagnon imaginaire de l'enfant. Une séance le patient
reste silencieux; je m'enquiers au bout de quelques minutes de ses associations muettes et il me
réponds d'un ton fâché: "Je n'ai plus rien à vous dire, puisque je vous ai déjà tout dit. Vous êtes
au courant de tout, vous êtes toujours avec moi dans ma voiture, je vous emmène partout et je
vous ai parlé aujourd'hui tout le long du chemin." Lorsque je lui dis qu'il m'emmène peut être
avec lui mais que je ne suis pas là pour l'entendre, il semble plus en colère encore, mais
commence à associer à partir des éléments suivants:
- La demande inversée. "Rien ne change" (...) "S'il faut je ne vais bientôt plus avoir de
voiture" (...) "Des gens sont entrés dans ma maison, ont fouillé mon portefeuille et ont tout remis
exactement en place" (...) "Ma voiture ne démarrait plus, j'ai eu très très peur" (...) "Ils voulaient
m'empêcher de venir vous voir" (...) "Le mécanicien était bizarre, j'ai pensé qu'il allait
immobiliser la voiture des semaines. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent" (...) "Vous êtes trop loin
pour que je vienne à pieds" (...) "Je n'en peux plus".
Nous lui disons au bout d'un long moment qu'il n'a pas besoin de perdre son argent
et sa voiture pour dire qu'il se demande s'il va continuer son travail avec nous. Le
patient sourit et nous répond qu'en effet il ne peut plus supporter de n'avoir qu'une
séance par semaine, que c'est beaucoup trop long d'attendre entre les rendez-vous.
111/ COMMENTAIRE THEORIQUE:
Nous avons concentré nos exemples cliniques autour de faits dans lesquels la place de la
dépression apparaît 'en creux' derrière une organisation défensive qui la masque, ceci afin de
nous placer dans les cas de figures les plus courants. Nous aurions pu aussi citer des exemples
lors desquels l'affect dépressif se manifeste directement par des larmes ou de l'abattement, mais
il aurait été alors question à chaque fois de transformations de l'affect initial vécu dans la séance
sous l'effet d'une verbalisation de ma part. La présence latente préalable de l'émotion aurait dû en
être inférée, avec la question des affects inconscients dont l'existence posent tellement de
problèmes théoriques (S. Freud, 1915). Le matériel recueilli nous semble pour sa part révéler le
fonctionnement courant de la psychose eu égard à la position dépressive, c'est-à-dire pour W.
Bion (1955) l'attaque de la pensée verbale en tant que représentant de l'objet perdu selon des
modalités qu'il répertorie dans l'article précité.
Nous souhaitons attirer l'attention sur une façon d'appréhender les choses qui concorde avec
les idées de Freud (1915) sur le retournement en son contraire
comme précurseur du refoulement - "les destins des pulsions que sont le retournement sur le moi
propre et le renversement de l'activité en passivité, sont dépendant de l'organisation narcissique
du moi et portent sur eux le sceau de cette phase. Ils correspondent peut-être aux tentatives de
défense, qui à des stades ultérieurs de développement du moi, sont exécutées par d'autres
moyens" (1915, p°177); "(avant le refoulement, ce sont) la transformation dans le contraire et le
retournement sur la personne propre qui maîtrisent la tache de défense contre les motions
pulsionnelles" (1915, p°190). Les individus évoqués plus haut nous semblent
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