Des taux de prescription de médicaments psychotropes plus élevés

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Des taux de prescription de médicaments psychotropes plus élevés
chez les patients atteints de cancer qu’en population générale :
l’étude VICAN
Auteurs
Objectif
Pierre Verger1,2,3, Sébastien Cortaredona1,2,3, Dominique Rey1,2,3, Marc-Karim
Bendiane1,2,3, Marie Tournier4,5,6, Hélène Verdoux4,5,6, Patrick Peretti-Watel1,2
Comparer les prévalences de prescriptions ponctuelles ou chroniques de médicaments
psychotropes (anxiolytiques, hypnotiques, et antidépresseurs) observés dans un échantillon
de personnes ayant survécu à un cancer (enquête VICAN) à ceux observés chez des personnes
sans cancer issues de l’échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB).
1 INSERM, UMR912 (SESSTIM), 13006, Marseille, France
2 Aix Marseille Université, UMR_S912, IRD, 13006, Marseille, France
3 ORS PACA, Observatoire Régional de la Santé Provence-Alpes-Côte d'Azur, 13006, Marseille, France
4 Univ. Bordeaux, U657, F-33000 Bordeaux, France
5 INSERM, U657, F-33000 Bordeaux, France
6 Centre Hospitalier Charles Perrens, F-33000 Bordeaux, France
Problématique
Les personnes avec un cancer présentent souvent une souffrance psychique (1-5) qui peut être
étroitement liée à la peur et à l’incertitude engendrées par la maladie, à son évolution (douleur non
contrôlée, limitations fonctionnelles, phase terminale,…), à son traitement (effets secondaires…)
et au manque de soutien social et aux antécédents psychiatriques. Des troubles psychiatriques
peuvent affecter jusqu’à 50 % des patients avec un cancer : les plus fréquemment rencontrés sont
les troubles anxieux, la dépression majeure et les troubles de l’ajustement (6-8).
La dynamique des prescriptions de médicaments psychotropes avant et après le diagnostic de
cancer a très peu été étudiée. L’enquête VICAN réalisée en 2012-13 en France, à la demande et
avec le soutien de l’INCa, offre l’opportunité de documenter la prévalence des prescriptions de
médicaments psychotropes à partir des données du SNIIRAM sur une période de 3 ans dans un
échantillon national de personnes adultes souffrant de différents types de cancers.
Matériel et méthodes
• Étude épidémiologique observationnelle, se déroulant en France métropolitaine
et comparant deux cohortes :
- Cas (personnes avec un cancer) : ensemble des patients échantillonnés dans le cadre
de l’enquête VICAN et affiliées au régime général
- Témoins (personnes sans cancer) : sélectionnées dans l’EGB parmi celles affiliées
au régime général
• Cohortes appariées par scores de propension (PSM: Propensity Score Matching).
• Scores de propension construits à partir des variables suivantes : âge au diagnostic, sexe,
prescription de médicaments psychotropes et score de maladie chronique entre 6 et 12 mois
avant le diagnostic de cancer.
• Prescriptions de psychotropes étudiées sur trois ans : un an avant la date de diagnostic
de cancer du cas et les deux années consécutives.
• Pour chaque classe de psychotrope (anxiolytiques-hypnotiques regroupés en raison de la
similarité des motifs de leur prescription en médecine de ville, antidépresseurs), trois variables
ont été étudiées :
- prévalence annuelle : au moins 1 délivrance sur 12 mois
- prévalence ponctuelle : au moins 1 délivrance sur 3 mois
- prévalence chronique : au moins 4 délivrances sur 6 mois
• Comparaisons des taux de prévalence entre les deux groupes par des tests de McNemar puis
des modèles multivariés log-binomiaux conditionnels, ajustés sur les variables d’appariement.
Résultats
Anxiolytiques/hypnotiques :
• Le risque relatif de prescriptions ponctuelles chez les patients avec un cancer comparativement
à celles sans cancer atteint un pic durant les trois mois suivant le diagnostic de cancer
(RR=2.2; IC95% = 2.1-2.4), ce pic correspondant à de nouvelles prescriptions qui ne sont pas
toutes renouvelées ensuite.
• Le risque relatif diminue progressivement pour se stabiliser autour de la valeur 1.5 (p<0.05)
jusqu’à la fin de la période de suivi.
Prescriptions ponctuelles d’antidépresseurs
2,5
Risque rtelatif ajusté
Risque relatif ajusté
Année précédant
le diagnostic de cancer (%)
2
2
1,5
1
0,5
Patients
avec
cancer
1,5
1
0,5
-12 -9
-6
-3
0
3
6
9
12
15
18
21
0
24
-12
-6
mois depuis le diagnostic
0
6
12
18
24
mois depuis le diagnostic
Prescriptions ponctuelles d’anxiolytiques/hypnotiques
2,5
Prescriptions chroniques d’anxiolytiques/hypnotiques
2,5
Risque relatif ajusté
2
Risque relatif ajusté
• Une augmentation progressive est observée tout au long du suivi, sans pic initial.
• Le risque relatif de prescriptions ponctuelles augmente progressivement pour atteindre
un maximum 12 mois après le diagnostic de cancer (RR = 1,5 ; IC95% = 1,4 - 1,7).
• Le risque relatif se stabilise autour de cette valeur jusqu’à la fin du suivi.
Prévalences annuelles des prescriptions de médicaments psychotropes chez les patients
avec cancer et les personnes sans cancer (8 528 patients appariés à 8 528 personnes)
Prescriptions chroniques d’antidépresseurs
2,5
0
Antidépresseurs :
1,5
2
1,5
1
1
0,5
0,5
0
0
-12 -9
-6
-3
0
3
6
9
12
mois depuis le diagnostic
15
18
21
24
-12
-6
0
6
12
18
24
mois depuis le diagnostic
Conclusion
• La période qui entoure le diagnostic de cancer est cruciale du point de vu des prescriptions
de médicaments psychotropes.
• Il est important de procéder au dépistage de la détresse psychologique et des troubles
psychiatriques dès la période de diagnostic de cancer.
• L’excès de prescriptions chroniques d’anxiolytiques-hypnotiques et de prescriptions courtes
d’antidépresseurs, chez les patients avec un cancer par rapport aux personnes sans cancer
pose la question l’adéquation de ces traitements aux recommandations de bonnes pratiques
et aux besoins des patients.
Personnes
sans
cancer
Deuxième année suivant
Année suivant
le diagnostic de cancer (%) le diagnostic de cancer (%)
Patients
avec
cancer
Personnes
sans
cancer
Patients
avec
cancer
Personnes
sans
cancer
Tous psychotropes
32.3
26.3
52.6
26.5
40.6
25.9
Anxiolytiques/hypnotiques
27.6
21.3
47.4
21.5
34.4
20.7
Antidépresseurs
12.9
11.8
20.2
12.1
18.9
11.7
Toutes les différences entre les patients avec cancer et les personnes sans cancer sont significatives (p<0.0001).
Références
1. Banks E, Byles JE, Gibson RE, et al. Is psychological distress in people living with cancer related to the
fact of diagnosis, current treatment or level of disability? Findings from a large Australian study. Med J
Aust. 2010;193:S62-7.
2. Grassi L, Travado L, Moncayo FL, et al. Psychosocial morbidity and its correlates in cancer patients of
the Mediterranean area: findings from the Southern European Psycho-Oncology Study. J Affect Disord.
2004;83:243-8.
3. Jacobsen PB, Donovan KA, Trask PC, et al. Screening for psychologic distress in ambulatory cancer
patients. Cancer. 2005;103:1494-502.
4. Strong V, Waters R, Hibberd C, et al. Emotional distress in cancer patients: the Edinburgh Cancer
Centre symptom study. Br J Cancer. 2007;96:868-74.
5. Tavoli A, Mohagheghi MA, Montazeri A, et al. Anxiety and depression in patients with
gastrointestinal cancer: does knowledge of cancer diagnosis matter? BMC Gastroenterol. 2007;7:28.
6. Ng CG, Boks MP, Smeets HM, et al. Prescription patterns for psychotropic drugs in cancer patients; a
large population study in the Netherlands. Psychooncology. 2013;22:762-7.
7. Massie MJ. Prevalence of depression in patients with cancer. J Natl Cancer Inst Monogr. 2004:57-71.
8. Sharpe M, Strong V, Allen K, et al. Major depression in outpatients attending a regional cancer
centre: screening and unmet treatment needs. Br J Cancer. 2004;90:314-20.
Remerciements
Tous les membres du Groupe VICAN :
Thomas APARICIO, Emmanuel BABIN, François BECK, Robert BENAMOUZIG, Marc-Karim BEN DIANE, Cyril BERENGER, Dominique BESSETTE,
Anne-Déborah BOUHNIK, Philippe-Jean BOUSQUET, Marie-Claude CABANEL-GICQUEL, Marianick CAVALLINI-LAMBERT, Michèle CHANTRY,
Claire CHAUVET, Sébastien CORTAREDONA, Véronique DANGUY, Michel DORVAL, Jean-Baptiste HERBET, Laetitia HUIART, Xavier JOUTARD,
Anne-Gaëlle LE CORROLLER-SORIANO, Julien MANCINI, Mégane MERESSE, Jean-François MORERE, Herman NABI, Alain PARAPONARIS, Patrick
PERETTI-WATEL, Marie PREAU, Christel PROTIERE, Frédérique RETORNAZE, Dominique REY, Benoit RIANDEY, Luis SAGAON-TEYSSIER, Aurélia
TISON, Valérie SEROR, Archana SINGH-MANOUX, Catherine THIEBLEMONT, Pierre VERGER.
L’enquête VICAN a été menée avec le concours de la CNAMTS, de la MSA et du RSI. Elle a été réalisée dans le cadre d’un contrat de recherche
et développement entre l’INCa et l’INSERM. Cette étude a été financée par la Cancéropôle Paca
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