Efficacité de l'interleukine-2 en association dans la restauration immune Revue critique de l'actualité scientifique internationale sur le VIH et les virus des hépatites n°75 - juin 1999 VIH - CYTOKINES Efficacité de l'interleukine-2 en association dans la restauration immune Guido Poli San Raffaele Scientific Institut (Milan) Comparison of subcutaneous and intravenous interleukin-2 in asymptomatic HIV-1 infection: a randomized controlled trial Lévy Y., Capitant C., Houhou S., Carrière I., Viard J.-P., Goujard C., Gastaut J.A., Oksenhendler E., Boumsell L., Gomard E., Rabian C., Weiss L., Guillet J.-G., Delfraissy J.F., Aboulker J.P., Seligmann http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/75_1090.htm (1 sur 5) [23/06/2003 11:36:29] Efficacité de l'interleukine-2 en association dans la restauration immune M. and the ANRS 048 study group The Lancet, 1999, 353, 1923-1929 Une étude française ouvre clairement la voix aux combinaisons thérapeutiques associant antirétroviraux, IL-2 et vaccinothérapie spécifique. Sans doute dans la perspective de tester le concept de « fenêtre thérapeutique ». Le recombinant interleukine-2 (IL-2) va bientôt être testé à large échelle dans des essais cliniques de phase III tels que SILCAAT pour son efficacité dans la protection des individus vis-à-vis des conséquences ultimes de l'infection à VIH : infections opportunistes, tumeurs ou décès. Cette considération est renforcée par la récente étude coordonnée par Yves Lévy et publiée dans le Lancet. Quatre-vingt-quatorze personnes infectées par le VIH, naïves de tout traitement antirétroviral, dont le nombre de cellules T CD4+ était compris entre 250 et 550 cellules/mm3, ont été randomisées dans trois bras contenant de l'IL-2 plus une combinaison de 2 inhibiteurs de la transcriptase inverse (AZT+ddI) et un bras contrôle recevant le traitement antirétroviral seul (n=26). L'IL-2 était injecté soit par voie intraveineuse en continu (n=22), infusant 12 millions d'unités internationales par jour (MUI) -voie classique d'administration de cette cytokine décrite initialement par Kovacs et coll. (1)-, soit par voie souscutanée (à la dose de 3 MIU/m2 deux fois par jour [n=24]), soit sous une forme à diffusion lente, le polyéthylèneglycol (PEG)/IL-2, donné par voie intraveineuse par bolus (n=22) à la dose de 2 MIU/m2. Tous ces patients ont reçu de l'IL-2 pendant 5 jours tous les 2 mois (1 cycle) pour un total de 7 cycles sur un suivi de 50 semaines. Les résultats de l'étude sont précis et très utiles pour une utilisation future de l'IL-2 dans un contexte plus large. La voie sous-cutanée d'administration de l'IL-2 a montré des http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/75_1090.htm (2 sur 5) [23/06/2003 11:36:29] Efficacité de l'interleukine-2 en association dans la restauration immune résultats quasi-identiques à ceux de la perfusion continue, mais avec une toxicité réduite; de façon assez surprenante, le PEG/IL-2 n'a pas montré d'effets synergiques ou s'additionnant avec les antirétroviraux, par rapport au témoin, avec comme seule exception une augmentation de l'expression des CD25 (récepteurs de l'IL-2) sur les cellules T CD4+ pour les trois groupes de patients traités à l'IL-2. Ces résultats confirment et complètent ceux précédemment obtenus, qui indiquaient que le caractère intermittent de l'administration de cette cytokine est une composante importante de l'expansion par l'IL-2 des lymphocytes T CD4+ chez les personnes infectées par le VIH. Un autre résultat important de l'étude concerne l'absence d’impact de l’IL-2 sur la charge virale plasmatique, qui est réduite de plus d'un log en réponse au traitement antirétroviral, dans tous les bras de l'essai; approximativement 50% des individus de chaque bras ont une virémie plasmatique réduite à moins de 500 copies d’ARN par ml. On peut cependant regretter l’absence d'informations sur les données au-dessous de cette limite de détection. Une augmentation modérée de l’ARN viral plasmatique a été retrouvée pour environ 5% des cycles d'IL2 chez 12 des 68 individus recevant la cytokine, ce qui correspond aux résultats originaux de Kovacs rapportant un pic de virémie transitoire fréquent après le cycle de perfusion (1). Ces modestes perturbations du statut virologique peuvent ne pas être observées chez les personnes recevant une thérapie antirétrovirale très active (HAART) et, par conséquent, elles peuvent refléter une relative inefficacité du régime antiviral adopté ici, et n'incluant pas d'inhibiteur de protéase. Il faut noter que les auteurs ont observé une corrélation positive entre les modifications de la virémie et l'activité des lymphocytes T VIH-cytotoxiques (CTL) (i.e. les CTL tendent à disparaître quand la virémie devient indétectable et vice versa) comme rapporté indépendamment (2), suggérant que l'IL-2 peut également potentialiser la capacité du système immunitaire à reconnaître et, éventuellement, à détruire les cellules infectées si, malgré un traitement antiviral, elles expriment des antigènes viraux. La capacité de l'IL-2 d'activer l'expression du VIH in vivo, qui a entraîné une critique justifiée contre son utilisation à grande http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/75_1090.htm (3 sur 5) [23/06/2003 11:36:29] Efficacité de l'interleukine-2 en association dans la restauration immune échelle en dehors d'essais cliniques stricts, est en train de s'inscrire dans une perpective plus positive. Dans cette optique, des études récentes de Chun et coll. (3) ont montré que l'IL-2 en complément d’une trithérapie efficace au plan virologique (HAART) peut, à la différence de l’HAART seul, induire une diminution significative du nombre de lymphocytes T CD4+ mémoires infectés de façon latente par le VIH. Notre laboratoire a également observé une diminution de la charge virale d'ADN-VIH par administration d'IL-2 en combinaison avec un traitement antirétroviral dans un essai récemment terminé sur 60 patients, essai similaire à celui d'Yves Lévy et coll., mais incluant des personnes ayant déjà reçu des antirétroviraux (G. Vallanti et coll., soumis). Finalement, l'article de Lévy couvre de façon remarquable l'analyse in vitro et in vivo des paramètres immunologiques, incluant les variations dans les cellules T mémoires et naïves, les cellules T, les réponses aux antigènes de rappel, le profil des immunoglobulines après la vaccination contre S. pneumoniae, l'expression de CD38 et CD28 sur les cellules T CD8+ et les réponses lymphoprolifératives aux mitogènes. De plus, tous ces résultats mettent l'accent sur la supériorité d'un traitement intermittent à l'IL-2 (en sous-cutané ou en intraveineux continu) qui potentialise la réponse immune chez les personnes infectées. Il faut cependant souligner que le bras contrôle de cette étude ne bénéficiait pas de HAART, traitement connu pour avoir un impact substantiel sur la restauration immunitaire (4), et que l'effet très net de l'IL-2 peut être surestimé en comparaison avec ceux observés dans notre étude. Enfin, l'analyse des cellules T mémoires/naïves est basée ici sur l'expression du phénotype CD45 (RA vs RO, respectivement) en absence d'analyses particulières de l'expression des CD6 2L (qui marquent les cellules T réellement naïves [4]). En conclusion, cette étude importante souligne que l'addition de combinaisons antirétrovirales —pas nécessairement HAART— avec de l'IL-2 administré par voie sous-cutanée peut être envisagée comme le traitement à long terme de personnes infectées par le VIH. - Guido Poli http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/75_1090.htm (4 sur 5) [23/06/2003 11:36:29] Efficacité de l'interleukine-2 en association dans la restauration immune 1 - Kovacs JA, Baseler M, Dewar RJ et al. " Incresases in CD4+ T lymphocytes with intermittent courses of interleukin-2 in patients with HIV infection. A preliminary study " N Engl J Med, 1995, 332, 567-575 2 - Dalod M, Harzic M, Pellegrin I et al. " Evolution of cytotoxic T lymphocyte responses to HIV-1 in patients with symptomatic primary infection receiving antiretroviral triple therapy " J Infect Dis, 1998, 178, 61-69 3 - Chun T-W, Engel D, Mizell SB et al. " Effect of interleukin-2 on the pool of latently infected, resting CD4+ T cells in HIV-1 infected patients receiving highly active anti-retroviral therapy " Nature Medicine, 1999, 5, 651-65 4 - Autran B, Carcelain G, Li TS et al. " Positive effects of combined antiretroviral therapy on CD4+ T cell homeostasis and function in advanced HIV disease " Science, 1997, 277, 112-116 http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/75_1090.htm (5 sur 5) [23/06/2003 11:36:29]