chapitre.6 - les especes vegetales envahissantes / invasives le long

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6. LES ESPECES VEGETALES ENVAHISSANTES / INVASIVES LE LONG
DE NOS COURS D’EAU
L’une des principales problématiques rencontrées sur les berges des cours d’eau français, et
plus généralement dans le monde, est la présence d’espèces non adaptées et/ou
envahissantes. On peut noter que nous emploierons autant que possible le terme
« envahissant » et non celui d’ « invasif », afin de souligner que ces espèces peuvent être
exogènes mais aussi autochtones et pourtant poser des problèmes le long des cours d’eau
alors qu’ailleurs ces mêmes espèces seront adaptées. Il est largement reconnu que la lutte
préventive est bien plus efficace que la lutte active dans le domaine des plantes
envahissantes. La réalisation de prospection de terrain permet de suivre l’évolution des
distributions des plantes envahissantes et de mettre en place des actions en vue d’enrayer
leur processus d’invasion. Une bonne connaissance de la répartition des espèces permet
également de localiser les nouvelles populations et les sites indemnes de toute invasion à
préserver en l’état. Il est en effet préférable d’éviter l’apparition d’une nouvelle population de
plantes envahissantes plutôt que de devoir les gérer activement lorsqu’elles auront atteint
une taille trop importante.
•
Pourquoi lutter ?
Les espèces envahissantes posent essentiellement deux grands types de problèmes le long
des cours d’eau. Tout d’abord un problème écologique : certaines plantes se développent à
un point tel qu'
elles peuvent entraîner la disparition des espèces indigènes. Elles peuvent
aussi représenter une menace pour les berges (déstabilisation) si ces espèces sont mal
adaptées à ces milieux particuliers. Ce phénomène est d’autant plus important qu’il peut
toucher certains ouvrages comme des ponts ou encore créer des zones dangereuses pour
les promeneurs ou les pêcheurs.
•
Quelles sont les principales espèces rencontrées le long de nos cours
d’eau ?
L'ailante ou faux vernis du Japon (ailanthus altissima)
Cet arbre, aussi appelé faux vernis
du Japon, pouvant mesurer jusqu'
à
30 mètres de hauteur a été importé
en Europe au XVIIIème siècle à des
fins ornementales. On le retrouve
dans les terrains remaniés comme
les bords de route ou les terrains
vagues essentiellement dans le
bassin méditerranéen. Il nuit à la
diversité de la flore en libérant des
toxines dans le sol qui empêchent
les autres essences d'
arbres de
s'
installer.
Ces
toxines
sont
tellement puissantes qu'
elles sont
actuellement testées pour produire
des herbicides naturels.
Figure n° 35 : feuilles très caractéristiques du faux vernis
du Japon
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De plus, l'
ailante a une forte tendance à drageonner (rejets qui partent de la souche et des
racines), ce qui produit un couvert végétal très dense et empêche les autres plantes de
pousser en dessous.
Comment lutter ?
L'
arrachage manuel avec évacuation des résidus peut se réaliser dans le cas d'
individus peu
nombreux et jeunes. En Corse, l’ONF teste des techniques d’encerclage de la tige pour faire
dessécher l'
arbre suivi de coupe. Le taux de réussite est de 90 %. En prévention il est
préconisé de tailler les arbres avant la fructification pour éviter la dissémination par les
graines.
L’érable negundo (acer negundo)
L'
érable negundo, originaire de Chine, se prête très bien à
des projets de remise en valeur des sols car il peut pousser
dans des sols arides et compactés. Cependant, il s'
agit d'
un
arbre agressif, en ce sens qu'
il se reproduit et s'
étend
facilement.
Tous les érables se régénèrent naturellement, au risque de
devenir envahissants.
Comment lutter ?
La coupe de l’arbre n’est pas efficace car cette espèce
« rejette » de souche.
Des études sont en cours pour mieux connaître le
fonctionnement invasif de cette espèce.
Figure n° 36 : érable negundo
Le peuplier (populus sp)
Bien que n’ayant pas un caractère
invasif, il est nécessaire de
souligner que certaines espèces
autochtones,
extrêmement
répandues sur toute la France,
peuvent aussi poser problèmes le
long des cours d’eau. L’exemple le
plus caractéristique est celui du
peuplier.
Depuis longtemps, on a eu
l'
habitude de planter des peupliers
notamment du temps où sa
plantation était subventionnée. En
effet, c'
est un arbre qui se
développe vite et dont le bois sert
dans l'
industrie pour la fabrication
de papier et d'
allumettes.
Figure n° 37 : peupliers
Comme les peupliers ont besoin
d'
humidité, beaucoup ont été plantés
dans des prairies humides ou pour assécher les marais et rentabiliser les terrains de
mauvaise qualité fourragère.
Un grand nombre de ces arbres a aussi été planté sur les berges des cours d'
eau.
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Toutefois, dans ce cas, une autre caractéristique du peuplier devient désavantageuse. Ainsi,
comme le rappelle l’AFOCEL dans son dossier peupliers et eau : « L’enracinement des
peupliers cultivés n’est pas adapté à une stabilisation des berges des cours d’eau. La
plantation de peupliers à proximité immédiate des cours d’eau est donc à éviter (comme le
conseille la circulaire DERF du 11 Septembre 1998), surtout lorsqu’il s’agit de la seule
végétation ligneuse ». En effet, si le peuplier a une croissance rapide, il a relativement peu
de racines. A titre de comparaison, un saule aura environ deux fois plus de racines qu'
un
peuplier de la même taille.
Or, sur les bords de cours d'
eau, le courant érode la berge sous le peuplier et puisqu’il n'
a
pas assez de racines pour freiner l'
érosion et « armer » le sol, la berge se déstabilise. De
plus, le peuplier grandit vite et haut et se retrouve souvent exposé aux vents. Comme il est
fragilisé à sa base, le vent aura moins de mal à le coucher, le déraciner, le rendant ainsi
menaçant pour le cours d’eau, les ouvrages, et les hommes.
Le robinier faux acacia (robinia pseudoacacia)
Comme
le
rappelle
l’Agence
Méditerranéenne
pour
l’Environnement
(AME) : « Le robinier (ou Acacia) fut importé
d'
Amérique du nord en 1632. Il n'
est
naturellement pas présent en Europe ». Il
donne un bois d'
une bonne durabilité et qui
« ne travaille pas ». Il est utilisé comme
piquets de parc ou de vigne, mais aussi
comme traverses de chemin de fer ou pilotis.
C’est aussi une espèce invasive qui
conquiert très rapidement les espaces
disponibles. Cela banalise le paysage en
créant des espaces ou seul cet arbre est
présent. De plus, il enrichit les sols en nitrate.
Ainsi, des espèces comme les orties sont
favorisées sous les robiniers. Les espèces
normalement présentes (érable sycomore,
aulne, frêne ou saule) ne peuvent plus
s'
installer car elles ne sont pas adaptées aux
nouvelles conditions du sol.
Figure n° 38 : robiniers faux acacias
Comment lutter ?
La coupe conduit à des rejets de souche et des drageonnements très actifs.
A préconiser : la coupe (en hiver) suivie d’une coupe des rejets deux fois par an et ce,
pendant plusieurs années. A poursuivre sur les souches encore vigoureuses.
Prévoir aussi un arrachage des jeunes plants.
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Le buddleia de David (buddleja davidii)
Cette plante aussi appelée « arbre aux papillons » ou « lilas d’été », est originaire de Chine.
C’est une plante rustique, vivace, arbustive, à floraison estivale et à feuilles caduques,
réputée pour sa faculté à attirer les papillons. Un pied de buddleia de David produit au bas
mot environ 3 millions de graines. Comme cette plante n'
a pas « d'
ennemi » en France, et
qu'
elle s'
adapte à pratiquement tous les milieux, elle est devenue invasive au point de
prendre la place d'
autres plantes autochtones.
Comment lutter ?
Arrachage des plants et revégétalisation de la zone envahie (il supporte mal l’ombre). Lors
de l’arrachage penser à détruire ou évacuer les rémanents pour éviter les reprises par
boutures. La coupe n’a pour seul effet que de rendre les pieds coupés plus vigoureux. Le
Buddléia semble mal supporter le feu.
Figure n° 39 : buddleia de David
(arbre aux papillons)
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La renouée du Japon (fallopia Japonica)
Comme le souligne Nature et Progrès dans son article de janvier 2005 intitulé « Les plantes
invasives, une menace pour la biodiversité », « La renouée est une herbe qui peut mesurer 3
mètres de haut ! Elle ressemble au bambou mais avec de larges feuilles en cœur. Elle fut
introduite en Europe au 19ème siècle comme plante ornementale. C'
est une plante pionnière
qui a la capacité de conquérir rapidement les terrains nus ou perturbés (tas de gravats,
berges après une crue, talus de voie ferrée, bords de route). Elle se multiplie par rhizomes
ou simplement par des morceaux de tiges. Cette plante nuit à la diversité de la flore. Elle
occupe rapidement une place importante. Son feuillage important crée de l'
ombre et
empêche ainsi les autres plantes d'
utiliser la lumière du soleil. De plus, elle secrète des
substances qui font mourir les racines des plantes voisines.
Sur les berges des cours d'
eau, sa présence est de plus en plus importante du fait de la
disparition de la ripisylve par endroits. Les saules et les aulnes ne peuvent plus se
développer sous le couvert de la renouée. Comme le robinier, elle rend le paysage uniforme.
Figure n° 40 : renouée du Japon
Ceci est nuisible autant au paysage qu'
à la faune qu'
abrite une ripisylve naturelle. En outre,
elle maintient très mal les berges car son système racinaire est peu développé en
comparaison des saules ou des aulnes. Une crue peut alors abîmer la berge colonisée par la
renouée. En cas de crue, les fragments de la plante sont emportés par le courant et iront
coloniser les berges en aval. Ainsi par exemple, la renouée occupe les berges de certaines
rivières sur des kilomètres en région Rhône Alpes ».
Comment lutter ?
- Faucher très régulièrement (pour « l'
épuiser »).
- Brûler ce qui est fauché (pour éviter la dissémination).
- Planter des arbres à la place (afin de la priver d'
un maximum de lumière, elle « n'
aime »
pas l'
ombre).
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L’ambroisie (ambrosia artemisiifolia)
Plante annuelle, herbacée à
tige fortement velue dans le
bas. On la retrouve dans les
zones rudérales et zones de
terre laissée à nu : bords de
routes et d'
autoroutes, friches
industrielles, terrains vagues,
décharges. Dans les cultures
(tournesol,
maïs,
colza,
céréales après les moissons,
sur les chaumes). Également
dans les jachères et bandes
enherbées où elle disparaît
rapidement si le milieu n’est
pas remanié. Parfois sur les
berges d’étangs, dans le lit
des rivières, ou en pelouses
sableuses. Elle provoque des
pollinoses (ou « rhumes des
foins »), dues à l’inhalation de
grains de pollen. Espèce
adventice de culture entrant
en compétition avec les
plantes cultivées.
Figure n° 41 : ambroisie
Comment lutter ?
L’arrachage manuel de la plante avant la floraison est très efficace mais peu adapté aux
grandes surfaces car il nécessite une main d’œuvre importante. Dans les zones non
cultivées envahies, un fauchage avant la floraison permet d’éviter la dissémination du pollen.
Des expériences probantes de gestion de l’ambroisie par du pâturage ovin sont menées
dans la Drôme.
La jussie ( ludwigia grandiflora et ludwigia peploides)
Cette plante qui appartient à la
famille des onagracées, est
devenue très envahissante
dans les milieux naturels
humides et dans les zones
aquatiques calmes. Depuis une
trentaine d’année, elle s’est
propagée sur tout le territoire
français. La jussie n’a pas de
consommateur pour empêcher
sa croissance, ce qui lui permet
de se développer très vite sur
les berges en composant un
tapis dense et homogène.
Figure n° 42 : jussie le long de la Loire
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Elle ne laisse pas la possibilité aux autres espèces végétales de pousser : elle couvre la
surface de l’eau et empêche ainsi la lumière d’atteindre les autres plantes aquatiques limitant
leur photosynthèse. Elle nuit à la faune en général et aux oiseaux en particulier qui préfèrent
la diversité alimentaire.
De plus, la jussie produit beaucoup de matières organiques qui s’accumulent au fond, ce qui
ferme le milieu par envasement.
Sa décomposition par les bactéries consomme de l’oxygène dissous dans l’eau. Peu à peu,
le milieu devient anoxique et sombre, les plantes disparaissent et, avec elle, la diversité
biologique animale. Le milieu aquatique perd la diversité de la vie végétale et animale. L’
impact écologique de la jussie entraîne un déséquilibre du fonctionnement de l’écosystème.
Cette plante est aussi une source de nuisance pour les activités humaines car elle gène les
pêcheurs, les activités nautiques et touristiques.
Comment lutter ?
- Arrachage mécanique à la pelle à godet ou à griffes.
- Arrachage manuel avec récupération de tous les fragments pour éviter une nouvelle
propagation, cette opération se fera préférentiellement fin novembre et décembre, période où
la plante est moins vivace.
Cette liste non exhaustive regroupe les principales essences problématiques rencontrées et
permet de se familiariser avec ces espèces. On aurait pu toutefois y ajouter : les asters
Américains, la berce du Caucase, le bident à fruits noirs, l’impatiente de Balfour, l’impatiente
de l’Himalaya, le raisin d’Amérique, les renouées de Sakhaline et de Bohême, le séneçon du
Cap ou encore les solidage du Canada et solidage géant.
Figure n° 43 : La berce du Caucase
(heracleum mantegazzianum)
Figure n° 44 : L’impatiente de Balfour
(impatiens balfourii)
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Figure n° 45 : La renouée de Sakhaline
(fallopia sachalinensis)
Figure n° 46 : Le séneçon du cap
(senecio inaequidens)
Figure n° 47 : Le solidage géant
(solidago gigantea)
Figure n° 48 : Le bident à fruits noirs
(bidens frondosa)
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