Revue Québécoise de Psychologie, vol. 20, n° 2, 199 9 LA PSYCHOTHÉRAPIE HUMANISTE-EXISTENTIELLE D'HIER À DEMAIN : ÉPILOGUE 1 Conrad LECOMTE Annette RICHARD Université de Montréal Université de Montréal Résumé La psychologie humaniste-existentielle et son application en psychothérapie sont-elles encore bien vivantes et en croissance ou en voie de disparition? Cet article propose l’analyse de cette problématique en trois temps : d’abord, nous abordons l’étude des facteurs qui ont contribué à sa popularité et, paradoxalement, à son déclin. Puis, nous discutons de l’avenir et de la contribution de la psychothérapie humaniste-existentielle dans une perspective de dialogue pluraliste. Enfin, nous tentons de situer les défis épistémologiques et les enjeux reliés à une crise paradigmatique généralisée en psychologie scientifique et en psychothérapie spécifiquement. Mots clés : psychologie et psychothérapie humaniste-existentielle, épistémologie, défis et enjeux, perspectives et prospectives La psychologie humaniste-existentielle et son application en psychothérapie sont-elles encore bien vivantes et en croissance ou en voie de disparition au Québec? Quelles directions semblent-elles prendre pour e le XXI siècle? Voilà les questions posées en prologue, dès le début de ce numéro spécial. Nous nous proposons de conclure en élargissant la réflexion aux développements observés ailleurs dans le monde. Nous croyons que la crise identitaire du psychologue humaniste-existentiel est reliée à certaines lacunes inhérentes à son développement passé et actuel. Par contre, elle peut être vue aussi comme une crise de croissance, laquelle s'est d'ailleurs généralisée à toute la psychologie comme science et à toute approche thérapeutique comme spécialité. Nous aborderons cette problématique en trois temps : d'abord, nous tenterons d'analyser quelques aspects qui ont contribué à sa popularité et, paradoxalement, à son déclin en Amérique du Nord et en Europe. Puis, nous discuterons comment la « Troisième Force » peut envisager son avenir et sa contribution de façon pertinente au dialogue pluraliste contemporain. 1. Toute correspondance doit être adressée à Conrad Lecomte, Département de psychologie, Université de Montréal, Montréal (Québec), H3C 3J7. Courriel : [email protected] 189 Finalement, nous tenterons de situer les défis, surtout épistémologiques, et les enjeux reliés à une crise paradigmatique en science, en psychologie scientifique et en psychothérapie. 1 Nous avons trouvé l'ennemi, et c'est nous Le développement et l'évolution de la psychothérapie humanisteexistentielle soulèvent plusieurs questions. Comment expliquer qu'une approche qui a connu une popularité et une influence considérables au cours des 35 dernières années semble aujourd’hui connaître un déclin important en Amérique du Nord? Alors que Rogers est encore reconnu par l'ensemble des psychothérapeutes comme celui qui a le plus influencé leur pratique, à peine 9% s'identifient spécifiquement à son approche (Smith, 1982). Pour ajouter à ces paradoxes, mentionnons que, malgré que Rogers soit le fondateur de la recherche en psychothérapie, son système est un des moins enseignés en milieu universitaire. La plupart des psychothérapeutes humanistes-existentiels savent que leur approche s'est construite en réaction au behaviorisme positiviste américain et au réductionnisme biologique de la psychanalyse orthodoxe. Bien au-delà d'une réaction ponctuelle et situationnelle, peu de psychologues savent que l'émergence de cette approche a été le résultat d'un processus rigoureux d'investigation et de réflexion d'un groupe de théoriciens de la personnalité et de la psychothérapie (Gilbert, 1975). En fait, le courant humaniste-existentiel découle directement de la rencontre de la psychologie de la personnalité et des « leaders » de la psychologie humaniste. Les grands théoriciens de la personnalité qu'étaient Allport (1937), Murray (1938), Murphy (1947) et Kelly (1955) ont été les premiers à jeter les bases de la psychologie humaniste par leurs travaux sur la personnalité. Gordon Allport (1937), avec son œuvre maîtresse Personality: A psychological interpretation, élabora un cadre phénoménologique nuancé pour étudier le développement de la personne. Murray (1938) et Murphy (1947) abordèrent des aspects novateurs en intégrant des aspects biopsychosociaux à l'étude de la personnalité. Que dire de George Kelly (1955) qui, avec la psychologie des construits personnels, a contribué largement au développement de l'approche constructiviste et cognitive. Du côté européen, Charlotte Bühler, chercheure en psychologie du développement, René Dubos, biologiste, et Jacques Barzin, écrivain, se joignirent au mouvement humaniste dès sa fondation. La rencontre de ce groupe de théoriciens et de chercheurs avec les théoriciens de la psychothérapie humaniste-existentielle, soit Rogers (1961), May (1950) et Maslow (1954), constituera la base de la « Troisième Force » en psychologie. Les fondateurs de l'approche humaniste-existentielle n'étaient pas antiscientifiques. Au contraire, ils souhaitaient établir les bases d'une psychologie caractérisée par l'étude de l'expérience humaine avec ses 1. 190 Walt Kelly, cité par Mahoney (1991). RQP, 20(2) valeurs, ses intentions et ses significations. En particulier, Rogers et Maslow visaient à donner des bases empiriques à l'approche humaniste. Pour sa part, Rollo May (1950) apporta l'éclairage des courants européens existentiels et phénoménologiques au courant humaniste, par exemple Kierkegaard et Heidegger. Que s'est-il donc passé pour que soient oubliées et ignorées les origines de l'approche humaniste-existentielle? Coïncidence historique ou destin incontournable, la fondation de la « Troisième Force » arriva simultanément avec l'émergence du phénomène sociopolitique de la contre-culture. Ce mouvement préconisait plusieurs aspects qui faisaient écho à la psychologie humaniste. En conséquence, la psychologie et la psychothérapie humanistes ont été récupérées par ce mouvement humaniste en mettant de l'avant l'individualisme, le potentiel humain sans limites, le dévoilement de soi, l'ici et maintenant, l'hédonisme et l'irrationnel. Cet immense mouvement social rejeta les appels à la réflexion, la critique et la recherche des fondateurs de la psychologie humaniste, en particulier des théoriciens de la personnalité. Alors se sont confondus l'intuition, l'occulte, le transpersonnel, les états altérés de conscience sous l'effet de la drogue, avec un langage d'apparence humaniste. C'est dans ce contexte complexe que se développèrent le centre d'Esalen, les groupes « encounter » et les centres de croissance. Ces centres s'appuyaient sur des aspects théoriques et pratiques des groupes de « sensitivité », du psychodrame et de la thérapie de la Gestalt. Des expériences intensives de groupe combinant des approches corporelles, de la méditation, du dévoilement de soi, du yoga, des expériences mystiques ont alors connu une grande popularité (Lasch, 1979). Poussant plus loin l'étude de l'expérience humaine, certains praticiens, se trouvant à l'étroit dans ce mouvement humaniste, développèrent une psychologie transpersonnelle (Tart, 1975). On semblait loin des aspirations des fondateurs qui souhaitaient donner des assises scientifiques à cette nouvelle psychologie. Ce qui est peu connu, c'est que, durant cette période où dominait de façon outrageuse le mouvement humaniste, certains auteurs ont su maintenir des liens articulés avec les racines mêmes de la « Troisième Force ». Ainsi, Giorgi (1970), s'appuyant sur la philosophie de MerleauPonty, proposa une perspective articulée de la psychologie humaniste qui se distinguait du mouvement populaire de l'époque. Rychlak (1977) avança une série de propositions pour le développement d'une psychologie humaniste rigoureuse. De son côté, Bakan (1966) procéda à une analyse savante des principes dialectiques régissant l'existence humaine. Frankl (1962), en formulant la logothérapie, présenta une version voisine de celle de Rollo May où dominait la quête de sens face à la mort et la souffrance. En 1965, Bugental élabora une approche existentielle-analytique en définissant la quête d’authenticité au coeur du processus thérapeutique. Par ailleurs, quelques voix dissidentes ont dénoncé les dangers de la fascination irréfléchie pour les gadgets et les pratiques douteuses du 191 mouvement humaniste (Koch, 1971; Farson, 1978). Pour leur part, May et Maslow sont demeurés plutôt ambivalents face à ce mouvement, alors que Rogers (1970) a offert son soutien aux groupes « encounter ». Au cours des années 80, le mouvement populaire humaniste a perdu de sa ferveur et de son influence. Certains auteurs humanistes tentèrent alors de redonner des bases rigoureuses et scientifiques à certaines approches humanistes, en particulier aux thérapies centrées-sur-lapersonne et la Gestalt (Greenberg et Pinsof, 1986; Liater, Rombarts et Van Balen, 1990). Malgré ces développements récents, une certaine confusion persiste entre le mouvement humaniste et la psychothérapie humanisteexistentielle. Tout compte fait, nous pouvons dire que notre ennemi, c'est nous. Nous avons contribué au développement d'un mouvement phénoménal où se sont confondus sans nuance des aspects novateurs et significatifs avec des expériences réduisant la personne à un simulacre de valeurs fondamentales, comme l'authenticité et la spontanéité. Alors, que faire pour la suite? D'abord, reconnaître cet état de faits. Les dérapages et les dérives du mouvement humaniste ne doivent pas occulter la richesse et la profondeur des propositions du projet humaniste. En fait, le mouvement humaniste représente une exploration massive sans précédent de l'expérience subjective et du potentiel humain (Kopp, 1978). Tout en soulignant les possibilités insoupçonnées du changement psychologique, ce mouvement ne reconnut que partiellement la complémentarité nécessaire des processus de maintien et de stabilité pour s'adapter et vivre en continuité avec qui nous sommes. Paradoxalement, on peut se demander si ce n'est pas justement l'exploration intense du pôle de la subjectivité et de ses potentialités qui a contribué à défaire le mythe de l'objectivité et de la neutralité. Reconnaître la subjectivité de toute entreprise, qu'elle soit scientifique, littéraire ou thérapeutique, est maintenant devenu un lieu commun. Redécouvrir les prémisses du projet humaniste, c'est revisiter un ensemble de postulats définissant la primauté de l'expérience subjective holistique (Bugental et Bracke, 1992). Relire attentivement les travaux de Rogers, de Maslow, de Perls et de ses collaborateurs et de May, c'est redécouvrir l'ampleur du projet humaniste-existentiel. Ce n'est pas par hasard si la plupart des postulats mis de l'avant par la « Troisième Force » en psychologie sont maintenant reconnus par plusieurs tenants d'approches contemporaines psychanalytiques et cognitives. Plus encore, les méta-analyses portant sur les processus et les résultats thérapeutiques soulignent l'influence de plusieurs éléments centraux de l'approche humaniste, par exemple les conditions facilitantes, l'alliance et l'émotion (Lambert et Bergin, 1994). Les fondateurs souhaitaient donner des bases scientifiques rigoureuses à l'étude de l'expérience humaine. Avec l'émergence récente de nouvelles méthodologies scientifiques, comme l'interprétation herméneutique et les méthodes qualitatives, de nouvelles perspectives de 192 RQP, 20(2) recherche s'ouvrent pour l'étude de l'expérience humaine telle que définie par les humanistes. Cette nouvelle « Zeitgest » semble suggérer l'émergence d'une nouvelle problématique en psychothérapie. Face à cette situation, on peut se demander ce que sera l'avenir de la psychothérapie humaniste-existentielle. A-t-elle encore sa raison d'être? Si oui, sous quelle forme? Comment envisager le dialogue avec les autres approches thérapeutiques? Qu'avons-nous besoin d'élaborer pour se situer et se différencier? Au-delà du dogmatisme et du relativisme : le dialogue pluraliste Même si, dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, à peine 9 % des psychothérapeutes s'identifient comme humanistes, le courant humanisteexistentiel continue d'avoir une influence importante sur la pratique professionnelle de la psychothérapie. Un grand nombre de psychothérapeutes éclectiques affirment combiner l'approche humaniste avec d'autres approches (Norcross et Prochaska, 1982). Par ailleurs, plusieurs aspects de la psychothérapie humaniste ont été adoptés par d'autres courants thérapeutiques (Bohart, 1995). À l'exception des travaux de Rogers, le développement de la psychothérapie humaniste-existentielle s'est fait en dehors des milieux universitaires et, la plupart du temps, sans effort de validation scientifique (Giorgi, 1987). Cette absence de réflexion, de critique et de validation, combinée aux dérives du mouvement humaniste de la contre-culture, n'a pas facilité l'évolution de l'approche humaniste-existentielle. Plusieurs formulations théoriques et pratiques auraient eu avantage à être élaborées, nuancées et révisées. Pendant que la psychothérapie humaniste-existentielle se détachait péniblement des excès du mouvement humaniste de la contre-culture, les approches psychanalytiques, en particulier la psychanalyse relationnelle, la psychologie du soi, l'intersubjectivité (Aron, 1996), et certaines formes de thérapies cognitives (Young, 1994) procédaient à d'importantes reformulations et révisions. Ces approches reprenaient à leur compte non seulement l'essentiel des postulats humanistes-existentiels, mais, plus encore, leur donnaient une nouvelle profondeur et cohérence. Plusieurs psychothérapeutes humanistes-existentiels se cherchent des lieux de réflexion et de perfectionnement face à l'évolution récente de la psychothérapie. En apparence, plusieurs approches thérapeutiques semblent maintenant reconnaître la plupart des postulats humanistesexistentiels. Est-ce bien le cas? Comment savoir? Cette problématique est complexe. Ainsi, peut-on prétendre que la révolution cognitive en psychothérapie répond aux attentes et aux buts de l'approche humaniste? Les révisions importantes de la psychanalyse formulées en particulier dans les théories contemporaines de la psychanalyse correspondent-elles à la quête des humanistes? Finalement, comment peut-on envisager le dialogue avec les autres approches à un moment où la pluralité des points de vue est de plus en plus reconnue avec respect et intérêt? Comment s'ouvrir à un pluralisme sans prêter le flanc au relativisme subjectif? 193 D'abord, redécouvrir, reconnaître et approfondir les fondements essentiels de l'approche humaniste-existentielle en les contextualisant dans sa propre histoire de vie peut contribuer à se redéfinir. Cette démarche est d'autant plus importante à un moment où un nouveau paradigme semble émerger en s'appuyant lourdement sur les postulats humanistes-existentiels. Tout dialogue est exigeant; il implique continuité et changement. Cependant, il est nécessaire à l'évolution de qui nous sommes comme êtres en devenir. Sur quelles bases, sous quelles formes et avec quels critères peut-on envisager un tel dialogue? Face aux positions pessimistes et déterministes du behaviorisme radical et de la psychanalyse orthodoxe, les tenants de la psychologie humaniste ont opposé des propositions téléologiques caractérisées par la croyance que tout être humain est programmé de façon innée à des objectifs d'actualisation et de croissance. La vision était généreuse. Elle remettait en question les abus d'une raison qui voulait tout contrôler (Hayek, 1967), en lui préférant une position romantique de bonté humaine inspirée de Rousseau. Les humanistes accordaient ainsi une grande importance à la finalité et à la directionnalité de la condition humaine. Cette proposition les a amenés à privilégier l'analyse introspective-empathique de l'expérience humaine dans une perspective phénoménologique holistique. Cette question de finalité est des plus pertinentes. On peut se demander si ce concept de « finalité », défini hors des contingences du temps de l'histoire, de l'espace et des autres, n'a pas contribué à créer l'illusion de la possibilité de changement sans limites (Koch, 1971), illusion récupérée par le mouvement de la contre-culture. Tout en soulignant la centralité et la sagesse d’une recherche de finalité pour questionner le sens et la direction de l'expérience humaine, il paraît nécessaire de reconnaître l'influence complexe et imprévisible des contingences « biopsycho-socioéconomiques » sur le destin humain (Mahoney, 1991). Ainsi, l'expérience humaine peut être conceptualisée comme s'auto-organisant constamment avec directionnalité tout en ne connaissant pas sa destination finale précise face à une multitude d'influences environnementales et héréditaires. Au lieu de « téléologie », plusieurs auteurs recommandent alors d'utiliser plutôt le concept de « téléonomie » (Mahoney, 1991). « Téléonomie » évoque l'importance d'une directionnalité dans la vie humaine tout en reconnaissant son évolution et son développement complexe. Des concepts comme expérience subjective, actualisation, croissance deviennent alors incarnés et contextualisés. Dans cette perspective, les postulats humanistes-existentiels prennent un sens encore plus profond. Saisir l'expérience unique et holistique de la personne aux prises avec les contraintes contextuelles de ses choix de vie représente bien l'essentiel du projet humaniste-existentiel. C'est un peu dans ce sens que plusieurs humanistes (Shlien et Levant, 1984; Greenberg, Rice et Elliott, 1993) ont récemment proposé de reconsidérer la tendance actualisante comme la tendance à développer des structures 194 RQP, 20(2) intégrées qui se différencient constamment. Cette reconceptualisation continue, sorte de « ménage épistémologique » des concepts et des postulats humanistes, semble prometteuse pour faciliter l'échange avec les autres approches. Par exemple, en précisant sa position téléonomique, l'approche humaniste-existentielle peut étudier la pertinence des propositions de la psychologie cognitive et des théories contemporaines de la psychanalyse en s'appuyant sur des critères de cohérence. Il nous semble que ce dialogue, entre les approches thérapeutiques, sera fructueux dans la mesure où les enjeux fondamentaux épistémologiques seront bien campés. Cette conscience éclairée ouvre la voie à de nouvelles formes de respect dans la diversité. C'est dans cet espace que peut s'amorcer une démarche de réflexion et de collaboration pertinente et rigoureuse. Au cœur de ce programme se retrouve la vieille tension dialectique et paradoxale de s'ouvrir au changement et à la différenciation tout en assurant l'intégrité et la continuité systémique de l'approche humaniste-existentielle. Ce dialogue est déjà amorcé. Sans prétendre être exhaustif, soulignons quelques tendances récentes de l'interaction de la psychothérapie humaniste-existentielle avec les autres approches. Les travaux théoriques et scientifiques les plus marquants des 15 dernières années ont été réalisés par l'équipe de l'Université York, sous la direction de Laura Rice et de Leslie Greenberg (1984). Leurs réflexions théoriques et pratiques et leurs propositions scientifiques constituent une contribution rigoureuse et pertinente. Par un tour de force, ils ont réussi à développer des méthodologies de recherche compatibles avec les visées humanistes. Ces nouvelles méthodes ont révolutionné l'étude des processus thérapeutiques pour l'ensemble des approches (Rice et Greenberg, 1984). S'appuyant sur les postulats humanistes, ces auteurs ont élaboré une intégration de la Gestalt thérapie, de la thérapie centrée-sur-le-client, du focusing, avec certains aspects des théories cognitive et systémique contemporaines (Greenberg, Rice et Elliott, 1983). Ils accordent une place prépondérante à l'émotion dans le travail thérapeutique (Greenberg et Safran, 1987). En Belgique, en Allemagne et au Danemark, un groupe de chercheurs et de psychothérapeutes tentent de réviser les propositions de la thérapie centrée-sur-la-personne en envisageant des rapprochements avec d'autres approches, en particulier cognitives (Liater, Rombarts et Van Balen, 1990). Leurs travaux innovateurs auprès des déficients mentaux et des étatslimites sont particulièrement intéressants. Mahrer (1996) a développé sa propre version d'une thérapie expérientielle. Ses recherches sur certains moments critiques du processus thérapeutique sont particulièrement intéressantes. Au Québec, Lecomte et al. (1993) et Lecomte et Richard (1997) ont contribué à définir et préciser des lieux de réflexion et de dialogue théorique, pratique et scientifique entre la psychothérapie humaniste, la psychologie du soi, l'intersubjectivité et la psychanalyse relationnelle. Pour 195 sa part, Delisle (1999) propose une théorie intégrative de la thérapie de la Gestalt et de la théorie de relations d'objet de Fairbairn (1954). Garneau et Larivey (1999) ont élaboré une conception originale du diagnostic, du transfert et de l'émotion dans une perspective humaniste. De son côté, St-Arnaud (1999) intègre la perspective d'action éclairée et efficace de Argyris et Schön (1974) à son approche humaniste d'inspiration rogérienne. La psychothérapie humaniste-existentielle a-t-elle dit son dernier mot? L'interaction de la psychothérapie humaniste avec les autres approches thérapeutiques soulève plusieurs questions complexes touchant à des dimensions cruciales du processus thérapeutique. À l'intérieur même du courant humaniste s'opposent les tenants de la centralité de la relation empathique et d'autres qui préconisent l’adoption d’un rôle de facilitateur actif pour le thérapeute (Rice et Greenberg, 1984). Comment réconcilier des notions d'authenticité, de dévoilement de soi, de spontanéité et de transparence avec des concepts comme l'alliance, le transfert, le contretransfert, la résistance et les défenses? Plusieurs utilisent ces notions assez librement sans s'interroger sur les enjeux de cohérence épistémologique. Fondamentalement, le choix d'une approche thérapeutique repose en bonne partie sur les théories tacites de souffrance et de guérison de chacun. Reconnaître sa propre théorie implicite permet de donner du sens à l'engagement théorique. Au-delà de ce critère de signification, une démarche épistémologique de cohérence s'impose dans l'analyse de problématiques comme la résistance, le transfert, l'authenticité et le dévoilement de soi. Cette quête de cohérence a amené, chacun de leur côté, des humanistes comme Greenberg, Rice et Elliott (1993), des psychanalystes comme Stolorow et Atwood (1992) et des behavioristescognitivistes comme Young (1994) et Linehan (1993), à utiliser des concepts émanant de la psychologie cognitive et de la théorie des systèmes dynamiques (Greenberg, Rice et Elliott, 1993) pour reconceptualiser des aspects centraux de leur approche thérapeutique. Ainsi, certains auteurs humanistes (Bohart, 1995) et certains cognitivistes (Young, 1994) en arrivent à redéfinir la personnalité en fonction de schémas centraux (Anderson, 1974). Pour leur part, des psychanalystes (Stolorow et Atwood, 1992) conceptualisent l'expérience du transfert à partir de concepts d'assimilation et d'accommodation de Piaget (1970). La psychologie cognitive et les théories systémiques dynamiques (Thelen, 1989) semblent offrir un lieu commun de révision et d'articulation de diverses notions thérapeutiques. Un immense chantier de réflexion à partir de ces perspectives s'est mis en place (Ryle, 1985, 1995). Malgré leurs divergences théoriques, les différentes approches tentent de se donner un langage commun pour arriver à mieux articuler la complexité du changement thérapeutique. Ce nouveau langage cognitif et systémique est en voie de faciliter l'émergence d'un nouveau paradigme en psychothérapie. 196 RQP, 20(2) Alors que s'engage ce nouveau dialogue caractérisé par le respect de la pluralité des points de vue pour tenter de comprendre la complexité du changement thérapeutique, les postulats et les principes affirmés dans le projet humaniste semblent plus que jamais pertinents. En fait, plusieurs changements substantiels apportés autant dans les approches analytiques contemporaines que dans les thérapies cognitives-behaviorales sont très voisins des principes ou des postulats humanistes. On n'a qu'à penser à l'importance accordée à l'empathie, à la démarche phénoménologique, à l'émotion et à l'expérience relationnelle (Aron, 1996). Peut-on conclure qu'après plusieurs années, les affirmations humanistes ont été non seulement entendues, mais reconnues par les autres approches? Peutêtre? Alors, au-delà de leurs réactivations passées, les humanistes sont peut-être conviés à reconnaître la contribution des autres, tout en étant fidèles à leur passé, pour ainsi mieux articuler et différencier leur propre identité. Par ailleurs, certains auteurs estiment que la psychologie du soi et la théorie de l'intersubjectivité intègrent l'essentiel des propositions humanistes-existentielles en leur donnant des bases théoriques plus élaborées (Kahn, 1996; Jacobs, 1991). D'autres considèrent que la psychologie du soi (Kohut, 1971), l'intersubjectivité (Stolorow et Atwood, 1992) et la psychanalyse relationnelle (Mitchell, 1997; Aron, 1996) constituent des passerelles de dialogue entre les univers humanisteexistentiel et psychanalytique (Portnoy, 1999). Face à la crise paradigmatique de la pratique thérapeutique, la psychothérapie humanisteexistentielle n'a peut-être pas dit son dernier mot, mais elle est sans contredit conviée à un défi existentiel presque aussi formidable que celui qui l'a amenée à poser les bases de la psychologie de la « Troisième Force » en 1964. Révolution ou évolution : perspectives épistémologiques Le mouvement de la psychologie humaniste-existentielle est en crise. Il semble avoir été affaibli par ses propres excès, selon certains (Smith, 1990). Ces excès, problématiques sous beaucoup d’aspects, peuvent aussi être vus comme les soubresauts d’un changement majeur, à la fois en psychologie comme science et en psychothérapie comme spécialité. Les fondements scientifiques de la psychologie moderne et de la psychothérapie sont ébranlés et l’humanisme en psychologie, par son opposition à la science psychologique positiviste, matérialiste et rationnaliste, a contribué à les remettre en question. Nous sommes conviés à un changement de perspective, pas seulement comme psychologues humanistes, mais avec nos collègues de toutes approches et même avec nos collègues de toutes les sciences. L’histoire des idées, à travers trois millénaires, nous révèle, entre autres, que celles-ci ont évolué en spirale, reflétant ainsi les « tensions essentielles », les dualismes puissants avec lesquels nous sommes aux prises : le bon et le mauvais, le corps et l’esprit, l’extérieur et l’intérieur, le 197 réel et l’illusoire, l’objectif et le subjectif, le conscient et l’inconscient, pour ne nommer que ceux-là. Mahoney (1991), dans un ouvrage magistral portant sur cette mutation de perspectives en psychologie et en psychothérapie, démontre comment la psychologie a été prise dans cette « spirale conceptuelle », passant, entre autres, d’une emphase mise à ses débuts sur la personne interne à la considération exclusive des facteurs externes évidents (le behaviorisme) et, dans la dernière partie de ce siècle, à la difficile recherche d’équilibre entre la considération des facteurs internes et des facteurs externes explicatifs des phénomènes psychologiques. Tenant compte de notre position dans le contexte plus large de l’évolution des sciences et de ses applications, nous vous proposons, en conclusion, les quelques considérations suivantes. 1. Nos excès contre-culturels, notre marginalité, notre dogmatisme parfois dans nos prises de position en rapport avec la psychologie expérimentale scientifique et les pratiques dominantes, peuvent être considérés comme un phénomène de transformation du patrimoine culturel et scientifique de l’époque moderne vers une époque postmoderne. Kuhn (1983), dans son histoire de la pensée scientifique, démontre la forte propension de la science en général à reconduire, à maintenir ses interprétations et la rareté des véritables changements paradigmatiques. Comme le fait bien ressortir Roy (1998) dans son essai sur les dogmatismes contemporains, ces derniers mouvements dénoncent le monisme des sciences. L’humanisme en psychologie s’est aussi opposé au scientisme de la psychologie scientifique dominante. Nous avons exploré le « non-encore-pensé » de notre jeune science, en nous préoccupant d’une vérité simplifiée, laquelle reflétait les pôles de nos dualismes fondamentaux qui avaient été occultés par les « prêt-à-penser » de la science moderne. La ferveur avec laquelle nous avons cultivé nos certitudes quant à la subjectivité humaine, à la primauté des émotions sur les cognitions et sur les comportements, à la finalité actualisante du potentiel humain inscrit dans l’organisme, à l’environnement comme facilitateur de ou entrave à cette actualisation, témoigne souvent d’une interprétation réduite du réel, à la recherche de nouvelles métaphores prégnantes et signifiantes pour remplir les vides de la culture dominante. Nous disons maintenant : mission accomplie! Les questions que nous avons soulevées dans la marginalité sont devenues des préoccupations communes à tous les psychologues, théoriciens, chercheurs et praticiens. Avec nos collègues des autres écoles de pensée, nous ne faisons que commencer à reconnaître l’irréductible complexité du réel ainsi que l’ambiguïté de toute interprétation de ce réel. 2. La reconnaissance de cette complexité et de l’ambiguïté de notre compréhension du psychisme humain qui sous-tend nos pratiques de thérapeutes en a conduit plusieurs d’entre nous à changer d’allégeance théorique et d’approche. Certains de nos collègues ont opté pour des 198 RQP, 20(2) écoles psychanalytiques ou cognitivistes-behaviorales contemporaines qui semblaient offrir des perspectives mieux adaptées à cette nouvelle quête de sens. Devons-nous tout discarter et recommencer ailleurs? Est-ce qu’une révolution est nécessaire ou peut-on se contenter d’évoluer? Pouvonsnous encore nous définir en continuité avec nos prémisses humanistesexistentielles, fondatrices de notre identité? Les textes d’auteurs qui précèdent tentent de répondre à ces questions. Tous se définissent comme des humanistes-existentiels, mais l’emphase mise sur les continuités ou sur les discontinuités des positions en rapport avec les prémisses théoriques varie. Le choix d’emphase est surtout important politiquement, mais il a aussi des implications sur les plans clinique et théorique (p. ex. les textes des auteurs précédents). L’orthodoxie ou l’hérésie sont des phénomènes reliés à des certitudes, à des dogmes; nous croyons que la psychologie humaniste-existentielle peut transcender ces polarisations. L’ambiguïté est cependant différente de la confusion conceptuelle. Pour embrasser et vivre avec l’ambiguïté de nos interprétations du réel et pour bien aider nos clients, nous avons besoin de clarifier nos concepts et ceux que nous empruntons aux autres. Suivant l’approche phénoménologique de la psychologie humaniste-existentielle, nous avons voulu mettre de coté toutes préconceptions diagnostiques, métapsychologiques ou autres, afin de travailler aussi complètement que possible à l’intérieur de l’expérience subjective de nos clients. Ce projet phénoménologique a été rapidement contraint par les biais que notre propre subjectivité, historiquement constituée, lui a imposés. L’évolution vers la reconnaissance d’une coconstruction du sens de l’expérience des clients dans un dialogue intersubjectif, c’est-à-dire où nous participons pleinement comme sujet, nous oblige à clarifier nos concepts, nos propres biais personnels et théoriques. Évolution ou révolution? Les deux, nous croyons. 3. Que ce soit l’une ou l’autre, évolution ou révolution, nous proposons qu’il y a des changements nécessaires à réaliser à deux niveaux étroitement reliés de notre discipline : au niveau de la théorie psychologique et clinique « proche-de-l’expérience », des métaphores qui nous servent à construire une compréhension de l’expérience de nos clients, de leur souffrance et des processus de guérison de cette souffrance; et aussi au niveau de la métathéorie, c’est-à-dire comment nous construisons notre compréhension de cette expérience. Sans cette double réflexion conceptuelle et épistémologique continue, nous allons cesser d’évoluer et notre pratique deviendra stérile. 4. Or nous croyons que nous sommes en bonne compagnie. Les récents développements dans les sciences cognitives, dans les neurosciences, dans les recherches et les théories sur le développement de l’enfant, dans les théories de l’émotion, dans les psychologies du soi, 199 nous propulsent tous dans une nouvelle ère scientifique en psychologie et en psychothérapie, celle marquée par les biais de l’observateur-participant et, même parfois, du participant-observateur. Nous ne croyons pas qu’une théorie psychologique unifiée sur la subjectivité humaine n’est possible, pas plus que désirable. La reconnaissance des complémentarités et des différences dans les perspectives ouvre la porte à des dialogues, à des échanges dialectiques beaucoup plus créateurs que les anciennes rivalités et l’isolationnisme d’où nous émergeons. Comme psychologue et psychothérapeute humaniste-existentiel, nous avons une responsabilité spéciale, quoique de plus en plus partagée avec les autres approches, envers nos clients comme envers notre discipline, de « garder les fenêtres ouvertes sur l’expérience humaine actuelle et la fenêtre spéciale que constitue la relation thérapeutique » (Smith, 1990, p. 18). Nous continuerons sans doute à « inter-prêter » des contenus très différents à cette expérience humaine puisque nos « théories de la 1 souffrance et de la guérison » sont formées implicitement en grande partie dans l’histoire de notre propre expérience personnelle, familiale et culturelle. Pourtant, plus nous élargirons notre conscience de ces trois niveaux de présomptions, plus efficaces seront notre dialogue thérapeutique avec le client et notre dialogue de compréhension clinique et théorique avec nos collègues. Entre autres, ceci nous permettra d’élaborer des modèles métathéoriques clarifiant les relations entre les théories et les différents niveaux conceptuels. 5. Le défi est énorme et excitant. Il se situe dans un contexte de révolution paradigmatique introduit dans toutes les sciences par la découverte de la physique quantique et, avec celle-ci, une révolution épistémologique : l’impossibilité de séparer l’observateur de l’observé. Toute division entre ces deux derniers, laquelle doit nécessairement être faite pour en arriver à des observations, est arbitraire. Ceci rend impossible toute description objective de l’objet de la science et nous restreint à des descriptions complémentaires correspondant aux divisions établies arbitrairement entre l’observateur et l’observé. Cette révolution épistémologique a ébranlé tous les fondements de la science moderne, en forçant la reconnaissance de la subjectivité, de l’incertitude, de la contradiction et la nécessité de renoncer à des explications causales linéaires comme étant inhérentes à toute entreprise scientifique. Nous ne faisons que commencer à mesurer les implications de cette révolution en psychologie scientifique comme en psychothérapie, le seul champ scientifique où l’observateur est également l’observé. Entre autres, elle nous amène à reconnaître : 1) que le thérapeute et la personne-cliente forment un système dyadique intersubjectif inséparable, tout comme la dyade parent-enfant; 2) que la compréhension de l’expérience subjective 1. 200 Une expression de R. Roussillon, conférence prononcée à Montréal, au congrès de l’Ordre des psychologues du Québec en 1996. RQP, 20(2) interne de la personne-cliente est coconstruite et inséparable du système intersubjectif où elle émerge et est construite; 3) que les mondes internes (l’intrapsychique) et les mondes externes (l’interpersonnel ou l’intersubjectif) sont inséparables et fondamentalement coordonnés et réciproques dans le changement développemental comme le changement thérapeutique; 4) que la situation thérapeutique est constituée par l’intersection de deux subjectivités dans laquelle aucun des deux participants n’a une vision privilégiée de la réalité. Cette perspective avait déjà commencé à s’articuler en psychologie humaniste-existentielle avec, entre autres, la prédominance de la méthodologie phénoménologique, la théorie du champ, la vision holistique de la nature humaine et l’emphase mise sur les concepts de processus expérientiels plutôt que mécanicistes comme en psychanalyse. Pourtant, l’importance qu’on accordait à l’expérience subjective interne menait le plus souvent à la vision d’un soi monadique, « isolé ». Une vraie vision holistique de la vie psychique des individus doit pouvoir s’étendre à l’extérieur des frontières de l’espace intrapsychique. 6. Notre langage étant limité pour saisir et décrire ces phénomènes sans privilégier le domaine interne ou le domaine externe, nous avons besoin de nouvelles métaphores, de nouveaux modèles. Implicite et partiellement articulée dans plusieurs théories et pratiques en psychologie humaniste-existentielle, la théorie des systèmes dynamiques, complexes, non linéaires, auto-organisants, issue de l’étude du chaos, est en train de se déployer et de se généraliser à la psychologie développementale, à la psychanalyse et aux théories cognitives (Mahoney, 1991; Stolorow, 1997; Sucharov, 1994; Stern, 1985; Mitchell, 1988; Hoffman, 1983; Aron, 1996; Sander, 1998; Beebe et Lachmann, 1998; Young, 1994). En se développant, elle révolutionne à la fois nos méthodes scientifiques et nos théories. Puisant ses origines en physique, en chimie et en mathématiques, cette nouvelle perspective sert actuellement à chercher les principes communs qui sous-tendent des phénomènes aussi divers que le climat, les forêts, le développement des embryons et celui des enfants, de même que l’organisation de l’expérience subjective et intersubjective. La théorie des systèmes dynamiques complexes, appliquée en psychologie développementale (Thelen et Smith, 1994), commence à démontrer sa supériorité sur les explications traditionnelles, lesquelles apparaissent alors simplistes. Le processus de changement développemental est conceptualisé comme étant « la génération d’une organisation émergente de la complexité : comment la structure et les configurations apparaissent à partir de la coopération de plusieurs parties individuelles » (Thelen et Smith, 1994, p. XIII). Stolorow (1997) affirme et démontre que cette théorie, en tenant compte comme nulle autre de la nature fluide, désordonnée et sensible du contexte du processus de changement développemental, devient une source féconde de métaphores lorsque également appliquée au processus de changement thérapeutique. La vision systémique dynamique a, entre autres, le mérite d’abriter le 201 principe téléonomique d’une directionnalité vers la complexité et l’organisation dans la vie humaine, sans finalité précise. Cette théorie nous semble particulièrement prometteuse pour nous aider à ne pas polariser nos perspectives subjectives de compréhension et à éviter les pièges d’une « psychologie à une personne » (facteurs internes, intrapsychiques uniquement) comme ceux d’une « psychologie à deux personnes » (facteurs interpersonnels, externes), lorsque « les tensions essentielles primitives et dynamiques » (Mahoney, 1991, p. 47) de notre existence et de notre pensée deviennent intolérables. Finalement, nous croyons que nous avons besoin de développer de tels concepts pour soutenir la difficile conscience des complémentarités dialectiques des perspectives, laquelle se vit souvent comme des tensions plus ou moins conflictuelles, soit en rapport avec notre propre expérience de soi, soit en rapport avec les autres, dans le dialogue thérapeutique comme dans le dialogue avec nos collègues, face à l’émergence d’une nouvelle vision du monde. Abstract Are existential-humanistic psychology and its application in psychotherapy still alive and growing, or are they destined to disappear? In this article, we attempt to answer this question in a threefold analysis. First, we examine the factors which contributed to their popularity and, paradoxically, to their decline. Then, we discuss the future and the contribution of existentialhumanistic psychology to the pluralistic dialogue. Finally, we attempt to identify epistemological challenges and issues related to the generalized paradigmatic crisis in scientific psychology and, specifically, in psychotherapy. Key words : 202 existential-humanistic psychology and psychotherapy, challenges and issues, perspectives and prospectives epistemology, RQP, 20(2) Références Allport, G. W. (1937). Personality : A psychological interpretation. New York : Holt. Anderson, W. (1974). Personal growth and client-centered therapy : An informationprocessing view. In D. A. Wexler et L. M. Rice (Éds), Innovations in client-centered therapy. New York : Wiley. Argyris, C. et Schön, D. A. (1974). Theory in practice : Increasing professional effectiveness. San Francisco : Jossey-Boss. Aron, L. (1996). A meeting of minds : Mutuality in psychoanalysis. Hillsdale, NJ : The Analytic Press. Bakan, D. (1966). The duality of human existence. Boston : Beacon. Beebe, B. et Lachmann, F. M. (1998). 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