: A Linguagem da Ciência # 4, maio de 2005
Une telle reconstruction est cependant totalement ethnocentriste. Si on l'abandonne et
qu'on suppose que nú signifie "partie active", il coule de source que cette partie, celle qui sert,
pour le couteau c'est son tranchant, pour l'aiguille sa pointe, etc. La bouche de l'homme est
alors désignée comme "la partie active de l'homme", celle qui permet l'activité de parole. De
fait, employée seule, nú signifie "la langue" (au sens linguistique), qui est conçue dans cette
culture comme l'activité par excellence, celle qui est le propre des humains. Il y a des cas qui
semblent encore plus compliqués. Dans la même langue, on trouve un verbe que nous
noterons X, et qui, construit avec différentes formes à l'accusatif, donne lieu aux
correspondances suivantes:
fête —/acc. + X = la fête est réussie;
arbre —/acc. + X = l'arbre fait des feuilles;
boule — de manioc/acc. + X = la boule de manioc est ratée.
Le verbe X exprime dans tous les cas un développement, une expansion qui se trouve
être positive dans le cas de la fête et de l'arbre, tandis qu'elle est négative dans le cas du
mélange eau-farine qui, au lieu de s'amalgamer en une masse compacte (la boule), produit une
pâte crémeuse non modelable et considérée comme impropre à la consommation. La
signification de X est donc "être en expansion, se répandre". Il est incontestable que les
différentes langues possèdent des systèmes de classification du réel extrêmement diversifiés,
traduisant par conséquent des formes de connaissances figées dans le langage tout à fait
différentes. Mais la relativité linguistique touche également la syntaxe. Dans les langues indo-
européennes, par exemple, nous identifions le sujet du verbe d'état (monovalent) avec celui
des autres verbes (lorsqu'il y a des cas, nous les mettons tous deux au nominatif); tandis que
nous le distinguons de l'objet du verbe bivalent (lorsque le verbe est transitif, nous le mettons
à l'accusatif). En basque, il n'y a pas d'accusatif; le sujet du verbe d'état et l'objet du verbe
transitif sont au même cas absolutif, tandis que le sujet du verbe transitif est marqué par une
forme spéciale d'agentivité, l'ergatif.
La relativité linguistique est un fait bien connu des traducteurs. Ce qui fait problème
c'est son interprétation. Les manuels américains citent souvent ces quelques lignes de Sapir:
Le fait est que la "réalité" est, dans une grande mesure, inconsciemment
construite à partir des habitudes langagières du groupe. Deux langues ne sont
jamais suffisamment semblables pour être considérées comme représentant la