Universit´e Claude Bernard–Lyon I
CAPES de Math´ematiques : Oral
Ann´ee 2006–2007
Angles et rotations
Point de vue On va tout traiter de fa¸con g´eom´etrique, c’est-`a-dire sans faire appel `a la
mesure des angles, ni aux fonctions transcendantes (non polynˆomiales) sinus et cosinus.
L’id´ee, c’est, dans le plan, d’identifier les angles et les rotations. On d´eduit cela d’une propri´et´e
structurelle du groupe des rotations, le fait d’ˆetre ab´elien. Comme ce fait est faux en dimension
sup´erieure, cela explique la sp´ecificit´e de la dimension 2.
Dans un deuxi`eme temps, on montre que le choix d’un point du cercle permet d’identifier angles,
rotations et points du cercle. Ceci permet de d´efinir les fonctions trigonom´etrique d’un angle
sans parler de sa mesure.
Enfin, on discute la notion de mesure d’un angle orient´e de vecteurs.
NB : le pigiste a eu la flemme de faire les dessins, mais cette le¸con en r´eclame un bon peu !
0Pr´erequis
On fixe un plan affine euclidien Pdirig´e par un plan vectoriel P. Pour l’instant, il est inutile
d’orienter le plan. On note h., .ile produit scalaire, ||.|| la norme associ´ee et Ule cercle-unit´e,
c’est-`a-dire l’ensemble des vecteurs wPde norme 1.
On appelle isom´etrie une application lin´eaire qui pr´eserve les distances, isom´etrie directe une
isom´etrie de d´eterminant 1. On note SO(P) le groupe des isom´etries directes de P. Ceci ne
d´epend pas d’une orientation de P.
D´efinition Etant donn´e deux couples de vecteurs non nuls (u, v)et (u0, v0), on dit que (u, v)
(u0, v0)s’il existe une isom´etrie directe ϕ:PPet deux r´eels strictement positifs λ, µ tels
que u0=λ ϕ(u)et v0=µ ϕ(v). La relation est une relation d’´equivalence.
On appelle angle orient´e des vecteurs (u, v), et on note (du, v), la classe d’´equivalence du couple
(u, v)pour la relation .
Attention ! On ne prend pas pour acquise la somme des angles, car sa d´efinition n´ecessite
un lemme “non trivial”.
Remarques : On a : (u, v)(u, v) (prendre ϕ=Id).
On a : (u, v)(u0, v0)ϕSO(P) telle que ϕu
||u|| =u0
||u0|| et ϕv
||v|| =v0
||v0|| . De plus,
on voit que (u, v)u
||u|| ,v
||v|| , donc tout angle est la classe d’un couple de vecteurs de U.
1Matrice des isom´etries directes du plan
Lemme Fixons une base orthonorm´ee (i, j)du plan vectoriel P. Soit ϕSO(P). Il existe
un unique couple (a, b)R2tel que la matrice de ϕdans la base (i, j)soit
Mat(i,j)(ϕ) = ab
b a ,et on a : a2+b2= 1.
Inversement, toute matrice de cette forme, avec a2+b2= 1, est la matrice d’une isom´etrie
directe.
Remarque. En fait, la matrice de ϕest la mˆeme dans toutes les bases orthonorm´ees ayant
une orientation fix´ee, comme on le verra plus tard.
D´emonstration : Soit ϕSO(P), notons (a, b) les coordonn´ees de ϕ(i) dans cette base,
i.e. a=hϕ(i), iiet b=hϕ(i), ji. Bien sˆur, t(a, b) est la premi`ere colonne de la matrice de ϕ.
Puisque ϕest une isom´etrie, on a :
a2+b2=hϕ(i), ϕ(i)i=hi, ii= 1.
1
De plus, si on note (c, d) les coordonn´ees de ϕ(j), on a aussi :
ac +bd =hϕ(i), ϕ(j)i=hi, ji= 0.
Enfin, comme le d´eterminant de ϕest 1, on a :
ad bc = 1.
L’ensemble des couples (c, d)R2tels que ac +bd = 0 est une droite affine dirig´ee par (b, a).
De mˆeme, l’ensemble des (c, d) tels que bc +ad = 1 est une droite affine dirig´ee par (a, b). Les
deux vecteurs directeurs sont orthogonaux (pour le produit scalaire standard de R2), donc ces
deux droites se coupent en un point. Or, le point (b, a) appartient aux deux droites ! D’o`u :
c=bet d=a, ce qui donne la description annonc´ee de la matrice de ϕ.
La r´eciproque est facile.2
Proposition Le groupe SO(P)des isom´etries directes d’un plan vectoriel Pest ab´elien.
D´emonstration : On fixe une base orthonorm´ee (i, j) comme ci-dessus. Soit ϕ, ϕ0SO(P)
et (a, b), (a0, b0) les couples de r´eels donn´es par le lemme. On note Met M0les matrices
correspondantes. Un calcul imm´ediat donne :
MM0=aa0bb0(ab0+ba0)
ab0+ba0aa0bb0.
Cette expression est sym´etrique en (a, b) et (a0, b0), donc MM0=M0M, puis ϕϕ0=ϕ0ϕ.2
Remarque. Il serait dommage de ne pas remarquer l’analogie avec la multiplication dans C...
2Isom´etries directes du plan et cercle-unit´e
Avec la commutativit´e de SO(P), le lemme suivant est la cl´e de voˆute de la le¸con : il permet
d’identifier les isom´etries directes et le cercle (modulo le choix d’un point-base sur le cercle) ;
d’identifier les angles et les rotations ;
de d´efinir l’addition des angles.
Lemme-cl´e Soit iPun vecteur de norme 1. Pour tout vecteur uPde norme 1, il existe
une unique isom´etrie directe ϕSO(P)telle que ϕ(i) = u.
D´emonstration : Soit jun vecteur tel que (i, j) soit une base orthonorm´ee. Soit a=hi, ui
et b=hj, ui. Une application lin´eaire ϕest d´etermin´ee par sa matrice Mdans la base (i, j).
Unicit´e : La condition ϕ(i) = usignifie que la premi`ere colonne de Mest n´ecessairement t
(a b).
Or, le lemme du 1montre que la premi`ere colonne de la matrice d’une isom´etrie directe du
plan d´etermine compl`etement cette matrice. D’o`u l’unicit´e de M, donc de ϕ.
Existence : Inversement, l’application lin´eaire qui a pour matrice ab
b a est une isom´etrie
directe qui envoie isur u.2
Corollaire Soit iPun vecteur de norme 1. Pour tout couple de vecteurs non nuls (u, v),
il existe un unique vecteur de norme 1wtel que les angles (du, v)et (d
i, w)soient ´egaux.
D´emonstration : On peut supposer uet vde norme 1. Soit ϕl’isom´etrie directe qui envoie
isur u, posons w=ϕ1(v). Alors on a : (du, v) = (d
i, w).
Inversement, si (du, v)=(d
i, w), il existe ϕSO(P) telle que ϕ(i) = uet ϕ(w) = v(on a pris u
et vde norme 1). Le lemme-cl´e donne l’unicit´e de ϕ, d’o`u l’unicit´e de w.2
2
3Angles et rotations
Proposition Il existe deux bijections naturelles, r´eciproques l’une de l’autre, not´ees ang et
rot, entre les isom´etries directes d’un plan vectoriel et les angles orient´es de vecteurs :
(i) ´etant donn´e ϕSO(P), l’angle (\
u, ϕ(u)) ne d´epend pas du choix du vecteur u6= 0 ; on
pose ang(ϕ) = ( \
u, ϕ(u)) ;
(ii) ´etant donn´e un angle αet (u, v)un repr´esentant de αform´e de vecteurs de norme 1,
l’unique isom´etrie ϕtelle que ϕ(u) = vne d´epend que de α, et pas du choix du repr´esentant
(u, v); on pose rot(α) = ϕ.
Cette identification des angles et des isom´etries directes est “naturelle” au sens qu’elle ne
d´epend d’aucun choix (si ce n’est le choix du produit scalaire, bien sˆur). En particulier, elle ne
d´epend pas du choix d’une orientation.
D´efinition Etant donn´e une isom´etrie directe ϕ, on appelle angle de ϕl’angle ang(ϕ). Etant
donn´e un angle α, on appelle rotation d’angle αl’isom´etrie directe rot(α).
D´emonstration : (i) Soit ϕSO(P). On doit montrer que pour uet u0, deux vecteurs
non nuls, on a : ( \
u, ϕ(u)) = ( \
u0, ϕ(u0)). Pour cela, soit ψl’unique isom´etrie directe telle que
u0=ψ(u). On a, par commutativit´e de SO(P) :
ϕ(u0) = ϕψ(u) = ψϕ(u),
ce qui prouve que (u, ϕ(u)) (u0, ϕ(u0)).
(ii) Maintenant, soit αun angle, (u, v) et (˜u, ˜v) deux repr´esentants de αform´es de vecteurs de
norme 1. Soit ϕ, ˜ϕSO(P) tels que ϕ(u) = vet ˜ϕ(˜u) = ˜v. On doit montrer que ˜ϕ=ϕ.
Notons ψl’isom´etrie directe telle que ψ(u) = ˜u. Alors, on a, toujours par commutativit´e de
SO(P) :
ψ(v) = ψϕ(u) = ϕψ(u) = ϕ(˜u),d’o`u (du, v) = ( \
ψ(u), ψ(v)) = ( \
˜u, ϕ(˜u)).
On en d´eduit que (d
˜u, ˜v) = ( \
˜u, ϕ(˜u)), si bien que ˜ϕ(˜u) = ˜v=ϕ(˜u) par le corollaire de 2. Enfin,
il vient ˜ϕ=ϕparce qu’une isom´etrie directe est d´etermin´ee par l’image d’un vecteur.2
4Addition des angles
Voici une d´efinition un peu trop abstraite, mais efficace, de la somme des angles. On parle
de transport de structure. On retrouve la construction g´eom´etrique habituelle (“relation de
Chasles”, si on veut) un peu plus loin.
D´efinition Etant donn´e deux angles αet α0, on d´efinit leur somme par :
α+α0= ang(rot(α)rot(α0)).
Lemme La somme munit l’ensemble des angles d’une structure de groupe ab´elien, isomorphe
au groupe SO(P). Le neutre est l’angle nul (du, u), l’oppos´e de l’angle (du, v)est (dv, u).
D´emonstration : Trivial.2
On peut donner une description g´eom´etrique de la somme :
Lemme (“Relation de Chasles”) Soit αet α0deux angles. On fixe uU. Soit vle
vecteur de norme 1tel que (du, v) = α0et wle vecteur de norme 1tel que (dv, w) = α. Alors
α+α0= ( du, w). En particulier, l’angle (du, w)ne d´epend pas du choix de u.
D´emonstration : Puisque (du, v) = α0, on a : rot(α0)(u) = v. De mˆeme, rot(α)(v) = w. D’o`u
rot(α)rot(α0)(u) = w, puis ang(rot(α)rot(α0)) = ( du, w) et enfin : α+α0= ( du, w).2
3
5R´esum´e des ´episodes pr´ec´edents
Pour Pun plan vectoriel euclidien, on a mis en ´evidence des bijections entre les trois objets
suivants :
le groupe des isom´etries directes de P;
le groupe des angles orient´es de vecteurs de P;
le cercle-unit´e U.
Les deux groupes sont naturellement isomorphes (i.e. on dispose d’un isomorphisme qui ne
d´epend d’aucun choix, pas mˆeme d’une orientation de P). Pour ´etablir une bijection avec le
cercle-unit´e, il faut choisir un point du cercle. Noter l’analogie :
espace vectoriel Egroupe des isom´etries directes SO(P)
espace affine Ecercle-unit´e U
origine Opoint-base i
translation tde vecteur vrotation ϕd’angle α
M=t(O)
OM=v u =ϕ(i)(c
i, u) = α
La structure commune est celle d’un groupe (Eou SO(P)) agissant simplement transitivement
sur un ensemble (Eou U) : deux points quelconques de l’ensemble s’obtiennent l’un `a partir
de l’autre par l’action d’un unique ´el´ement du groupe. En termes snobs, on parle de torseur.
6Trigonom´etrie sans mesure d’angle
(a) Lignes trigonom´etriques
Dor´enavant, on fixe une orientation de P.
Lemme Les matrices d’une rotation dans deux bases de mˆeme orientation sont ´egales.
D´emonstration : Soit B,B0deux bases orthonorm´ees ayant la mˆeme orientation. La matrice
de passage Qde B`a B0est orthogonale et de d´eterminant positif, donc elle est de la forme
donn´ee au lemme 1. Si Aet A0sont les matrices d’une rotation dans Bet B0, on a : A0=
Q1AQ =AQ1Q=A, parce que SO(P) est commutatif.
D´efinition Le lemme pr´ec´edent permet de d´efinir le cosinus et le sinus d’un angle αcomme
certains coefficients de la matrice de la rotation d’angle αdans une base orthonorm´ee directe
(quelconque) B:
MatB(rot(α)) = Cos αSin α
Sin αCos α.
(b) Formules d’addition
Lemme (Formules d’addition) Etant donn´es deux angles αet α0, on a :
Cos(α+α0) = Cos αCos α0Sin αSin α0,Sin(α+α0) = Sin αCos α0+ Cos αSin α0.
De plus, on a : Cos 0 = 1,Sin 0 = 0.
D´emonstration : La rotation d’angle α+α0est, d’apr`es la d´efinition de 4, la compos´ee
des rotations ϕd’angle αet ϕ0d’angle α0. D’apr`es le corollaire ci-dessus, sa matrice dans une
(toute) base orthonorm´ee (i, j) est :
Cos(α+α0)Sin(α+α0)
Sin(α+α0) Cos(α+α0)=Cos αSin α
Sin αCos αCos α0Sin α0
Sin α0Cos α0
=Cos αCos α0Sin αSin α0Sin αCos α0Cos αSin α0
Sin αCos α0+ Cos αSin α0Cos αCos α0Sin αSin α0.
4
(c) Angles particuliers : ´el´ements d’ordre 2et 4de SO(P)
Cherchons les angles dont le double est l’angle nul (du, u). Au niveau matriciel, il s’agit de
r´esoudre ab
b a 2
= Id,c’est-`a-dire : a2b2= 1
2ab = 0.
On en d´eduit que : a=±1, b= 0, si bien que le seul ´el´ement d’ordre de SO(P) est Id. Notons
Π l’angle correspondant, c’est-`a-dire (u, u) pour uUquelconque : on l’appelle angle plat.
A pr´esent, on cherche les ´el´ements d’ordre 4 : leur puissance 4`eme est Id, mais leur carr´e n’est
pas Id, aussi ce sont exactement les rotations dont les matrices dans une base orthonorm´ee
(i, j) directe satisfont
ab
b a 2
=Id,c’est-`a-dire : a2b2=1
2ab = 0.
On en d´eduit que : a= 0, b=±1, ce qui met en ´evidence deux rotations d’ordre 4, ayant pour
matrices 01
1 0 et 0 1
1 0 .
Les angles correspondants sont Π
2= ( c
i, j) et Π
2= (c
j, i) : on les appelle angles droits, bien sˆur.
Si on change d’orientation, ces angles sont ´echang´es. Inversement, on remarque que si deux
vecteurs uet vsont orthogonaux, l’angle (du, v) est un angle droit. (Pourquoi ?)
7Mesure d’un angle
Pour cela, on suppose connues les deux fonctions cos et sin, que l’on d´efinit par exemple par leur
s´erie enti`ere. On suppose ´egalement connaˆıtre leurs propri´et´es usuelles (d´erivabilit´e, d´eriv´ees,
parit´e, p´eriodicit´e, formules d’addition, etc.) ainsi que leur tableau de variation.
Proposition Etant donn´e un angle α, il existe un unique r´eel θ[π, π[tel que
Cos α= cos θet Sin α= sin θ.
D´efinition Le r´eel θde la proposition est appel´e mesure principale de l’angle α. La classe de
θdans R/2πZest la mesure de l’angle α.
D´emonstration : L’´egalit´e Cos2α+ Sin2α= 1 donne |Cos α| ≤ 1. D’apr`es le tableau de
variation de cos, il existe exactement un r´eel θ0[0, π[ tel que Cos α= cos θ0. De plus,
l’´equation cos θ= cos θ0a au plus deux solutions dans [0,2π[, `a savoir θ0et 2πθ0. Notons
enfin que sin θ0=sin(2πθ0).
Les ´egalit´es Cos2α+ Sin2α= 1 = cos2θ+ sin2θdonnent Sin α=±sin θ0. Si Sin α= sin θ0
(resp. Sin α=sin θ0), alors θ=θ0(resp. θ= 2πθ0) est l’unique ´el´ement de [0,2π[ qui
convient.2
Proposition L’application qui `a l’angle αassocie l’´el´ement θR/2πZtel que Cos α= cos θ
et Sin α= sin θest un isomorphisme de groupe.
D´emonstration : On sait d´ej`a que c’est une bijection. Les formules d’addition de Cos et Sin
d’une part, qu’on a d´emontr´ees ci-dessus, et celles de cos et sin d’autre part, permettent de
prouver que c’est un morphisme de groupes.2
Remarque. En changeant l’orientation de P, on change la mesure des angles en son oppos´ee.
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