Médecine nucléaire: TEP/TDM au DOTATOC

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H i g H l i g H t s 2 010 : M é d e c i n e n u c l é a i r e
TEP/TDM au DOTATOC-68Ga – un nouveau standard
pour le diagnostic des tumeurs exprimant les récepteurs
de la somatostatine
Ole Christopher Maas, Flavio Forrer
Résumé
La stadification fiable des tumeurs neuroendocrines
(TNE) est une étape essentielle pour le choix d’un traitement adapté au stade de la maladie. Depuis son introduction dans les années 1980, la scintigraphie des récepteurs de la somatostatine à l’octréotide marqué à
l’indium 111 (111In), connue sous le nom Octreoscan®,
constituait la modalité d’imagerie de référence. La scintigraphie à l’octréotide-111In peut également être une
technique diagnostique précieuse pour la stadification
d’autres entités tumorales associées à la présence de
récepteurs de la somatostatine.
Les faiblesses de la scintigraphie à l’octréotide-111In,
même en cas d’acquisition d’images par TEMP/TDM,
résident dans la résolution des images et dans l’affinité
limitée de l’octréotide pour la somatostatine. Depuis
quelques années, une TEP/TDM au DOTATOC-68Ga peut
être pratiquée. Une synthèse de nos expériences confirme
qu’à une dose d’irradiation plus faible, la TEP/TDM au
DOTATOC-68Ga tend à être plus fiable par rapport à la
scintigraphie à l’octréotide-111In pour le diagnostic des
tumeurs exprimant les récepteurs de la somatostatine.
entrent néanmoins souvent en ligne de compte lors des
réflexions de diagnostic différentiel en raison de la multiplicité de leurs symptômes. Si les soupçons de TNE
sont renforcés par le diagnostic biologique initial, il est
essentiel de pratiquer des examens d’imagerie pour localiser la tumeur primaire et la stadifier. Le pronostic
de la maladie varie en fonction de la localisation de la
tumeur primaire. Les TNE du tube digestif antérieur et
du pancréas (foregut) sont associées à un plus mauvais
pronostic que les TNE du rectum ou de l’appendice.
Il est difficile de tirer des conclusions quant à la localisation de la tumeur en se basant sur les manifestations
cliniques. Tout en sachant que 75% de toutes les TNE
sont localisées dans le tractus intestinal, la localisation
au moyen des procédés radiologiques conventionnels
(TDM, IRM ou échographie) est souvent insuffisante.
Depuis les années 1980, la scintigraphie des récepteurs
de la somatostatine était considérée comme l’examen
d’imagerie de référence pour les TNE. La TEP/TDM au
DOTATOC-68Ga à présent disponible établit néanmoins
un nouveau standard.
D’autres tumeurs surexprimant les récepteurs de la somatostatine sont listées dans le tableau 2 p.
Contexte
Bien que les tumeurs neuroendocrines (TNE, tab. 1 p)
constituent un groupe rare d’affections malignes, elles
Klinik für Radiologie und Nuklearmedizin,
Abteilung für endokrine Diagnostik und Radionuklidtherapien,
Universitätsspital Basel
Tableau 1. Classification des tumeurs neuroendocrines en fonction du syndrome d’hypersécrétion.
Les symptômes varient en fonction de l’origine du tissu tumoral et de l’activité neuroendocrine correspondante.
Ole Christopher
Maas
Les auteurs
certifient
qu’aucun conflit
d’intérêt n’est lié
à cet article.
Entité
Médiateur chimique sécrété
Symptômes
Syndrome carcinoïde
Sérotonine
Flush, diarrhée sécrétoire, fibrose endocardique,
bronchoconstriction
Gastrinome
(syndrome de Zollinger-Ellison)
Gastrine
Ulcères récidivants, diarrhée sécrétoire, maldigestion
VIPome (syndrome de Verner-Morrison)
Peptide intestinal vasoactif
(vasoactive intestinal peptide – VIP)
Diarrhée aqueuse, hypokaliémie
Insulinome
Insuline
Hypoglycémie, neuroglycopénie
Glucagonome
Glucagon
Diabète sucré, anémie, érythème nécrolytique
migrateur
GHRHome
Hormone de libération de l’hormone de
croissance (growth-hormone-releasing
hormone – GHRH)
Acromégalie, intolérance au glucose
ACTHome
Hormone adrénocorticotrope
(adrenocorticotropic hormone – ACTH)
Syndrome de Cushing
Somatostatinome
Somatostatine
Diarrhée/stéatorrhée, cholélithiase, diabète sucré
Forum Med Suisse 2011;11(1–2):11–13
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Figure 1
TEP/TDM au DOTATOC-68Ga (gauche) et TEMP/TDM à l’octréotide (droite) chez une patiente atteinte d’une tumeur neuroendocrine de
l’intestin grêle. L’acquisition de la TEP/TDM a eu lieu seulement 24 h après l’acquisition de la TEMP/TDM. A la TEP/TDM, il y a une fixation
significative du DOTATOC-68Ga dans les métastases hépatiques. En revanche, à la TEMP, les métastases hépatiques échappent au diagnostic,
car il n’y a pas d’hyperfixation significative par rapport à la fixation physiologique dans le tissu hépatique.
Scintigraphie des récepteurs
de la somatostatine
Les procédés de médecine nucléaire utilisés pour le
diagnostic des tumeurs neuroendocrines se basent sur
la surexpression de la somatostatine. La somatostatine,
une hormone endogène inhibant la sécrétion de l’hormone de croissance, se lie à cinq différents sous-types
de récepteurs (sous-types 1–5). En particulier, le soustype 2 est souvent surexprimé par les tumeurs et il
constitue dès lors une cible intéressante. Dans les années 1980, des analogues peptidiques de la somatostatine ont été développés; ces analogues se lient sélectivement aux récepteurs de la somatostatine et peuvent
être marqués avec des radio-isotopes. La scintigraphie
à l’octréotide-111In (Octreoscan®) s’est imposée.
Depuis que la tomographie d’émission monophotonique couplée à la tomodensitométrie (TEMP/TDM)
permet une reconstruction tridimensionnelle, il est pos-
Tableau 2. Autres tumeurs avec surexpression démontrée
des récepteurs de la somatostatine.
Entité
Phéochromocytome/paragangliomes
Carcinomes thyroïdiens
Méningiomes/astrocytomes
Tumeurs glomiques
Neuroblastomes
Carcinomes à cellules de Merkel
Carcinome mammaire
Lymphomes non hodgkiniens
Lymphomes hodgkiniens
Thymomes
Carcinome hépatocellulaire
Cancers bronchiques à petites cellules
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sible de réaliser une bonne affectation anatomique des
lésions exprimant des récepteurs. Néanmoins, la scintigraphie à l’octréotide-111In possède des limites. En
particulier, le foie présente une fixation physiologique
élevée du radio-isotope. Pourtant, lors de la stadification des tumeurs, il est primordial de pouvoir évaluer
avec une grande précision le foie en tant que premier
organe recueillant le sang et la lymphe en provenance
du tractus intestinal. Même avec la reconstruction tridimensionnelle, la résolution maximale de la TEMP/TDM
n’est que d’environ 8 mm, ce qui est souvent insuffisant
pour une stadification précise. La sensibilité limitée de
la TEMP lors de la recherche de petites lésions de
moins d’un cm le confirme.
TEP au DOTATOC-68Ga
Il est désormais possible d’obtenir une localisation ciblée
des lésions exprimant les récepteurs de la somatostatine
au moyen de la tomographie par émission de positons
couplée à la tomodensitométrie (TEP/TDM). La TEP/TDM
fait appel à des émetteurs de positons, qui sont plus facilement détectables sur le plan spatial et permettent une
meilleure résolution de l’image. La TEP/TDM au 18Ffluorodéoxyglucose (FDG) a fait ses preuves pour la recherche et la stadification de nombreuses tumeurs malignes. Sur le plan physiopathologique, la TEP/TDM au
FDG nécessite une activité métabolique accrue et donc un
métabolisme glucidique élevé de la tumeur, une propriété
qui fait souvent défaut aux tumeurs neuroendocrines.
Le DOTATOC est un analogue peptidique de la somatostatine, qui se lie de façon ciblée à la somatostatine. Depuis 1996, il est utilisé en association avec l’yttrium-90
et le lutétium-177 pour le traitement des tumeurs neuroendocrines. Depuis lors, il a pu être utilisé avec le gallium-68, un émetteur de positons, ce qui en fait un traceur adapté à la TEP présentant une grande affinité
pour la somatostatine. Un avantage majeur du DOTATOC-68Ga par rapport à l’octréotide-111In est la plus
faible dose d’irradiation reçue par le patient. La dose
d’irradiation délivrée en cas de scintigraphie à l’octréotide est d’env. 12 mSv. En revanche, en cas de TEP au
DOTATOC-68Ga, la dose d’irradiation délivrée est
d’env. 3,45 mSv. La réduction de la dose d’irradiation
d’un facteur 3 est tout particulièrement un argument de
poids en faveur de la TEP/TDM chez les patients jeunes
avec un diagnostic incertain.
Le profil d’affinité des deux peptides utilisés, DOTATOC
et octréotide, pour les sous-types des récepteurs de la
somatostatine diffère. Reubi et al. ont montré que le
DOTATOC-Ga possédait une affinité neuf fois plus éle-
vée pour le sous-type 2 des récepteurs de la somatostatine par rapport à la l’octréotide-In. Il est ainsi possible
d’obtenir un rapport tumeur/fond significativement
meilleur (fig. 1 x).
Expérience clinique
En Suisse, 110 examens de TEP/TDM au DOTATOC68Ga ont entre-temps été pratiqués. Dans une analyse
rétrospective des examens, 37 patients sur 91 avaient
également des résultats disponibles pour une scintigraphie à l’octréotide. Dans six cas, l’intervalle de temps
entre les deux examens était inférieur à 50 jours.
Dans cinq de ces six cas, il a été possible de visualiser
au moins une lésion supplémentaire avec la TEP/TDM
au DOTATOC-68Ga, lésion pour laquelle il n’y a pas eu
de fixation à la scintigraphie des récepteurs de la somatostatine. Dans aucun cas, la scintigraphie à l’octréotide-111In n’a permis de détecter une lésion qui n’était
pas visualisable à la TEP/TDM au DOTATOC-68Ga.
Cette tendance se recoupe avec des expériences publiées menées avec la TEP/TDM au DOTATOC-68Ga
dans d’autres centres. Dans une étude prospective, Gabriel et al. sont parvenus à démontré la supériorité de
la TEP/TDM au 68Ga par rapport aux méthodes d’imagerie établies. Dans leur population de patients, ils ont
rapporté une sensibilité de 97% pour une spécificité de
92%. Comme attendu, les lésions supplémentaires diagnostiquées étaient localisées dans les zones échappant
souvent au contrôle de la TEMP/TDM, par ex. dans le
foie.
Perspectives
Même s’il est impossible de tirer des conclusions statistiquement significatives à partir des patients qui ont
jusqu’à présent passé une TEP/TDM au DOTATOC68Ga en Suisse, nous pouvons néanmoins constater
que cet examen est considérablement supérieur au
standard actuel, à savoir la scintigraphie à l’octréotide111In.
Correspondance:
PD Dr Dr Flavio Forrer
Klinik für Radiologie und Nuklearmedizin
CH-4031 Basel
[email protected]
Références
Les informations bibliographiques sont disponibles auprès de l’auteur
correspondant.
Forum Med Suisse 2011;11(1–2):11–13
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