L’Encéphale, 2006 ; 32 : 781-8, cahier 1 781
MISE AU POINT
Mémoire autobiographique épisodique et dépression
C. LEMOGNE (1), P. PIOLINO (2, 3), R. JOUVENT (1, 4), J.-F. ALLILAIRE (1, 4), P. FOSSATI (1, 4)
(1) Unité CNRS 7593, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
(2) Unité INSERM E 0218, Université de Caen.
(3) Institut de psychologie, EPHE, CNRS UMR 8581, Université Paris V.
(4) Service de Psychiatrie d’Adultes, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
Travail reçu le 2 mars 2005 et accepté le 21 mars 2005.
Tirés à part : C. Lemogne (à l’adresse ci-dessus).
Episodic autobiographical memory in depression : a review
Summary. Introduction. Autobiographical memory and personal identity (self) are linked by a reciprocal relationship. Auto-
biographical memory is critical for both grounding and changing the self. Individuals' current self-views, beliefs, and goals
influence their recollections of the past. According to Tulving, episodic memory is characterized by autonoetic cons-
ciousness, which is associated with a sense of the self in the past (emotions and goals) and mental reliving of an experience.
Its close relationship with self and emotion strongly involves episodic autobiographical memory in the psychopathology of
depression. However, due to methodological and conceptual issues, little attention has been paid to episodic autobiogra-
phical memory in depression. Since the seminal work of Williams et al. 15 years ago, there is now growing interest around
this issue. Literature findings. We reviewed the evidence for three major features of autobiographical memory functioning
in depression : an increase in general memory retrieval (overgenerality), a mood-congruent memory effect and the high
occurrence of intrusive memories of stressful events. Although it was first observed among suicidal patients, overgenerality
is actually associated with both depression and post-traumatic stress disorder. Overgenerality is not associated with anxious
disorders other than post-traumatic stress disorder, obsessive-compulsive disorder, or borderline personality disorder. Most
of controlled studies carried out on autobiographical memory in depression rely on the Williams' Autobiographical Memory
Test (AMT). When presented with positive and negative cue words and asked to retrieve specific personal events, depressed
patients (unlike matched controls) are less specific in their memories. They tend to recall repeated events (categorical
overgeneral memories) rather than single episodes (specific memories). Overgenerality in depression is : 1) more evident
with positive than with negative events (mood-congruent memory effect) ; 2) related to avoidance of intrusive memories ;
3) quite stable over time, ie, remaining after remission ; and 4) related to short-term prognosis in depression. Although it
is not clear whether overgenerality is a cause or an effect of depression, there is some evidence to suggest that overge-
nerality is a trait marker indicating vulnerability to persistent depression. Mood-congruent effect, a well-known effect in
depression, has been addressed in both autobiographical and non-autobiographical memory. Depressed patients spon-
taneously recall more negative than positive memories. With the AMT, depressed patients take longer to respond to positive
than to negative cues, whereas controls do the opposite. Depression is also associated with a high occurrence of spon-
taneous intrusive memories of stressful life events. Studies found intrusions and related avoidance, as measured by the
Impact of Event Scale, to be positively correlated with overgenerality, whereas there was no direct link between performance
on the Autobiographical Memory Test and stressful life events per se. Both Williams' mnemonic interlock model and
Conway’s self-memory system are useful models to address the complexity of findings regarding autobiographical memory
and depression. Discussion. According to Williams, repeated avoidance of stressful memories leads depressed patients
to have an autobiographical memory functioning characterized by iterative retrievals of categorical overgeneral memories,
producing an enduring overgeneral retrieval style. According to Conway, the recollection of autobiographical memories
requires a retrieval process that provides access to sensory/perceptual event-specific knowledge (ie perceptions and
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Résumé. La mémoire autobiographique épisodique permet
de remonter dans le temps pour revivre mentalement (cons-
cience autonoétique) un événement personnellement vécu.
La revue de la littérature sur le fonctionnement de la mémoire
autobiographique épisodique au cours de la dépression met
en évidence trois résultats principaux : la surgénéralisation
des souvenirs, la congruence à l’humeur et la fréquence des
souvenirs intrusifs. La surgénéralisation, c’est-à-dire le rap-
pel préférentiel de souvenirs portant sur des événements
répétés ou étendus, est relativement spécifique de la dépres-
sion. Cet effet a été répliqué quasi constamment dans la lit-
térature depuis une quinzaine d’années. Il constitue un fac-
teur de mauvais pronostic de l’épisode dépressif et possède
probablement les caractéristiques d’un trait, notamment en
cas de trouble dépressif récurrent. Les données les plus
récentes suggèrent l’existence d’un trait acquis, équivalent
d’une séquelle cognitive de la dépression. Il existe des liens
entre évitement des souvenirs intrusifs et surgénéralisation.
Ces liens demandent à être explorés au sein d’un modèle
intégrant self, fonctions exécutives et mémoire autobiogra-
phique épisodique dans le domaine de la dépression.
Mots clés : Conscience autonoétique ; Dépression ; Mémoire
autobiographique ; Mémoire épisodique ; Surgénéralisation.
INTRODUCTION
La mémoire est une fonction cognitive hétérogène au sein
de laquelle il est possible de distinguer plusieurs compéten-
ces mnésiques relativement indépendantes. Il est usuel de
distinguer une mémoire à court terme, souvent assimilée à
la mémoire de travail, et une mémoire à long terme. La
mémoire à long terme peut être séparée en mémoires décla-
rative et non déclarative. La mémoire non déclarative con-
cerne des informations non restituables sous forme verbale.
Elle concerne le conditionnement, la mémoire procédurale
(apprentissage d’habiletés perceptives, motrices ou cogni-
tives) et les phénomènes d’amorçage perceptif. La mémoire
déclarative concerne des informations restituables sous
forme verbale et serait constituée d’une mémoire épisodi-
que et d’une mémoire sémantique (35).
La mémoire épisodique est la mémoire des événe-
ments, celle du « je me souviens ». Elle permet l’encodage
et le rappel des événements personnellement vécus avec
leur contexte phénoménologique d’acquisition : (« je me
souviens du bac de français, je me revois passer l’oral »).
La mémoire sémantique est la mémoire des faits, celle
du « je sais ». Elle permet l’encodage et le rappel d’infor-
mations dépourvues de référence à leur contexte d’acqui-
sition (« je sais que Santiago est la capitale du Chili »).
La mémoire autobiographique est généralement définie
comme la capacité à récupérer des informations portant sur
soi-même (self) (28). Ainsi définie, la mémoire autobiogra-
phique comporte nécessairement : (1) des événements
autobiographiques relevant de la mémoire épisodique ; (2)
des faits autobiographiques (lieu de naissance, nom des
collègues, etc.) relevant de la mémoire sémantique.
Au carrefour de l’émotion et de la cognition, la mémoire
occupe une place centrale dans la sémiologie, la psycho-
pathologie et la physiopathologie de la dépression. L’exis-
tence de troubles mnésiques au cours de la dépression
concerne aussi bien la mémoire à court terme que la
mémoire à long terme. De nombreux travaux ont étudié
le fonctionnement de la mémoire épisodique au cours de
la dépression à l’aide de paradigmes de mémoire non
autobiographique, comme l’apprentissage de listes de
mots (mémoire épisodique verbale) (voir 10 pour revue).
À l’inverse, l’étude de la mémoire autobiographique épi-
sodique a été longtemps négligée en raison d’ambiguïtés
conceptuelles et méthodologiques (28).
La mémoire épisodique est caractérisée par la recon-
textualisation du souvenir, c’est-à-dire le rappel de son
contexte d’acquisition. Trop souvent limité à ses aspects
temporo-spatiaux par les protocoles expérimentaux, ce
contexte s’étend à toute la phénoménologie de l’expé-
rience vécue, notamment aux cognitions et aux émotions.
La mémoire autobiographique constitue donc un matériau
d’étude écologique de la mémoire épisodique. Elle est la
source du sentiment d’identité (8) et de la conscience du
temps (39). Elle constitue également la cible naturelle des
thérapies cognitives de la dépression. Enfin, il existe une
congruence entre certaines régions cérébrales impli-
quées dans les tâches de mémoire autobiographique épi-
sodique (20) et des régions d’intérêt dans la physiopatho-
logie de la dépression (21), en particulier les structures
médiofrontales et hippocampiques.
L’étude des relations entre mémoire autobiographique
épisodique et dépression a fait l’objet de plusieurs travaux
feelings) via a personal semantic knowledge base (ie lifetime periods and generic events). This retrieval process (generative
retrieval mode) relies on both executive functioning and current self-view, namely the working-self. Spontaneous memories,
usually vivid, result from a direct retrieval mode in which event-specific knowledge is directly triggered. In line with this
model, episodic autobiographical memory impairment in state depression may arise from the working self rather than from
autobiographical knowledge. The mood-congruent effect may be explained by the current (depressed) self. The high occur-
rence of intrusive memories may be explained by lack of executive control during direct retrieval. Overgenerality may rely
on the interaction of both executive dysfunction and current (depressed) self, within the working-self, during generative
retrieval. Our review suggests that further evidence is needed to address the relationship between executive functioning,
self and autobiographical memory in depression.
Key words : Autobiographical memory ; Autonoetic consciousness ; Depression ; Episodic memory ; Overgenerality.
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depuis une quinzaine d’années et suscite actuellement un
intérêt croissant. Nous proposons une synthèse de l’état
actuel des connaissances en nous limitant aux aspects
épisodiques de la mémoire autobiographique au cours de
la dépression.
MÉMOIRE AUTOBIOGRAPHIQUE ÉPISODIQUE
ET DÉPRESSION
Nous envisagerons successivement les trois principaux
résultats mis en évidence dans ce domaine : surgénéra-
lisation, congruence à l’humeur, niveau élevé de sou-
venirs intrusifs. Nous exposerons leurs implications
cliniques ainsi que les deux modèles fondamentaux sus-
ceptibles d’en rendre compte : le mnemonic interlock
model de Williams (41), portant sur la mémoire autobio-
graphique dans la dépression, et le self-memory system
de Conway, portant sur la mémoire autobiographique en
général.
Effet de surgénéralisation (overgeneral recall)
En réponse à un mot-indice, les sujets déprimés pro-
duisent, par rapport à des témoins appariés pour le sexe,
l’âge et le niveau d’éducation, un plus grand nombre de
souvenirs autobiographiques surgénéralisés (overgene-
ral memories). Aussi appelés souvenirs génériques
(generic memories), ils sont définis comme se référant à
des événements répétés, c’est-à-dire survenus plus d’une
fois (« quand j’allais à la piscine en CE2 »), ou étendus,
c’est-à-dire ayant duré plus d’une journée (« mon voyage
à Sumatra »). Cette tendance serait plus marquée pour
les mots-indices positifs et s’expliquerait surtout par un
excès de souvenirs se référant à des événements répétés
(categoric overgeneral memories).
Cet effet de surgénéralisation a été mis en évidence
dans la dépression en 1988 (23, 44). En 1986, Williams
et Broadbent avaient déjà obtenu des résultats similaires
dans une population de patients suicidants, immédiate-
ment après une intoxication médicamenteuse volontaire,
à l’aide de l’Autobiographical Memory Test (AMT) (42).
L’AMT fonctionne sur le principe de mots-indices positifs,
négatifs ou neutres à partir desquels le sujet est invité à
produire un souvenir autobiographique spécifique, c’est-
à-dire survenu une seule fois et ayant duré moins d’une
journée. Ces résultats ont été répliqués dans une cohorte
de patients suicidants plusieurs mois après une intoxica-
tion médicamenteuse volontaire (43).
Depuis les premiers travaux menés par Williams et al.,
de nombreuses études ont répliqué l’effet de surgénéra-
lisation au cours de la dépression. Les principaux résultats
de ces travaux sont présentés dans le tableau I avec seu-
lement une étude négative. Cette étude portait sur une
population de 15 patients souffrant d’un trouble dépressif
majeur récurrent à caractère saisonnier (9). Les résultats
ne montraient pas d’effet de surgénéralisation par rapport
aux témoins.
L’effet de surgénéralisation semble relativement spéci-
fique de la dépression et de l’état de stress post-trauma-
tique (14, 22), avec des résultats négatifs dans les autres
troubles anxieux (29, 38) et le trouble obsessionnel-com-
pulsif (40), et contradictoires dans le trouble borderline (1,
15, 34). Dans une population de 103 patients hospitalisés
avec ou sans accident vasculaire cérébral, Sampson, Kin-
derman et al. montraient que le nombre de souvenirs sur-
généralisés était un indicateur de dépression mais pas
d’accident vasculaire cérébral (30).
Il n’existe pas d’argument en faveur d’un effet du sexe
sur la spécificité des souvenirs au cours de la dépression.
Cependant, à notre connaissance, cette question n’a pas
fait l’objet de travaux spécifiques. L’effet de l’âge est
mieux connu et diminue la spécificité des souvenirs, indé-
pendamment de la dépression (12, 27). Chez le sujet
âgé, la dépression entraîne une surgénéralisation accrue
(12, 27).
Effet de congruence à l’humeur
Un effet de congruence à l’humeur (dépressive) chez
les sujets déprimés, déjà décrit dans des tâches dites de
mémoire « épisodique » verbale, s’observe également
dans le domaine de la mémoire autobiographique.
Sur un plan quantitatif, les sujets déprimés rappellent
plus d’événements de vie négatifs et plus rapidement que
les positifs. Ce biais mnésique n’est pas dû à un excès
d’événements négatifs ni à un jugement exagérément
négatif que porteraient les sujets déprimés sur leurs évé-
nements de vie (3). En 1995, Fromholt et al. montrent dans
une population de patients déprimés âgés de plus de
70 ans que ce biais concerne essentiellement les cinq der-
nières années et disparaît après rémission de la dépres-
sion (12).
Sur un plan qualitatif, certains travaux ont mis en évi-
dence une surgénéralisation préférentielle des souvenirs
évoqués à partir d’indices positifs (tableau I). Il s’agit d’un
effet unidirectionnel mais inconstant dans la littérature,
probablement moins robuste que l’effet de surgénéralisa-
tion per se. Cette interaction entre le groupe (déprimés
versus témoins) et la valence émotionnelle (positive ver-
sus négative) témoigne d’un effet de congruence à
l’humeur au sein de l’effet de surgénéralisation. Quelques
travaux montrent une inversion de cette tendance après
rémission (surgénéralisation préférentielle des souvenirs
évoqués à partir d’indices négatifs) (24, 43).
Souvenirs intrusifs
La dépression, comme l’état de stress post-traumati-
que, est associée à l’existence de souvenirs intrusifs (4,
16, 33). Souvent liés à des événements traumatiques, il
s’agit de souvenirs spontanés, pénibles et vivaces (hau-
tement « épisodiques »). Les notions de souvenirs intru-
sifs et de surgénéralisation renvoient respectivement aux
notions de rappel automatique (spontané) et contrôlé
(volontaire) qui peuvent donc être associés.
C. Lemogne et al. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 781-8, cahier 1
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L’Impact of Event Scale (IES) est une échelle destinée
à mesurer l’intensité des souvenirs intrusifs liés à un évé-
nement traumatique. Elle permet le calcul d’un sous-score
évitement (effort subjectif pour éviter tout rappel de l’évé-
nement) et d’un sous-score intrusion. En utilisant l’IES,
Spenceley et Jerrom ont montré que des patientes souf-
frant d’un trouble dépressif majeur obtenaient des scores
supérieurs aux témoins pour les deux sous-facteurs de
l’IES (intrusion et évitement) (33). Par rapport aux patien-
tes en phase dépressive, les patientes en rémission
avaient un sous-score intrusion inférieur, mais un sous-
score évitement équivalent.
Plusieurs travaux ont montré des corrélations positives
entre surgénéralisation et souvenirs intrusifs au cours de la
dépression. Il semble que les patients qui rapportent les sou-
venirs intrusifs les plus vivaces (rappel automatique) soient
également ceux qui rapportent le plus de souvenirs généraux
après présentation d’un mot-indice (rappel contrôlé). En
TABLEAU I. — Principaux résultats concernant la surgénéralisation au cours de la dépression.
Référence Population Principaux résultats ECH
Williams et Scott, 1988 20 déprimés (tous hospitalisés) + 20 témoins SG déprimés vs témoins +
Moore et al., 1988 17 déprimés (dont 3 épisodes mineurs)
+ 17 témoins
(uniquement des femmes)
SG déprimés vs témoins Ø
Brittlebank et al., 1993 22 déprimés SG stable à 3 et 7 mois
SG initiale corrélée positivement aux scores
HRSD à 3 et 7 mois
Ø
Moffit et Singer, 1994 90 étudiants en psychologie SG déprimés vs non-déprimés (séparés par la
médiane du score MAACL-R dépression)
+
Kuyken et Brewin, 1995 58 déprimés +/– abus sexuel et (ou) physique
avant 17 ans
(uniquement des femmes)
SG corrélée positivement aux ATCD d’abus
sexuel et (ou) physique et à l’évitement des
souvenirs intrusifs (IES)
?
Kuyken et Dalgleish, 1995 33 déprimés + 33 témoins SG déprimés vs témoins Ø
Brewin et al., 1999 62 déprimés (tous hospitalisés) SG corrélée positivement aux scores IES (J0)
mais pas BDI (M6)
Scores IES (J0) corrélés positivement aux scores
BDI (M6)
?
Dalgleish et al., 2001 15 déprimés récurrents avec caractère
saisonnier + 15 témoins
Pas de SG déprimés vs témoins ; SG pour les
indices positifs en hiver (épisode dépressif)
corrélée positivement aux scores HRSD en été
(rémission)
?
Goddard et Dritschel, 2001 30 déprimés + 30 témoins SG déprimés vs témoins +
Wessel et al., 2001 42 déprimés (+/– trouble anxieux) + 51 anxieux
non déprimés + 24 témoins
SG déprimés vs témoins mais pas de SG anxieux
vs témoins
SG non corrélée avec CTQ
Ø
Barnhofer et al., 2002 15 déprimés + 15 témoins SG déprimés vs témoins
Plus de souvenirs catégoriels consécutifs
déprimés vs témoins
Ø
Nandrino et al., 2002 32 déprimés hospitalisés (16 épisodes isolés
et 16 récurrents) avant et après rémission
Avant rémission : SG déprimés vs témoins
Après rémission : SG épisodes récurrents vs
témoins mais pas de SG épisode isolé vs
témoins
+
Park et al., 2002 49 déprimés actuels + 47 déprimés en
rémission + 26 cas psychiatriques non
déprimés + 33 témoins
SG déprimés vs témoins, y compris dans le
groupe en rémission
Pas de SG déprimés vs cas psychiatriques non
déprimés
+
Peeters et al., 2002 25 déprimés SG stable à 3 et 7 mois ; SG corrélée
négativement avec CTQ (J0) et positivement
avec MADRS à 3 et 7 mois
Ø
Sampson et al., 2003 103 patients hospitalisés dont 53 AVC Pas de SG AVC vs non AVC
SG prédicteur du score de dépression de l’HAD
?
AMT = Autobiographical Memory Test ; AVC = accident vasculaire cérébral ; BDI = Beck Depression Inventory ; CTQ = Childhood Trauma
Questionnaire ; ECH = effet de congruence à l’humeur ; HAD = Hospital Anxiety and Depression scale ; hosp. = hospitalisé(e)s ; HRSD = Hamilton
Rating Scale for Depression ; IES = Impact of Event Scale ; MAACL-R = Multiple Affect Adjective Cheklist – Revised ; MADRS = Montgomery-Asberg
Depression Rating Scale ; SG = surgénéralisation.
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 781-8, cahier 1 Mémoire autobiographique épisodique et dépression
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1995, Kuyken et Brewin ont utilisé l’AMT et l’IES dans une
population de patientes déprimées, ayant ou non subi des
violences physiques ou sexuelles pendant l’enfance (17).
Les patientes déprimées rapportant des antécédents de vio-
lences physiques ou sexuelles pendant l’enfance présen-
taient des scores de surgénéralisation plus élevés. Ce pre-
mier résultat n’a pas été répliqué par la suite. En particulier,
la surgénéralisation ne semble pas corrélée positivement
aux scores du Childhood Trauma Questionnaire (1, 26, 38).
Dans la même étude, Kuyken et Brewin montraient que la
surgénéralisation était corrélée positivement à l’existence de
souvenirs intrusifs liés aux violences subies dans l’enfance.
Des résultats similaires ont été obtenus par Brewin
et al. en 1998 dans une population de patients cancéreux
déprimés (5). Les patients rapportant le plus d’efforts pour
éviter des souvenirs intrusifs (sous-score évitement) pré-
sentaient plus de souvenirs surgénéralisés. En 1999,
Brewin et al. ont utilisé l’AMT et l’IES dans une population
de 62 patients déprimés (6). Il existait une corrélation posi-
tive entre le nombre de souvenirs surgénéralisés et les
deux sous-scores de l’IES. Le pronostic de l’épisode
dépressif à 6 mois était négativement affecté par l’inten-
sité des souvenirs intrusifs et le degré d’évitement associé
mais pas par le niveau de surgénéralisation. Dans
l’ensemble de ces travaux, les corrélations entre la sur-
généralisation et les sous-scores de l’IES étaient indépen-
dantes de l’intensité dépressive.
IMPLICATIONS CLINIQUES
Surgénéralisation : marqueur pronostique ?
En 1993, Brittlebank et al. ont utilisé l’AMT dans une
population de 22 patients souffrant d’un épisode dépressif
majeur selon les critères du DSM III-R (7). À 3 et 7 mois,
le nombre de souvenirs surgénéralisés ne différait pas
significativement pour les mots-indices positifs et négatifs.
La surgénéralisation initiale (J0) en réponse aux indices
positifs était un facteur de mauvais pronostic, nettement
corrélé aux scores de la Hamilton’s Rating Scale for
Depression à 3 et 7 mois. Lors de l’analyse post-hoc, les
patients étaient séparés en deux groupes autour de la
médiane des scores obtenus à l’AMT à J0. Dans le groupe
ayant produit le plus de souvenirs surgénéralisés après
un indice positif, 1 patient sur 9 était en rémission à 7 mois.
Dans l’autre groupe, 8 patients sur 10 étaient en rémis-
sion. Des résultats similaires ont été obtenus avec la Mont-
gomery and Asberg’s Depression Rating Scale (MADRS)
(26) mais pas avec la Beck’s Depression Inventory (6). Ce
résultat négatif s’expliquait par l’utilisation du score global
de l’IES comme covariable.
Dans l’étude de Dalgleish et al., portant sur des patients
souffrant d’un trouble dépressif majeur récurrent à carac-
tère saisonnier, le nombre de souvenirs surgénéralisés
lors de l’épisode dépressif majeur (en hiver) était prédictif
de l’intensité des symptômes résiduels après rémission
(en été) (9). Mackinger et al. ont utilisé l’AMT dans une
population de 65 patients hospitalisés pour sevrage
alcoolique et ayant reçu le diagnostic de dépendance
alcoolique et de trouble dépressif non spécifié (18). Le
nombre de souvenirs surgénéralisés était positivement
corrélé au score de la MADRS entre J21 et J35, c’est-à-
dire à un pronostic défavorable. Les auteurs proposaient
d’utiliser la surgénéralisation comme marqueur de la
dépression et comme aide à la décision thérapeutique.
Surgénéralisation : marqueur trait ou état ?
La persistance de la surgénéralisation à distance d’une
tentative de suicide et (ou) d’un épisode dépressif suggère
l’existence d’un trait surgénéralisant, d’où le titre explicite
de l’article de Brittlebank et al. en 1993 (7) : Autobiogra-
phical memory in depression : state or trait marker ? La
même équipe montrait en 1995 une corrélation positive
entre neuroticism (névrosisme) et surgénéralisation (32).
En 2000, Mackinger et al. ont montré que la surgénérali-
sation pouvait prédire l’existence d’antécédents dépres-
sifs chez des femmes euthymiques (19). De même, Scott
et al. ont montré que la surgénéralisation pouvait distin-
guer des patients bipolaires euthymiques de sujets
témoins. La surgénéralisation était proportionnelle au
nombre d’épisodes thymiques antérieurs (31). Des résul-
tats similaires ont été obtenus par Park et al. en 2002 dans
une population d’adolescents déprimés âgés de 12 à
17 ans (25). En 2002, Nandrino et al. ont utilisé l’AMT chez
32 patients déprimés présentant soit un épisode dépressif
isolé, soit un trouble dépressif récurrent, avant et après
rémission (24). En phase dépressive, les deux groupes
présentaient un effet de surgénéralisation concernant les
souvenirs évoqués à partir d’indices positifs. Après rémis-
sion, seuls les patients souffrant d’un trouble dépressif
récurrent présentaient encore un effet de surgénéralisa-
tion concernant les souvenirs négatifs. Les patients ayant
présenté un premier épisode dépressif ne différaient plus
des témoins. Les données récentes suggèrent donc l’exis-
tence d’un trait surgénéralisant acquis.
MODÈLES THÉORIQUES
Modèle de Williams
Depuis les premiers travaux de Williams, plusieurs
auteurs ont postulé que la surgénéralisation protégeait le
patient déprimé et (ou) traumatisé de l’excès d’affects
négatifs liés au rappel des souvenirs intrusifs. La surgé-
néralisation correspond en effet à une réduction du rappel
contrôlé des souvenirs spécifiques au profit de souvenirs
généraux moins émotionnels. Ce phénomène est com-
mun à la dépression et à l’état de stress post-traumatique.
Au cours de la dépression, il existe des corrélations posi-
tives entre la surgénéralisation, les souvenirs intrusifs en
général et leur évitement en particulier. Ces données invi-
tent à considérer la surgénéralisation comme un proces-
sus adaptatif potentiellement favorable aux déprimés. Le
modèle de Williams s’inscrit dans le cadre de cette hypo-
thèse adaptative.
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