I. La relance par l`investissement II. Parmi les priorités : l`énergie et

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4 - Accélérer le retour de la croissance par l’investissement
I. La relance par l’investissement
La CFE-CGC est convaincue que le redressement économique de notre pays, la préparation de
notre avenir collectif et la relance industrielle passent par l’investissement. Nous partageons ainsi
pleinement les constats et les propositions qui sont au cœur du rapport de France Stratégie « Quelle
France dans dix ans ? ».
Investir, c’est préparer l’avenir du pays, c’est assurer l’avenir des entreprises comme celui des
salariés, par des emplois durables et de qualité. C’est bien à cela que doit servir le pacte de responsabilité, loin d’un débat qui se réduirait aux allégements de charge, à la compétitivité et à la
réduction du coût du travail. C’est ce que les salariés et plus largement les Français attendent des
décideurs de ce pays !
La priorité doit donc aller à l’investissement. Ce qui signifie investir dans l’appareil productif, l’innovation sociale, l’innovation technique et technologique, la montée en gamme de notre industrie et
les compétences des salariés, celles qui permettront de gagner demain.
Un combat qui serait réduit à lutter contre les coûts salariaux des pays émergents est en effet perdu
d’avance, c’est donc par l’investissement et par l’innovation que nous pourrons lutter dans cette
guerre économique qui ne dit pas son nom !
II. Parmi les priorités : l’énergie et le logement
L’énergie et le logement sont au cœur des enjeux :
• de pouvoir d’achat des Français et donc de la relance de la croissance par la consommation,
• de compétitivité (compétitivité énergétique, flexibilité du marché de l’emploi essentielle à
la compétitivité et liée à la mobilité professionnelle et résidentielle des salariés que facilite
l’accès au logement),
• d’emplois (le logement est un ferment réel et à effet immédiat d’activité économique),
• et de filières industrielles, d’aujourd’hui et de demain, où la France dispose de réels atouts
(filières de l’énergie…, rénovation thermique des bâtiments et bâtiments intelligents…).
Qui plus est, la transition énergétique est une réalité à l’échelle européenne et la question des
infrastructures énergétiques est à l’évidence au cœur de la relance de la construction européenne,
avec de nombreux investissements à réaliser, facteur de relance économique au niveau européen.
Les infrastructures énergétiques doivent donc être au cœur de la relance par l’investissement.
La crise du logement, elle, touche de nombreux Français, qu’il s’agisse de la difficulté à trouver un
logement ou du coût du logement qui représente le poste le plus important du budget des Français
(contrairement aux Allemands). Elle impose de mobiliser toutes les énergies et tous les moyens pour
relancer la construction de logements, qui connaît aujourd’hui ses chiffres les plus bas depuis longtemps. Le logement doit donc être lui aussi au cœur de la relance par l’investissement.
En la matière, l’Etat doit montrer la voie mais aussi l’exemple : limiter sa dépendance aux dividendes, sous couvert des exigences des marchés financiers, qui sont perçus auprès des énergéticiens dont il est actionnaire, car leur niveau est contraire aux exigences d’investissement industriel
en France et à la dynamique en faveur de l’emploi qui en découle sur le territoire national.
C’est bien une stratégie de l’Etat actionnaire, avant tout industrielle, avisée et soucieuse du long
terme qu’il faut au pays pour relancer l’investissement, et non une posture d’actionnaire qui suit le
diktat du cours de bourse et de la rémunération du capital via les dividendes.
Quant au logement, l’Etat doit mettre ses actes en cohérence avec la priorité donnée à la construction de logements et allouer les ressources consacrées au logement en fonction de leur impact sur
la construction et donc l’investissement.
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III. Investir, c’est un enjeu de gouvernance
Favoriser l’investissement au sein des entreprises, c’est tout d’abord une question de gouvernance
des entreprises.
Investir, c’est aussi réinvestir. C’est bien une question de choix dans l’affectation des résultats et donc des
richesses produites par les entreprises : il s’agit de privilégier le réinvestissement qui prépare l’avenir de
l’entreprise et donc de ses salariés à une distribution de dividendes déconnectée des impératifs de l’entreprise et guidée par le seul objectif de création de valeur actionnariale. Mieux vaut financer l’investissement
par autofinancement que par appel à la dette et donc la dépendance aux marchés financiers.
Pour y parvenir, il faut mettre fin à la primauté de la création de valeur actionnariale qui prévaut
aujourd’hui, depuis plus de 20 ans avec la financiarisation de l’économie et l’emprise croissante
des marchés financiers. Cette pression des soi-disant actionnaires mais en réalité des acteurs sur les
marchés financiers actions, mondiaux et dérégulés, conduit in fine à une rémunération du capital
totalement déconnectée de la réalité économique de l’entreprise, des cycles économiques et industriels et donc de l’économie réelle. Nous sommes donc loin de l’affectio societatis qui devrait être
au cœur de l’actionnariat responsable partenaire de l’entreprise.
Privilégier l’investissement suppose de mettre fin aux stratégies de court-terme qui sont imposées aux
entreprises par les marchés financiers et les actionnaires qui s’y trouvent.
Cette catégorie d’actionnaires exige bien souvent une rentabilité financière correspondant à leurs
impératifs de gestion de portefeuille, immédiate et indifférente aux cycles économiques ou industriels de l’entreprise. Ceci implique bien souvent un rétrécissement de l’horizon temporel des managers, parfois au détriment des intérêts long terme de l’entreprise.
Qui peut en effet oublier l’histoire d’Alcatel-Alsthom où la foi dans les modèles pure players guidée
par les marchés financiers et la soif de dividendes lors de l’introduction en bourse de GEC-Alsthom
ont conduit aux désastres industriels et humains que nous connaissons ?
Il s’agit par conséquent de réorienter la gouvernance d’entreprise pour la rendre plus responsable,
plus soucieuse du long terme et plus respectueuse de la réalité des cycles économiques et industriels.
Pour y parvenir, la CFE-CGC est convaincue qu’il faut renforcer le dialogue économique au sein de
l’entreprise, et en particulier au sein des instances de gouvernance. Ceci passe par une présence
réelle et accrue des salariés dans les conseils d’administration.
Ceci passe également par une structure actionnariale et un mode de financement des fonds propres
adaptés aux fondamentaux économiques et industriels de l’entreprise, et non aux intérêts des marchés
financiers.
IV. C’est aussi une question de structure du capital
Assurer le financement des entreprises, ce n’est pas qu’une question d’accès au financement bancaire. C’est aussi une question de structure de fonds propres et donc de structure du capital. Nous
sommes convaincus qu’un financement reposant trop sur l’endettement et insuffisamment sur les
capitaux propres rend l’entreprise financièrement vulnérable du fait d’exigences pouvant se révéler
déconnectées de son activité et de son cycle économiques et industriels.
Il s’agit donc de mettre fin à la faiblesse en fonds propres des entreprises françaises et de rendre la
structure de fonds propres cohérente avec les fondamentaux économiques de l’entreprise.
Nous ne devons pas oublier que l’efficacité des entreprises américaines dans le domaine des
nouvelles technologies repose sur le rôle des sociétés de capital risque dont la nature empêche
de confondre l’organisation financière avec les seuls marchés financiers et le pouvoir reconnu aux
seuls actionnaires dans la définition de la stratégie des entreprises.
Ce qui fait l’efficacité des entreprises industrielles allemandes (notamment d’équipement), c’est bien
la structure du capital, bien souvent familiale et le subissant que rarement le diktat de la création
de valeur actionnariale au bénéfice des marchés financiers. Alors que 8 % des salariés allemands
sont exposés à une gouvernance financiarisée dépendante des marchés financiers actions, ce sont
15 % des salariés français qui le sont.
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Nous sommes par conséquent convaincus que la relance de l’économie et de l’industrie française
passe par une stratégie de structuration du capital adaptée aux fondamentaux économiques de
chaque entreprise. Ainsi :
• Pour les entreprises en devenir, sur les nouvelles technologies (start up), développer les sociétés de capital risque.
• Pour les entreprises industrielles, dont les cycles économiques et industriels sont par nature
longs, privilégier une structure actionnariale stable, de long terme, qui permette de mobiliser
l’épargne longue.
Il s’agit donc, comme le dit Michel Sapin, de rencontrer la « bonne finance » ! Ceci suppose d’éviter la standardisation, bien souvent financiarisée, des structures de capital et de bâtir une stratégie
actionnariale diversifiée, adaptée à chaque catégorie d’entreprise.
C’est ainsi que le statut de SCOP et de Société d’Intérêt Coopératif (SIC) peut se révéler adapté
à certaines catégories d’entreprises. Des modèles sociétaires peuvent eux se révéler adaptés à
d’autres entreprises…. Il s’agit bien de créer les conditions de la diversité des structures de capital,
en sortant de la mode du capitalisme financier.
V. Une des clefs, c’est de mobiliser l’épargne française
Alors que les pays anglo-saxons souffrent d’une épargne domestique peu abondante, la France a
la chance de disposer d’une épargne domestique, populaire, abondante.
Pourtant, l’aversion des Français au risque les fait se détourner des marchés actions et préférer les
placements réglementés et autres assurance-vie. Idem pour l’épargne salariale où l’aversion au
risque fait choisir les placements monétaires.
Il s’agit donc de construire de nouveaux instruments financiers, correspondant aux attentes des
épargnants Français (placements non risqués, capital garanti contre rémunération raisonnable…),
ce qui interdit de passer par l’intermédiation boursière, et qui permettent de renforcer les fonds
propres des entreprises, en priorité celles dont les cycles économiques sont longs.
En mobilisant l’épargne des Français vers le financement des entreprises et en particulier leurs fonds
propres, en priorisant les secteurs nécessitant d’importants financements, de long terme et reposant
sur des actifs de nature à limiter les risques, nous mobiliserons l’épargne des Français pour le financement de l’économie française.
Cette mobilisation de l’épargne longue des Français et des salariés vers les investissements longs
est d’autant plus importante que les investisseurs de long terme sont rares (note du CAE 2010).
VI. L’enjeu crucial des infrastructures
Les infrastructures sont au cœur de l’attractivité, de la compétitivité et de la souveraineté du pays
mais aussi de l’Europe.
Il est donc indispensable d’en assurer la qualité, le développement et la pérennité. Il faut donc
assurer le financement des investissements dans les infrastructures. Ne serait-ce que pour éviter les
situations britanniques, portugaises et grecques où l’incapacité à financer leurs infracstructures du
fait de l’endettement public et de la faiblesse de l’épargne domestique a conduit ces pays à se
tourner vers des investisseurs non européens pour en assurer le financement, au risque d’en perdre
la maîtrise.
Il faut en assurer le financement, et ce à moindre coût, pour préserver ce facteur d’attractivité de
notre pays. Il faut donc limiter le coût du capital des entreprises gérant ces infrastructures. Il y a
donc tout intérêt à orienter l’épargne longue des Français vers le financement des infrastructures, y
compris via les fonds propres des entreprises les gérant.
Les infrastructures sont des actifs physiques tangibles, régulés et par nature de long terme.
Elles présentent des risques très faibles, des revenus stables et régulés, un horizon de temps
adapté à l’épargne de long terme, elles peuvent donc offrir une rémunération du capital modeste
et une garantie.
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En adossant des actifs longs à l’investisseur de long terme que peut être l’épargnant français, les
infrastructures correspondent parfaitement aux profils d’épargnant des Français et des salariés,
elles sont donc susceptibles d’attirer ces épargnants.
Qui plus est, ce financement des infrastructures par l’épargne des Français relève d’une certaine
forme d’économie circulaire : les Français financent avec leur épargne les infrastructures de leur
pays dont ils assurent la pérennité, la qualité et le développement via un coût de financement de
ces infrastructures modéré du fait de la mobilisation de leur épargne longue (mais sans intermédiation boursière), et ils bénéficient des fruits de la gestion de ces infrastructures, en lieu et place
d’actionnaires des marchés financiers et les détenteurs de dette (que certains appellent la « finance
sans visage »).
Ce raisonnement vaut en particulier pour les infrastructures énergétiques. Elles sont au cœur de la
construction européenne, comme la CECA le prévoyait déjà en 1954. Les crises ukrainiennes de
2008 et de 2014 nous rappellent que les infrastructures gazières sont essentielles à la souveraineté
énergétique du continent. C’est d’ailleurs l’européanisation des infrastructures énergétiques qui
permettra de réelles avancées pour l’Europe de l’énergie.
Notre proposition
La CFE-CGC propose par conséquent, pour relever le défi des infrastructures, de développer une structure du capital novatrice, adaptée à ce défi, susceptible de mobiliser
l’épargne des Français vers le financement des infrastructures et donc les associant au
financement de l’économie de notre pays.
Il s’agit de permettre aux Français de devenir sociétaires des entreprises gérant les
infrastructures. Sociétaires, à savoir détenteurs de parts sociales ouvrant droit à une
rémunération régulée, capée car cohérente avec la nature régulée des infrastructures,
assortie d’une garantie du capital (car assise sur des actifs physiques tangibles).
Selon le Conseil d’analyse économique « les structures de capital plus fermées sont
favorables à un investissement patient à l’image des fonds d’infrastructures ». Tel est le
cas de ce modèle d’inspiration « sociétaire », qui nous semble particulièrement adapté
aux infrastructures.
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