Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège Groenland :la calotte fond plus vite que prévu en surface 19/11/07 Il devient difficile de nier le réchauffement climatique. L'augmentation de la fonte en surface de la calotte du Groenland au cours de ces 28 dernières années le confirme. Xavier Fettweis, du Laboratoire de climatologie et de topoclimatologie de l'ULg, étudie le Groenland depuis 6 ans. Il a montré que ses glaces fondent beaucoup plus vite que ce qui avait été estimé précédemment : la surface de fonte de la calotte a augmenté de 45% depuis 1979. De plus, la température estivale moyenne du Groenland s'est élevée de 2,4°C entre 1979 et 2006, et l'année 2007 s'annonce déjà comme une année record... Depuis 1979, les satellites SSM/I et SMMR scrutent la surface de la terre avec des lunettes sensibles au rayonnement micro-onde. Certaines de ces observations sont utilisées, en particulier, pour estimer l'étendue de la fonte à la surface de la calotte glaciaire du Groenland. En effet, le signal émis dans les longueurs d'onde micro-onde par une surface enneigée diffère selon la présence ou non d'eau liquide de fonte dans le manteau neigeux, rendant le satellite sensible aux zones de fonte. En utilisant ces données telles quelles, aucune augmentation importante de l'étendue de la fonte n'avait été observée auparavant, ce qui avait fait dire à des chercheurs américains que la fonte à la surface de la calotte du Groenland était stable ces dernières années. Mais les choses ne sont pas si simples... Xavier Fettweis a mis en lumière des désaccords entre les mesures satellitaires qu'il analysait et les prédictions de son modèle numérique du climat lorsqu'il pleut sur la calotte, et ce dès 1979 : «certains jours, le satellite observe en un endroit donné de la fonte, puis le lendemain plus rien et le jour suivant, à nouveau de la fonte. Une telle discontinuité temporelle est impossible car le satellite observe la fonte sur un mètre de profondeur. Des discontinuités spatiales sont également observées. J''ai montré que ces discontinuités apparaissent là où mes simulations numériques prédisent de la pluie sur la calotte, autrement dit le satellite assimile une journée de pluie à une journée sans fonte (car les nuages de pluie biaisent le signal de fonte émis par la surface)... alors que justement la pluie accélère la fonte. Pour corriger ce biais, j'ai donc imposé la continuité spatiale et © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017 -1- Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège temporelle aux données satellitaires ce qui m'a permis de mettre en évidence cette tendance à l'augmentation de la fonte.» Tout récemment, des observations à une fréquence non biaisée par la présence des nuages de pluie sont venues confirmer l'intuition de Xavier Fettweis et, en particulier, l'exactitude de ses corrections. Le Groenland se réchauffe Les données corrigées laissent clairement apparaître un élargissement de l'étendue de fonte au cours de ces 28 dernières années. Le graphique ci-dessous donne sur chaque pixel l'année où le satellite a enregistré, pour la première fois, de la une fonte à sa surface. Au début des années quatre-vingt, la fonte était localisée principalement sur les bords du Groenland. Avec le temps, le phénomène touche des zones de plus en plus intérieures. L'animation ci-dessous est une autre manière de présenter cette progression de l'étendue de la fonte à la surface de la calotte groenlandaise. © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017 -2- Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017 -3- Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège Au total, l'étendue de la surface de fonte a augmenté de 45% depuis 1979... ce qui ne signifie pas que le Groenland a perdu 45% de sa masse: toute l'eau de fonte n'est pas évacuée vers les océans. Une partie peut regeler, qui combiné aux chutes de neige hivernales, formera de la glace en hiver. Xavier Fettweis a utilisé son modèle numérique pour simuler le climat du Groenland et son interaction avec la surface de la calotte de 1979 à 2006. Cette simulation a mis en évidence une augmentation significative de l'écoulement de l'eau de fonte vers les océans de près de 8 km³ par an depuis 1979 alors que la quantité de chutes de neige n'a pratiquement pas changé. Ce qui suggère que la calotte du Groenland perd en moyenne 7 km³ d'eau en surface par an depuis 1979. A cela, il faut rajouter la masse perdue par les icebergs qui sont déchargés par les glaciers groenlandais dans l'océan. Il faut savoir que la calotte du Groenland gagne de la masse en hiver via les chutes de neige qui s'accumule et perd une partie de celle-ci en été via la fonte. Si les chutes de neige en hiver ont été suffisamment abondantes et que l'été n'a pas été trop chaud, la neige ne fond pas complètement durant l'été, s'accumule, se tasse et, couche après couche au fil des ans, se transforme en glace pour former la calotte. Cette glace est alors évacuée vers l'océan par les glaciers groenlandais qui déchargent des icebergs dans l'océan. Concernant la température estivale, sa moyenne s'est élevée de 2,4°C depuis 1979, passant de -15,5°C à -13,1°C. «Ce réchauffement est statistiquement significatif à 95% et ne peut doncêtre imputé au hasard ç.à.d. à la variabilité climatique. La calotte est bel et bien en train de fondre en surface. C'est un fait scientifique. L'explication la plus plausible est l'augmentation de la teneur en gaz à effet de serre de l'atmosphère.» © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017 -4- Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège Variabilité pas naturelle L'évolution du climat groenlandais n'est pas un long fleuve tranquille : comme le montre la figure précédente (Page 3), son profil présente des hauts et des bas. Il est possible d'associer des phénomènes naturels aux maxima et minima de températures. Par exemple, les minima de 1983 et 1992 sont associés à des éruptions volcaniques importantes. En juin 1991, le Pinatubo aux Philippines a envoyé dans l'atmosphère d'importantes quantités de fines particules de suies qui se sont accumulées principalement au pôle nord, à cause de la circulation atmosphérique. La suie ayant empêché le rayonnement solaire d'atteindre la surface, cette dernière s'est refroidie, entraînant une réduction de la fonte au pôle mais aussi au Groenland durant l'été suivant. Le même phénomène s'est produit en 1983, suite à l'éruption d'El Chichon au Mexique en mars 1982. Si le caractère oscillant du climat du Groenland ne peut être imputé au réchauffement climatique, l'amplitude croissante des pics de températures, elle, l'est. «D'ailleurs, on peut déjà dire que 2007 sera un pic important et même une année record, annonce Xavier Fettweis. La température estivale moyenne cette année-ci a © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017 -5- Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège dépassé de près de 4°C la moyenne estivale de la période 1979-2006. On a observé une fonte beaucoup plus importante au Groenland et au pôle nord durant l'été 2007. D'autre part, il y a encore eu très peu de chutes de neige cette année, ce qui suggère dès à présent un bilan de masse en surface très faible, voire négatif, pour 2007.» Depuis quelques années, les chercheurs ont découvert un phénomène supplémentaire qui contribue également à la perte de masse de la calotte glaciaire du Groenland. En effet, l'augmentation de la fonte en surface entraîne une accumulation d'eau de fonte qui va s'infiltrer à travers la calotte pour rejoindre le socle rocheux sous la calotte. Ce tapis d'eau lubrifie l'interface entre la glace et le socle rocheux, accélérant ainsi le déplacement des glaciers vers les océans et par là leurs déchargements d'icebergs dans l'océan. A ce jour, les icebergs ne sont pas encore pris en compte dans les évaluations du bilan de masse du Groenland, mais leur contribution est loin d'être négligeable. Quelques prédictions... Prédire le climat futur du Groenland mais aussi celui la planète nécessite le recours à des hypothèses, notamment sur la croissance de la population et ses comportements écologiques. Ces incertitudes conduisent à l'émergence d'une grande panoplie de scénarios possibles. Néanmoins, quoi qu'il arrive, le scénario le plus optimiste prédit un réchauffement moyen de 1,5°C sur le globe d'ici 2100, ce qui se traduirait chez nous par une augmentation des températures de 3°C. Il ne faut pas oublier que le CO2 émis aujourd'hui jouera un rôle de gaz à effet de serre pendant toute sa durée de vie dans notre atmosphère, à savoir un siècle, car, à ce jour, aucune moyen n'existe pour aller le rechercher. Les illustrations ci-contre présentent les prédictions en températures et en précipitations réalisées par l'Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC/GIEC). On voit que selon ce scénario plutôt pessimiste, les modèles prévoient un réchauffement à l'équateur allant de 1 à 3°C d'ici 2100, alors que le pôle nord se réchaufferait de 7,5°C. La température s'élève plus rapidement aux pôles qu'ailleurs à cause de la rétroaction positive de l'albédo : l'élévation de la température d'une région glaciaire entraîne une augmentation de la fonte de glace. Or, la glace a un albédo plus élevé que la terre ou l'océan. Ainsi, la fonte de glace induit un emballement du réchauffement climatique. © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017 -6- Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège Voir : http://www.climate.be/users/marbaix/doc/AR4_SPM_GR1_FR_07-04-07.pdf © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017 -7-