EDUCATION THERAPEUTIQUE DU PATIENT EN CANCEROLOGIE

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Marion PESRARD
Infirmière Diplômée d'Etat
Centre F. BACLESSE-CAEN
EDUCATION THERAPEUTIQUE
DU PATIENT
EN CANCEROLOGIE
Réflexion d'une infirmière en Hôpital de jour
Travail écrit - Formation ERET
Espace Regional d'Education Therapeutique de Basse-Normandie
3 place de l’Europe, 14200 Herouville-Saint-Clair
Session septembre-decembre 2015
Sinceres remerciements à tous les intervenants de la formation de nous avoir transmis leurs
connaissances.
Et aussi merci à l'equipe organisatrice de la formation, pour son accueil et le partage ... si
agréables.
Je remercie également Véronique Burnouf, infirmière d'ETP du Centre F. Baclesse, de
m'avoir proposé de participer au projet PRETORA.
Merci à elle aussi de m'avoir soutenue dans mon travail, de m'avoir reçue pendant une journée de
stage et d'avoir répondu à toutes mes interrogations.
Un grand merci à mes relecteurs, amies infirmières, et à mes parents, sur qui je peux
toujours compter...
Et enfin, un grand merci à Clément Avignon, assistant social du Centre F. Baclesse, qui
partage ma vie et ma passion au service des malades, pour ses conseils d'écriture avisés.
Si tu donnes un poisson à un homme qui a faim, il mangera un repas.
Si tu lui apprends à pêcher, il mangera pour le restant de ses jours.
Kuan Tzer (proverbe chinois)
Tu me dis, j'oublie.
Tu m'apprends, je me souviens.
Tu m'impliques, j'apprends.
B.Franklin
Table des matières
Introduction...................................................................................................................5
1.Contexte d’exercice professionnel.............................................................................6
2. Remise dans le contexte/ état des lieux.....................................................................8
2.1 Qu'est-ce que l'éducation thérapeutique ?...........................................................8
2.2 L'éducation thérapeutique en cancérologie.........................................................9
3. Réflexion sur ma pratique de tous les jours............................................................10
3.1 Différence entre information et éducation thérapeutique..................................10
3.2 Comment changer ma posture ?........................................................................12
4. Projets à mettre en place suite à la formation ETP.................................................14
4.1 De la théorie à la pratique : le stage..................................................................14
4.2 Réflexion et axes d'améliorations ....................................................................15
Conclusion..................................................................................................................17
Bibliographie...............................................................................................................18
Annexes.......................................................................................................................19
Introduction
Le premier mot, le premier concept que je retiens après ces quelques mois passés, à penser, à
réfléchir et à apprendre l'éducation thérapeutique, c'est « autonomie ».
Autonomie vient «du grec autos: soi-même et nomos: loi, règle. En philosophie morale,
l’autonomie est la faculté d'agir par soi-même en se donnant ses propres règles de conduite, sa
propre loi. L'autonomie est synonyme de liberté, elle se caractérise par la capacité à choisir de son
propre chef sans se laisser dominer par certaines tendances naturelles ou collectives, ni se laisser
dominer de façon servile par une autorité extérieure 1».
L'approche de la maladie cancéreuse évolue, les thérapeutiques aussi. Aujourd'hui,
on demande aux patients de connaître sa pathologie, d'identifier ses effets secondaires et d'être
observant de son traitement. En somme d'être autonome. Pour cela, le rôle du soignant est
primordial et l'éducation thérapeutique devient un soin.
Dans un premier temps, j'expliquerai mon contexte professionnel. Puis, je
développerai l'éducation thérapeutique en cancérologie, et je proposerai l'analyse de ma pratique
quotidienne et comment y intégrer l'éducation thérapeutique. Et pour finir, je présenterai une
réflexion plus large sur la place accordée à l'éducation thérapeutique au sein de mon service.
1Définition Wikipedia
5
1.Contexte d’exercice professionnel
Il me semble nécessaire de débuter ce travail par une rétrospective de mes années passées en
tant qu’infirmière depuis l'obtention de mon diplôme, pour expliquer ma démarche vers l’éducation
thérapeutique du patient.
Infirmière au Centre François Baclesse, Centre de Lutte Contre le Cancer (CLCC), depuis
presque 10 ans, j’exerce actuellement dans le service d’hôpital de jour depuis un an. Auparavant j'ai
travaillé dans le service de chirurgie conventionnelle, mêlant les pathologies, mammaires,
gynécologiques, digestives et ORL.
Dans ce service, les infirmières alternent entre l'ambulatoire, le service de chirurgie et l'unité
de soins continus. La plupart des patients sont en début de prise en charge de leur cancer. Le rôle de
l'infirmière diplômée d'état (IDE) se résume ainsi : accueil du patient, prise en charge préopératoire et post-opératoire, éducation, sortie.
Après 8 ans de carrière en chirurgie et après avoir acquis suffisamment d’expérience,
j'aspire à présent à me diriger vers une approche transversale, c'est pourquoi j'ai postulé pour la
consultation d'annonce paramédicale.
Cependant je m'aperçois rapidement que je ne connais qu'une facette de la cancérologie et
pour accroître mes connaissances, un changement de service s'impose. C'est alors que je postule à
un poste en hôpital de jour (HDJ).
C'est un service de 40 lits où sont reçus 70 patients en moyenne par jour. Nous sommes 10
IDE, nous travaillons 5 jours sur 7, du lundi au vendredi. Le patient adhère à un protocole. La
fréquence des traitements est soit toutes les 3 semaines soit hebdomadaire. Le temps de passage des
traitements est variable aussi, de 5 min à 5h ou plus. Le patient peut même sortir perfusé avec un
diffuseur de chimiothérapie posé pour 48h.
Le malade est reçu en consultation par un médecin oncologue. Il est ensuite dirigé dans une
salle d'attente. Il est installé dans une chambre par un aide-soignant du service. Puis, l'IDE prend en
charge le malade jusqu'à sa sortie.
Ici, au premier abord, l'essentiel de mon travail consiste à administrer des chimiothérapies
ou thérapies ciblées par voie intraveineuse.
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Le malade, lui, peut déjà avoir subi une intervention chirurgicale et vient pour la suite de sa
prise en charge thérapeutique. Ou, au contraire recevoir une chimiothérapie néo-adjuvante.
Le traitement peut être curatif ou palliatif.
Le deuxième rôle essentiel en HDJ consiste à préparer le malade aux effets secondaires, je
délivre alors au patient des informations sensées lui permettre de mieux comprendre les effets
secondaires et apprendre à vivre avec son traitement.
Je souhaite à présent mettre en lumière l'une des particularités de notre service. Plusieurs
fois par mois, les IDE de l'HDJ, travaillent, à tour de rôle, sur une plate-forme téléphonique et
appellent les patients 48h avant leur prochaine cure de chimiothérapie, dans le but d'anticiper la
préparation de leurs poches de chimiothérapie à la pharmacie. Cette plate-forme est appelée
OPTIMA, OPTImiser la Médecine Ambulatoire (Cf annexe 1 et 2)
J'ai acquis une certaine expérience en cancérologie, à la fois en chirurgie et maintenant en
médecine oncologique ... ce qui m'offre une vision assez globale de la pathologie. C'est pourquoi, je
m'interroge sur l’éducation thérapeutique du patient. Comment l'aider dans sa prise en charge
autrement que par des soins techniques ? Donner des informations, est-ce faire de l’éducation
thérapeutique ? Comment l'aider à être plus autonome dans ses soins et dans sa gestion des effets
secondaires à la maison ? Comment individualiser mon approche ?
On me propose de participer au projet PRETORA, le PRogramme de formation des
professionnels de santé à l'Education Thérapeutique des Patients en chimiothérapie ORAle. Je
décide donc d'adhérer à ce projet et de m'engager sur un an. Pour commencer ce programme, il est
nécessaire de suivre une formation à l'éducation thérapeutique (ETP).
L'ETP reste pour moi une évolution de la prise en charge du patient, et d'un point de vue
infirmier, une opportunité de développer un rôle spécifique parallèlement au rôle technique qui
consiste à mettre en œuvre les prescriptions.
J'ai déjà pratiqué l'éducation thérapeutique auprès des patients. Cette formation doit me
permettre de bénéficier d'un apport théorique, et également de prendre du recul et de faire évoluer
ma pratique infirmière.
Je n'ai, pour le moment, pas de proposition de poste dédié à l’éducation thérapeutique. Mon
objectif à court terme est de pouvoir intégrer PRETORA.
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Mon souhait, après avoir suivi ces 40H de formation, est de proposer à ma direction
d’éventuels nouveaux projets pour utiliser mes nouvelles connaissances et en faire bénéficier les
patients, soit en créant au sein de mon service des ateliers, soit en travaillant conjointement avec
Véronique Burnouf et Patricia Lecoq, infirmières d'éducation thérapeutique au Centre F.
BACLESSE.
En cancérologie, la prise en charge est globale, et il me semble que l'ETP s'inscrit tout à fait
dans ce processus, notamment dans le suivi des patients sous chimiothérapies intraveineuses et dans
le suivi des patients sous traitements oraux et thérapies ciblées.
2. Remise dans le contexte/ état des lieux
Exerçant en hôpital de jour, je soigne tous les jours des patients différents. Je dois adapter
ma pratique à chacun d'entre eux. Certains viennent pour leur première cure, d'autres connaissent le
service et le personnel depuis plusieurs années. Les malades viennent pour recevoir leur traitement
intraveineux... J'ai besoin de reprendre quelques définitions, pour lier l'éducation thérapeutique à la
cancérologie.
2.1 Qu'est-ce que l'éducation thérapeutique ?
L’Education Therapeutique du patient est une pratique complementaire des soins pouvant
etre mise en œuvre aupres de personnes vivant avec une maladie chronique. Cette pratique,
personnalisee selon les besoins de l’individu, est basee sur une approche pluridisciplinaire faisant
intervenir plusieurs professionnels de sante. Selon l'Organisation Mondiale de la Sante (OMS),
celle-ci vise à «aider les patients à acquerir ou maintenir les competences dont ils ont besoin pour
gerer au mieux leur vie avec une maladie chronique»2
Partie integrante de la prise en charge du patient, elle reste complementaire et indissociable
des traitements et des soins, du soulagement des symptomes et de la prevention des complications.
2
Définition du rapport OMS-EUROPE publié en 1996
8
La loi HPST (Hôpital-Patients-Santé-Territoires) de 2009, inscrite dans le code de la santé
publique donne un cadre de développement à l’éducation thérapeutique. Les programmes
d’éducation thérapeutique sont proposés au malade par le médecin prescripteur et donnent lieu à
l'élaboration d'un programme personnalisé. L'éducation thérapeutique est alors considérée comme
un acte de soin et s'inscrit dans le parcours de soins du patient.
Je retiens donc que soigner et éduquer une personne atteinte d'une maladie chronique sont
deux activités liées et indispensables.
2.2 L'éducation thérapeutique en cancérologie
Pres de 355000 personnes font l’objet d’un diagnostic de cancer chaque annee. Le nombre
de nouveaux cas a double au cours des 30 dernieres annees, mais parallelement, la mortalite a
regulierement diminue. Aujourd’hui, ce sont donc 3 millions de personnes qui vivent en France
avec ou apres un cancer.
50% des cancers se guérissent. Quant aux autres, grâce à l'essor du diagnostic précoce, à la
prise en charge de la douleur, et de l’évolution des thérapeutiques, le cancer devient une maladie
chronique. Le cancer est «maîtrisé» : le patient ne guérit pas mais vit avec son cancer. La maladie
cancéreuse devient chronique.
L'OMS définit la maladie chronique comme «une maladie de longue durée, évolutive,
souvent associée à une invalidité et à la menace de complications graves».
Par ailleurs, un des objectifs du plan cancer 2014-2019 est de promouvoir le développement
de l'éducation thérapeutique des patients, en renforçant la formation et la sensibilité des
professionnels de santé, à l'hôpital comme en ville.
Le plan propose également une prise en charge globale de la personne, tenant compte de
l’ensemble de ses besoins pour preserver la continuite et la qualite de vie pendant et apres la
maladie.
De plus, pour accompagner l’essor des chimiotherapies orales tout en garantissant
l’efficacite et la securite de ces traitements, le Plan cancer prevoit de developper des programmes
d’education therapeutique pour donner les moyens aux patients de suivre leur traitement à domicile.
9
Parallèlement, le rôle du patient évolue. On parle de patients «experts» ou patients «acteurs»
de leur maladie. «Les patients experts viennent confronter leur expertise à la recherche d'une
validation par le professionnel. Cette expertise, résultant de l'information, de l’expérience, de
l'apprentissage permettent au patient de développer un authentique partenariat avec les
soignants »3.
En rendant le patient acteur de son traitement, l'éducation thérapeutique permet d'espérer
une meilleure qualité des soins et une alliance thérapeutique entre le soignant et le soigné.
L'approche éducative vient remettre en question l'asymétrie de la relation soignant-soigné.
Les nouvelles approches thérapeutiques des cancers s'accompagnent d'une évolution des
pratiques professionnelles. Les traitements, par chimiothérapie intraveineuse, administrés à
l’hôpital évoluent progressivement vers une chimiothérapie orale. Au sortir d'une hospitalisation ou
d'une consultation, le patient doit donc gérer son traitement , le comprendre, respecter la posologie,
connaître les effets secondaires et contacter les professionnels de santé si besoin. Cette démarche
implique une éducation thérapeutique que doivent délivrer les soignants.
En 2015, la proportion de traitements anticancereux prise par voie orale atteint 25 à 30 %.
En 2020, un patient sur 2 bénéficiera d'un traitement oral.
Les nouvelles thérapies ciblées ne visent pas à remplacer les traitements habituels du cancer
(chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie) mais à les compléter.
3. Réflexion sur ma pratique de tous les jours
3.1 Différence entre information et éducation thérapeutique
Avant de débuter cette formation, j'étais persuadée de pratiquer l'éducation thérapeutique
tous les jours auprès des patients sans que cela soit reconnu en tant que tel.
Au cours de la formation je me suis rapidement questionnée sur ma vision de l'éducation
thérapeutique. Ma pratique relevait-elle de l'éducation thérapeutique ou de la délivrance
d'information ?
3 Extrait de l'ouvrage éducation thérapeutique, prévention et maladies chroniques, cf bibliographie
10
Il existe une réelle différence entre éducation thérapeutique et information ou conseils.
Il me semble important de définir la notion de « information ».
«Au sens étymologique, l'information est ce qui donne une «forme» à l'esprit. Elle vient du verbe
latin informare, qui signifie «donner forme à» ou «se former une idée de » indication,
renseignement, précision que l'on donne ou que l'on obtient sur quelqu'un ou quelque chose»4.
En d'autres termes, être dans une démarche informative c'est donner une liste d'informations
au patient quand l'éducation thérapeutique, permet de donner les clés à la personne soignée pour
qu'elle devienne autonome grâce à ses compétences acquises.
Au quotidien, je remarque dans ma pratique, que ma démarche est essentiellement
informative. Notre rôle est déterminant surtout lors d'une première cure, il consiste à évaluer le
degré de connaissance du malade sur sa maladie et sur les éventuels effets secondaires et leurs
anticipations. A ce moment de la prise en charge, l'angoisse du patient est aussi un élément central.
Le soin technique, en parallèle, consiste à perfuser le patient dans sa « chambre
implantable » pour lui administrer son traitement. La majorité de nos patients en sont porteurs c'est
un cathéter placé sous la peau, appelé également Site Veineux Implantable (SVI) ou Dispositif
Veineux Implantable (DVI) ( Cf annexe 3)
Au cours du soin, nous détaillons les effets secondaires éventuels du traitement (alopécie, aplasie,
syndrome mains-pieds, neuropathie sensitive...) et nous donnons des conseils pour les prévenir, les
anticiper et les reconnaître. Le soin revêt alors à la fois une dimension technique et un aspect
relationnel.
Si le patient a rencontré une infirmière de consultation d'annonce, notre discours varie. Nous
questionnons le malade pour vérifier ses connaissances et lui apportons d'autres éléments en
fonction de ses questionnements.
Le malade doit aussi identifier l'importance de la prise de sa pré-médication, quand il en a
une, qui est composée de corticoïdes et anti-émétiques. Il doit respecter les doses, et les horaires des
prises, très souvent sources d'erreur.
« L'entretien-soin » au moment de la première cure dure en moyenne 20 minutes. Pour les
cures suivantes, le soin est plus rapide, le soignant fait le point avec le patient sur son inter-cure, et
ré-adapte les conseils en fonction des besoins du patient.
4 Définition wikipédia
11
Notre questionnement est semblable quand nous travaillons sur la plate-forme téléphonique
OPTIMA.
Les patients qui intègrent ce protocole sont appelés par téléphone à leur domicile, 48h avant
leur cure, par une IDE du service. L'objectif est d'anticiper la préparation de leur traitement pour
optimiser leur temps d'attente dans le service.
L'infirmière effectue par téléphone un entretien qui est validé ou non par le médecin
prescripteur selon l'état général du patient et suivant les résultats biologiques. Si le questionnaire est
validé, la préparation à la pharmacie du produit sera anticipée et le patient n'attendra pas la
préparation de son traitement, il restera moins longtemps dans le service.
Au cours de cet entretien téléphonique, l'IDE est guidée par un formulaire à remplir par
informatique qui reprend globalement l'état général du patient et l'orientation du malade selon ses
besoins vers les soins de support (psychologue, médecin douleur, diététicienne ou service social).
Avec un peu de recul et après avoir suivi la formation ETP, je m'aperçois que dans ma
pratique je donne beaucoup d'informations aux patients.
Le fil conducteur est toujours le même : évaluer l'état général du patient pendant ces intercures et le rendre autonome dans sa gestion des effets secondaires. Mais le mode de communication
est directif et les questions sont fermées et orientées.
La simple information, ne peut à l’évidence pas suffire à engager le patient dans un
traitement ni à le rassurer. L'information ne prend pas en compte les représentations de santé des
patients et n'est pas très efficace pour faire acquérir un savoir-faire. «Ce qui distingue l'éducation
de l'information est la nature et le sens des connaissances que le patient s'approprie.»5
3.2 Comment changer ma posture ?
Est-il possible d'intégrer une démarche d'éducation thérapeutique aux soins ? Ma première
réflexion porte sur ma posture. Sans parler de temps dédié pour l'éducation thérapeutique, je peux
déjà améliorer ma position, ma gestuelle, mon écoute pendant le soin pour adopter une démarche
5 Extrait Education thérapeutique prévention et maladies chroniques (Cf bibliographie)
12
éducative dans le but de rendre le patient plus autonome. Il faut faire en sorte que le peu de temps
auprès du patient soit un temps d’échange, un temps dédié et constructif.
L'éducation thérapeutique s'appuie sur les besoins et les motivations des patients, il faut
alors avoir une attitude empathique pour mieux les évaluer en pratiquant l'écoute active.
«Ecouter, c’est d’abord se taire», faire taire toute reactivite qui est le principal obstacle à l’ecoute.
L’ecoute exige une grande capacite de silence.
Dans un premier temps, je dois adopter une attitude physique de disponibilité, en accordant
au patient toute mon attention, et excluant, tout jugement de valeur, toute tentative d'interprétation.
Et aussi en laissant le patient s'exprimer sans l'interrompre et en l'incitant à préciser le cours de sa
pensée. Il est important aussi de reformuler les propos du patient avec ses propres termes puis avec
les nôtres.
Pour être dans une démarche éducative avec une personne, j'essaye, depuis quelques
semaines, de questionner le patient en lui posant des questions ouvertes, pour éviter cet «entretien
catalogue», et que la personne puisse exprimer ce qu'elle vit.
Par exemple, au lieu de demander au patient : « Avez vous eu des nausées ? Avez vous eu de
la fièvre ? » questions qui attendent comme réponse oui ou non, je lui demande : « Comment
supportez vous votre chimiothérapie ? » ou « pouvez vous me dire comment s'est passé votre intercure ? » Je complète en fonction des réponses par des questions qui commencent par : Pourquoi ...
vous me dites cela ? Expliquez-moi ... Racontez-moi ... Precisez votre pensee ... C’est-à-dire...,
Decrivez-moi..., Dites m’en plus ..., Mais encore...
La personne est libre de sa réponse. Il est primordial de valoriser les réalisations des patients, leurs
choix et leurs actions accomplies, en somme d'avoir une attitude positive. Ici, la sémantique est
importante : l'approche strictement soignante parle de « patient », renvoyant à l'asymétrie de la
relation soignant-soigné, évoquant la posture passive du patient, quand l'approche en éducation
thérapeutique parle de personne soignée, signifiant une approche globale.
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4. Projets à mettre en place suite à la formation ETP
4.1 De la théorie à la pratique : le stage
Au Centre F. Baclesse, plusieurs professionnels sont formés à l’éducation thérapeutique,
notamment Véronique Burnouf, infirmière d'éducation thérapeutique pour traitements oraux, avec
qui j'ai effectué mon stage. Son temps de travail est entièrement consacré à l'ETP. Elle rencontre
des patients traités par chimiothérapies orales ou thérapies ciblées. Elle inclut au programme 16
nouveaux patients par mois, adressés par des oncologues qui prescrivent un traitement oral.
Le programme se décompose en trois temps :
- Lors du 1er entretien, elle pose le diagnostic éducatif.
- Le 2e entretien de suivi est réalisé par un entretien physique ou par entretien téléphonique.
 Le 3e entretien est un entretien d'évaluation de fin de programme.
Le suivi des patients est uniquement organisé sur un mode individuel. Les principaux objectifs
pédagogiques poursuivis avec les patients sont :
- être observant face à son traitement.
- savoir anticiper, identifier et gérer les effets secondaires des traitements à domicile.
- être capable d'améliorer sa qualité de vie ou d'adapter son quotidien à son traitement.
Pour finaliser le programme d'un patient suivi en ETP, et surtout évaluer ses connaissances,
Véronique a utilisé le «quizz», un outil pédagogique, à sa disposition, qui se présente sous la forme
d'une borne tactile et interactive, placée à la pharmacie, qui interroge le patient sur ses
connaissances acquises au cours de son traitement oral.
Pendant cette journée, j'ai assisté à deux séances d'évaluation de fin de programme et à une
séance de suivi téléphonique. J'attendais beaucoup de cette journée, pour illustrer la théorie par la
pratique et aussi pour me donner des axes de réflexion.
14
4.2 Réflexion et axes d'améliorations
Après cette formation et cette journée de stage, j'ai envie de mettre à profit mes nouvelles
connaissances.
Parmi les malades traités pour le cancer, on distingue trois catégories de patients :
 patients traités par chimiothérapie intraveineuse
 patients traités par chimiothérapies ou thérapies ciblées concomitantes, orales et IV
 patients traités par chimiothérapies orales
Dans mon service, nous rencontrons essentiellement des patients concernés par les deux
premiers points ci-dessus. A ce jour, aucun patient sous chimiothérapie intraveineuse n'a de suivi en
ETP.
La phase éducative du patient pourrait s'intégrer lors de la première cure du traitement et
poser le diagnostic éducatif à ce moment. En un second temps, le suivi thérapeutique se déroulerait
en milieu de protocole de chimiothérapie. Pourrait-on imaginer un suivi téléphonique, similaire à
celui qu'exerce Véronique qui se rapproche aussi de nos appels OPTIMA pour les patients sous
chimiothérapie IV ou concomitante ? Et enfin, l'évaluation pourrait être effectuée en fin de
protocole, lors de la dernière cure.
En travaillant en binôme avec Véronique, nous aurions la possibilité d'organiser des ateliers
collectifs. Des thèmes communs aux patients sous chimiothérapies orales ou IV pourraient être
abordés, comme celui de l'aplasie fébrile par exemple.
Qu'est-ce-que l'aplasie ?
Les globules blancs, plus particulièrement les polynucléaires neutrophiles diminuent
presque toujours apres une chimiotherapie, on parle alors de neutropenie. Celle-ci survient
habituellement la deuxième semaine qui suit le traitement.et remonte spontanément. En cas de
chute des globules blancs, l'organisme a moins de capacité pour se défendre contre les infections.
Il va de notre rôle alors d'expliquer au patient de limiter le contact avec des personnes
atteints de maladies infectieuses (rhume, grippe...), ou encore d'éviter les lieux publics. Si toutefois,
une infection apparaît, elle se manifeste le plus souvent par une fièvre aux alentours de 38°C depuis
24h ou une fièvre supérieure à 38,5°C ou par des signes cliniques d'infection. Si une aplasie
15
apparaît en plus d'une fièvre, le patient doit impérativement consulter son médecin traitant pour
réaliser un bilan sanguin qui mettra en évidence la baisse des globules blancs et instaurera un
traitement par antibiotiques et le patient peut dans ce cas être hospitalisé pour être mieux surveillé.
Toutes ces informations sont données et expliquées au patient avant chaque première cure
mais l'aplasie est souvent banalisée, mal comprises et mal gérée par les patients.
Certains patients ne contrôlent pas leur température pendant leur inter-cure : d'une part, ils
n'ont pas toujours à disposition un thermomètre, et d'autre part, ils ne savent pas identifier les signes
cliniques d'une hyperthermie (frissons, sueurs, sensation de froid...).
L'autonomie passe par l'acquisition de compétences, on parle en ETP de compétences
d'auto-soins et de compétences d'adaptation ou psychosociales. Par l'organisation d'ateliers
collectifs nous pourrions évaluer les compétences des patients.
Le patient a de la fièvre. Quelle attitude adopte-t'-il ? Quand consulte-t'-il son médecin
traitant ? Sait-il en expliquer la cause? Surveille-t'-il sa température corporelle ? Réalise-t'-il un
bilan sanguin ?
Ici, il faudrait évaluer ses compétences d'auto-soins, de sécurité visant à sauvegarder la vie
du patient ou encore s’appuyant sur le vecu et l’experience anterieure du patient. Le patient a t-il
confiance en lui? Se connaît-il ? Maîtrise-t'-il son stress ?
Il semble important d'évaluer les compétences d'adaptation ou psychosociales de la
personne. Certains patients fragiles, qui entrent dans un parcours de soin complexe, sont en
difficultés par rapport à toute la gestion relative aux traitements par chimiothérapie. Si ces patients
pouvaient bénéficier d'une démarche éducative plus spécifique, notre prise en charge serait plus
globale et individualisée.
De même il est indispensable dans un programme d'éducation thérapeutique d'associer tous
les acteurs pluridisciplinaires qui gravitent autour du patient, le pharmacien, l'infirmière libérale, le
médecin traitant (...) pour assurer une coordination de soin autour de la personne soignée et soutenir
celle-ci dans sa démarche éducative.
Pour finir, je fais mes premiers pas dans cette nouvelle approche du soin, et, même si mon
institution ne m'a, pour le moment, pas sollicitée pour un projet d'éducation thérapeutique
spécifique, je souhaite pouvoir mettre à profit mes nouvelles connaissances. Mon rôle, dans un
premier temps, pourrait être celui de « référente », « experte » au sein de mon service.
16
Conclusion
L'éducation thérapeutique est une posture bienveillante, un état d'esprit, je dirai même une
philosophie professionnelle où l'alliance thérapeutique du soignant et du soigné prend tout son sens.
A ce jour, l'éducation thérapeutique est reconnue comme un soin à part entière en
cancérologie, grâce au plan cancer 2014-2019, et à tous les acteurs de terrain qui la font vivre au
quotidien.
Cette formation m'a permis de réfléchir sur mon attitude professionnelle de tous les jours
auprès des patients et m'a donné de nouvelles connaissances théoriques. Prendre un peu de recul est
toujours bénéfique. Mais peut également déstabiliser, dans la mesure où cela vient interroger
plusieurs années de pratique. J'ai la volonté d'adopter une approche d'éducation thérapeutique, en
changeant mon attitude comportementale dans le soin et en pratiquant l'écoute active.
Aussi, j'aimerai faire évoluer les pratiques, en insufflant une dynamique éducative dans
l'équipe grâce à mon expertise
Je vais également poursuivre ce projet à court terme en intégrant PRETORA au mois de
février prochain, sans cesser de réfléchir aux projets éventuels à mettre en place au sein de l'hôpital
de jour.
17
Bibliographie
Sites internet
http://www.ars.iledefrance.sante.fr
http://www.peps-cancer.eu
http://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Synthese-plan-cancer2014.pdf
http://www.ordre-infirmiers.fr
http://www.ipcem.org
http://www.baclesse.fr/pj/THECITOX.pdf
http://www.eretbn.org
Ouvrages :
Education thérapeutique, prévention et maladies chroniques
D.Simon, P-Y Traynard, F. Bourdillon, R.Gagnayre, A.Grimaldi
3e édition, eEsevier Masson
L'annonce de la maladie, une parole qui engage
Dr Isabelle Moley-Massol
édition Le pratique
Penser l'expérience du soin et de la maladie, une approche par l'activité
sous la direction de Joris Thievenaz et catherine Tourette-Turgis
édition de Boeck
Comprendre le cancer du sein
guide d'information et de dialogue à l'usage des personnes malades et de leurs proches
Institut National du Cancer
Comprendre la chimiothérapie
collection Guides patients Cancer info
INCa, octobre 2008
18
Annexe 1
19
Annexe 2
20
Annexe 3
21
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