Introduction à l`étude des relations internationales

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Introduction à l’étude
des relations internationales
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L’étude des relations internationales exige, à titre préliminaire, de s’interroger sur un
certain nombre d’éléments permettant de cerner la notion même de « relations internationales ». Ainsi, après une brève présentation de l’intérêt que présente l’étude des
relations internationales (1), faudra-t-il s’attacher à la distinction existant entre
« société internationale » et « communauté internationale » (2). Enfin, seront présentés les grandes conceptions doctrinales (3), ainsi qu’un rapide aperçu historique des
relations internationales (4).
1 Intérêt de l’étude
des relations internationales
L’étude des relations internationales permet de réunir et d’associer dans un même
mouvement d’idées, dans une même étude, des dimensions extra-juridiques (A.) et
juridique (B.).
© Hachette Livre – Relations internationales – La photocopie non autorisée est un délit.
A. Dimensions extra-juridiques des relations
internationales
Tant la sociologie (1.) que la philosophie (2.) s’intéressent aux relations internationales.
1. La dimension sociologique
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L’approche sociologique des relations internationales permet de comprendre certaines prises de position adoptées par les différents acteurs, qu’ils soient étatiques ou
privés, organisations internationales ou organisations non gouvernementales.
La conception sociologique des relations internationales considère les rapports
internationaux dans leur complexité et globalité, dans leurs dimensions civile, économique et politique, sans distinction entre le domaine public et le domaine privé, le
domaine interne et le domaine international, le juridique et le non-juridique. Cette
approche privilégie la notion de « société civile » par rapport à la conception d’un
monde fragmenté en unités territoriales et nationales.
Afin d’établir l’existence et la structure de cette société, les sociologues s’appuient
sur l’émergence de règles éthiques et de valeurs communes (droit humanitaire et droit
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de l’homme), du souci de protéger les biens considérés comme patrimoine commun de
l’humanité (en référence au droit international de l’environnement par exemple).
Cette vision peut sembler quelque peu irénique lorsqu’elle considère que la
société civile mondiale est à même d’imposer sa propre gouvernance aux États. En
effet, une telle approche ignore les règles du jeu international, jeu dans lequel les
États occupent encore une place prépondérante. Toutefois, son mérite est de chercher
à dépasser les contraintes étatiques, les cadres conceptuels hérités du passé et d’offrir
des perspectives d’avenir.
2. Relations internationales et philosophie
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Interroger la philosophie dans le cadre d’une étude des relations internationales permet de répondre à des questions fondamentales, telle que celle du rapport entre la
guerre et la paix, la question de la réalisation de la paix par le droit… En effet, la paix
peut-elle se penser indépendamment de la guerre ? Une philosophie de la paix doit
s’interroger d’abord sur son corrélat, la guerre. Le problème classique du rapport
paix-guerre renvoie à une première réflexion : si la paix n’est que le contraire logique
de la guerre, donc sa cessation, il n’y a rien à dire de la paix en tant que telle ; elle
n’existe pas en soi puisque n’existant qu’en rapport avec la guerre. Il va donc falloir
tenter de saisir la paix en dehors de toute référence à la guerre.
Pour cela, il n’est pas inintéressant de faire un détour par l’étymologie même du
mot « paix ». Le latin pax vient de pangere, fixer, établir solidement et s’engager à, promettre, conclure un pacte. Ainsi, dans une première acception, la notion de paix renvoie à la durée. Le concept de paix contient intrinsèquement une exigence de stabilité. Toutefois, dans un deuxième temps, l’on constate que la paix n’est pas seulement
un répit de fait entre deux guerres mais un état de droit moralement fondé. Elle n’est
pas un état naturel mais institué par la volonté ; elle repose sur un contrat donc elle
engage dans un projet volontariste. Dans un troisième temps, la paix présuppose ou
instaure une « communauté d’actions réciproques » entre les êtres humains. En effet,
on ne peut faire la paix qu’avec un autre que soi (la paix avec soi-même exige toujours un dédoublement minimal du sujet en voie de la pacification ; être en paix avec
soi, c’est réconcilier les tendances divergentes du Moi). La paix suppose donc un
minimum de différenciation. Ainsi, la signature du traité de paix confirme, restaure
ou crée des engagements réciproques entre anciens belligérants.
Partant, en marge de l’opposition, que l’on pourrait qualifier de « classique »,
paix-guerre, l’étymologie révèle donc une triple dimension à la paix : à la fois temporelle (sa durée est théoriquement illimitée), éthique et juridique.
Toutefois, si l’exigence de durée est inhérente à cette notion, la paix nécessite que
lui soit adjointe une institution supplémentaire : le traité. S’il ne crée sans doute pas
l’état de paix, il en garantit la durée en l’institutionnalisant. Il veille à ce que la paix
ne soit pas rompue inopinément ou pour un quelconque motif. E. Kant le soulignait
clairement dans son Projet de paix perpétuelle (1795) : « Aucun traité de paix ne doit
être considéré comme tel si on l’a conclu en s’y réservant secrètement quelque sujet
de recommencer la guerre. Un pareil traité, en effet, ne serait qu’un armistice, une
suspension des hostilités, et non la paix, qui signifie la fin de toutes les hostilités et à
laquelle on ne peut accoler l’épithète “perpétuelle” sans commettre déjà un pléonasme suspect » (premier des articles préliminaires d’une paix perpétuelle entre les
États). Cependant, il est évident, ne serait-ce qu’au regard de l’histoire, qu’aucune
paix n’est absolument à l’abri de toute menace de guerre. À cet égard, l’on notera que
Relations internationales
la plupart des guerres peuvent être qualifiées de paix armées et la plupart des paix
sont des guerres froides, des paix de compromis.
Si paix et guerre sont liées, surgit une autre interrogation : la paix, ou l’état de
paix, exclut-il tout antagonisme ? Quels antagonismes la paix vise-t-elle à supprimer ?
Dans une constitution civile idéale, dans une République conforme à l’Idée de droit,
la paix, au plan interne, est garantie par l’absence d’un droit de résistance et la publicité des décisions du souverain. Si Kant reconnaît la possibilité « de fait » de se révolter contre le souverain, cette possibilité ne doit pas être « instituée juridiquement ».
La révolution doit demeurer possible en pratique, mais elle doit également demeurer
illégale et illégitime. Inscrire à même la Constitution un droit de révolte, cela revient
à ruiner le fondement même du droit. La paix civile, interne, est négativement l’absence de rébellion et, positivement, l’accord de tous au sein de la volonté générale.
Cependant, le peuple peut émettre des critiques envers le chef de l’État. La liberté de
penser fonde la république. Les instruments de la paix civile républicaine sont donc
à la fois la liberté d’expression et l’obéissance à la Constitution.
Le même paradigme régit la paix perpétuelle dans le cadre des relations internationales. La paix n’est pas contre, mais au-dessus de tout antagonisme. Toutefois, l’antagonisme, forme radicale de l’extériorité et de la différence, semble incompatible avec l’exigence d’harmonie et d’unité que sous-tend l’idée de paix. Quand les antagonismes sont
trop prégnants (guerre froide), la paix est impossible et la guerre improbable. Se pose
alors la question de savoir si l’antagonisme peut fonder la paix. Le modèle parlementaire instaure, au plan interne, la paix en institutionnalisant certains antagonismes. La
paix civile se maintient donc en donnant aux antagonismes un statut juridique. Le
modèle des organisations internationales répond de la même logique.
L’on perçoit donc la relativité des concepts de guerre et de paix, relativité qui permet
d’expliquer l’existence d’intermédiaires. La paix peut être une forme atténuée de la
guerre, guerre froide ou paix armée. La paix armée est une guerre latente, prévue, intégrée à une stratégie politique, diplomatique ou militaire, régie par la peur de l’anéantissement réciproque. Cette tension conduit ainsi à une course aux armements. La paix
armée met en œuvre l’adage si vis pacem para bellum. La paix va s’armer contre la guerre
afin de préserver sa pérennité. Le résultat d’une paix armée peut être la guerre alors
que son intention est de sauver la paix. En effet, lorsqu’un certain seuil d’armement est
dépassé, la paix devient guerre ; la différence de degré – quantitative – devient alors différence de nature – qualitative. La paix armée peut être victime d’une illusion, à savoir
croire que la dissuasion militaire est un pacifisme efficace. La paix armée n’est qu’un
espoir de sécurité, en aucun cas une assurance de sécurité. La paix, dans sa forme
armée, se trouve dénaturée par les moyens qu’elle met en œuvre pour se maintenir.
Trêve et armistice sont d’autres formes mixtes entre guerre et paix. La trêve est,
comme la paix armée, une pseudo-guerre censée préparer la paix, une suspension du
conflit ; elle ne fait qu’apaiser la crise, mais n’engendre pas la paix, si ce n’est une paix
de compromis, temporaire. De même, l’armistice, ne met pas un terme à la guerre.
Cependant, le regard n’est pas tourné dans la même direction : alors que la trêve est
dirigée vers la reprise de la guerre, l’armistice prépare un traité de paix et se veut donc
à visée plus durable.
De façon générale, la paix peut exiger le désarmement, à condition toutefois que
celui-ci soit total et inconditionnel ; le principe de non-violence appliqué seulement
à soi réintroduit la guerre, en ce qu’elle met l’État en situation de faiblesse vis-à-vis
de ceux qui n’ont pas renoncé à l’armement.
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Pour conclure, l’on peut souligner que la vraie paix n’est nullement un état passif.
Elle inclut l’énergie de la guerre et oppose à la guerre des armes similaires. « Combattre
pour la paix », expression courante, prépare la voie d’une paix combattante. Ce n’est
pas seulement l’issue du combat qui est paix, mais d’une certaine façon le combat luimême. Si l’on veut conserver la paix, il faut être prêt à faire la guerre et à la gagner. Le
pacifisme consiste aussi à défendre la paix menacée ; il est, de fait, un « militarisme instrumentalisé » au service de la paix. Cette essentielle duplicité de la paix apparaît dans
le double visage de la déesse Athéna, pacifique et guerrière à la fois, qui allie l’olivier,
symbole de paix, au glaive et au casque, symboles du combat.
En définitive, la paix n’est pas tant suppression que maîtrise de la violence.
B. Relations internationales et droit international
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Le droit international peut être, schématiquement, défini comme étant le droit qui
réglemente les relations que les sujets de droit international (États, organisations
internationales) nouent entre eux ou, éventuellement, avec d’autres acteurs (individus, organisations non gouvernementales, entreprises…). En outre, les relations
internationales se concrétisent au travers d’actes juridiques internationaux (traités,
coutumes, actes unilatéraux, décisions arbitrales ou judiciaires…).
On peut, brièvement (ces éléments étant développés au chapitre 3), présenter
l’ordre juridique international au sein duquel se déroule les relations internationales.
Quelles sont les sources formelles du droit international public ? L’article 38 du Statut
de la Cour internationale de justice (CIJ), annexé à la Charte des Nations Unies en
dresse une liste, non exhaustive : les conventions internationales, la coutume internationale et les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ; les
décisions judiciaires et la doctrine sont mentionnées par cet article, mais ne constituent pas des sources formelles du droit international, il ne s’agit que de moyens
auxiliaires de détermination du droit. Cependant, cet article ne fait pas mention de
deux sources importantes qui sont les actes unilatéraux des États et les décisions des
organisations internationales (principalement les résolutions du Conseil de sécurité et
de l’Assemblée générale des Nations Unies).
Parmi les quelques grands principes du droit international, l’on peut mentionner
d’une part, l’absence de hiérarchie entre les sources formelles ; ce qui ne signifie pas
qu’il n’y ait pas de hiérarchie entre les normes juridiques issues de ces sources (cf.
notamment la notion de jus cogens, ou droit impératif, opposable à tous) ; d’autre part,
le système international fonctionne sur une base volontariste ; en d’autres termes, un
État ne peut être engagé sans son consentement.
2 Les notions de « société internationale »
et de « communauté internationale »
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L’ordre juridique international connaît deux sujets : les États et les organisations internationales (au sens d’« intergouvernementales ») ; mais les relations internationales ont
vu apparaître d’autres acteurs, qui ne disposent pas, ou pas encore (nous tenterons
d’apporter des réponses), du statut de sujet de droit international : les organisations non
gouvernementales, les sociétés transnationales et les individus. Face à cette pluralité
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