VO CABULAIR E >> ANTAGONISME* Vocabu laire e mot, ainsi qu’antagoniste, fait partie du flot d’hellé­nismes passés en français au XVIe siècle, époque durant laquelle se constitue le vocabulaire de l’anatomie et de la médecine. 110 COU-II-NN3-0911.indd 110 Il exprime clairement l’opposition, par son premier élément. Mais le second, que révèle pourtant le mot agonie, n’était clair que pour les connaisseurs du grec. Dans cette langue, les composés antagônisma et antagônistês transmettaient l’idée de lutte, de combat entre deux éléments hostiles. Ils venaient du verbe grec signifiant “­combattre”, dont le dérivé agônia, qui exprime à l’origine la vitalité des ­lutteurs, s’est spécialisé en français à propos de la lutte, en général perdue, de l’être vivant lorsqu’il résiste face à la venue de l’“antagoniste” suprême, qui est la mort. L’antagonisme, dans la langue ancienne, ne retenait de l’idée originelle que celle d’­opposition dans l’espace et dans le fonc­ tionnement ; elle convenait à l’anatomie, où les antagonismes d’organes, dans ce sens, Par Alain Rey, directeur de la rédaction du Robert, Paris sont fréquents. On disait aussi antagonie, et les deux formes étaient rares en français avant le XVIIIe siècle. Cent ans plus tard, le mot devient courant et passe de l’anatomie à la médecine, où il caractérise les effets contraires de deux pathologies, puis à la chimie et à la bactério­ logie. Il ne s’agit plus alors d’opposition ­spatiale, mais fonctionnelle, et l’idée grecque de lutte réapparaît. Le mot n’est plus seulement scientifique, et on peut parler d’antagonismes à propos d’intérêts, de convictions, d’idées en oppo­ sition et en conflit. En fait, tout ce qui est le siège d’oppositions peut relever de l’antagonisme : les incompa­ tibilités, les rejets, les refus se manifestent dans tout processus naturel, et en particu­ lier dans les processus vitaux. L’antagonisme était conçu pour exprimer une notion fonda­ mentale, à explorer et à décrire pour pouvoir en combattre les effets. Encore une agoniâ, une lutte, mais, cette fois, contre la mort. * © Le Courrier de la Transplantation 2008;1:8. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - no 3 - juillet-août-septembre 2011 28/09/11 15:36