Le Courrier de la Transplantation - Volume VIII - n
o 1 - janvier-février-mars 2008
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Vocabulaire
Antagonisme
C
e mot, ainsi qu’antagoniste, fait partie du ot d’hellénismes passés en
français au e siècle, époque durant laquelle se constitue le vocabu-
laire de l’anatomie et de la médecine.
Il exprime clairement l’opposition, par son premier élément. Mais le second, que
révèle pourtant le mot agonie, n’était clair que pour les connaisseurs du grec.
Dans cette langue, les composés antagônisma et antagônistês transmettaient
l’idée de lutte, de combat entre deux éléments hostiles. Ils venaient du verbe
grec signiant “combattre”, dont le dérivé agônia, qui exprime à l’origine la
vitalité des lutteurs, s’est spécialisé en français à propos de la lutte, en général
perdue, de l’être vivant lorsqu’il résiste face à la venue de l’“antagoniste”
suprême, qui est la mort.
L’antagonisme, dans la langue ancienne, ne retenait de l’idée originelle que
celle d’opposition dans l’espace et dans le fonctionnement ; elle convenait
à l’anatomie, où les antagonismes d’organes, dans ce sens, sont fréquents.
On disait aussi antagonie, et les deux formes étaient rares en français avant
le e siècle.
Cent ans plus tard, le mot devient courant et passe de l’anatomie à la médecine,
où il caractérise les effets contraires de deux pathologies, puis à la chimie et à
la bactériologie. Il ne s’agit plus alors d’opposition spatiale, mais fonctionnelle,
et l’idée grecque de lutte réapparaît.
Le mot n’est plus seulement scientique, et on peut parler d’antagonismes à
propos d’intérêts, de convictions, d’idées en opposition et en conit.
En fait, tout ce qui est le siège d’oppositions peut relever de l’antagonisme :
les incompatibilités, les rejets, les refus se manifestent dans tout processus
naturel, et en particulier dans les processus vitaux. L’antagonisme était conçu
pour exprimer une notion fondamentale, à explorer et à décrire pour pouvoir
en combattre les effets. Encore une agoniâ, une lutte, mais, cette fois, contre
la mort. ■
Alain Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris.