2 Gouverner les territoires
Chaque discipline a approché cette question avec une méthode diffé-
rente, la plupart en cherchant des clés d’interprétation, voire des modéli-
sations possibles et exportables, avec un but, donc, de généralisation.
Mais le territoire digère très mal les modélisations et ce monde, par sa
variété, ne connaît pas de cas identiques.
Parmi les variables qui affectent un territoire, lorsqu’il est le lieu de
l’action d’un acteur politique, l’antagonisme est sans aucun doute la
plus diffi cile à maîtriser et à évaluer. C’est pour cette raison que pendant
des décennies elle était aux abonnés absents dans la théorie des sciences
sociales. Jusqu’au moment où Yves Lacoste commence à l’y inscrire de
force avec sa défi nition de la géopolitique. Le géographe français défi nit
cette discipline, dans le préambule du Dictionnaire de géopolitique en
1993, comme la situation dans laquelle deux ou plusieurs acteurs politi-
ques cherchent à imposer leur contrôle sur un territoire, tandis que les
populations qui habitent ce territoire ou qui sont représentées par ces
acteurs participent à cette opposition au travers d’un débat nourri de
représentations opposées.
Cette défi nition, qu’au début on croyait plutôt destinée à des situa-
tions d’oppositions entre États, a connu de plus en plus de succès dans
des contextes internes aux États, particulièrement parce qu’elle a su
mettre en lumière l’antagonisme entre les acteurs. Cet aspect revêt une
grande importance dans la mesure où il peut empêcher le retour sur
investissement des efforts engagés, bref le succès du territoire.
Si jusqu’à la fi n des années 1970 (en Italie jusqu’à la fi n des années
1980), cette dimension avait une importance si faible qu’elle n’inté-
ressait personne ou presque, le changement intervenu dans la situation
fi nancière ainsi que l’élargissement des pouvoirs des niveaux autres que
le national dans tous les pays européens ont changé la donne. Ainsi,
cet antagonisme entre acteurs politiques est devenu non seulement
important mais objet d’étude, surtout en matière d’action publique.
Ce sujet est effectivement important à la fois du point de vue d’une
meilleure effi cacité de l’argent utilisé dans les différentes actions, mais
aussi du point de vue de la cohérence de ces mêmes actions. La défi ni-
tion de Lacoste, en effet, souligne avant tout le fait que cette vision
différente, souvent antagoniste, entre acteurs politiques, peut aboutir à
des résultats dans le meilleur des cas moins effi caces et, dans le pire,
négatifs pour le territoire visé et ses citoyens. Nous voyons cela de façon