La deuxième ordonnance datant 10 janvier 1944 créée les commissaires de la République qui sont de
supers préfets placés à la tête des régions créées par Vichy. Ils sont investis de pouvoirs exceptionnels
cependant qu’ils doivent, au début, composer avec le commandement militaire. Ils sont aussi secondés par
des préfets et des sous-préfets. Notons qu’ils doivent aussi composer avec les résistants représentés par les
commandos de libération malgré le fait que cette administration s’impose aux résistants.
Mais le problème majeur pour l’Etat est celui de l’épuration : on veut rendre justice soi-même à tous
les français morts. Cela se traduit par un mouvement spontané, impétueux, non contrôlé, associé à une
épuration sauvage avec des cours martiales improvisées et des exécutions sommaires. Les chiffres ont fait et
font encore débat : certains avançaient des chiffres énormes entre 40 et 50 000 morts cependant
qu’aujourd’hui, il convient de s’arrêter, après enquêtes, à un nombre plus raisonnable bien
qu’impressionnant de 10 000 morts. L’épuration sauvage s’est manifestée par des débordements avec les
« tondues », et fut plus dure en milieu rural qu’en milieu urbain.
Mais cette épuration fut vite maîtrisée pour une épuration légale qui fera tout de même 126 000
emprisonnements entre septembre 1944 et avril 1945. En 1948 on compte alors 7037 condamnations à
mort dont 4387 par contumace pour autant graciées à 73% par de Gaulle ; il y eut de plus 40 249
dégradations nationales comme le maire de Bordeaux Adrien Marquet (qui correspondent à une privation des
droits civils et civiques).
Cette épuration est appliquée dans plusieurs domaines de façon plus ou moins stricte :
au niveau Politique, les parlementaires qui ont voté les pleins pouvoirs à Pétain sont
déclarés inéligibles et les personnalités de Vichy sont jugées par une Haute cour de
Justice (crée en novembre 1944) Pétain est condamné, puis gracié par de Gaulle (il
terminera ses jours emprisonné sur l’île d’Yeu) cependant que Laval et Darnand
(fondateur de la Milice) exécutés de façon plus ou moins atroce (Laval est livré par
Franco, on l’empoisonne d’abord pour ensuite le réanimer et le fusiller…) Charles
Maurras parcours.
Dans l’administration, on crée des comités d’épuration dans chaque département pour
juger les collaborationnistes selon leur implication. Mais celle-ci ne fut pas considérable
par peur de déstabiliser le fonctionnement de l’Etat. Maurice Papon, secrétaire générale
de la préfecture de la Gironde, jeune fonctionnaire de 32ans en charge des questions
juives nommé par Laval. Il va dès le lendemain de la guerre se réintégrer
immédiatement, il est commissaire de la République, préfet de police Paris en 1958 et
ministre du budget dans le gouvernement Barre en 68. Il est accusé de crime contre
l’humanité. C’est à partir de 81 que le canard enchaîné à dévoilé l’affaire, à partir de
sources trouvées aux archives départementales. On constate une grande stabilité dans les
grands corps de l’Etat : magistrature, diplomatie, cours des comptes, conseil de l’Etat.
On notera seulement, au niveau économique, le cas mythique de la nationalisation des
usines Renault.
L’épuration de la presse fut bien plus sévère. L’ordonnance du 6 mai 1944 interdit la
publication de tous les journaux qui ont continué à paraître pendant l’occupation (après
novembre 1942), soit presque la totalité de la presse d’avant guerre, sauf le Figaro. On
retrouvera cependant une partie de ces journaux sous un autre nom tel La Petite Gironde pour
Sud-Ouest, Le Monde remplace Le temps, il est fondé par Hubert Beuve-Méry. Maurras est
jugé pour avoir dénoncé des juifs dans l’Action française, il est condamné à la perpétuité
en Janvier 1945, il commentera : « c’est la revanche de Dreyfus ».
Le monde intellectuel fut très touché aussi. La résistance intellectuelle n’hésite pas à
montrer du doigt ceux qui ont collaborés par le biais du Comité National des Ecrivains
(qui publie en septembre 1944 sa première liste noire, instance de résistance intellectuelle et
est proche du PC), qui compte Sartre, Char, Eluard, Aragon, Queneau, et des Lettres
françaises tenue par Jean Paulhan, revue née dans la clandestinité et qui dépend du
CNE. Cependant Paulhan va vite prendre ses distances avec ses listes noires. R.
Brasillach est condamné et exécuté le 6 mai 45 malgré une pétition d’écrivains résistants dont
Mauriac fait partie, car veulent le sauver. Tandis que Céline (« les beaux draps »…) c'est-à-
dire qu’il accompagne les derniers membres de Vichy s’étant exilé à Sigmaringen en
Allemagne et s’exile au Danemark après avoir été condamné à la dégradation nationale
et à la saisie de ses biens. Amnistié en 1951, il reviendra en France.
Notons toutefois que l’épuration française a été moins sévère que dans d’autres pays : les
condamnations sont vite levées (13 000 prisonniers en décembre 1948 pour 1 500 en 1952 pour seulement 9
après 1964) En effet, la France a voulu tourner la page le plus rapidement possible : c’est « Le syndrome
de Vichy » selon Henri Rousso.