Le stoïcisme : de l’abnégation en tout
Il faut beaucoup de force morale pour devenir stoïcien. Il faut accepter ce qui découle de la nature et ne pas
se rebeller contre ce qui paraît, à première vue, mauvais.
"Supporte et abstiens-toi !" telle est la devise des stoïciens. Le stoïcisme est une école philosophique née en
Grèce au IIIe siècle avant JC. Le nom vient du lieu "le portique" (en grec, Stoa), où les premiers stoïciens se
réunissaient. Le sage stoïcien est celui qui a réalisé le règne absolu de la raison en lui. Ce qui implique la
suppression de toute imagination, de toute passion et un dépouillement affectif total. Le fondateur du
stoïcisme est Zénon de Citium (vers 335 av. JC). Mais Épictète, qui vivait très modestement dans une
masure, est le plus célèbre. C’est son disciple Arrien qui recueillit ses paroles.
Épictète (50-130 ap. JC)
Épictète pense qu’il faut extirper ses passions. Pour cet ancien esclave romain, l’homme n’a aucun
pouvoir sur ce qui ne dépend pas de lui. "Nos jugements, nos tendances, nos désirs, nos aversions dépendent
de nous, alors que notre corps, notre richesse, la célébrité, le pouvoir, ainsi que le fait de changer l’ordre
naturel des choses n’en dépendent pas" (le Manuel). Pour être heureux, il faut être indifférent à ces réalités.
En désirant ce qui ne dépend pas de moi, je fais mon malheur. L’homme qui veut le pouvoir désire quelque
chose qui ne dépend pas de lui. En effet, c’est toujours autrui qui me confère un certain pouvoir. Et si je
souhaite devenir riche, je ne peux que dépendre d’autrui, soit parce que je fais du commerce avec lui, soit
parce que je le fais travailler, soit encore parce que je le trompe ou je le flatte. La passion est le pire des
maux. Si Aristote conseillait de modérer l’élan de nos passions, Épictète, beaucoup plus radical, dit qu’il
faut les extirper. Les passions troublent le jugement de ma raison, emportent ma volonté. Je perds dès lors
toute liberté et deviens leur esclave. C’est la pire des servitudes puisqu’elle vient de moi-même.
Sénèque (4 av. JC-65 ap. JC)
Sénèque estime que la valeur de la vie n’est jamais matérielle. Ce stoïcien romain célèbre montre la
laideur de la condition humaine lorsqu’elle s’adonne aux vices et aux passions. Il a une aversion pour la
violence et un amour du bien. "Être invulnérable, ce n’est pas n’être pas frappé, c’est n’être pas blessé" (De
la constance du sage). Il dit aussi : "Nos joies, nos pleurs sont fixés de longue date ; et quelque diversité que
semblent offrir les vies humaines, elles reviennent, dans l’ensemble, toutes au même" (De la providence).
"La richesse est chez le sage en servitude, chez le sot, au pouvoir" (la Vie heureuse).
Marc Aurèle (121-180 ap. JC)
Marc Aurèle prône une vie digne et utile au bien commun. Cet empereur romain, successeur d’Antonin,
reprendra à son compte la thèse d’Épictète. Il trouvera dans le stoïcisme le secret de la lutte contre le
découragement (il passa vingt ans sur les champs de bataille). Selon lui, les plaisirs de la chair ne peuvent
pas conduire à la sérénité, car ils sont éphémères. Ils ne me contentent jamais puisque je dois toujours les
renouveler. Devenus habitude, ils me lassent. La vie me paraît alors sans goût. Je dois sans cesse trouver de
nouveaux artifices pour échapper à la monotonie. C’est ainsi que je suis enchaîné à mes désirs et que je
perds ma liberté. "Vivre de la vie la plus belle, notre âme en elle-même en trouve le pouvoir, pourvu qu’elle
reste indifférente aux choses indifférentes" (Pensées pour moi-même).
Bouddha (566-486 av. JC)
Bouddha a cherché longtemps la délivrance par l’ascétisme. On retrouve dans le bouddhisme les mêmes
aspirations, avec cette réflexion sur l’existence humaine doublée d’une morale prônant l’ascèse et le
détachement. "Notre souffrance permanente est due aux passions, qui nous attachent aux biens matériels et
nous font dépendre de nos désirs et de nos besoins" (Discours).