Théories en ethnologie: Claude Lévi-Strauss
Structuralisme et écologie :
Même s’il existait un mécanisme commun sous-jacent aux différentes manières dont
opère l’esprit humain, pour chaque société particulière et à chaque étape de son
développement historique, ces rouages mentaux s’engrènent sur d’autres, et l’observation
ne révèle jamais d’action isolée de l’un deux : nous pouvons seulement constater les
effets globaux qui résultent de leur mutuel ajustement.
♣ Il ne s’agit pas là d’une vue philosophique inspirée par l’observation, mais
plutôt, d’une règle de méthode à laquelle le recherche ethnographique nous oblige à nous
conformer à l’occasion de problèmes concrets. C’est cette nécessité que je voudrais
maintenant illustrer par quelques exemples, empruntés aux études mythologiques qui
m’ont occupé.
♣ Chaque fois que, dans une version d’un mythe, apparaît un détail qui semble
« détonner » par rapport aux autres versions, il est vraisemblable que la version déviante
s’efforce de dire l’opposé d’une version normale qui existe ailleurs, et généralement pas
très loin de l’autre.
♣ Le mythe Bella-Bella et le mythe Kwatiutl ogissent en parallèle :
- Les cornes et les siphons sont des moyens pour atteindre une certaine fin.
- Le héro devient le premier possesseur soit des coquilles de dentalia, soit des
trésors qui appartenaient à l’ogresse.
- Chaque mythe explique comment certains moyens permirent d’atteindre une
fin, mais chacun diffère de l’autre par le choix du moyen et par celui de la fin.
- Tout deux offrent des affinités avec la terre (cornes de chèvres et trésors) et
avec l’eau (siphons de palourdes et coquillages de dentalia)
- Un offre un moyen avec l’eau et une fin avec la terre et l’autre l’inverse.
- Les coquillages et les palourdes proviennent tout deux de la mer mais offrent
des caractères opposés quand on les situe dans leur contexte culturel.
- Les cornes de chèvre, tout comme les siphons de palourdes sont
immangeables, mais peuvent être un moyen pratique (culturel) de transférer la
nourriture de plat du consommateur.
♣ Il existe des ensembles de règles permettant de transformer un mythe en un autre, et
que ces règles ont des caractères subtils et cohérents.
- Les gens d’un peuple s’approprient le mythe de leur voisin pour ne pas
paraître inférieurs à ceux-ci tout le faisant leur bien propre.
- Les mythes sont toujours réductibles les uns aux autres au moyen de
transformations de ce type, et que ces transformations réciproques
s’engendrent par symétrie et inversion, de sorte que les mythes se réfléchissent
mutuellement selon tel ou tel axe.
- Les lois mentales qui ne sont pas sans ressembler à celles qu’on trouve à
l’œuvre dans le monde physique, contraignent les mythes, comme expression