
4PERSPECTIVES — ANALYSE DES MARCHÉS FINANCIERS
Peu importe les détails du programme économique
qui sera finalement retenu par le nouveau
gouvernement, la comparaison souvent avancée
avec l’administration de Reagan en 1982 pour
évaluer l’impact des mesures potentielles ne
semble pas être appropriée. À l’époque, un niveau
d’endettement public contenu ainsi qu’une balance
courante équilibrée ont permis le financement
de mesures stimulantes par une augmentation
du déficit budgétaire et un recours à des
capitaux étrangers. Aujourd’hui, ces sources de
financement ne sont pas disponibles, à défaut
d’augmenter encore davantage la dette publique
ou le déficit de la balance courante. De plus, le taux
de chômage se situait à un niveau élevé en 1982,
alors que le potentiel de croissance économique
provenant d’une augmentation de l’emploi est
quasiment inexistant aujourd’hui. Enfin, les taux
d’intérêt de la Réserve Fédérale étaient très élevés
à l’époque, disposant d’un potentiel de baisse
considérable. Relancer l’activité économique en
2017 est définitivement un défi d’une toute autre
envergure que ce ne le fut en 1982.
En Europe, l’activité conjoncturelle
demeure étonnamment robuste malgré
les nombreuses incertitudes économiques
et politiques. Le Brexit et les difficultés du
secteur bancaire en Italie n’ont pas fortement
pesé sur la croissance. La zone euro profite
particulièrement de la conjoncture solide en
Allemagne qui a affiché une progression du
PIB de 1,9 % sur l’ensemble de l’année 2016.
L’Allemagne est un des rares pays ayant
réussi à consolider ses finances publiques
après la crise financière en 2008. Aidée
par une devise sous-évaluée par rapport à
son niveau de compétitivité, elle a affiché
un budget excédentaire en 2016 pour la
troisième année consécutive. Cela lui a
permis de ramener son taux d’endettement
public à 68 %, alors que les autres principales
économies mondiales réussissent à peine à
le stabiliser. Après une décennie plus difficile
dans les années 90 suite à la réunification
allemande, l’Allemagne est redevenue la
locomotive de l’économie européenne.
Une amélioration du taux de croissance structurel
de l’économie ne peut passer que par une expansion
des investissements. Le stock de capital productif
accumulé définit au final le niveau de prospérité
d’un pays. Il comprend les investissements privés
(comme l’immobilier résidentiel et les usines et biens
d’équipement des entreprises), les investissements
publics (comme les infrastructures), le capital
intellectuel (comme l’éducation et les inventions) et
les ressources naturelles (comme les terrains, l’eau
et l’énergie). Au cours des dernières années, le stock
de capital productif a considérablement diminué aux
États-Unis. Les incertitudes économiques liées au
surendettement et à la politique de taux zéro incitent
les entreprises à privilégier les rachats d’actions
aux investissements productifs malgré des marges
bénéficiaires élevées. L’augmentation des prix des
maisons et appartements limite les investissements
immobiliers des ménages et les finances publiques
tendues réduisent les capacités d’investissement
de l’État. Dès lors il n’est pas surprenant que les
gains de productivité soient tombés à des niveaux
inférieurs à 1 %. Un redressement de la productivité
ne peut se faire du jour au lendemain.
SITUATION ÉCONOMIQUE AUX ÉTATS-UNIS: 1982 VERSUS 2017
Source : Bloomberg
DÉFICIT BUDGÉTAIRE
Source : Bloomberg
INVESTISSEMENTS DOMESTIQUES (NETS) EN % DU PIB AUX ÉTATS-UNIS
Source : Federal Reserve Bank of St. Louis
%
-10
-5
25
15
20
10
5
0
1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016
1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996
Taux de chômage Balance courante (en % du PIB) Taux des fonds fédéraux
%
0
4
2
16
12
14
10
8
6
1992 1997 2002 2007 2012
1947 1952 1957 1962 1967 1972 1977 1982 1987
-12
-10
2
-2
0
-4
-6
-8
2010 2011 2012 2013 2014
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2015 2016
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