J.-P. Kahn L’Encéphale, 2006 ;
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511-4, cahier 2
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TBP : 19 %, alors qu’il est de 5,4 % pour les autres trou-
bles anxieux et de 7,1 % pour les autres pathologies non
anxieuses, respectivement (2).
Il est donc important de connaître la fréquence de cette
association co-morbide, et de rechercher d’éventuels
antécédents familiaux ou personnels bipolaires, chez des
enfants ou des adolescents chez lesquels on a identifié
un trouble panique, pour éviter en particulier le risque
d’induire une (hypo)manie, lors de l’instauration d’un trai-
tement antidépresseur pour traiter le trouble panique.
Le Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC)
Il semble que le TOC survienne de façon également
plus importante chez des patients souffrant de maladie
bipolaire qu’en population générale, même lorsque ceux-
ci sont en période euthymique (4, 12). La co-occurence
d’un TOC, au cours d’un TBP est plus fréquente dans le
trouble bipolaire de type II, chez l’homme et semble cor-
rélée à un nombre plus élevé de tentatives de suicide. Le
TOC est d’ailleurs plus fréquemment observé au cours
des épisodes dépressifs que maniaques. Chez l’enfant,
en revanche, le TOC surviendrait de façon équivalente
dans les formes BP I et BP II. Une enquête, conduite en
France auprès de personnes souffrant de TOC, adhéren-
tes ou non de l’AFTOC, retrouve une co-morbidité de 11 %
à 15 % avec le TBP, avec une prédominance de la forme
BP II. Les traitements antidépresseurs étant également
largement prescrits dans le TOC, plus de 30 % des répon-
dants signalaient avoir présenté un épisode hypomania-
que ou maniaque sous traitement antidépresseur (8), ce
qui impose une surveillance clinique attentive.
Les autres troubles anxieux
Ils sont moins bien documentés, dans leurs relations à
la maladie bipolaire, à l’exception de la Phobie Sociale
peut être, mais l’importance des comorbidités des troubles
anxieux et de l’humeur avec les conduites addictives, ren-
dent celles-ci plus difficiles à étudier (12).
ABUS ET DÉPENDANCE AUX SUBSTANCES
ET À L’ALCOOL
La consommation et l’abus de substances, au cours de
la maladie bipolaire est sans doute l’une des comorbidités
les plus préoccupantes, en particulier pour ce qui est de
l’alcoolo-dépendance. Celle-ci était d’ailleurs déjà signa-
lée et décrite par Kraepelin, en 1921. Les études ECA et
NCS évaluent la prévalence sur la vie entière de l’abus
ou de la dépendance respectivement, à l’alcool et pour les
différentes drogues à plus de 60 % et 40 %, chez les
patients atteints d’un trouble bipolaire.
Parmi toutes les substances, l’alcool est le plus utilisé,
avec des prévalences sur la vie entière de 46,2 % et
39,2 % respectivement pour les patients bipolaires I et
bipolaires II, soit trois à quatre fois plus élevées qu’en
population générale. Dans le cas du trouble bipolaire II,
l’abus d’alcool seul est même significativement plus
important que dans le trouble bipolaire I, puisqu’il est pré-
sent dans 28 % des cas et que dans 12 % des cas il est
associé à l’abus de substances illicites (11, 15). Dans la
grande étude naturaliste de Zurich, les patients bipolaires
II présentent, par rapport aux sujets contrôles, des con-
sommations significativement supérieures de tabac
(48,7 %
vs
33,9 %), d’alcool (23,1 %
vs
7,6 %) et de can-
nabis (19,7 %
vs
7,8 %) (1). Ainsi, rien que par les chiffres
de prévalences, cette comorbidité représente un pro-
blème considérable de santé publique. Un point important
mérite par ailleurs d’être signalé, eu égard à l’importance
de l’alcoolisme chez les patients bipolaires. C’est ainsi que
les femmes atteintes de TBP ont beaucoup plus de risques
que les hommes, comparativement à la population géné-
rale, de présenter une surconsommation d’alcool. Ces
données devraient conduire à rechercher systématique-
ment un trouble bipolaire chez une femme présentant un
abus ou une dépendance à l’alcool (6). La plupart des tra-
vaux récents observent, dans le cas de la comorbidité
avec un abus d’alcool, un nombre accru d’hospitalisations
des patients, essentiellement pour les épisodes de manie,
des taux plus élevés de manie dysphorique, de cycles rapi-
des, de suicides, de non-adhésion aux traitements. Par
ailleurs, il en résulte une utilisation et un recours plus
important au système de soins en général et une moindre
réponse aux traitements, marquée par un temps plus long
pour la rémission clinique. Les patients bipolaires présen-
tant une addiction guérissent moins vite d’un premier épi-
sode maniaque et le tableau est alors souvent marqué par
une labilité émotionnelle accrue et des troubles du com-
portement à type d’impulsivité et de violences.
Les relations entre l’alcoolisme et la bipolarité restent
évidemment discutées quant à savoir si l’alcoolisme est
secondaire aux troubles bipolaires ou s’il s’agit d’une
comorbidité partageant des facteurs étiologiques éven-
tuellement communs. Les deux hypothèses s’appuient sur
des arguments cliniques et neurobiologiques pertinents.
Par contre, d’un point de vue thérapeutique, l’existence
de cette comorbidité alcoolique et bipolaire a d’importan-
tes implications et il est important de proposer une prise
en charge intégrative du point de vue diagnostique et thé-
rapeutique et permettant d’obtenir un sevrage et une abs-
tinence dans un premier temps, avant de réévaluer la
symptomatologie thymique, après une période d’une quin-
zaine de jours, puis de débuter les traitements thymoré-
gulateurs (14).
TROUBLES BIPOLAIRES
ET TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES
L’association de la dépression avec les troubles des
conduites alimentaires (TCA), anorexie mentale (AM),
boulimie (B) essentiellement, mais aussi les compulsions
alimentaires du trouble frénésie alimentaire (ou « Binge
Eating Disorder » : BED) est rapportée dans la littérature
depuis longtemps. Plusieurs travaux actuels semblent