le shofar revue mensuelle de la communauté israélite libérale de belgique N° d’agréation P401059 Décembre 2007 — n°289 / Kislev/Tevet 5768 synagogue beth hillel bruxelles Hanouka, trois origines, trois enseignements. Rabbi Dahan a 70 ans. EDITEUR RESPONSABLE : Rabbin Abraham Dahan Le Shofar est édité par la COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE DE BELGIQUE A.S.B.L. N° d’entreprise : 408.710.191 Synagogue Beth Hillel 80, rue des Primeurs, B-1190 Bruxelles Tél. 02 332 25 28 Fax 02 376 72 19 www.beth-hillel.org [email protected] CBC 192-5133742-59 Rédactrice en chef : Jacqueline Wiener RABBINS : Abraham Dahan et Floriane Chinsky COMITÉ DE RÉDACTION : Rabbi Abraham Dahan, Rabbi Floriane Chinsky, Ralph Bisschops, Serge Boruchowitch, Gilbert Lederman, Philippe Lewkowicz, Jacqueline Wiener, Emmanuel Wolf CONSEIL D’ADMINISTRATION : Avishaï Ben David, Ralph Bisschops, Patrick Ebstein, Paul-Gérard Ebstein, Ephraïm Fischgrund, Josiane Goldschmidt, Gilbert Lederman, Philippe Lewkowicz, Willy Pomeranc, Elie Vulfs, Serge Weinber, Jacqueline Wiener, Emmanuel Wolf. n°289 Décembre 2007 / Kislev/Tevet 5768 N° d’agréation P401059 re vue mensuelle de l a communauté isr aélite libér ale de belgique ONT EGALEMENT COLLABORÉ a cette livraison : Naomi Aguilera, David Cepolowicz, Monique Ebstein, Josiane Goldschmidt, Shmuel Lison, Zahava Seewald, Anne Simon, Nathan Selik, Samuel Vlodaver et Serge Weinber Mise en page : www.inextremis.be Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs. Photo de couverture : Ralph Bisschops Photos : Ralph Bisschops et Serge Weinber Sommaire 05 EDITORIAL L’union fit la force par Jacqueline Wiener 07 Le mot du président La lumière de Hanouccah hier et aujourd’hui par Philippe Lewkowicz 08 JUDAÏSME Hanouka, trois origines, trois enseignements par Rabbi Floriane Chinsky 10 Etre un bon technicien ou un bon créatif? Petites suggestions pour un allumage pas comme les autres par Rabbi Floriane Chinsky 16 34 13 A la mémoire de Geoffrey King z"l, extraits de textes 16 Rabbi Dahan a septante ans! 19 Nos Bné Mitsva, Naomie Aguilera, Daniel Cepolowicz, Nathan Selik et Samuel Vlodaver 24 Morale contemporaine et éthique juive 28 Agenda 30 COMMUNAUTÉ Carnet 32 Par Ralph Bisschops, Dr. phil. Par le Rabbin Rayner A propos du dialogue judéo-chrétien par Jacqueline Wiener 34 De notre Talmud Tora 35 Pour aimer la vie au présent, au passé et demain 37 Résonance théologique de la musique juive cantoriale par Josiane Goldschmidt par Anne Simon par Shmuel Lison 45 40 Hazanut à Beth Hillel: Zahava Seewald 41 Myriam Fuks rencontre son temps 43 André Chouraqui z"l 45 Saul Friedländer 47 Lu pour vous 50 Quelques nouvelles d’Israël et d’ailleurs 52 Au Musée Juif de Belgique: Sarah et ses frères 53 Un peu d’humour 55 Informations utiles par Serge Weinber par Monique Ebstein par Monique Ebstein par Monique Ebstein par Jacqueline Wiener Pour l’organisation de vos Simhot Un nom: Solange! Un numéro: 0497.57.47.27! le shofar L’Union fit la force Par Jacqueline Wiener Est-ce incongru de se demander si la vision en direct sur le petit écran des mains votantes flamandes tendues de concert avec celles au geste peu étrangement éloigné du signe nazi, le mercredi 7 novembre 2007, pourrait, d’une certaine façon, être mise en perspective avec le choc psychologique que dut être, pour les Juifs non hellénisés de la Judée grecque antique, l’annonce de l’introduction d’une statue de Zeus au visage similaire à celui d’Antiochus IV dans le Temple de Jérusalem, voici quelque deux mille cent septante quatre ans ? Certainement. Sauf à comprendre, à partir des cheminements intellectuels par lesquels nos Sages ont muté les évènements politiques d’alors en célébration d’un « petit » « miracle » très discret mais tellement chargé de sens, combien même pour nos jours, la mise en exergue du retour de la Lumière revêt une importance fondamentale, aussi bien dans la conduite des affaires publiques que dans la relation individuelle à autrui. Le Temple purifié, la Ménora rallumée n’auraient aucune signification sans la conscience, sans l’exigence que la pensée humaine doit refuser son asservissement. A Hanoukka, la lueur scintillante derrière la vitre des maisons juives qu’aperçoivent les passants, et qui est là pour montrer la persévérance de ceux qui pensent autrement face à ceux qui imposent leurs propres conceptions, a une portée universelle. Aujourd’hui, lorsqu’en Belgique, nous disposons nos hanoukkiot devant nos fenêtres pour rappeler que l’huile pure découverte dans le Sanctuaire permettant la lumière de la Menora qu’un seul jour brûla finalement huit fois plus longtemps, c’est donc aussi pour dire que la norme, la croyance, l’opinion, la sensibilité, la culture ou la langue de l’un ne doit jamais, ne peut jamais faire fi du respect infini de l’autre ; c’est pour dire que la différence, la particularité, l’altérité englobées fondamentalement en un souci commun de bien-vivre ensemble à la fois collectif et individuel est le meilleur rempart contre l’obscurantisme, le dogmatisme et l’idéologie fanatiques qui débouchent immanquablement sur une uniformisation si chère aux dictatures. Or donc, que l’on soit partisan des flamingants, des fransquillons, des brusselaires ou des Belges-à-la-Papa ; que l’on soit centriste, de gauche, de droite ou de nulle part ; que l’on découvre les propos de Jules Destrée comme parole de prophétie ou non ; que l’on se sente peu ou prou concerné par la vie politique de notre pays, il ne peut, il ne doit échapper à personne que les coups de buttoir de l’extrême droite flamande portent hélas actuellement efficacement leurs fruits. Le résultat d’un sondage paru le mois dernier dans le quotidien flamand « De Standaard » est édifiant, à cet égard. En effet, à la question de savoir s’ils approuvaient les déclarations du président du N-Va Bart De Wever, un des grands argentiers des mains votantes dont question ci-dessus, qualifiant de « gratuites » les excuses sur la participation de la ville d’Anvers à la Shoa exprimées par le Bourgmestre Patrick Janssen, 63,86% des sondés répondirent par l’affirmative… Voilà donc démasqué, en un rapprochement rapidement construit, l’homme-Babel au sentiment nationaliste exacerbé, discours populiste et dessein éhontément destructeur réunis, perché au sommet de cette toute petite chose si peu enfouie et tellement révélatrice de tout le reste: la haine du Juif. Aux premiers temps de l’indépendance de la Belgique, le 8 septembre 1831, Léopold Ier, 5 ÉD I TO RI A L 6 à l’occasion de son discours au Sénat et à la Chambre réunis en séance plénière, exhorta le pouvoir législatif à voter des projets de loi qui, développant les principes posés dans la Constitution, feraient jouir les Belges « d’une plus grande somme de liberté qu’aucun autre peuple d’Europe ». La Belgique d’alors fut le pays du modernisme par excellence Les Belges, enfin libérés du joug séculaire des grandes puissances, s’ébrouaient en un joyeux épanouissement économique et social. Et parmi eux, les Juifs n’étaient pas en reste d’ailleurs, eux qui se voyaient rejoindre par des coreligionnaires des pays limitrophes à qui ce vent de liberté offrait la perspective unique d’une réelle intégration et où participation à la vie scientifique, artistique ou politique nationale ne procédait guère de vains rêves. L’Union fit la force de ce petit Etat indépendant sans mémoire propre de nature à lui conférer une fierté nationale particulière. Par la suite, la cohésion nationale où l’affrontement entre catholiques et libéraux, puis entre Flamands et francophones vint régulièrement s’échouer en un compromis « à la belge » suscita la confiante curiosité des Nations. La guerre scolaire, la question royale, le déménagement forcé vers Louvain-la-Neuve ou les Fourons furent autant de houleux défis auxquels les démocrates du Royaume surent toujours trouver une apaisante parade. L’Union fit la force et sa consécration ultime fut d’ériger Bruxelles au rang de capitale de l’Europe. Les actuels drapeaux belges brûlés, conseillers communaux malmenés, menaces à l’encontre de personnes s’exprimant dans leur langue maternelle sont autant de symptômes d’une gravité sans précédent, dès lors que le cordon sanitaire autour de l’extrême droite belge de Flandre a été dénoué, le 7 novembre dernier. En cette fête de Hanoucca 5768, les points lumineux à huit branches éparpillés entre Anvers, Bruxelles, Liège, Gand ou Charleroi orneront particulièrement fort à propos les contours multi-culturels de notre pays… ■ Le site de Beth Hillel est ouvert Découvrez le sur : www.beth-hillel.org Vous y trouverez e.a. l’agenda, les parashot, des infos, des photos et plein d’autres choses utiles. Le site n’est bien sûr pas parfait, nous voulons l’améliorer, n’hésitez pas à nous faire part de vos suggestions et critiques en écrivant à [email protected] Bonnes visites L e m ot d u pr és i d ent le shofar La lumière de Hanouccah hier et aujourd’hui par Philippe Lewkowicz Hanouccah célèbre le double miracle d’une victoire militaire et de l’huile qui dura huit jours. Le premier miracle a eu une large portée, tant du point de vue espace, la région de Jérusalem, que du point de vue des personnes impliquées, toute la nation. Le second miracle a eu lieu dans un espace défini et confiné - un espace réservé dans le temple - et a eu peu de spectateurs, les Cohanim, qui assuraient le service dans le sanctuaire. Si disparates que soient ces deux éléments, il existe entre eux un lien fort. La révolte des Hasmonéens sur les Grecs était un acte de résistance, une résistance à l’assimilation, une revendication à conserver son identité. Le peuple juif ne refusait pas la civilisation grecque en tant que telle, bien au contraire, le plus souvent, cette civilisation inspirée par les plus grands savants était fondée sur une démarche scientifique et poursuivait un but «honnête». Le problème s’est posé quand l’occupant a voulu instaurer ses lois et, en même temps, refuser toute autre approche, culture ou religion. La spécificité existentielle - et par voie de conséquence spirituelle - d’Israël menaçait d’être anéantie par l’hégémonie culturelle que les Séleucides voulaient imposer sur tous les territoires qu’ils contrôlaient déjà politiquement et militairement, dont la Judée. Le message de la Grèce dont il est question à Hanouccah, c’est le message de la science comme objectif suprême. C’est le message d’un monde fondé sur des lois, un monde existant pour des lois, un monde de choix techniques, un monde de rentabilité. La lumière juive représente une autre voie : celle d’un monde qui n’est pas uniquement dirigé par des lois scientifiques, mais également par la morale et l’éthique. Et là où il y a de l’éthique, il y a la possibilité d’un choix : faire ou ne pas faire une action ! Dire à quelqu’un ce que l’on pense ou pas ? Punir ou pas ? Pardonner ou pas ? Dans le monde antique, le monde juif et le monde grec sont tous deux arrivés à des sommets dans la pensée humaine. Cela n’a pas empêché la confrontation entre ces deux entités naturellement antagonistes. Et le temple, à l’époque, était d’une certaine manière le centre de la nation, il l’inspirait. Du temple émanait « la lumière », symbole de l’étude, de la conscience, du questionnement. En permettant la victoire militaire, D’ieu a permis le maintien de cette conscience. La fiole d’huile est le symbole d’une petite lumière, d’un petit espoir qui subsiste. Un espoir de paix au milieu des guerres. C’est pourquoi la tradition juive se souvient de Hanouccah, non pas comme la fête d’une victoire politique, mais comme celle d’une victoire de l’esprit. Aujourd’hui, à Beth Hillel, comme dans toutes les communautés juives, on se souvient de l’importance de cette petite lumière. Et aujourd’hui il faut se rappeler que cette flamme est toujours nécessaire. En Belgique, comme au Tibet ou partout dans le monde où les politiques oublient trop souvent l’importance de ces valeurs fondamentales que sont la liberté, la démocratie, la tolérance, le respect de l’autre. Cet enseignement ancien est tellement actuel que nous ne pouvons pas l’ignorer, nous le disons à nos élèves du Talmud Torah, nos rabbins le disent dans leurs sermons. Cet enseignement guide nos actions dans nos relations avec les autres communautés. Cet enseignement est un des engagements de Beth Hillel dans la société. Hag sameah ■ 7 J U DA Ï SME Hanouka, trois origines, trois enseignements Par Rabbi Floriane Chinsky 8 Hanouka, entre toutes les fêtes, illustre l’attachement du peuple juif à sa tradition, une tradition de vie, porteuse de vie, adaptée à nos vies. Absente de la Bible, à peine évoquée dans la michna, Hanouka nous apparaît pour la première fois dans le Talmud. Une braïta (source tanaïtique), citée dans le traité chabat du Talmud babylonien (21b) présente le lien entre la célébration et l’allumage de bougies. Hanouka est, selon le Talmud lui-même, qui trouve son origine dans un phénomène naturel impressionnant : le raccourcissement des jours. Il est essentiel de se mettre dans la peau des générations précédentes. L’amoindrissement de la luminosité et du temps d’exposition au soleil nous influence tous, parfois de façon imperceptible ou subliminale. Il nous est facile aujourd’hui, pour peu que nous en prenions conscience, d’allumer une lampe ou une bougie. La situation était toute autre dans le passé. L’absence de l’électricité rendait l’éclairage très difficile, très fragile et très peu confortable. La lumière vacillante des bougies elle-même constituait un luxe. Le Talmud va jusqu’à poser la question du choix à opérer si on ne dispose pas de l’argent nécessaire pour se procurer à la fois les bougies de Hanouka et le vin du kidouch du chabat ! Ne pas laisser nos jours se raccourcir Lorsque petit à petit, dans notre univers physique, dans notre univers familial, dans notre univers personnel, la lumière diminue, il est important d’en prendre conscience. C’est le premier message de Hanouka. Cette prise de conscience, pourtant, peut faire peur. Le Talmud fait remonter cette pre- mière angoisse à Adam Harichon, le premier humain. Voyant les jours raccourcir, torturé de culpabilité face à la faute qui l’avait chassé du jardin d’Eden, Adam vit sa fin venir. Il s’imagina disparaître dans l’obscurité, poursuivi par la faute de la consommation du fruit de l’arbre de la connaissance. Il entreprit alors, nous dit le Talmud, de jeûner et de prier. Quand vint l’époque du mois de tévèt, il observa le rallongement des jours, il se dit qu’il s’agissait du fonctionnement normal du monde, et se consacra à huit jours de fête (avoda zara 8a). C’est avec la renaissance des jours qu’Adam pu reprendre sa vie. C’est ainsi que naquit la fête. La première origine de la fête serait liée à la nature, et à son influence sur nos sentiments et comportement. Allumer les lumières de Hanouka permet de nous situer en harmonie avec la nature, sans nous laisser dominer par elle, de ne pas laisser nos jours se raccourcir et notre univers se réduire comme une peau de chagrin. Ne pas laisser nos fêtes disparaître Hanouka a également une raison historique, souvent ignorée. Les livres des Machabées, livre apocryphe qui ne nous est parvenu qu’à travers la traduction des Septante retrace l’épopée des makabim, de Matatiahou et de ses fils, leaders de la révolte. Il y est relaté qu’une fois le temple reconquis et remis en état, chacun a regretté de n’avoir pu y célébrer la fête de soukot. Le deuxième livre des makabim raconte : « Ils ont célébré dans la joie, huit jours comme la fête de soukot, se souvenant que quelques temps auparavant ils avaient passé les jours de soukot dans les montagnes et les cavernes le shofar comme des animaux. Pour cette raison ils ont décoré avec des bâtons et des branches qu’on pouvait trouver à cette saison et avec des palmiers dattiers ils ont loué Dieu qui avait soutenu leur action dans la purification de son sanctuaire. » (makabim II, 10 :6-7) La deuxième origine de la fête est donc historique. La situation de Sion comme terre conquise et les conditions de la révolte avaient empêché la célébration de soukot. Notre peuple, qui ne renonce jamais, a su recréer cette fête avec les moyens du bord, hors saison. Notons au passage que ce « soukot chéni » n’a pas pu obéir aux règles habituelles de la fête. Cela n’a pas empêché le peuple de la célébrer et de témoigner ainsi son amour pour la tradition. C’est une deuxième leçon de la fête : ne jamais renoncer, ne pas se laisser démoraliser par l’impossibilité de célébrer nos fêtes, tenter de « reconquérir le sanctuaire » en réunissant les conditions qui nous permettront de poursuivre notre tradition, et, lorsque le sanctuaire est reconquis, ne pas l’ériger en vérité pétrifiée et idolâtre, mais témoigner de notre amour pour la tradition de façon créative. Nous rappeler que notre réussite ne dépend pas de nos moyens Hanouka, et cette partie de l’histoire est la plus connue, possède également un fondement légendaire, psychologique et symbolique. Il s’agit du miracle de la fiole d’huile, qui a permis à la ménora (lampe à sept branches utilisée au temple) de brûler pendant huit jours avec une toute petite quantité d’huile. Ainsi, une sorte de ménora à huit branches (comme les huit jours de hanouka) plus chamach, que l’on nomme « Hanoukia », a fait son apparition au quatrième siècle. Encore une fois, il s’agit de ne pas se laisser décourager par la petitesse de nos moyens. Si nous n’avons qu’un peu d’huile, utilisonslà, partageons cette lumière, laissons là nous éclairer, et elle ne viendra pas à s’éteindre. Pour cette année, nous pouvons retenir de cette fête si belle et si simple trois qualités qui nous accompagneront pendant ces huit jours, et espérons-le au delà : la lucidité et la conscience, la créativité dans l’expression de notre amour, l’espoir. ■ LECOBEL Votre agence immobilière 11, Place G. Brugmann • 1050 Bruxelles Tél: 02/346.33.55 • Tél: 02/343.94.82 www.lecobel.be 9 J U DA Ï SME Être un bon technicien ou un bon créatif ? Petites suggestions pour un allumage pas comme les autres par Rabbi Floriane Chinsky 10 D’année en année, nous allumons les lumières de Hanouka. Au-delà de la simple habitude, de la perpétuation de nos souvenirs d’enfance, de la mémoire de nos parents ou grands parents, au-delà de la beauté de ces petites bougies brillant au cœur de l’hiver, comment pouvons-nous ranimer pour de vrai la flamme de l’identité que ces bougies symbolisent ? Comment pouvons nous garder cette flamme de la créativité des Makabim, flamme qui est à l’origine de tant de bonheur familial au fil des générations ? Les questions techniques Beaucoup d’entre nous se posent des questions à propos de la « technique d’allumage ». Une maman m’a même demandé récemment, avant d’allumer les bougies du chabbat, par laquelle elle devait commencer ! C’est dire si Hanouka approche ! C’est dire combien le bon accomplissement des commandements nous est cher ! C’est dire aussi combien nous craignons parfois de commettre des erreurs ou des impairs. Pourtant, cette crainte n’est ni justifiée, ni souhaitable. C’est au contraire la joie d’être ensemble qui doit rester centrale dans ces petits gestes pleins de sens que la tradition nous propose. Pour nous aider à développer l’aspect joyeux de nos coutumes, un peu d’étude permet de s’assouplir, de se rassurer, d’apprendre encore une fois que notre tradition est plurielle, et que quand on y met du cœur, on ne peut pas faire de réel faux pas. La « technique » porte la conscience La question est une bonne question. En effet, la « technique », la « procédure », la façon dont nous agissons et non pas seulement ce que nous faisons, illustrent notre approche de la vie, notre philosophie, nos valeurs. La tradition juive nous éduque à croire en notre pouvoir d’action sur le monde. Ce pouvoir s’exprime dans chacun de nos gestes, de telle sorte que chaque détail est susceptible de revêtir une grande importance. Cela ne signifie pourtant pas qu’il n’y ait qu’une seule façon de bien agir, au contraire. Cela signifie seulement que notre façon d’agir a un impact psychologique, symbolique et social. Cet impact, nous préférons en avoir conscience, pour l’utiliser pour le bien. Pour éviter la peur de mal faire, les blocages, le découragement, la routine, les disputes concernant la meilleure façon d’allumer, vous pouvez décider d’ouvrir l’horizon du chemin juif et de vous intéresser aux différentes possibilités concernant cet allumage. Vous trouverez en encadré la procédure « classique » que la plus part des juifs contemporains à Bruxelles utilisent. Ouvrir le champ des possibles et le chant du sens Pour l’instant, intéressons-nous à la braïta talmudique concernant l’allumage : « Le commandement de Hanouka, c’est une bougie pour chacun et sa maisonnée. Pour ceux qui embellissent le commandement (méhadrin) c’est une bougie par personne. le shofar Les «embellisseurs des embellisseurs» : l’école de Chamaï affirme : « Le premier jour il en allume huit, à partir de là, on va en diminuant » ; l’école de Hillel affirme : « le premier jour il en allume une, à partir de là, on va en rajoutant ». » (babli chabat 21b) En nous penchant sur cette braïta, on constate que nous avons le choix entre différentes possibilités : • A llumer une seule bougie par maison, chaque jour, pendant huit jours. C’est une façon de témoigner, à la suite des makabim qui ont fêté Hanouka en remplacement de soukot, qu’il ne faut jamais renoncer. Vous affirmerez, à la suite de Adam harichon, qu’il faut prendre soin de notre qualité de vie et ne pas nous laisser contrôler par les changements naturels, tels le raccourcissement des jours, qui pourraient nous toucher et nous affaiblir. Vous affirmerez aussi l’importance de la famille en tant qu’unité, puisque une bougie suffit pour tous. Vous témoignerez également de la simplicité des commandements et la compréhension des rabbins puisque une bougie suffit, puisque chacun peut faire partie du commandement et de la fête facilement, quels que soient ses moyens (voir l’article « trois origines, trois enseignements »). • A llumer chaque jour une bougie par personne est une autre possibilité. Vous affirmerez ainsi que cette lumière de Hanouka vous est particulièrement chère, non seulement en tant que groupe familial, mais aussi pour chaque membre de la famille individuellement. Vous témoignerez également l’importance pour chaque membre de la famille d’être reconnu dans la lumière qu’il apporte au groupe. Notons au passage que selon la halaHa (fondée sur Babli chabat 23a), les femmes sont tenues d’allumer les bougies exactement au même titre que les hommes, de telle sorte qu’elles peuvent même exempter les hommes en allumant en leur nom. Il est donc tout a fait possible de faire participer femmes et filles à cette manière d’allumer qui souligne l’importance de la participation de chacun. • Allumer comme l’école de Hillel, rajouter toujours une bougie, comme l’espoir qui va toujours en grandissant, développer l’âme. • A llumer comme Chamaï, un nombre de bougies égales aux jours qui restent jusqu’à la fin de la fête, développer la conscience. • A llumer en utilisant une Hanoukia, lampe spéciale à 8 branches plus chamach, dont la première est attestée au 4ème siècle et dont l’usage se répand au Moyen-âge. Vous vous associerez ainsi aux développements postérieurs du chemin juif, vous contribuerez au développement culturel du judaïsme, soutiendrez les artistes de « judaica », qui travaillent à créer les beaux objets qui accompagnent nos belles coutumes. En créant vous-même votre Hanoukia, vous serez de façon directe un artisan ou un artiste de la culture juive. Veillez dans ce cas à ce qu’on retrouve votre œuvre dans quelques siècles… Il existe de nombreuses coutumes liées à Hanouka. Vous pouvez également les faire entrer dans votre célébration et vous inscrire à votre façon, dans la continuité de l’histoire juive qui a poursuivi son chemin depuis cette lointaine braïta du traité chabat : Coutumes classiques : • Chanter en hébreu ou en français des chants traditionnels comme hanérot halalou et maoz tsour, des chants israéliens (téléchargeable sur notre site, www.bethhillel.org) • Manger des lévivot-latkes et des soufganiot. • Organiser un festin de mets lactés à l’occasion d’un allumage entre amis comme le font les sefardim. • Jouer avec une sévivon-dreidel. • A llumer des bougies de cire ou d’huile, colorées ou blanches, éléments qui sont venus s’ajouter postérieurement à la fête. Nouvelles tendances : • A llumer non pas avec des bougies de cire, mais avec de petits récipients contenant de l’huile, si possible d’olive. • Utiliser de petites boites transparentes qui protègent les bougies des intempéries, lorsqu’on met la Hanoukia à l’extérieur. 11 J U DA Ï SME • Lire le « livre de Judith » ou raconter son histoire. Judith est une héroïne associée à la fête de Hanouka, à la révolte des macchabées, une Ester de la fête des lumières. • Créer soi-même une Hanoukia imprégnée du symbolisme que vous-même attachez à la fête. • Inviter des amis pour un allumage des bougies thématique. • Participer ou vous impliquer dans l’allumage communautaire, contribuer à la construction sociale d’un judaïsme vivant. 12 Permettre à chacun d’amener sa vision propre à la construction de l’édifice juif Comme le dit le Deutéronome (chap.30 v.14) : « Cette chose est très proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur pour la réaliser. » Il nous appartient donc de conjuguer ces différentes possibilités1. Nous pouvons en discuter en famille, avec nos enfants et amis, avec nos apikorsim, nos laïcs, nos réfractaires à la tradition ou nos réfractaires au pluralisme, et même avec ceux qui s’imaginent que notre tradition est monolithique. Ne laissons personne affirmer que « c’est comme ça et pas autrement ». Si les makabim avaient agi de la sorte, cette fête si parlante et aimée n’existerait pas. Pour nous rassurer, l’étude est meilleure conseillère que l’enfermement et la rigidité. La solidarité, la vie communautaire, la vie familiale, la beauté de nos coutumes, l’étude, nous portent et nous rendent forts et authentiques, fidèles à notre tradition dans l’amour, la volonté et la liberté. Il est temps d’inviter nos amis à partager le plaisir de cette façon traditionnelle de partager un judaïsme vivant. Le message de Hillel, notre message, comme celui de Hanouka, est celui de la conscience, de la confiance, de l’espoir, de la flamme vivante. Ranimer pour de vrai la flamme de l’identité, c’est mettre sur le devant de la scène la question du pluralisme et de la responsabilité. Hag Ourim SaméaH. 1 Vous êtes invités à me faire part du résultat de ces discussions… L’allumage « classique » Pour mieux connaître le sens des fêtes de façon générale, il est conseillé de se référer à l’excellent « Dictionnaire Encyclopédique du Judaïsme » au éditions Cerf/ Robert Laffont. On achète une Hanoukia, lampe à huit branches plus une séparée, ainsi que de petites bougies qui brûlent environ une demi heure. On dispose le chamach à l’endroit réservé à cet effet, et la bougie du premier jour tout à droite. Le deuxième jour on rajoute la bougie du deuxième jour à sa gauche, etc… À la tombée de la nuit, on place la Hanoukia près de la fenêtre, chacun allume son chamach, on récite les bénédictions concernant l’allumage : - BarouH ata adonaï élohénou mélèH haolam acher kidechanou bémitsvotav vétsivanou léhadlik ner chel Hanouka. (Bénis sois-tu Eternel notre Dieu, Roi du monde, qui nous a sanctifiés par tes commandements et nous a commandé d’allumer les bougies de Hanouka.) - BarouH ata adonaï élohénou mélèch haolam chéassa nissim laavoténou bayamim haèm bazeman hazé. (Bénis - sois-tu Eternel notre Dieu, Roi du monde, qui a fait des prodiges pour nos ancêtres à leur époque, en ce temps là.) (Premier soir : BarouH ata adonaï élohénou mélèH haolam chéhéHéyanou vékiyémanou véhiguianou lazéman hazé. Bénis sois-tu Eternel notre Dieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre, qui nous a maintenu et qui nous a fait atteindre ce moment.) On allume les bougies en commençant par celle du jour, c’est-à-dire celle située la plus à gauche. On chante (imprimez notre livret de chant que vous trouverez en ligne sur notre site), on mange des pâtisseries cuites à l’huile qui rappellent l’histoire de la fiole d’huile ou des mets lactés qui rappellent l’héroïsme de Judith, on joue à la toupie, on raconte des histoire, on reste en famille autour des bougies de Hanouka. ■ le shofar A la mémoire de Geoffrey King z˝ l Extraits de textes Nous reproduisons ci-dessous quelques extraits de textes parus dans le Shofar sous la plume du professeur Geoffrey King qui nous fit l’honneur d’en diriger l’équipe de rédaction durant deux années, de juin 1996 à l’été 1998. Nous garderons de cette période le souvenir ému d’un homme à l’humour d’outre-Manche décapant et qui exprimait ses convictions -aux accents souvent féministes- d’une voix tonitruante qui restera longtemps gravée dans nos mémoires. Puissent ses filles, à travers ces quelques lignes, trouver ici le témoignage de notre gratitude pour tout l’ouvrage accompli avec compétence et dévouement par leur père au sein de la synagogue Beth Hillel durant de nombreuses années. Jacqueline Wiener Why I am a progressive Jew – Shofar n°177 février 1996 ...”I believe that our most important function as human beings is tikkun olam, the repair of the world. I should like to be able to say that Jews do this better. However, I have no evidence that the average Jew is any better or any worse than the average Sikh, the average Christian, the average Moslem or the average atheist. I do feel, perhaps subjectively, that Judaism leads more naturally to a desire to improve the lot of our fellow human beings… My training requires me to make decisions and to form an opinion based on the evidence and the experience which I have, rather than to accept uncritically the views on what in French is called a “maître à penser”. As a university teacher I have always encouraged students to believe that, failing proof to the contrary, the professor is usually wrong. The evidence on which I base my views and my actions includes not only what I have heard, what I have seen and what I have read but also inspiration which I hope comes from God… I cannot accept that God gave his laws, in the form of the Pentateuch, to Moses on Sinai and then switched off all communication with human. There is a tendency in orthodox Judaism to believe that the older an idea is, the more important it is. Thus, the Pentateuch is more important than the prophets… and modern thinkers have little or nothing useful to say. I believe in progressive revelation. God speaks to each one of us if we are only prepared to listen. While we must learn from our predecessors and stand, as it were, on their shoulders, each of us has a duty to study, to listen to the word of God and to decide for herself/himself what is important for being a good Jew… I should like to quote here the late Rabbi Israel Mattuck who, when told that the Liberal 13 J U DA Ï SME 14 Judaism is a religion of convenience, said: “Yes. “Convenience” comes from the Latin con venire –to come with. Liberal Jews do indeed try to come with God, to come with the time”… I believe in the importance of study. However, if we study the works of the sages without applying the results of this study to our lives we might as well live as monks or nuns as we would be taking from God without giving anything in return… It seems to me that, if we study only to improve our minds and not with the aim of tikkun olam, we are guilty of what the late rector of the Catholic University of Leuven described as intellectual masturbation…” Il y a deux ans, j’étais en Allemagne pour la semaine de fraternité entre juifs et chrétiens. Quelques jours plus tôt, des logements de travailleurs immigrés avaient été incendiés par des néo-nazis. J’ai eu l’honneur de pouvoir assister à une des manifestations antiracistes qui ont eu lieu ce week-end là, dans beaucoup de villes allemandes. Quand j’ai demandé à une dame catholique si elle allait participer à la manifestation, elle m’a répondu : « Non, ce sont tous des gauchistes ». Elle faisait partie des « gens biens ». C’était ces « gens biens » qui, plutôt que de s’associer avec ceux qui luttaient contre les nazis, avaient permis à ces derniers de venir au pouvoir… » Pessach : fête de la liberté ? – Shofar n° 179 avril 1996« Dans la Haggadah, on nous enjoint d’enseigner à nos enfants que nous étions des étrangers au pays d’Egypte et qu’il faut accueillir l’étranger chez nous… Abram était parti en Egypte parce qu’il y avait la famine à Canaan (Gen.12 :10) ; actuellement, on l’appellerait un immigré économique. Aujourd’hui, dans l’Union Européenne, on a tendance, pour des raisons diverses, à refuser l’entrée à de tels immigrés et aux demandeurs d’asile. Dans plusieurs pays de l’U.E, il existe des projets de loi qui, s’ils étaient adoptés, augmenteraient encore les difficultés qu’ont les candidats immigrés à s’établir dans les pays de l’U.E. En effet, si de telles lois avaient été en vigueur il y a un siècle, le grand-père du ministre de l’intérieur de mon propre pays, lui-même juif, n’aurait pu s’installer au Royaume-Uni. Est-ce que tout cela nous regarde ? Après tout, ces réfugiés ne sont pas des nôtres… La paix est indivisible. La liberté l’est aussi. Il faut que nous, en tant que communauté, soutenions les protestations contre l’ostracisme. J’entends dire : « protester, c’est ce que font les gauchistes et les révolutionnaires ; nous sommes des gens bien et nous devons nous tenir à l’écart ». Juifs et chrétiens en Allemagne – Shofar n° 200 juillet/août 1998« Chaque année, le « Deutsche Koordinierungsrat » DKR organise la « Semaine de la Fraternité » en Allemagne. Il s’agit de la fraternité entre chrétiens et juifs. Cette pratique a commencé en République Fédérale Allemande où les habitants sont, depuis bien des années, sensibilisés aux atrocités nazies et à l’acquiescement tacite d’une grande partie de la population vis-à-vis de ces actes. La mentalité était autre en république Démocratique Allemande et en Autriche où ce sentiment de culpabilité collective n’existait pas. Dans le premier cas, « parce que tous les nazis avaient été éliminés par les Soviétiques et il ne restait que des « innocents » », et dans l’autre, parce que « tout ce qui s’y était passé était la faute des envahisseurs nazis contre le gré de la population ». Depuis la réunification de l’Allemagne, les « länder » orientaux s’associent à la Semaine de la Fraternité et organisent eux-mêmes des activités dans ce cadre… Nous avons assisté à l’ouverture de la Semaine à Marburg, au cours de laquelle le rabbin Prof.Peter Levinson parla du libre choix : chacun de nous doit choisir entre le bien et le mal et personne d’autre ne peut faire ce choix à notre place… le shofar Nous étions aussi présents à la consécration de la synagogue restaurée de Roth, petit village d’environ 600 habitants situé à une dizaine de kilomètres de Marburg. Cette synagogue avait échappé aux feus de la Kristallnacht parce que cela aurait endommagé les bâtiments contigus. La question avait été posée : « à quoi pourrait servir une synagogue s’il n’y a plus de Juifs ? » Un musée risque de donner l’impression de quelque chose d’éteint, comme les nazis souhaitaient le faire en créant un musée de Judaïsme à Prague. Par contre, un lieu où on pourrait expliquer, surtout aux enfants des écoles, ce qui est arrivé aux copains de classe de leurs grands-parents ou arrièregrands-parents, qui y priaient et qui habitaient les mêmes rues, semblait beaucoup plus parlant que des chiffres… Le fils américain d’un des survivants a offert dix kippot et dix siddourim allemand/ hébreu, afin que si dix adultes Juifs se trouvent à la synagogue, on puisse prévoir un office. Des enfants de l’école communale ont allumé 43 bougies en souvenir des quarante-trois membres de cette communauté, mortes dans la Shoah… » ■ 15 Laissez-vous séduire par le fait d’être chouchouté ! Concierge PRIVÉ pour particulier Arnaud 0477 90 24 18 Thomas 0472 97 76 40 www.privateconcierge.be J U DA Ï SME Rabbi Dahan a septante ans ! Par Ralph Bisschops, Dr.phil. 16 Aimer et faire aimer le La fête d’anniversaire judaïsme La surprise fut totale. C’est peu dire que cette Rabbi Dahan ne se doureconnaissance soit métait de rien lorsqu’il entra ritée. Tout d’abord parce dans la salle de prière le que Rabbi Dahan est dimanche 9 septembre à rabbin pendant chaque 13 heures. La salle était minute de sa vie. Il a toupleine à craquer. La comjours du temps à vous acmunauté entière de Beth corder. Je lui ai souvent Hillel s’y était réunie pour demandé si sa disponifêter son septantième anbilité inconditionnelle niversaire. L’émotion fut au service de la commuforte, à certains moments, même en overdose. Cela avait été un tour de nauté de Beth Hillel ne le fatiguait pas trop. force de faire venir Rabbi Dahan à la synago- Il répond qu’il aime ce qu’il fait et que faire gue ce dimanche midi là, où il n’avait aucu- aimer le judaïsme, c’est son bonheur. Un jour, nement l’intention de se rendre. Le dimanche il m’a dit quelque chose de très émouvant qui matin, il avait assisté à l’inauguration d’une me semble indiquer le fil conducteur de sa pierre tombale à Anvers. Emmanuel (‘Manu’) vie: « Chaque fois que j’étudie, chaque fois Wolf était venu le chercher pour le ramener que j’aime, chaque fois que je fais aimer, je à la maison. Arrivés à Bruxelles, Manu dit re-signe le contrat avec Dieu, c’est comme si j’étais au Sinaï.»1 soudainement, invoquant une raison le croirait volon« Chaque fois que j’étudie, chaque On obscure, qu’il devait tiers. se rendre d’urgence fois que j’aime, chaque fois que je à la synagogue mais nous fais aimer, je re-signe le contrat Sommes qu’il avait oublié la « dahanistes » ? clef et il demanda à avec Dieu, c’est comme si j’étais au Il y a des gens qui Rabbi Dahan de lui disent que nous Sinaï. » Rabbi A. Dahan ouvrir la porte. Le sommes une synaplan se déroula comme prévu. Pour couron- gogue « dahaniste ». Une telle affirmation est ner les quarante ans de dévouement à notre saugrenue, car elle sous-entend que Rabbi synagogue, la communauté de Beth Hillel Dahan aurait établi une doctrine. Il ne l’a lui offrit un kos de kiddouche. Décidément, pas fait ; il n’a jamais eu l’ambition de faire les membres de notre communauté aiment avaler aux autres des idées faites de toutes Rabbi Dahan de tout cœur. pièces. Un rabbin est un interprète – au sens 1T outes les citations qui figurent dans cet article ont été prises des interviews déjà enregistrés en vue de la publication d’un livre qui retracera le cheminement de la pensée de Rabbi Dahan. le shofar musical – de la tradition. Or il existe d’innombrables façons de jouer la même partition, seuls les très grands interprètes musicaux en sont conscients. Le génie de Rabbi Dahan consiste à percevoir une mélodie jamais entendue auparavant à l’œuvre dans les récits de la Bible et de la Michna. Bien entendu, beaucoup, même la plupart de ce qu’il dit se retrouve également ailleurs, chez d’autres commentateurs, chez d’autres rabbins. La partition reste la même. Et néanmoins, les commentaires de Rabbi Dahan sont en même temps tellement différents, tellement nouveaux qu’à les entendre, on croirait le ciel s’ouvrir pour la première fois. Ce n’est pas une question d’originalité. En enseignant, Rabbi Dahan n’émet pas des idées nouvelles, il dit tout simplement ce que son oreille intérieure entend quand il ouvre une page de la Torah ou du Talmud. Ainsi travaillent les artistes. Et à en croire un philosophe allemand, le vrai génie réside dans l’art de ne rien inventer et de s’éclipser dans l’écoute attentive et soutenue. sculpter. Ce sculptage, c’est l’œuvre de la tradition orale. Pour utiliser ses propres mots: «Le midrash m’a appris qu’il faut construire le texte, pour que le texte nous construise.» Un des thèmes qui illustrent la spécificité de la lecture de Rabbi Dahan par rapport à celle de l’orthodoxie courante est l’interprétation de l’histoire de Ruth la Moabite. L’orthodoxie enseigne que Ruth aurait pu rejoindre le peuple juif parce que le verset (Dtn. 23, 4) : « L’Ammonite et le Moabite ne seront pas admis dans l’assemblée du Seigneur » ne se réfèrerait qu’aux descendants mâles de ces tribus. Comme cette restriction est une donnée talmudique et non pas biblique, la tradition orale apparaît ici comme une manière de préserver l’autorité de la Torah . Pour Rabbi Dahan, par contre, l’insertion de livre de Ruth dans le canon biblique fut une acte de contestation contre la condamnation en bloc d’un peuple entier et un signal sans équivoque de la part des rabbis que nos vies, «c’est nous qui la gérons.» Dans le même esprit, il dit : « Dieu, à la limite, c’est nous qui le suscitons, qui le faisons naître par le chemin que nous choisissons.» La tradition orale selon Rabbi Dahan Quelle est la mélodie Témoin d’un passé qu’il entend? On ne peut pas résumer une « Dieu, à la limite, c’est nous qui le heureux sont manière de commensuscitons, qui le faisons naître par Nombreux ceux qui ont perçu ter les textes comme Abraham on résume une doc- le chemin que nous choisissons.» Rabbi Dahan comme protrine. Mais il existe Rabbi A. Dahan vocateur de l’orthoquelques constantes. doxie. Il a pourtant Dans l’optique de l’exégèse orthodoxe, la fonction primordiale toujours précisé qu’il ne visait qu’une certaide la tradition orale (Torah she-baal peh) ne orthodoxie. Ce n’est certainement pas l’orconsisterait à faire harmoniser les contradic- thodoxie oxygénée dans laquelle il a grandi tions contenues dans la Torah. Celle-ci serait au Maroc. Comme beaucoup de grands perintrinsèquement parfaite et « descendue du sonnages, il n’est pas dans l’air du temps et ciel ». Pour Rabbi Dahan aussi, la Torah est encore moins à l’avance de son temps. Rabbi descendue du ciel, à cette différence près Dahan est le témoin d’un passé heureux où qu’il la ressent comme un météorite brûlant la mouvance théocratique était inexistante et angoissant. Une pierre brute qu’il s’agit de et où être juif signifiait, avant tout, avoir une 17 J U DA Ï SME « tête claire. » Bien entendu, il est tributaire du vocabulaire anti-autoritaire des années soixante, dans la mesure où celui-ci exprime la soif de la liberté. Alors que le traditionalisme guette surtout la déviance de la norme, Rabbi Dahan a reconnu très tôt que la tentation d’obéissance religieuse peut être aussi forte et aussi destructrice que celle qui mène à l’assimilation. La valorisation excessive de la notion du « joug de la Torah » le met mal à l’aise. « Évidemment » dit-il «dans toute loi, il y a une restriction, mais quand ces limitations deviennent tellement exacerbées qu’elles deviennent caricaturales, elles détruisent l’objet même de leur existence. L’éclat de la lumière ne traverse plus. » 18 Libéral d’une telle manière. Ici encore, le terme « dahanisme » sonne faux. « Dahanien » irait déjà mieux, comme par exemple le mot « fellinien » (pour le cinéaste F. Fellini) : il désignerait un regard posé sur les choses. Un regard, dont on ne peut qu’espérer qu’il fasse école. Le rite intériorisé Le rite, c’est le solfège de la religion. Il n’y a que les charlatans qui prétendent que l’homme peut devenir meilleur tout en brûlant les étapes. Le mouvement libéral a parfois cédé à la tentation d’abroger les directives de la tradition. C’est un piège que, peut-être grâce à sa très vaste connaissance talmudique, Rabbi Dahan a contourné. Tout en se refusant à l’utilisation du terme « halakha » pour désigner son approche, Rabbi Dahan tente La pulsion vers l’humain Par le terme « dahanisme » l’on désigne, bien avant tout de dégager le sens originel des lois entendu, également sa manière de vivre et d’ qui consiste, à ses yeux, dans le « sculptage enseigner le Judaïsme Libéral. Il aurait moins progressif de l’être humain ». C’est ce qui dérangé s’il avait débité les déclarations so- donne à sa manière de vivre le judaïsme un lennelles et exsangues de certaines autori- caractère « dépouillé », qui déroute certains. tés du mouvement Reform. On ne sait quoi C’est un judaïsme intériorisé qui se passe des penser d’un Rabbin soi-disant libéral qui n’a gestes et surtout de l’ostentation. « L’intériojamais caché à personne son enracinement risation » est un des maîtres-mots du Judaïsme Libéral, mais je dans le judaïsme séme suis souvent defarade. Là encore, mandé ce qu’il veut son talent d’inter« Rabbi Dahan a conféré dire concrètement. prète surprend et au judaïsme libéral un lyrisme Ce n’est que grâce émerveille. Comme certains pianistes qui ne lui semblait pas inhérent » à Rabbi Dahan que cette notion d’intéqui savent révéler riorisation, avec lale génie de sonates que l’on croirait ternes, Rabbi Dahan a confé- quelle on jongle aisément mais qui en réalité ré au Judaïsme Libéral un lyrisme qui ne lui est très difficile à saisir, a pris corps à mes semblait pas inhérent. A l’écouter, on oublie yeux. Mais c’est aussi un idéal presque imle développement cahoteux de ce mouve- possible à atteindre, comme en témoignent ment qui se fit dans des pays protestants, les mots suivants, où il semble laisser tout sous des ciels nordiques et nuageux, pour ne derrière lui: « Qu’est-ce que c’est la tradition ? retenir qu’une pensée qui coule de source et Ce sont les repères ; il n’y a pas de mots. Mais qui est l’élan même de l’âme juive, sa « pul- rien n’est neutre. Il n’y pas un instant vide. sion vers l’humain ». Elles sont rares, les per- L’instant le plus vide n’est pas vide. Dans cha■ sonnes qui savent vous expliquer le Judaïsme que chose, il y a un frémissement. » le shofar Nos Bné Mitsva Dracha de Samuel Vlodaver … « Ma paracha s’appelle émor, tirée du livre du Lévitique, le troisième des 5 livres de la Torah. Elle parle de deux types de choses très différentes: d’une part, elle détaille les règles que les prêtres doivent suivre. D’autre part, elle parle des différentes fêtes observées par le peuple juif. La première partie est assez surprenante. C’est un peu compliqué, ces règles semblent très strictes et étranges pour les hommes d’aujourd’hui. Il m’a fallu pas mal de réflexion pour comprendre le sens de certaines de ces règles, et quelques unes me posent encore problème. Le prêtre, par exemple, ne peut pas enterrer son père ou sa mère. Comment dans ce cas là, peut il rendre un dernier hommage à ses parents? Est ce qu’on ne dit pas dans les dix commandements, ou dans plutôt les dix paroles, «honore ton père et ta mère»? (Exode et Deut). Le devoir d’honorer ses parents est un commandement que l’on comprend bien et qui est très important. Le rédacteur du Lévitique aurait-il oublié ce qui est écrit dans l’Exode et le Deutéronome? C’est vrai, notre torah est pleine de contradictions, elle prend vraiment tout son sens quand on l’étudie à la lumière de l’enseignement oral, tout ce qui est transmis, sans être écrit, au cours des générations. Je ne pense pas que le rédacteur du Lévitique ait oublié le 5 ème commandement. Je pense qu’il a voulu répondre à un principe plus important. Rappelons qu’il s’agit d’un cas particulier, celui des Cohanim. Leur rôle est tellement important que cela justifie cette exception. Le Cohen a des responsabilités très importantes, on peut avoir besoin de lui à tout moment, il est le garant et le protecteur de la dynamique de vie. Aujourd’hui comme autrefois, il nous arrive de ne plus savoir quoi faire de nos vie, on peut être déprimé, on peut en avoir marre, perdre espoir. Les problèmes nous font parfois tout abandonner. Comment réussir à remonter la pente? Comment redevenir ami avec ma vie? Chacun a sa propre façon. Une de ces façons est d’aller voir un psy et justement, les Cohanim sont un peu les psys de l’époque. Je voudrais l’être plus tard. De toute façon, cela ne peut pas se faire seul et dans le temps, le Cohen était la personne toujours disponible pour aider. C’est pour cela qu’il ne peut pas être en contact avec la mort. Le Cohen n’a pas qu’un rôle de psy, il a aussi un rôle de professeur. Il doit faire en sorte que les gens n’aient pas besoin de venir le voir trop souvent pour résoudre des problèmes graves. Mieux vaut prévenir que guérir. C’est aussi à ça que servent les fêtes qui sont mentionnées à la fin de ma paracha. Chabbat, le 7eme jour de la semaine ,le jour de repos, un jour qui est fait pour se détendre et évacuer le stress accumulé pendant la semaine. Mais chabbat est aussi une marque de notre liberté car quand on était esclaves en Egypte, on n’avait pas le droit d’avoir des jours de repos. Justement, la fête suivante est pessaH, la liberté, la sortie d’Egypte. Rabbi Chinsky m’avait posé une question à ce sujet là: est-ce plus important pour un peuple d’être libre ou d’être créé? Je pense que c’est les deux: cela ne sert à rien d’être créé si nous ne sommes pas libres. La période du Omer, qui est expliquée ensuite, est celle où on amenait les prémices des récoltes au Temple, où on se réjouissait du travail accompli et où on en faisait profiter les autres. Chavouot, ensuite, rappelle le don de la Torah sur le mont SinaÏ. C’est bien d’être créé, c’est bien d’être libre; mais il faut aussi avoir quelque chose à faire, un but. Fixer ce but, c’est quelque chose de progressif. Mon but à moi, c’est de plus m’impliquer religieusement. 19 J U DA Ï SME 20 Roch Hachana et Yom Kipour, c’est un nouveau départ, c’est un moment où on essaye de se faire pardonner et de se pardonner à soimême les fautes que l’on a commises. On le fait en s’excusant auprès des personnes qu’on a blessées, en comprenant son erreur et en la réparant. Avec ces fêtes, on essaye de se créer une vie pleine de liberté, d’amitié et de sens. Les fêtes appartiennent à tout le monde. Contrairement au statut de Cohen, elles sont accessibles à tous. Pour conclure, je voudrais citer le midrach de Rabbi Chimon bar YoHai. Il dit justement qu’il y a trois couronnes qui ornent la tête des enfants d’Israël: celle de la Torah, celle de la prêtrise et celle de la royauté. Bien qu’il y ait des rois, des prêtres et des sages, chacun doit considérer qu’il a la dignité d’un roi, l’importance d’un prêtre et la capacité d’atteindre la sagesse. D’après Rabbi Natan, de ces trois couronnes, la plus importante est la ...quatrième: celle de la bonne renommée. C’est le fait d’avoir une bonne réputation, d’être reconnu comme quelqu’un de droit… » Dracha de David Cepolowicz …. « VAYERA signifie : il lui apparut. Dieu apparaît à Avraham le troisième jour suivant sa circoncision dans les plaines de Mamré. Avraham voit trois hommes et leur offre l’hospitalité. L’un des voyageurs (qui sont en fait des anges) lui annonce que dans un an, sa femme, Sarah, donnera naissance à un fils. Sarah qui avait entendu leur conversation rit, comme Avraham dans la paracha précédente. Dieu dit à Avraham qu’il a l’intention de détruire les villes de Sodome et Gomorrhe car elles sont corrompues. Avraham plaide en faveur des deux villes et s’accorde avec Dieu que si il trouve dix justes, il ne détruirait pas les villes. Seul Loth accueille avec hospitalité les deux anges et les protègent de la foule hostile. Il lui révèle que les villes vont être détruites et qu’il doit fuir avec sa famille. Il lui dit également que personne ne doit se retourner au cours de leur fuite au risque de se transformer en statut de sel. La femme de Loth se retourna et fut transformée en statue. Loth et ses deux filles se réfugient à Tsoar, dans une caverne, croyant être les seuls survivants de la terre ; elles partagent la couche de leur père et mettent au monde deux fils qui seront les pères des nations de Moav et D’amon. Avraham s’en va à Guerah où règne Avimeleh et fait passer Sarah pour sa sœur qui se fait enlevée par Avimeleh. Dieu avertit ce dernier qu’il doit rendre Sarah à son époux sans quoi il mourra. Dieu se souvient de sa promesse et donne un fils à Sarah : Isaac (qui signifie rira, en Hébreux : yitshak ). Isaac est circoncis à huit jours ; Avraham a, alors, cent ans et Sarah nonante ans. Avraham chasse Agar et Ismaël à la demande de Sarah. Dieu avait dit à Avraham : « Tout ce que dira Sarah, écoute sa voix ». Il avait également promis qu’Ismaël serait le père d’une nation. Dieu vient donc au secours d’Ismaël et d’Agar et les sauve du désert en leur montrant un puit. Dieu veut mettre Avraham à l’épreuve en lui demandant de sacrifier son propre fils Isaac sur le Mont Moriah. Isaac est liée sur l’autel et au moment où il va le sacrifier, une voix lui commande de s’arrêter et lui dit : « Maintenant, je sais que tu crains Dieu ! ». Avraham apprend alors la naissance de Rebecca, fille de son neveu Bethouel. Rebecca deviendra l’épouse de Isaac, la chaîne de la tradition est nouée. Je vais maintenant vous parler d’un sujet qui m’a surpris et un peu choqué : la lutte d’Avraham en faveur de Sodome et Gomorrhe. Je me suis demandé pourquoi et comment Dieu peut-il faire une telle chose ? Pourquoi le dit il à Avraham, pourquoi la bible nous le dit, pourquoi nous le dit il ? Je pense que c’était pour tester Avraham, pour voir si il le laisserait faire ou si il dirait quelque chose. Pour voir donc si Avraham s’oppose à lui, c’est important car dans les villes il y a des vies humaines. Nous avons trouvé comme réponse que justement, pour préserver des vies humaines, on DOIT transgresser tous les autres commandements. Il y a d’autres exemples de villes me- le shofar nacées de destruction : Jonnas qui annonce la destruction de Ninive et finalement les habitants prennent consciences du problème et le corrigent. On lit ça à Kippour. C’est vrai, j’ai été choqué de la destruction des villes, mais Avraham aussi a été choqué. Mais alors pourquoi on nous raconte cette histoire ? C’est parce que c’est important d’être choqué par ça, sinon cela veut dire qu’on ne chérit pas la vie humaine. Pour moi, la vie humaine est le plus important . Je pense qu’à la fin, Avraham comprend qu’il n’ a pas le choix, parce que les gens sont trop méchants. Je me suis demandé pourquoi Avraham ne dit rien quand il s’agit de son fils, d’un innocent ? Il se fatigue plus pour des étrangers que pour son fils, plus pour des criminels que pour un innocent ? Je pense que pour son fils, il se sent plus obligé, il a confiance en Dieu car il sait que Dieu veut qu’il ait une descendance et que Dieu veut le tester et non la mort de son fils. Il se sent obligé également parce que c’est une affaire personnelle. C’est parfois plus facile de défendre les autres que de se défendre soi-même. Par exemple, pour faire partie d’un groupe, on essaye de trouver des points communs. Dans certains groupes, il faut prouver son courage en faisant comme les autres des choses terribles, comme en frappant d’autres personnes, voler, … en faisant des choses contre la loi. Dans un groupe comme ça, ce qui est courageux c’est de dire NON. Mais comment Avraham peut-il s’intégrer au groupe des nations ? En acceptant leur règle qui consiste a sacrifier son enfant à Dieu ? Mais Avraham doit-il le faire ? Dieu lui dit de le sacrifier ; Avraham prouve ainsi qu’il en est capable tout comme les autres. Mais il a surtout le courage de s’arrêter au bon moment et d’ouvrir un autre chemin pour les nations. Il faut savoir s’arrêter et refuser les comportements destructeurs, la vie passe avant tout. Ma conclusion est que si Avraham ne proteste pas pour son fils alors qu’il parle avec Dieu à propos de Sodome et Gomorrhe, c’est parce qu’il comprend que son épreuve est nécessaire pour imposer l’interdit de sacrifier son enfant à un Dieu. Donc encore une fois, la vie humaine est le plus important. Je vais maintenant vous parler du rire. Pour moi, le rire intérieur d’Abraham n’est pas celui de l’étonnement. Son rire est un rire de joie à l’annonce d’une descendance. Néanmoins, il avait un doute… Le rire de Sarah était un rire de joie et de félicité, celui d’une guérison d’une stérilité, un rire de plénitude. En revanche, le rire de ses voisins est peut-être un rire de jalousie, et celui d’Ismaël est un rire amer : il doit maintenant partager l’affection de son père avec son nouveau demi-frère. En conclusion, pour moi, le rire c’est important : il permet d’avoir du recul sur soi et dans la vie, il aide à avancer ». Dracha de Naomi Aguilera … « Ma Paracha se nomme Toledoth. Toledot signifie génération, enfantement, transmission de l’identité juive. Elle raconte une partie de la vie d’Isaac et de sa femme Rebecca lorsqu’ils vivaient chez les Philistins. Isaac avait 2 fils : Esaü et Jacob. Jacob, le jumeau cadet était un homme bon qui vivait dans les tentes. L’enseignement oral nous dit qu’il aimait l’étude. Esaü, était un chasseur, un homme des champs. Il n’avait pas le goût pour les études. Il avait deux femmes qui n’avaient pas la sympathie d’Isaac et de Rebecca. Ma Paracha raconte comment Isaac voulut donner, à la fin de sa vie, sa bénédiction à son fils. Pour lui, elle revenait à son fils Esaü. Isaac pensait qu’Esaü, fils aîné, était digne de recevoir cette Bénédiction. Esaü était un homme qui obéissait à son père et donnait tous les signes d’être un bon fils et semblait donc digne de recevoir cette bénédiction. Or, sa mère Rebecca, en pensait tout autrement. Elle estimait que le plus jeune frère jumeau, Jacob, devait recevoir cet hommage car il en était plus digne. Il était plus proche de l’enseignement d’Abraham. 21 J U DA Ï SME 22 Jacob aimait les valeurs morales, spirituelles. Esaü aimait tout ce qui se rapportait aux choses matérielles. Peut être qu’en tant que femme et maman, elle savait mieux lire dans le cœur de ses fils ? Je crois que les papas peuvent avoir ce don aussi ; mais ce qui me fait plaisir dans ce passage ; c’est de voir combien la femme joue un rôle important…. Et que son avis ne compte pas pour…des prunes !! Rebecca, réussit donc à changer le cours de l’histoire. Elle prépara un repas délicieux et déguisa Jacob pour que celui-ci ressemble à son frère. Isaac était très vieux et aveugle. Et Isaac, tout grand homme qu’il fut, se trompa. C’est en effet à Jacob que reviendra la bénédiction paternelle. Son frère Esaü réussit, après, à recevoir une bénédiction matérielle. Avoir des biens, c’est en fait très agréable, et on recherche tous cela, moi y compris. La volonté d’Esaü est bien compréhensible. Seulement, elle devient négative si on passe tout son temps à vouloir récolter des choses et des richesses. C’est justement cela, l’idolâtrie, quand les choses comptent plus que les gens. Notre tradition nous enseigne que le respect de la personne est le plus important. Isaac a reçu une bénédiction qui demande un effort moral pour pouvoir la conserver. Mais en réfléchissant, elle est bien plus intéressante. Il s’agit de conserver et de transmettre nos valeurs et notre histoire. Il semble étrange que Rébecca ait agi de façon différente de ce que prône la tradition, selon laquelle le fils aîné reçoit la bénédiction. Il semble étrange que ce soit une femme qui ait pris la décision. Si j’avais été à la place de Rébecca, ce n’est pas sûr que je l’aurais fait, je n’y aurais peut-être pas pensé, je ne l’aurais peutêtre pas osé. Les femmes de la Bible sont vraiment des pionnières ! Rebecca prend vraiment ses responsabilités, elle oblige presque Jacob à agir. Elle veut que l’héritage juif passe par Jacob. Cet héritage est-il vraiment une bénédiction ? A travers l’histoire, le peuple juif a vécu des moments terribles. Rebecca pense que c’est malgré tout une bénédiction, mais pour le cas où ce serait une malédiction, elle est prête à assumer. Lorsque Jacob craint que la mise en scène tourne mal, Rebecca lui répond : « Je prends sur moi ta malédiction, mon fils, obéis seulement à ma voix et va me chercher ce que je te dis. » (Gen. 27 : 13) Elle est prête à porter la bonne partie de l’histoire et à supporter les difficultés. Pendant 21 ans, son fils sera loin d’elle. Pendant 21 ans, elle se demandera si elle a eu raison et si la bénédiction a porté ses fruits. 21 ans plus tard Jacob reviendra, il aura pris le nom d’Israël, et Rebecca saura enfin qu’elle a eu raison et que la bénédiction s’est accomplie. C’est un peu comme la BM : il faut prendre ses responsabilités. On devient adulte, on n’est plus vraiment le « chouchou à sa maman ». Moi personnellement, en faisant ma BM, j’ai fait un peu comme Rébecca en osant faire quelque chose d’un peu novateur. L’avenir du peuple juif repose sur les jeunes, autant les filles que les garçons, et je suis contente de compter désormais dans la communauté… » Dracha de Nathan Sélik … « Ma paracha se trouve dans la Genèse chapitre 14. Elle s’appelle « leH leHa ». LeH leHa veut dire : pars pour toi, cela ressemble à oleH qui veut dire aller. Elle raconte l’histoire des Patriarches, depuis le départ d’Abram jusqu’à sa circoncision et son changement de nom d’ « Abram » en « Avraham ». La tradition nous enseigne que quand on change de nom ou de lieu, on change de vie, on a une nouvelle chance, on commence quelque chose de nouveau. Ce n’est pas pour rien qu’Avraham sera le fondateur des trois monothéismes. Ca veut dire que quand on part, comme Abram, d’un endroit qu’on connaît pour un endroit inconnu, on doit aller quelque part mais on ne sait pas où, ça peut faire peur car on ne sait pas où on va s’arrêter. Voici les différentes étapes du voyage d’Abraham : Premier étape : Abram, Saraï et Lot le shofar quittent Haran et partent pour une destination inconnue qui sera la terre de Canaan Deuxième aventure d’Abram : Abram arrive en Canaan, il descend en Egypte. Là, il se rend compte que Saraï, sa femme, est d’une grande beauté. Il a peur que Pharaon veuille épouser Saraï et le fasse assassiner. Il demande alors à Saraï de dire qu’elle est sa sœur. Quand ils entrent en Egypte, Pharaon veut prendre Saraï pour femme mais Dieu envoie des plaies sur la maison du pharaon. Ce dernier comprend alors que Saraï était la femme d’Abram et leur demande de partir. Troisième voyage : Abram remonte vers Canaan. Des disputes commencent entre les bergers d’Abram et ceux de Lot. Pour éviter cela, Abram dit à Lot : « Séparons-nous ; si tu vas à droite, j’irai à gauche ; si tu vas à gauche, j’irai à droite ». Lot s’installe à Sodome et Gomorrhe, sur les rives du Jourdain. Quatrième voyage : Lot est fait prisonnier de guerre. Abram va délivrer Lot. Le roi de Jérusalem, Melkitsédek, va à sa rencontre et le bénit, en disant « Béni soit Abram par le Dieu Suprême ». Cinquième voyage : Ce voyage n’est plus un voyage dans l’espace mais dans l’identité. Abram avait 99 ans quand Dieu lui annonce qu’il doit changer son nom de « Abram » en « Avraham » et que « Saraï » ne doit pas être appelée « Saraï » mais « Sarah ». Dieu lui dit qu’il doit également se circoncire, lui et tous les hommes de sa famille, comme signe de l’alliance qui l’unit à Dieu. Dieu dit à Abraham que Sarah aura un fils l’année suivante, et qu’il s’appellera ItsHak. Abraham (comme Sarah dans la paracha Vayéra) rit à l’annonce de cette nouvelle. Les voyages, le changement de nom, la circoncision, sont des signes de la possibilité de changer, de créer quelque chose de nouveau, d’avoir une nouvelle descendance : ItsHak, le deuxième de nos Patriarches. L’Alliance, c’est exactement ça : être comme Dieu capable de créer le monde. Même quand on ne croit pas en Dieu, on peut comprendre que l’homme a une capacité merveilleuse de création. Nous construisons des ordina- teurs, des téléphones, la chirurgie, etc… Pour ma part, je ne suis pas certain de croire en Dieu. Pour dire « je crois en Dieu », il faudrait déjà savoir ce que ça veut dire « Dieu » ; or on ne connaît pas son nom, que seul le grand prêtre prononçait ! De plus, il est interdit de se faire des images de Dieu, interdit de le définir ! D’ailleurs, je veux vous lire le verset 7 du chapitre 17 de notre paracha : « Vehakimoti èt briti béyni oubeyneHA … liyot léHa lélohim…» La traduction du rabbinat français dit : « Cette alliance établie entre moi et entre toi et ta postérité dernière, je l’érigerai en alliance perpétuelle étant pour toi un Dieu comme pour ta postérité après toi ». Qu’est-ce que cela signifie, « étant pour toi un dieu » ; cela veutil dire que notre dieu n’est pas « THE » dieu, mais qu’il joue le rôle d’un dieu ? En hébreu on dit « liyot léHa lélohim », et on peut aller plus loin encore que le rabbinat et traduire « étant pour toi ‘comme’ un dieu ». Comme un dieu, mais pas vraiment un dieu. Car notre « dieu » est différent de celui des autres nations. Ce en quoi je crois est aussi différent de ce qu’on imagine quand on dit le mot « dieu ». Ce en quoi je suis certain de croire, c’est en la liberté humaine. Justement, le premier des Dix Commandements est celui là : « Je suis l’Eternel ton dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison des esclaves ». Justement, Abraham est un symbole extraordinaire de la liberté. On l’appelle Abraham haivri, fils de ever, celui qui traverse. Justement, je suis un Hébreu. Le troisième patriarche est Jacob qui change lui aussi de nom et devient « Israël ». Justement, je suis un enfant d’Israël. Le peuple juif a traversé le temps, l’espace, les épreuves, en n’étant non pas des Juifs errants mais des Juifs voyageurs. De même, la halaHa, « loi juive » est sur la même racine que le mot haliHa « cheminement ». En devenant « fils du commandement », bar mitsva, je deviens « enfant du voyage » ! En chemin, on avance pour aller à une destination. Quand on fait sa bar mitsva, on passe de l’enfance à une plus grande maturité, et c’est aussi un cheminement très important… » ■ 23 J U DA Ï SME Morale contemporaine et éthique juive Par le Rabbin John Rayner1 comme l’éthique, partie intégrante de la réponse à la question: qu’est-ce que Dieu attend de nous? Tous les Prophètes ont fustigé le peuple parce qu’il se préoccupait trop des sacrifices et d’autres rites, et ont ensuite proclamé ce qui compte vraiment pour Dieu: «Que la justice coule comme l’eau et la vertu comme Primauté de l’éthique Selon l’opinion des Prophètes, que le judaïsme un courant ininterrompu» (Amos 5.24); «Je libéral a réaffirmée à l’époque moderne, le Dieu désire l’amour et non le sacrifice, et la connaisd’Israël, qui est aussi le Dieu de l’humanité, est sance de Dieu plutôt que l’holocauste» (Osée essentiellement un Dieu moral. Comme le dit 6:6); «Cessez de faire le mal, apprenez à faire Abraham: «Celui qui juge toute la Terre ne fe- le bien, recherchez la justice, corrigez l’oppresseur, défendez rait-Il point justice?» l’orphelin, prenez le (Genèse 18:25). Donc, « Le Dieu d’Israël, qui est aussi parti de la veuve» c’est une conduite (Isaïe 1:16-17); «On juste qu’Il exige avant le Dieu de l’humanité, est t’a fait connaître, ô tout de ceux qui Le seressentiellement un Dieu moral » homme, ce qui est viraient. Comme l’a dit bien; et que te dele psalmiste: «L’Eternel est juste et Il aime ce qui est juste» (Psaumes mande le Seigneur, si ce n’est d’agir selon la 11:17). Et comme l’a dit Jérémie: «Que le sage ne justice, d’aimer la bonté et de marcher humtire pas gloire de sa sagesse, que le puissant ne blement avec ton Dieu? (Michée 6:8). tire pas gloire de sa puissance, que le riche ne tire pas gloire de sa richesse; mais que celui qui Voilà pour la conception des Prophètes, qui se glorifie tire gloire du fait qu’il Me connaît et peut être résumée de la façon suivante: bien Me comprend, que Je suis le Seigneur qui exerce que d’autres facteurs tels que le rituel puisla bienveillance, la justice et la vertu sur terre» sent être importants comme moyens d’atteindre le but, les seules valeurs fondamentales (Jérémie 9: 22-23). sont d’ordre éthique. Selon cette conception, tout le reste est secondaire. Le rituel, par exemple, peut avoir L’autre conception est pharisienne et rabbiune certaine importance, mais il ne s’agit pas nique; c’est donc, à l’époque moderne, celle d’une importance du même ordre. Il n’est pas, du judaïsme orthodoxe. Ici, la position n’est Commençons par nous demander quelle est, au juste, l’importance de l’éthique dans le judaïsme. Il y a deux opinions à ce sujet, celle des Prophètes, d’une part, celle des Pharisiens et des rabbins, d’autre part. 24 1C e texte, écrit en 1986 par John Rayner, rabbin de la Liberal Jewish Synagogue de Saint-John’s Wood à Londres, est extrait de l’Anthologie du judaïsme libéral, paru à l’occasion du trentenaire du MJLF le shofar portance pour notre sujet. D’un point de vue orthodoxe, toutes les questions concernant le bien et le mal trouvent leur réponse dans la Halakha, la législation; réciproquement, tout ce que la Halakha a à dire sur de tels sujets est ipso facto la plus haute expression de l’éthique juive. Puisque la Tora est divine et que la Halakha est l’interprétation qui fait autorité, comment pourrait-il en être autrement? Dans le judaïsme orthodoxe, donc, la Loi et l’éthique vont de paire. Il ne reconnaît pas une éthique indépendante de la Halakha qui puisse, à l’occasion, être en désaccord avec la Halakha. Celle-ci est elle-même l’ultime arbitre; il n’y a pas d’autorité supérieure à elle, et si votre conscience n’est pas d’accord Néanmoins, les rabbins se sont montrés en avec elle, alors c’est votre conscience qui est plusieurs occasions conscients de la primau- dans l’erreur. La Halakha ne doit pas être déterminée en fonction té de l’éthique. Il est de nos jugements important de noter, « A la question: «Qu’est-ce que moraux; c’est la par exemple, que le Seigneur attend de vous?», les Halakha qui déterchaque fois qu’ils ont tenté de donner Prophètes ont répondu: «Sois juste mine ce que doivent être nos jugements la quintessence de la Tora, ils l’ont fait et miséricordieux», et les rabbins moraux. Par conséquence, quand les invariablement en ont répondu: «Obéis aux 613 rabbins traitent de termes d’éthique. Ils mitsvoth!» problèmes éthiques, ont dit qu’il s’agisNéanmoins, les rabbins se sont ils le font presque sait d’aimer son prochain comme montrés en plusieurs occasions toujours en termes halakhiques. Sousoi-même et de faire conscients de la primauté de vent, malheureusela paix dans le monment, ils prêtent plus de, et d’autres gél’éthique » d’attention au rituel néralisations de cet ordre. Il convient également de noter que les qu’aux problèmes éthiques. péchés énumérés dans les différentes confessions de la liturgie de Yom Kippour sont pres- Selon nous, la Tora est le fruit d’une interacque exclusivement des péchés contre la loi tion dynamique entre la Révélation divine et morale plutôt que contre la loi rituelle. On ne l’interprétation humaine. Par conséquent, doit donc pas pousser le contraste trop loin. la Tora – et la tradition qui en découle – est Je souhaite simplement mettre en évidence un ensemble d’enseignements qui croît, se le fait que la prééminence donnée à l’éthique développe, qui a fait beaucoup de progrès sur le rite est plus marquée dans le judaïsme significatifs au cours de l’Histoire, mais qui n’est jamais éthique ; il est évident que nous libéral que dans le judaïsme orthodoxe. scrutons d’abord notre tradition juive, car elle renferme une grande sagesse; elle est – et sera Ethique et Loi Mais il existe une autre différence entre les toujours – notre principale source et notre deux approches qui est de plus grande im- principal guide. Mais nous ne l’abordons pas pas simple. Car, selon cette conception, nous avons une Tora révélée par Dieu qui comprend 613 commandements. Beaucoup de ces derniers, bien sûr, sont de nature éthique, mais certes pas la totalité; cependant, ils sont tous obligatoires au même titre, et, bien que les rabbins parlent de «mitsvoth hamourot» de «mitsvoth kaloth», c’est-à-dire de commandements plus ou moins importants, il n’existe pas de principe clairement défini qui permette de les différencier. A la question: «Qu’est-ce que le Seigneur attend de vous?», les Prophètes ont répondu: «Sois juste et miséricordieux», et les rabbins ont répondu: «Obéis aux 613 mitsvoth!» 25 J U DA Ï SME en présupposant que ce qu’elle a à dire doive, dans chaque cas et en tous cas, être exact. Nous l’abordons d’une manière particulière, avec respect, mais non sans esprit critique. 26 thodoxe. Il en est ainsi parce que le problème de la volonté de Dieu, en tout sujet, est toujours en principe une question ouverte et non fermée; et, bien que dans la recherche d’une réponse, nous attachions une grande importance Nous sommes intéressés par la Halakha, qui au verdict de la tradition juive, telle qu’elle est représente une magnifique tentative de tra- cristallisée dans la Halakha, nous nous senduire les valeurs du judaïsme en préceptes tons dans l’obligation de faire entrer dans le capables de régler en détail la conduite de débat également d’autres considérations. Pour tous les jours. Mais nous, les questions nous sommes encore «qu’est-ce qui est « Nous sommes intéressés plus intéressés par conforme à la Tradipar ce qui se cache derrière la ce qui se cache dertion?» et «qu’est-ce rière la Halakha: ce Halakha: ce qu’étaient les modes qui est juste?» sont qu’étaient les modes intimement liées, de raisonnement, les de raisonnement, les motivations mais non, en fin de motivations éthiques compte, identiques. éthiques et les circonstances et les circonstances Il arrive parfois historiques qui ont historiques qui ont incité les rabbins que les conclusions incité les rabbins à auxquelles nous à légiférer comme ils l’ont fait » légiférer comme ils parvenons soient l’ont fait. […] en désaccord avec la Halakha rabbinique traUne quête permanente ditionnelle. Alors, si nous les formulons avec la précision qui s’impose, elles peuvent devenir Le processus tout entier est donc beaucoup partie intégrante d’une nouvelle Halakha libéplus compliqué pour nous qu’il ne l’est pour l’or- rale. ■ le shofar 27 AGEN DA DECEMBRE 2007/JANVIER Samedi 1er décembre 2007 – 21 Kislev 5768 – VAYECHEV 10h30: Office Lundi 3 décembre 2007 20h00 à 21h30: Cours Adultes: Notre Judaïsme, pensée et pratiques avec Rabbi Chinsky Mardi 4 décembre 2007 : EREV HANOUCCA Allumage de la première bougie de Hanoucca 28 Mercredi 5 décembre 2007: HANOUCCA I. 14h15 à 16h45: TALMIDI 17H00: Fête de HANOUCCA 18H30: allumage de la 2ème bougie Voir annonce séparée page 54 Jeudi 6 décembre 2007 20h00: Midrach dans le texte avec Rabbi Abraham Dahan Vendredi 7 décembre 2007: HANOUCCA III. 20h00: Office de Kabbalat Chabbat Suivi d’un Dîner Chabbatique après l’office Samedi 8 décembre 2007 – 28 Kislev 5768 – MIKETS – HANOUCCA IV. 10h30: Office Lundi 10 décembre 2007: ROCH HODECH TEVET – HANOUCCA VI. 20h00 à 21h30: Cours Adultes: Notre Judaïsme, pensée et pratiques avec Rabbi Chinsky Mercredi 12 décembre 2007 14h15 à 16h45: TALMIDI Vendredi 14 décembre 2007 20h00: Office de Kabbalat Chabbat Oneg Chabbat offert par Renée Zinque Samedi 15 décembre 2007 – 6 Tevet 5768 - VAYIGASH 10h30: Office Lundi 17 décembre 2007 20h00 à 21h30: Cours Adultes: Notre Judaïsme, pensée et pratiques avec Rabbi Chinsky Mercredi 19 décembre 2007 14h15 à 16h45: TALMIDI Jeudi 20 décembre 2007 20h00: Midrach dans le texte avec Rabbi Abraham Dahan Vendredi 21 décembre 2007 20h00: Office de Kabbalat Chabbat Samedi 22 décembre 2007 – 13 Tevet 5768 - VAYEHI 10h30: Office Bar Mitsva Ruben SIMONART le shofar 2008 / KISLEV/TEVET 5768 Lundi 24 décembre 2007 PAS DE COURS ADULTES avec Rabbi Chinsky Mercredi 26 décembre 2007 PAS DE TALMIDI Samedi 29 décembre 2007 – 20 Tevet 5768 – CHEMOT 10h30: Office Lundi 31 décembre 2007 PAS DE COURS ADULTES avec Rabbi Chinsky Vendredi 28 décembre 2007 20h00: Office de Kabbalat Chabbat 29 Mercredi 2 janvier 2008 PAS DE TALMIDI Mardi 8 janvier 2008 : ROCH HODECH CHEVAT Vendredi 4 janvier 2008 20h00: Office de Kabbalat Chabbat Samedi 5 janvier 2008 – 27 Tevet 5768 - VAERA 10h30: Office Mercredi 9 décembre 2007 14h15 à 16h45: TALMIDI Lundi 7 janvier 2008 20h00 à 21h30: Cours Adultes: Notre Judaïsme, pensée et pratiques avec Rabbi Chinsky Jeudi 10 janvier 2008 20h00: Midrach dans le texte avec Rabbi Abraham Dahan C O MMU N AU T É Carnet Naissance: Le petit Ilan Sezer est né le 25 octobre 2007. A ses parents, Angélique et Turgay Sezer Dziersgowski MAZAL TOV! Bné Mitsva: Le 22 décembre 2007 – Paracha Vayehi: Ruben Simonart Mariage: Le 28 octobre 2007 a été célébré le mariage de Laurence Brenig et Serge Cohen y Escaloni. Aux jeunes mariés nous adressons notre plus chaleureux Mazal Tov. 30 Décès z"l Nous avons appris avec beaucoup de tristesse le décès, le 8 novembre dernier, de Rina Angel-Levy, maman de notre amie Gisèle Toledo. A Gisèle et Erol, à leurs enfants et à la famille, nous tenons à dire ici toute notre sympathie. Nous venons d’apprendre le décès le 13 novembre dernier de Suzanne Creusen, maman de notre ami Luc Bourgeois. A Luc et à la famille, nous voulons exprimer notre plus profonde sympathie. Envie de nous écrire ? de participer à la rédaction du Shofar ? N’hésitez pas et contactez nous ! le shofar 31 C O MMU N AU T É A propos du dialogue judéo-chrétien Par Jacqueline Wiener 32 Ainsi que nous l’avons déjà à plusieurs reprises souligné dans le Shofar, le monde chrétien manifeste de plus en plus fréquemment des liens fraternels à l’égard du judaïsme et ce avec, souvent, une curiosité et une empathie marquées. La Shoah, cet « évènement le plus important du XXème siècle », pour reprendre les termes papaux, n’est certainement pas étrangère à ce phénomène. Le dernier acte marquant, dans le sens de l’intérêt de plus en plus significatif de l’Eglise pour sa religion mère est intervenu récemment. Cela se passa au début du mois de septembre dernier, à l’occasion d’une cérémonie organisée à la Judenplatz, dans le centre de la capitale autrichienne, devant le monument de béton érigé à la mémoire des 65 000 Juifs d’Autriche exterminés par les Nazis. Il pleuvait. Le pape Benoît XVI se recueillait, priait. Ce silence dura une dizaine de minutes. En présence des dirigeants de la petite communauté juive locale. Dans l’avion qui le conduisit de Rome à Vienne quelques heures auparavant, en présence de journalistes, Benoît XVI exprima le fait que sa visite à ce mémorial marquait « la tristesse, la repentance et l’amitié » des catholiques envers leurs « frères juifs » en ces termes1: « Mon voyage n’est pas un voyage politique, c’est un pèlerinage, comme je l’ai dit. Ce sont seulement deux jours ; seul le pèlerinage à Mariazell était prévu initialement ; maintenant, nous avons, non sans raison, le temps pour aller aussi à Vienne pour rencontrer différents composants de la société autrichienne. Des rencontres avec les autres confessions et religions ne sont pas prévues immédiatement, dans ce si bref séjour ; seul un moment devant le monument de la Shoah pour montrer - disons-le - notre tristesse, notre repentir et aussi notre amitié envers les frères juifs, pour avancer dans cette grande union que Dieu a créée avec son peuple. Dans l’immédiat, donc, de tels messages ne sont pas prévus. C’est seulement au début, lors de la rencontre avec le monde politique, que je voudrais parler un peu de cette réalité qu’est l’Europe, des racines chrétiennes de l’Europe, du chemin à prendre. Mais il est évident que nous faisons toujours tout en nous appuyant sur le dialogue, soit avec les autres chrétiens soit également avec les musulmans et avec les autres religions; le dialogue est toujours présent : c’est une dimension de notre action, même si en cette circonstance, il ne va pas être tellement exprimé à cause du caractère spécifique de ce pèlerinage… » Déjà lors d’une visite à Auschwitz en mai 2006, le pape avait qualifié la Shoah de «crime sans équivalent dans l’Histoire». En accueillant le pape en cette matinée là de septembre 2007, le président autrichien, Heinz Fischer, affirma quant à lui que l’Autriche devait « reconnaître les heures sombres » de son histoire et le cardinal Schönborn, archevêque de Vienne, non seulement souligna, quant à lui, les racines juives du christia- 1 Conversation avec les journalistes de Benoît XVI du vendredi 7 septembre 2007 sur le site officiel du Vatican, source de la traduction : http://eucharistiemisericor.free.fr/index.php?page=0809076_interview le shofar nisme (« Pierre était juif. Les apôtres étaient juifs, Marie est juive et Jésus, son fils notre Seigneur, l’est aussi à travers elle»), mais rappela également la participation d’une partie de ses compatriotes aux exactions nazies. Coïncidence ou conséquence, que ces propos ? s’est aussitôt interrogé Moise Rahmani. Car son dernier ouvrage, la «Lettre à un frère»2, sorti de presse le 25 août, fut expédié au Vatican le jour même. Or ce livre implore Benoît XVI d’exprimer un réel amendement à l’enseignement du mépris et à l’accusation de peuple déicide car le pape « est le seul qui ait autorité pour (l’) imposer, du Vatican jusqu’à la plus petite église du plus petit village, en tout pays du globe » et que ce faisant, l’antisémitisme –et son corollaire, l’antisionisme-, seraient ainsi réel- lement battus en brèche, même au-delà du monde chrétien. Nul ne peut répondre dans un sens ou l’autre à cette question brûlante pour l’auteur. Quoi qu’il en soit, il est troublant, comme le relève assez judicieusement Moïse Rahmani lui-même, de savoir qu’a été rétabli par Benoît XVI un missel datant de 1962 au contenu anti judaïque prononcé ; qu’une messe dite tridentine, dont le texte latin rédigé en 1570 et mentionnant que « les Juifs vivent dans l’aveuglement et les ténèbres », peut dorénavant être redite ; que la perspective de la béatification du Pape Pie XII, personnage aux zones d’ombre réelles, n’est guère réjouissante. Mais à l’égard de ces actes là, des voix s’élèvent dans le monde chrétien également, pour les contester… ■ 2 Lettre à un frère, Moïse Rahmani, Ed. de l’Institut Sépharade Européen, 2007, 127 pages. 33 Si vous désirez recevoir notre Newsletter, envoyez votre adresse e-mail sur [email protected] avec, comme communication: Abonnement Newsletter. C O MMU N AU T É De notre Talmud Tora Par Josiane Goldschmidt 34 Chers amis, La rentrée du Talmud Torah nous a amené 55 enfants, ce qui est un succès ! Ce nombre pourrait encore augmenter car chaque semaine, nous avons de nouvelles inscriptions. Contrairement à l’année précédente, beaucoup de parents accompagnent leurs enfants jusqu’à la synagogue elle-même, au lieu de les déposer à l’entrée, ce qui est encore un succès. Il est fondamental pour nous en tant que synagogue de les accueillir. Pour cela, nous remercions notre président Philippe Lewkowicz pour la grande bouilloire électrique qu’il a mise à notre disposition et qui nous permet d’offrir des boissons chaudes. Certains parents ont proposé qu’on installe un canapé pour le Hall, ce qui serait plus « gemütlich » que de boire du café debout ! Voilà qui est fait grâce à la magnifique générosité d’un de nos membres! C’est important pour nous d’avoir les parents avec nous, de parler avec eux de leurs enfants, qu’ils apprennent à connaître Beth Hillel et puissent nous rejoindre en tant que membres sur le long terme. Voici quelques semaines, nous avons eu notre première formation. Tous les enseignants étaient présents, ainsi que Samuel Lison, notre hazan à Kippour, qui fait dorénavant aussi partie du Talmud Tora, ce qui est magnifique car il a toutes les qualités requises d’un bon professeur. Nathalie Narcisz a aussi rejoint l’équipe en début d’année et constitue une recrue enthousiaste et positive. La formation a permis à tous de voir plus clairement la notion de « tefila » que les professeurs doivent transmettre à leurs élèves, et l’importance de l’accord entre la parole et les actes dans notre tradition. Elle a permis de souder et de dynamiser l’équipe. Merci à tous ! Notre projet entre dans cette même dynamique d’intégrer les parents et les enseignants à la communauté. C’est ainsi que nous avons organisé un premier dîner chabbatique de Talmidi le 16 novembre dernier. Nous investissons une grande énergie dans ces projets ; moi en tant que Directrice et Rabbi Chinsky en tant que Rabbin, nous espérons qu’ils seront toujours de plus en plus fructueux et nous nous réjouissons de votre aide. ■ le shofar Pour aimer la vie au présent, au passé et demain Par Anne Simon VENEZ DECOUVRIR L’HISTOIRE, NOTRE HISTOIRE, EN TERRE D’ISRAEL Du 8 au 18 Mai 2008 « Je dédicace ce voyage à notre, Rabbi Abraham Dahan, qui a toujours élevé l’âme de chaque membre de notre Communauté. Il m’a confié l’organisation de notre voyage, en souvenir du voyage dans les Communautés Juives Rhénanes- voir le Shofar n°240 et 243 Quelques années et évènements se sont écoulés… Vous êtes venu vers moi, Cher Rabbi, vous m’avez honorée d’autres mitsvot, pour notre Communauté, dont ce voyage en Israël et Yom HaShoah, transmises par notre Président, Philippe Lewkowicz. J’ai peint, jours et nuits, pour sublimer la douleur de la perte d’un être cher, J’ai exposé, pour faire un don aux enfants du Nord d’Israël, vous étiez là, toujours à mes côtés, à vous, je ne pourrai rien refuser, ma reconnaissance sera infinie… Vous avez créé et conduit notre belle communauté de toute votre âme, de toute votre énergie, de toute votre science, de tout votre cœur. Et, de tout mon cœur, maintenant, j’espère que ce beau voyage, nous allons avec vous, Rabbi, le partager » « Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve… » Théodore Herzel Nous aurons le bonheur d’être ensemble, le 8 mai 2008, pour célébrer le 60ème anniversaire de la création de l’Etat d’Israël. De l’aéroport international Ben Gourion, nous allons directement, - à Jérusalem, à l’hôtel Dan Panorama Au programme : L’arrivée à Tel Aviv, le jeudi 8 mai à 14h30, nous permet de nous rendre au - Kotel, et, de visiter les Tunnels en soirée et fin d’après midi. - Cette visite est « envoûtante et mystique », des rabbins se relaient jour et nuit, pour prier, dans ce lieu proche du Saint des Saints. Vendredi 9 mai, - Nous visiterons le nouveau Yad Vachem et les musées de la ville nouvelle. Nous vivrons Kabbalat Shabbat dans une communauté libérale, et le Shabbat au Kotel, selon le souhait manifesté par nos Rabbins. Au coucher du soleil, à ne pas rater, prières et chants du Shabbat, au Kotel Samedi 10 mai, - Promenades dans les quartiers de la vieille ville, où ont eu lieu d’importantes fouilles archéologiques, - le cardo : visite de la partie à ciel ouvert et de l’autre, qui se trouve sous des bâtiments modernes ; il était l’ancien axe nord-sud de l’époque romaine. Pour les personnes qui souhaitent retourner au Kotel, le jour de Shabbat vous invite à y vivre des moments exceptionnels, le Kidouch y est célébré avec une émouvante ferveur et 35 C O MMU N AU T É chaleureuse générosité : distribution de vin et gâteaux à tous et à toutes ! 36 Dimanche 11 mai, - Nous prendrons la route vers le désert de Judée, en passant par Jéricho, lieu de scènes bibliques, Qumran, où furent découverts les manuscrits de la mer Morte abrités au Sanctuaire du Livre, du Musée d’Israël, que nous aurons visité, selon votre choix, le vendredi ou samedi à Jérusalem. Nous longerons la mer Morte vers Massada, site impressionnant, entre les déserts de Judée et du Néguev. Nous lirons l’extraordinaire récit de l’historien Flavius Josèphe et d’autres théories faisant suite aux fouilles, quant à l’origine de son aménagement en forteresse. L’importance de Massada est dans son histoire : lieu de la révolte juive et de sa défense désespérée, c’est comme une mitsva de monter à son sommet, de marcher de long en large, sur ce plateau chargé de symboles, de regarder au loin et tout autour le fabuleux paysage qui entoure une inoubliable et tragique histoire. Après une halte-repos-déjeuner, nous continuons notre route vers le Neguev. Sa capitale, Beer Sheva, ou sept puits, ou Beer Shava, « Puits, du Serment » ( Gn 21 : 22-34) A 40 km au sud de Beersheva, nous arrivons à Sde Boker, devant l’université qui porte le nom de David Ben Gourion. Ici est le but de notre voyage dans le Neguev, et nous approchons de la date anniversaire, le 14 mai 1948, de la déclaration de l’indépendance de l’Etat d’Israël, prononcée par David Ben Gourion à Tel Aviv. Il est élu Premier ministre et ministre de la Défense. En novembre 1953, il démissionne et avec son épouse, s’installe dans le kibboutz de Sdé Boker dans le désert du Néguev. Il fut un des pères fondateurs de l’Etat d’Israël ; il revient à la politique et continue de vivre dans son kibboutz. Nous allons dîner et passer la nuit dans un kibboutz, dans le désert du Néguev, dans une partie de notre histoire ; pour une nuit, nous allons rêver, y vivre et peut-être, espérer y retourner. Il y a maintenant bientôt 4 ans que j’ai vécu cette belle aventure là-bas même ; je regardais le ciel, une étoile filait et comme une enfant, un vœux j’ai fait… j’espère de tout cœur avec vous partager cet indéfinissable bonheur. Lundi 12 mai, - Visite de la maison de Ben Gourion, et plus au sud, nous verrons, faisant face à une vue extraordinaire, sur les sommets du Neguev, les tombes du couple, sur lesquelles deux dates sont gravées, dont celle de leur arrivée en Israël. Le rêve de Ben Gourion était de transformer le désert en verger… - Reprise de la route vers Tel Aviv (peut- être en train !) Mardi 13 mai - Musée de l’indépendance : - écouter le discours émouvant de la déclaration d’indépendance d’Israël, proclamée par David Ben Gourion, le 14 mai 1948. - Promenades dans la rue Bialik et visite du musée Reuven Rubin, peintre israélien et de la Maison du grand poète Bialik ; ensuite, le boulevard Ben Gourion vers la mer et la maison de David Ben Gourion. - Visite du musée de la Diaspora. Mercredi 14 mai, - Nous prendrons la route vers le Nord, nous logerons au Kibbutz Kfar Blum Au programme: du mercredi 14 mai, du jeudi 15 mai, du vendredi et samedi 17 mai : - Safed, Tibériade: Tombeaux de Maïmonide et de Rabbi Meir Baal Hanes - le Golan: site archéologique du village de Katzrim et de sa Synagogue construite au IVème siècle. - Journée nature en collaboration avec avec le KKL et l’inauguration du bosquet Beth Hillel - Kabbalat Shabbat et Shabbat dans un Moshav Dimanche 18 mai, retour à Tel Aviv, - Temps libre avant le départ de 16h et arrivée à Bruxelles à 21h30 ■ le shofar Résonance théologique de la musique juive cantoriale Par Shmuel Lison Les lignes suivantes constituent un essai, une Certains musiciens s’essayèrent même à concilier les traditions juives et chrétiennes, quête de sens dans l’univers musical. La musique religieuse juive utilise des textes tel Salomone Rossi (de son vrai nom Saloissus le plus souvent du Tanakh (Torah-Né- mone Me-ha-Adumin), qui écrivit une série viim-Kétouviim) ou de la littérature mystico de psaumes polyphoniques (dans la tradition poétique comme, par exemple, le Lekha Dodi occidentale) pour l’usage de la synagogue (Ha ShirimAsher Li Sh’lomo - 1623). que nous chantons tous les Erev Shabbath. La musique, et particulièrement la musique re- Un mouvement se constitua avec l’aide de ligieuse, se doit de se fondre dans le texte afin quelques rabbins éclairés (celui de Modène, d’épouser pleinement son sens et son impact celui de Venise). Il ne dura pas longtemps. émotionnel. Il est important de tenir compte Sachez que c’est grâce au baron de Rothschild de la prosodie afférente à la langue utilisée. que la musique de Rossi nous est parvenue car On reproche par exemple à Mozart une utili- il acheta, 200 ans plus tard, au hasard de ses sation perfectible de l’italien dans ses opéras. voyages, les manuscrits enfin retrouvés de ce Pensons à la prosodie magnétique et enivran- compositeur. La première édition moderne te de notre Rabbi Dahan dont la voix apaise aura lieu en 1876, et le doux rossignol des synagogues, depuis, se fait à nouveau entendre. l’âme et réjouit le cœur. Étrange va-et-vient Si nous prenons le fil de l’histoire et La musique, et particulièrement de la musique. Les chants religieux des générations, un des premiers grands la musique religieuse, se doit de se chrétiens primitifs directement compositeurs juifs fondre dans le texte afin d’épouser sont issus des chants héqui nous soit parvenu depuis le légen- pleinement son sens et son impact braïques primitifs, et les nouvelles musidaire roi David fut le émotionnel ques judéo baroques violoniste Salomone proviennent directement de Monteverdi. Rossi. Il était à l’apogée d’un courant réformateur qui La musique de Rossi souleva bien des indignaavait commencé dès le début du XVe siècle, vi- tions dans la communauté juive, et des opposant à offrir une musique d’art attractive sants venaient manifester en interrompant les au judaïsme. Et cette idée circulait dans cer- offices bruyamment et violemment. Car cette taines communautés d’Europe occidentale musique était jouée et chantée dans les offices et ce, contre la résistance des communautés juifs. Elle ne l’est plus dans un monde synagojuives qui ne voulaient pas entendre parler du gal fermé à la musique de son époque. La bataille faisait donc rage dans sa commumonde extérieur. Je parle bien du XVIe siècle et toute coïn- nauté entre conservateurs et modernes. Cercidence serait fortuite, bien sûr, avec taines congrégations avaient utilisé un orgue, un orchestre, des chorales. Les conservateurs aujourd’hui... 37 C O MMU N AU T É 38 venaient hurler lors de ses offices pour les ar- Je me souviendrai toujours du conseil reçu dans l’avion qui me menait en Israël : Souverêter. Salomone Rossi était au centre de ces contro- nez-vous que la musique et la religion ne verses pour avoir utilisé et édité des musiques font pas toujours bon ménage…Restez libre, en se conformant à l’harmonie occidentale de restez vous même ! Ou encore le message d’adieu reçu avant de la toute nouvelle musique de la Renaissance. Dans la préface à ses oeuvres, il disait quitter le Kibboutz Tzuba : Shmulik, n’oublie que chanter la gloire de Dieu était déjà jamais que ta voix est ton meilleur passeport… annoncé dans la Les notions d’esthébible avec harpes, La musique de Rossi souleva tique musicale, comcymbales, trombien des indignations dans me les conceptions pettes dès le Roi du Beau et du Bon, David. la communauté juive, et des sont totalement subProtégé par le rabopposants venaient manifester jectives; elles sont le bin de Venise il put fruit d’un consensus continuer. Et puis, la en interrompant les offices social, culturel et gloire de Monteverdi, bruyamment et violemment cultuel. La Hazzason ami et son maître, rendit sa musique évidente et reconnue. nut Askhénaze et italienne permettent de déMais la plupart des synagogues refusèrent sa ployer le geste vocal dans toute son amplitude et dans tous les registres de l’émotion. musique comme impie, car trop italienne. Au XIXe siècle sous l’influence de l’opéra La problématique qui s’offre au compositeur romantique, des compositeurs comme Le- de musique sacrée s’articule autour de trois vandowsky, Alman, Sulzer, Birnbaum, Naum- éléments parfois antinomiques : d’une part, la bourg, Barkan etc… offrirent aux grands liberté d’expression de l’impulsion artistique ; hazzanim une littérature musicale suscepti- d’autre part, le souci d’écrire une œuvre muble de donner la pleine mesure de leurs talents sicale dont la portée transcende le réel ; par musicaux et vocaux. Ana Tavo, que Zahava ailleurs, le souci d’immédiateté, d’accessibiSeewald et moi-même, nous avons partagé lité de l’œuvre. Levandowsky et Naumbourg avec vous lors de l’office de Kippour, est l’une au XIXe siècle ont bien intégré ces trois diffide ces œuvres musicales qui incarnent le cultés. Des lignes mélodiques agréables, utilimieux cette puissance dramatique empreinte sant des motifs typiques de la musique juive de pathos et d’émotions. chromatismes, secondes diminuées etc…. L’artiste lyrique est généralement en symbiose Ces lignes mélodiques se voient augmentées avec son instrument, il se départit rarement d’une harmonisation tonale non fuguée. Le de son armure sonore, construite avec patien- choral protestant aura une influence certaine ce pendant de nombreuses années, à la suite sur les œuvres chorales des compositeurs de de remises en question mentales, psychologi- la réforme musicale juive en Allemagne au ques et physiologiques. On ne chante pas dans XIXe siècle. C’est pourquoi la littérature juive le même esprit lorsque l’on va à la rencontre du XIXe siècle requiert l’accompagnement d’un de sa voix comme ténor ou comme baryton… instrument comme un orgue ou un piano. La problématique se développe davantage en- Les recherches archéologiques du XIXe siècle core lorsque la couleur vocale, le timbre, la ont mis en évidence la présence de l’ancêtre de tessiture, les passages, les climax d’intensité l’orgue dans le Temple de Jérusalem. De cette se positionnent à mi-chemin entre le ténor et découverte à la réalité musicale, le pas allait le baryton. L’équilibre entre le chant lyrique et être franchi. Dès lors, toutes les grandes synales exigences de la Hazzanut est parfois ins- gogues européennes se dotent au XIXe siècle table. d’un orgue à tuyaux. La synagogue de la rue le shofar de la Régence en est un bel exemple. Malheu- chantez juste, dans une chorale, dans une académie, que vous savez tenir une ligne mélodireusement, l’orthodoxie est passée par là … Seules les communautés libérales ou mas- que, alors : manifestez-vous après du Rabbin sorti qui ont une certaine liberté hallakhique Chinsky ou de Catherine. peuvent encore utiliser le trésor musical de Il est nécessaire de pouvoir fédérer le temps et les énergies d’au moins une pel’époque romantique. Au terme de l’office de Kippour, un ami a épin- tite vingtaine de personnes pour comglé avec pertinence le mélange d’influences mencer un chœur : sopranos, altos, ténors, dont je témoigne : ashkénaze, sépharade et baryton-basses. Les voix d’hommes sont italienne. Comme l’a dit le Grand Rabbin Si- généralement les plus difficiles à trouver. Un truk lorsqu’on lui posa la question s’il était as- traitement de faveur sera dès lors accordé à hkénaze ou sépharade, celui-ci répondit : « Je tous les hommes qui pourront mettre à dissuis juif… » Cette affirmation me convient position quelques heures de leur temps…Ce sera l’occasion de vider quelques bières (sauf parfaitement, n’en déplaise à certains. J’ai tenté de rester fidèle à certains aspects à Pessah où l’on passe à la Vodka) à la suite de de Hazzanut italienne que j’ai connu lors des la répétition hebdomadaire et, surtout, de se deux années passées dans la petite commu- retrouver à l’occasion des offices. Par ailleurs, nauté israélite de Ferrara. J’habitais au 101 via un projet de Makela d’enfants est en gestation Mazzini, la synagogue était trois maisons plus avec Ganenou de la 5ème primaire jusque la loin. Le rabbino capo Luciano Caro avait une Rhéto. voix claire et bien impostata comme seuls les Le mouvement libéral belge, fondé par notre Italiens peuvent l’avoir. La lecture de la Torah Rabbi Dahan, s’est doté d’une Shoule imporétait merveilleusement limpide. L’articulation tante, d’un Talmud Torah actif et dynamique, de la langue de l’opéra était au service de la d’une femme rabbin moderne et dévouée ; plus vieille tradition du monde. J’attire l’at- offrons-lui une identité musicale de qualité, tention de nos lecteurs qu’un disque vient de fruit de la tradition musicale of Reform juparaître qui apporte des témoignages sonores daïsm dont nous sommes les héritiers. de la tradition cantoriale de la communauté de Seul on ne peut rien, ensemble on peut Torino d’où est issu le Rabino Luciano Caro. tout… Je voudrais remercier le Rabbi Dahan pour Je vous souhaite à tous et à toutes haag sason immense patience. Je voudrais remercier meach. ■ le Rabbi Chinsky pour son enthousiasme et sa S.L gentillesse et, enfin, je souhaite remercier tout particulièrement Quelques mots encore pour attirer votre attention sur la puet du plus profond du cœur Dablication d’un double CD réalisé en hommage au grand canvid Baltuch qui m’a permis cette tor Ben Barouk (Jacques Chalude) né Yitshak Zaludkowski Téshouva spirituelle et musi(1914-1997) Cette magnifique initiative fut réalisée grâce à la cale - revenant parmi vous. La bienveillance du Musée Juif de Belgique et en particulier de présence vocale, musicale et sa conservatrice Zahava Seewald. Les merveilleuses qualités vocales et musicales d’Yitshak humaine de ma collègue ZahaZaludkowsky témoignent d’un monde qui disparut petit à va Seewald me fut particulièrepetit des synagogues à la fin des années septante à la suite ment précieuse et agréable. de la radicalisation des mentalités religieuses consistoriales. J’espère de tout cœur Ben Barouch fut collègue et ami de Léon Algazi (1890-1971), pouvoir continuer cette directeur des temples consistoriaux en France et professeur merveilleuse expérience au séminaire de Paris. communautaire, spirituelle A côté de sa carrière de Hazzan, Jacques Chalude fut un et musicale mais pour cela chanteur d’opéra possédant une voix de basse chantante nous avons besoin de vous ! particulièrement appréciée, en France notamment. Si vous savez chanter, si vous 39 C O MMU N AU T É Hazanut à Beth Hillel : Zahava Seewald 40 Les fidèles de Beth Hillel ont découvert le magnifique timbre de voix de Zahava Seewald, à l’occasion des fêtes de Tichri. Beaucoup la connaissent surtout pour son travail au sein du Musée Juif de Belgique; moins nombreux savent ses compétences musicales. Mais qui se cache donc derrière cette sonorité féminine ? Zahava Seewald est née à Anvers dans un milieu où le yiddish est la langue véhiculaire et où le chant ashkénaze religieux en hébreu est omniprésent. Après des études d’histoire de l’art, elle étudie le chant classique et commence simultanément une recherche sur le chant traditionnel juif. En 1990, elle crée le groupe « Mosaic » et sort un premier disque. Deux années plus tard, elle crée un second groupe, « Psamim », avec le désir de retracer le chant ashkénaze peu connu. Un deuxième album sort : « Ashkenaz songs ». Le new-yorkais John Zorn commande au groupe un CD qui sort en 1999 , « Abi Gezint », composé de chansons orientales en hébreu, en judéo espagnol et des chants en yiddish. Peu après, Zahava Seewald sort un troisième album : « Ashkenaz songs II Work and Revolution » présentant des chansons yiddish abordant la thématique du travail. Elle collabore avec l’écrivain flamand Eriek Verpale et participe aussi à plusieurs concerts avec l’ensemble de musique contemporaine QO2. En 2002, le Beursschouwburg lui commande un concert de musique juive religieuse du 13e siècle et en 2003, elle prépare un nouveau répertoire, « Musique juive d’Orient » et collabore avec, entre autres, avec Michaël Grébil, joueur d’oud. Un nouvel enregistrement sort en mars 2003: « Koved, a tribute to Martin Weinberg » rassemblant des chants en yiddish, en hébreu et en judéo-espagnol. Elle reçoit, par ailleurs, deux commandes de John Zorn pour collaborer à des CD de compilation dont l’un est un hommage au compositeur Sasha Argov (2003) et l’autre, la re- prise de compositions de John Zorn lui-même, « The Unknown Massada ». Fin 2004, un nouveau CD intitulé « Scorched lips » voit le jour par l’ensemble « Zohara » créé par la chanteuse et Michaël Grébil. Ce dernier ouvrage se veut plus personnel, laissant une part plus importante à la création de mélodies nouvelles autour de la poésie en hébreu ancienne et contemporaine où l’élément traditionnel passe à l’arrière plan. C’est grâce à notre ami David Baltuch, ami de longue date de Zahava Seewald, que Beth Hillel a pu décider de faire appel à cette dernière pour les offices de Roch Hashana et Kippour, cette année. A-t-elle eu des hésitations, avant d’accepter cette tâche ? « J’ai été enthousiaste dès le début, assure-t-elle, même si j’ai éprouvé quelques peurs sur la réaction d’un public juif, qui est toujours plus difficile qu’un public non juif sur le patrimoine musical qu’il connaît. On a un peu l’impression de jouer devant sa famille… » Cette première expérience de hazan, comment l’a-t-elle vécue ? « J’ai fréquenté la synagogue orthodoxe pendant toute mon enfance jusqu’à l’âge de 20 ans tous les shabbatot ainsi que les jours de fête. Le hazzan de la synagogue s’appelait Malik, c’était une très belle voix et sa présence était fondamentale pour moi car il incarnait pour moi la fonction essentielle d’intercesseur et de celui qui permet d’entrer dans la prière, dans la dévotion et dans l’émotion. J’étais donc très émue de retrouver ce monde-là, de plus en étant à la place du hazzan ! » Même si Zahava Seewald regrette quelques « cassures », à savoir qu’il serait préférable que le hazzan puisse aussi dire plusieurs prières, elle recommencerait volontiers l’expérience l’année prochaine, à condition de pouvoir chanter plus car pour elle, chanter c’est d’abord entrer en relation avec l’Absolu. Voilà qui nous ravirait ! ■ JWH. le shofar Myriam Fuks rencontre son temps Par Serge Weinber Nombre d’entre vous ont déjà entendu parler de Myriam Fuks: Myriam c’est cette chanteuse Yiddish de Bruxelles, de la place du jeu de Balle. Chacun d’entre nous l’a croisée au détours de l’un ou l’autre concert communautaire au cours desquels reviennent à nos cœurs ces mélodies que nos parents et grands-parents aimaient à fredonner ou lors de l’un de ses récitals où elle nous fait revivre les scènes des Shtetl de Pologne, de Bessarabie ou d’Amerika! Des émotions qu’elle recrée devant nous – et nous transmet - avec une conviction intacte et une proximité digne des récits d’Isaac Bashevis Singer ou de l’éternel Violon sur le Toit de Jerry Bock et Sheldon Harnick. Myriam, ce sont aussi des Shabbats ‘portes ouvertes’ où ‘vient qui veut’: du jeune étudiant voulant remplir son estomac en période d’examen à Madame l’ambassadeur du Maroc… Nous avons l’impression que Myriam fait partie de nos vies depuis si longtemps et comme à propos d’une amie d’enfance, nous ne nous questionnons plus sur sa trajectoire tant elle nous semble familière Et pourtant, force est d’admettre que le monde change de plus en plus vite, nous vivons à l’ère de la mondialisation et alors que la musique klezmer jouit d’un regain extraordinaire, aucune relève ne se fait jour pour la chanson traditionnelle yiddish. Myriam est l’une des toute dernière grande chanteuse qui préserve par sa voix merveilleusement grave et expressive un héritage musical des plus essentiels: celui du monde juif ashkénaze des derniers siècles en Europe Centrale et de l’Est et (quasi) totalement détruit par l’une des grande tragédies du XXème siècle, la Shoa. La connaissance de ce monde est en train de disparaître complètement à tout jamais. Nous connaissons les évènements tragiques qui ont frappé les différentes communautés juives du monde au cours de ces siècles, mais connaissons-nous vraiment la vie de tous les jours de ces communautés, leur humour, leurs soucis, leurs espoirs, leurs traditions ? Tout ce monde, Myriam Fuks parvient à nous le rendre presque palpable, elle nous donne l’impression de pouvoir encore le toucher, le caresser… Au début des années 1950, plus de dix quotidiens imprimaient encore en Yiddish rien qu’à New York, aujourd’hui à peine la moitié d’un seul subsiste (le reste des textes étant en anglais et en hébreu). Le reste de cette culture détruite1 a été pour son malheur partiellement abandonnée après la Deuxième Guerre Mondiale : les Juifs se sont ensuite tournés vers l’hébreu, le Yiddish représentant implicitement la langue des ‘victimes’. 1d ’où proviennent pourtant certains de nos plus grandes figures. 41 C O MMU N AU T É Si chaque Juif a un devoir de mémoire, il aura à cœur de découvrir ce qu’a été la vie des générations qui l’ont précédé. Notre immense chance, c’est qu’une femme au sein de notre communauté maintient vivant, pratiquement seule, leur répertoire musical populaire. Une vie entière consacrée à la défense de cette part de notre culture. De part le monde, il ne reste vraiment que quelques grands chanteurs et chanteuses à pouvoir défendre et restituer avec talent le répertoire Yiddish. Pas plus d’une poignée. 42 A l’aube du 21ème siècle, Myriam nous restitue un véritable trésor. Non seulement elle possède cette capacité unique à nous faire revivre ces chansons, ces ambiances, ces joies et ces malheurs, cet humour ! Mais son talent, reconnu même aux quatre coins du monde, doit enfin être apprécié à sa juste valeur: Myriam est tout simplement une immense chanteuse. La nouvelle Anthologie2 qui lui est dédiée, permet de se rendre compte de l’immense artiste qu’elle est. La translittération et la traduction rendent cette anthologie accessible à tous ceux qui voudraient (re)découvrir les saveurs et les thèmes des grandes chansons du répertoire yiddish. La voix et le talent de Myriam permettent d’en recevoir pleinement l’impact émotionnel. Myriam est comédienne et le réalisateur français Claude Miller a fait appel à ses talents pour jouer dans son dernier film « Un Secret » - qui reprend une de ses interprétations - au côté de Patrick Bruel, Cécile de France, Ludivine Sagnier et Julie Depardieu. Myriam, c’est également une trajectoire de femme juive relaté dans son nouveau livre : ‘Un Jour Je Me Suis Rencontrée’3. Beaucoup, surtout ceux de la « deuxième génération » se retrouveront dans ce portrait, parfois impudique, de cette femme à la recherche de son identité, de celle de sa sœur et de la véritable histoire de sa mère adorée. Ce livre nous fait partager les réponses d’une femme, d’une fille, d’une mère, d’une artiste à certaines questions actuelles et même essentielles : quels fardeaux émotionnels nos parents – de la génération de la guerre - n’ont pu éviter de nous transmettre ? Comment ne pas reproduire ces comportements ? Myriam nous apporte son parcours personnel comme une thérapie partagée et réussie. ■ 2A nthology of a Yiddishe Mama, Editions Avanticlassic (www.avanticlassic.com), ref : 5414 706 1028-2 3 Editions N.V. Wuesenberg & Diestfeld : ISBN : 978-2-9600700 Shofar est heureux de permettre à ses lecteurs, aux membres de Beth Hillel, de se procurer le cd de Myriam Fuks avec une réduction de 40% soit au prix de 12 € au lieu de 20 €. Une partie de cette somme sera reversée à Beth-Hillel Faites-vous ce plaisir et offrez le autour de vous .. Sis a mehaye.. Versement sur le compte de Beth Hillel n° 192-5133742-59 avec la mention « cd – Myriam Fuks » le shofar André Chouraqui z˝ l. Par Monique Ebstein Il est mort le 9 juillet 2007 à Jérusalem, un mois avant d’atteindre 9O ans. Sa disparition a été relativement discrète et n’a pas fait les grands titres des journaux. Et pourtant cet homme a accompagné durant toute sa vie le cheminement du peuple juif. La faible médiatisation de sa disparition met en évidence l’importance toute relative qu’il faut accorder aux louanges funéraires décernées par la presse, car elle oublie souvent de remarquables personnalités pour en encenser d’autres dont la notoriété est parfois davantage sujette à caution. Secrétaire général adjoint de l’Alliance Israélite Universelle de 1947 à 1953, il en deviendra le Délégué permanent sous la présidence de René Cassin et le restera jusqu’en 1982. Il sera également le Président de l’Alliance Française à Jérusalem. En 1958, il s’installe en Israël, et sera, de 1959 à 1963, le conseiller du Président du Conseil, David Ben-Gourion. Elu en 1965 Vice-Maire de Jérusalem, il assistera Teddy Kollek jusqu’en 1973. André Chouraqui naquit le 11 août 1917 à Aïn Témouchent en Algérie. Sa première langue maternelle fut l’arabe, la deuxième le français et sa langue «paternelle» fut l’hébreu. Bâtisseur de ponts entre les trois cultures qui l’avaient nourri dès son enfance, il oeuvra sa vie durant pour le rapprochement de tous les hommes qui se réclamaient de l’une André Chouraqui avec le Dalaï Lama au couvent San d’elles. Miniato (Florence) Il eut une vie bien remplie. Après des études de droit à Paris et une thèse de doctorat sur la Création de l’Etat d’Israël, il exerça de 1945 à 1947 les fonctions d’avocat puis de juge à la Cour d’appel d’Alger. En 1948 il obtint le titre de docteur en droit international public de l’Université de Paris. A un certain moment, on songea à lui pour être le Président de l’Etat, mais ce fut Navone que l’on choisit parmi les personnes pressenties. Cependant, plus que par ses fonctions publiques, André Chouraqui est avant tout connu pour avoir été un homme de paix et de réconciliation. C’est ce dont il était venu parler au Palais des Congrès de Bruxelles où j’ai eu la chance de l’entendre, il y a plus de trente ans. Petit et assez trapu, ses yeux vifs et brillants brûlaient comme 43 C O MMU N AU T É un feu dans son visage, et attestaient par leur flamme la sincérité de son discours. 44 sée et de ce que représentait pour lui le fait d’être Juif: «Ce que je crois» (1979), «Retour aux racines» (1981), et son livre à grand succès: «L’Amour plus fort que la mort» (1990). Il laisse une oeuvre qui témoigne de sa profonde spiritualité. Son traTrès malade depuis de vail le plus important est longs mois, il avait présans conteste la traducparé son discours fution intégrale, à partir de néraire dans lequel il a leur langue originale, de tenu à célébrer «la joie la Bible, du Nouveau Tesde vivre, mais aussi la tament et du Coran, sans joie de mourir lorsque oublier celle des «Devoirs l’on a eu une vie accomdu coeur» de Bahya Ibn plie». Paqûda à partir de l’arabe. Cette oeuvre monumentaPourquoi André Chourale n’a pu se faire sans l’aide d’une équipe de collabora- André Chouraqui avec Pierre Mendès-France qui est-il tombé dans un (Jérusalem) relatif oubli ? peut-on se teurs qu’il dirigeait, véridemander à juste titre. fiant lui-même page après page, et en plusieurs étapes, le résultat de leur N’est-ce pas un signe manifeste et attristant travail. Grâce à lui, nous avons aujourd’hui du fait que de nos jours la voix des hommes une traduction directe de nos textes saints de paix fait moins recette que les discours ■ de l’hébreu en français; elle cherche à garder de violence, de discorde et de haine ? dans notre langue latine tout le génie et les particularismes de l’hébreu sémitique. En *** toute connaissance de cause André Chouraqui a fabriqué des néologismes qui au début parurent contestables, mais qui à présent sont reconnus et même devenus célèbres. Je Parmi les nombreux livres d’André Chouravoudrais seulement citer deux exemples: l’ad- qui, notre bibliothèque ne possède actuellejectif «rahamim» traduit normalement par ment que: «miséricordieux» qui devient chez lui «matriciel», puisque «rehem» signifie «matrice» en - «Les dix commandements aujourd’hui» hébreu, et sa traduction très poétique de «Ha - «Théodore Herzl» ma’ariv aravim» «t» que nous pouvons lire - «Vivre pour Jérusalem». dans notre sidour à tous nos offices. Si vous pouvez nous aider à l’enrichir, nous André Chouraqui nous laisse également des vous en serions reconnaissants, car la plulivres qui sont des témoignages de sa pen- part des titres sont épuisés. le shofar Saul Friedländer Prix de la Paix, décerné en 2007 par les Libraires allemands Par Monique Ebstein Pavel Friedlaänder naquit à Prague le 11 octobre 1932. Ses parents voulurent se réfugier en Suisse, mais craignant d’être arrêtés avec leur fils, ils décidèrent de le cacher dans un internat catholique, en France, non loin de la frontière. Comme en 1942, les douaniers suisses ne laissaient entrer que les femmes enceintes et les familles accompagnées d’enfants, les Friedländer ne correspondaient plus aux critères d’admission. Ils furent refoulés en France et déportés. Dans son internat, Pavel devenu Paul fut baptisé et reçut une instruction chrétienne. Mais lorsqu’en 1946, il apprit que ses parents avaient été assassinés à Auschwitz, il revint au judaïsme et Paul devint Saul. (Changement de nom hautement symbolique !) En 1948, Saul quitta la France pour se rendre en Israël, où il s’engagea activement dans les combats du mouvement sioniste. Après avoir obtenu un doctorat en Histoire, il alla aux Etats-Unis. Dans les années 1980, il devint un militant de la cause pacifiste et depuis lors il soutient le mouvement «La Paix maintenant». Il est actuellement professeur d’histoire à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), ainsi qu’à l’université de Tel-Aviv. Friedländer est réputé être l’un des principaux historiens de la Shoah et du nazisme. Son ouvrage récent, mais aussi le plus connu, est «L’Allemagne nazie et les Juifs» (Das Dritte Reich und die Juden), dont le 1er volume «Les années de persécution» (1933-1939), avait déjà paru en 1997. Il a publié, en octobre 2006, un 2ème tome consacré aux «Années de l’extermination» (1939-1945). Ce volume n’est pas encore traduit en français. C’est à l’occasion de sa présentation à la «Foire du Livre» de Francfort que le «Prix de la Paix des Libraires Allemands», a été attribué à son auteur. Ce prix prestigieux, la plus haute récompense qu’un écrivain puisse recevoir en Allemagne, est décerné depuis 1950. En 2005, il avait honoré l’écrivain turc Orhan Pamuk, qui obtint un an plus tard le Prix Nobel de littérature. Saul Friedländer reçut ce prix, le 1er octobre dernier à Francfort, dans l’Eglise St-Paul, illuminée de soleil pour l’occasion, et en présence du Président de la République Fédérale, Horst Köhler. Les applaudissements qui saluèrent le discours prononcé par l’historien furent tout d’abord réservés, puis devinrent de plus en plus chaleureux pour se terminer en «standing ovation». 45 C O MMU N AU T É Dans son discours Friedländer lut des passages extraits des dernières lettres écrites en 1942 par ses parents et par des membres de sa famille avant d’être assassinés dans les camps. «Il est clair pour moi que ce prix m’est accordé en grande partie en raison de la thématique de mon travail. C’est pourquoi j’accepte avec une grande humilité cet honneur, dont la signification va bien au-delà de toute prestation individuelle», a-t-il déclaré. Le jury de ce prix a voulu saluer «le conteur épique de l’histoire de la Shoah, de la persécution et de la destruction des Juifs à l’époque de la terreur nazie en Europe» ■ Bibliographie: • Hitler et les États-Unis, Genève,éd. Droz, 1963 • Pie XII et le Troisième Reich, éd. du Seuil, 1964 (postface dAlfred Grosser • Kurt Gerstein ou l’ambiguïté du bien, Castermann, Paris, 1967 • Réflexions sur l’avenir d’Israël, éd. du Seuil, 1969 46 • L’Antisémitisme nazi : histoire d’une psychose collective, Seuil, Paris, 1971 • Histoire et psychanalyse, éd. du Seuil, 1975 • Reflets du nazisme, éd. du Seuil, 1982 • Visions of apocalypse: end or rebirth ?, Londres-New York, Holmes et Meier, 1985 • P robing the limits of representation: nazism and the final solution, CambridgLondres, Harvard University Press, 1992 (direction) • Q uand vient le souvenir, Seuil-Point, Paris, 1998, L’Allemagne nazie et les juifs, t.1, Ed.: Seuil, 1997, ; le tome 2 est sorti en anglais (Nazi Germany and the Jews, 1939-1945: The Years of Extermination) en 2007. •L es Juifs et XXe siècle : dictionnaire critique, Calmann-Lévy, Paris, 2000, le shofar Lu pour vous ces livres qui sont disponibles à la Bibliothèque de Beth Hillel Par Monique Ebstein Isha, Dictionnaire des femmes et du judaïsme. Pauline Bebe Ed. Calmann-Lévy Une des caractéristiques du judaïsme libéral est sa position vis-à-vis de la femme qu’il considère en tout comme l’égale de l’homme. Seul le judaïsme libéral ordonne des femmes rabbins. Pauline Bebe, rabbin d’une des communautés juives de Paris, a été ordonnée en 1990. Elle est l’auteur d’un livre récent, déjà commenté dans ces pages «Qu’est-ce que le judaïsme libéral?» Auparavant, elle avait déjà écrit Isha (la femme) pour évoquer le regard que la tradition juive porte sur les «femmes». Ce livre se présente comme un dictionnaire qui, en des chapitres très courts, dépeint des figures féminines de la Bible allant des matriarches jusqu’à Abigaïl, Jezabel ou Tamar. Il étudie aussi de nombreux sujets pouvant intéresser spécialement les femmes, comme par exemple: les commandements positif, la bat-mitswa, l’état de femme célibataire, mariée ou divorcée, la procréation et la contraception. Dans son introduction, Pauline Bebe dit bien que son livre, loin d’être exhaustif se veut plutôt «une palette représentative de la tradition à la fois biblique, aggadique et halakhique». Elle affirme qu’il ne veut en rien être une apologie de la femme, car ce serait une autre façon de lui faire une place à part. Elle essaie de porter un regard à la fois compréhensif et critique sur la place de la femme dans la tradition juive. Or notre tradition doit certes être comprise et étudiée telle qu’elle était à l’origine car elle est notre héritage, mais c’est à nous de la faire évoluer et de l’adapter à l’époque où nous vivons. «C’est grâce à cette évolution que le judaïsme a pu survivre.» Et de conclure ainsi son introduction: «J’aimerais que ce livre soit une source d’inspiration pour ces hommes et ces femmes qui veulent voir évoluer le judaïsme parce qu’ils l’aiment.» *** La Grande Fauchaison,Trilogie romanesque, traduite du Yiddish Oser Warszawski Ed. Denoël «La Grande Fauchaison» rassemble pour la première fois cette trilogie d’Oser Warszawski qui jusqu’à présent n’avait pas été publiée en français. L’auteur retrace les avatars de la Grande Guerre et l’écho qu’elle eut dans les monde juif et allemand de l’époque. Au fil des pages, il dissèque le quotidien des uns et des autres. Il décrit la société jusqu’au moment où elle bascule dans l’absurde et l’horreur, et où elle se dissout pour laisser place à un désordre tantôt sombre, tantôt burlesque. L’auteur dépeint avec tendresse et lucidité la vie des shtetls de Pologne et des quartiers juifs de Varsovie, mais aussi la bourgeoisie nationaliste et raciste, adulant le Kaiser et participant à une guerre dénuée de sens. Son style très 47 C O MMU N AU T É personnel fait de «La Grande Fauchaison» un monument de la littérature yiddish. Oser Warszawski, né en 1898 près de Varsovie, quitta la Pologne dans les années 20 pour Berlin, Londres puis Paris. Il participa activement à la vie littéraire et artistique de la capitale. En 1942, passant alternativement de résidence forcée en résidence surveillée, il se réfugia à Rome où il fut arrêté en 1944 par la police fasciste. Livré aux Allemands, il fut déporté et assassiné à Auschwitz le 10 octobre de la même année. Il est une des figures centrales de la culture yiddish du siècle dernier. *** Explorations Talmudiques Georges Hansel Ed. Odile Jacob 48 Georges Hansel est mathématicien et professeur émérite à l’université de Rouen. Gendre d’Emmanuel Lévinas, il a, parallèlement à ses travaux scientifiques, mené de longues recherches sur l’exégèse juive. Dans un livre clair, Georges Hansel veut présenter le Talmud, son inspiration et ses principes de base. En effet mal connue, cette oeuvre collective a été engendrée par la réflexion de générations entières de nos Sages. L’auteur essaie de nous faire prendre conscience que le Talmud est le résultat de la tentative difficile de traduire un idéal spirituel élevé dans notre comportement quotidien. Je ne résisterai pas au plaisir de vous citer la dernière phrase de la conclusion: «Rabbi Haïm de Volozin comptait ses livres parmi ses «amis». L’un de ces amis a une place privilégiée. Ami fidèle d’entre les fidèles, il est certes un peu secret, il a tendance à cacher son jeu et il est de tempérament bourru. Mais à ceux qui l’interrogent avec détermination, il s’ouvre affectueusement, généreusement, et il a tant à leur dire ! Voulez-vous vraiment savoir son nom ? Je vais vous le dire. C’est un nom commun devenu nom propre. En français, on l’appellerait Etude, mais il préfère son nom hébreu : Talmud.» *** Commentaire sur le Sefer Yetzira Saadia Gaon Ed. Verdier, Collection «Les Dix Paroles» Le Sefer Yetzira est le plus ancien traité hébraïque de cosmogonie où l’on traite exclusivement de la formation du monde. Attribué par la tradition à Abraham, puis par les cabalistes médiévaux à Rabbi Aqiba, on estime cependant qu’il fut composé entre le 3ème et le 6ème siècle. Sadia Gaon (882-942), un des plus grands représentants du judaïsme gaonique, entreprit vers la fin de sa vie de le paraphraser en arabe et de le commenter. Alors que le texte original est réputé être un texte mystique, le commentaire de Saadia Gaon fait appel à la philosophie et à la raison. Sans doute a-t-il voulu commenter le Sefer Yetzira, parce que ce livre était à son époque le premier et le seul de la littérature rabbinique qui traitait spécialement de la création du monde, et c’était là un problème brûlant et controversé, débattu très tôt par Philon, les Pères de l’Eglise, et les péripatéticiens tant chrétiens que païens. Ces débats se prolongèrent jusqu’à l’époque de Saadia par la voix des philosophes musulmans, or un esprit cultivé ne pouvait manquer d’apporter son tribut à la question. Le Commentaire de Saadia voulut défendre la doctrine de la création ex nihilo contre ceux qui la réfutaient. Il le fit par la voie de la raison alors que les philosophes grecs l’avaient invoquée contre elle. La création demeure un mystère. Faut-il tenter de l’élucider, ou fautil le voiler en adoptant une attitude résolument mystique ? Saadia Gaon fait toujours appel à la raison, et jamais il ne cède à l’obscurité du texte. *** le shofar Ce peuple. L’existence juive. Leo Baeck Ed. Armand Colin Le rabbin Leo Baeck (1873-1956) fut une figure emblématique de la communauté libérale d’Allemagne, et par la suite des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Nous avons acheté ce «livre-testament» parce qu’il vient de paraître en français, traduit par Maurice-Ruben Hayoun. Mais nous présenterons une biographie plus détaillée de Leo Baeck et nous commenterons plus amplement et de façon plus chronologique son oeuvre dans un des prochains numéros du Shofar. Pour ceux qui cependant seraient impatients de lire ce dernier livre, qu’ils sachent dans quelles circonstances il fut écrit. Le 27 janvier 1943, Leo Baeck alors âgé de 70 ans fut déporté à Theresienstadt, il y demeura jusqu’en mai 1945 lorsque le camp fut libéré par l’armée rouge. Pendant toute la durée de son internement, il fut le soutien moral de ses co-détenus. Travaillant avec eux durant la journée, il les réunissait souvent le soir pour leur parler des sujets les plus divers, leur permettant ainsi de garder une vie intellectuelle et de préserver leur dignité humaine. La première partie de Ce peuple. L’existence juive a été écrite dans le camp même de Théresienstadt, et doit être considérée comme ayant été un moyen de combat constant pour la survie de l’être humain dans un univers cruel et barbare. La deuxième partie du livre a été écrite en des temps différents, mais son auteur nous dit que tout en étant un livre en soi, il fait cependant partie du précédent car lui aussi nous entretien de ce peuple, lui aussi nous parle de l’existence juive. *** Eclipse d’Etoiles et Eli suivi de Lettres et d’Enigmes en Feu De Nelly Sachs, Traduction de Mireille Gansel Ed. Verdier Ces poèmes ont été commentés dans un article paru dans le Shofar du mois de septembre *** Lettre à un frère Moïse Rahmani Ed. de l’Institut Sépharade Européen Ce petit livre d’environ 120 pages ne veut sans doute rien ajouter de nouveau aux bibliothèques remplies de livres sur l’antisémitisme. Mais l’auteur a voulu, sous forme d’une lettre au Pape Benoît XVI, exprimer avec ses tripes son angoisse devant l’antisémitisme, cette bête que l’on croit parfois morte et qui toujours se réveille d’un sommeil que l’on croyait définitif. Cet ouvrage sera certainement très utile à tous ceux qui, devant enseigner ou écrire, voudront trouver rapidement les citations, tirées du Premier ou du Deuxième Testament, qui fondent ou récusent l’antisémitisme religieux. Moïse Rahmani, bien connu du Yishouv bruxellois est né au Caire. Sa famille fut forcée au départ en 1956, et elle fait partie du million de réfugiés des pays arabo-musulmans. Auteur de plusieurs ouvrages, il est aussi le rédacteur en chef de la revue «Los Muestros, la Voix des Sépharades» qui, depuis 1990, défend la langue et la tradition judéo-espagnoles. ■ *** 49 C O MMU N AU T É Quelques nouvelles d’Israël et d’ailleurs 50 L’Etat d’Israël s’apprête à fêter ses 60 ans. Les célébrations y seront placées sous le signe de la jeunesse et les enfants seront au centre des festivités. Plus que le passé, c’est ainsi l’avenir du pays qui sera mis en exergue. En août 1897 se déroulait à Bâle le premier congrès sioniste au cours duquel Herzl fut élu président de l’Organisation sioniste mondiale dont l’objectif était de reconstruire un foyer national sur la terre ancestrale d’Eretz Israel. Dans son Journal, à la date du 3 septembre 1897, Herzl écrivit : « A Bâle, j’ai fondé l’Etat des Juifs. Si je disais cela à voix haute aujourd’hui, un éclat de rire universel me répondrait. Dans cinq ans peut-être, dans cinquante ans sûrement, chacun pourra s’en rendre compte» Cent dix ans plus tard, l’Etat d’Israël existe et «est tellement dynamique et vivant que personne ne peut prévoir la direction que les choses vont prendre. Nous vivons dans un pays qui se remet en question à chaque instant, un pays qui n’est jamais satisfait de lui-même». Cette phrase est empruntée à un article sur l’art contemporain israélien publié en août dernier dans le magazine de Brussels Airlines, There, glissé dans les dossiers de fauteuils de sa flotte aérienne. *** Le docteur Aribert Heim figurait encore en deuxième position, sur la liste des dix criminels de guerre nazis les plus recherchés publiée en 2006 par le Centre SimonWiesenthal. Le «boucher de Mauthausen» fut arrêté le 15 mars 1945 par les Américains, effectua deux ans de travaux forcés dans une saline, puis fut relâché en 1947, probablement en échange d’informations. Après avoir vécu quelques années en bon père de famille et pratiqué la médecine en qualité de gynécologue à Baden-Baden, Heim disparu en 1962 lorsque la police allemande s’apprêta à l’arrêter mais que prévenu de son arrestation imminente, il parvint à lui échapper. On l’aperçu ensuite en Egypte, travaillant pour la police de Nasser, puis en Uruguay, dans un sanctuaire d’anciens SS exfiltrés, en Amazonie, à Ibiza. En 2005, Heim était encore donné résident au Chili. La police criminelle du Land de Bade-Wurtemberg, suivie de l’Autriche la même année, lança un nouvel avis de recherche assorti d’une récompense pour sa capture. Cette traque n’aurait plus de raison d’être : Heim serait mort fin 1982, capturé au Canada, «jugé» et exécuté à l’île de Santa Catalina au large de la côte californienne, par l’organisation clandestine « La Chouette ». Celle-ci s’était donnée pour mission de traquer et d’arrêter les derniers grands criminels nazis réfugiés clandestinement en Amérique du Nord et du Sud. Ses membres étaient tous fils ou petits-fils de survivants de la Shoah. Le mot d’ordre de La Chouette était «Souviens-toi, ne pardonne pas, poursuis-les pas à pas». Ce qu’elle fera jusqu’à sa dissolution, à la fin des années 1980, une fois son objectif principal atteint. Le dirigeant de « La Chouette », survivant des camps, avait été victime du docteur Heim qui, à Mauthausen, pratiquait la vivisection, sans anesthésie, sur des détenus, leur retirant les organes l’un après l’autre, pour noter leur temps de survie… *** A propos de l’attentat de la rue Copernic, la probabilité de voir extradé vers la France pour y le shofar être traduit en justice le terroriste présumé en être l’auteur est quasi nulle. Celui-ci, d’origine libanaise, a obtenu la nationalité canadienne. Or le Canada est connu pour sa réticence à extrader ses nationaux suspectés de crimes commis à l’étranger. Aux difficultés procédurales s’ajoute le fait que s’ils n’ont jamais baissé les bras, les policiers français savent qu’il leur faudrait produire des éléments de preuve matériels (empreintes, ADN...) qui, vingt-sept ans après l’attentat, sont difficiles à obtenir. La famille du cinéaste israélien Micha Shagrir, qui a perdu sa femme Aliza, alors âgée de 42 ans, dans l’explosion continue de réclamer justice et à l’intention de saisir les autorités israéliennes de cette affaire « pour en savoir plus » Le 3 octobre 1980, Micha Shagrir était en vacances à Paris avec son épouse et leur benjamin Haggai, 15 ans et demi. Ce soir-là, Aliza avait voulu passer rue Copernic avec son fils pour amener des friandises libanaises à une amie. Elle fut tuée sur le coup ; son fils échappa à la mort par miracle. En 2001, le cinéaste israélien rencontra un policier français qui lui affirma que Paris ferait tout pour retrouver les assassins ; on lui parla alors de deux hommes vivant respectivement en Allemagne et… en Belgique. Deux ans plus tard, Micha Shagrir s’entretint à son contact français. Rien n’avait, depuis lors, bougé, mais ce dernier lui répéta que l’enquête ne serait jamais abandonnée. *** Selon le quotidien français « Le Figaro », en octobre dernier, le président polonais, Lech Kaczynski, a décoré 53 personnes, la plupart polonaises, pour avoir sauvé des Juifs durant la Seconde Guerre Mondiale. Le journal précise, par ailleurs, qu’un tiers des Roumains n’a jamais entendu parler de la Shoa et que seul un tiers de la population est conscient de ce que le génocide des Juifs concerne également leur pays. *** La plus grande synagogue d’Allemagne, bâtiment inauguré en 1904 puis incendié par les Nazis et laissé à l’abandon sous la République Démocratique Allemande, a rouvert ses portes à Berlin. Situé dans le quartier de Prenzlauer Berg, la synagogue, d’une capacité de 1.000 places assises, a fait l’objet d’une restauration complète qui a duré sept ans. Comme nombre d’autres édifices liés au judaïsme, elle avait été incendiée le 9 novembre 1938, durant la « Nuit de Cristal ». Le ministre allemand de l’Intérieur, Wolfgang Schäuble, a assisté à la cérémonie de réouverture de la synagogue berlinoise. Parmi les personnes présentes se trouvait une femme de 85 ans, Rita Rubinstein, qui refusait jusque-là de remettre les pieds en Allemagne, après avoir fui les persécutions nazies. Ses parents s’étaient mariés dans cette synagogue en 1905 et elle s’y rendait régulièrement elle-même dans son enfance. *** L’Unesco vient de s’engager à garantir la pérennité de la mémoire de la Shoah et de lutter contre le négationnisme. A l’origine, l’idée d’inscrire l’histoire et la mémoire de la Shoah ainsi que la lutte contre le négationnisme parmi l’héritage mondial et les programmes d’éducation de l’Unesco avait été proposé par Israël, l’Australie et les Etats-Unis. Ensuite, de nombreux autres pays ont apporté leur soutien à ce projet. Pour l’ambassadeur d’Israël, il s’agit d’un tournant historique qui va au delà du symbole : « Cela va permettre de faire vérifier ce qui est écrit dans certains manuels scolaires. (…) En prenant cette décision, l’Unesco prouve aussi qu’elle est une organisation qui avance dans le bon sens. » *** L’Union Libérale Israélite de France célèbre son centenaire et organise, à cette occasion, une semaine de festivités, en ce début du mois de décembre, au cours desquelles des tables rondes sont consacrées principalement au Judaïsme libéral en France. A noter la présence, parmi les orateurs, de Jacques Attali, François Zimeray ou encore Alexandre Adler. ■ JWH 51 C O MMU N AU T É Au Musée Juif de Belgique : Sarah et ses frères Par Jacqueline Wiener 52 Ils sont trois Kaliski. Sarah, Chaïm et René. Obsédés par la tragédie de l’Histoire. Hantés par la Shoah. Sarah, c’est la sœur. Elle est artiste peintre et écrit. Ses tableaux racontent l’humain, les Juifs, les morts. Ses textes dessinent l’écrivain Marguerite Yourcenar, Rimbaud, le sombre Céline. Et au détour de cet enchevêtrement de littérature et d’art pictural, une porte ouverte sur une chambre et des lits vides. Ceux d’enfants disparus. Chaïm, c’est l’aîné. Lui, il raconte la Shoah à travers le prisme de Bruxelles. En sortes de bandes dessinées et écritures à la Flupke. Et pour mieux transmettre cette douloureuse mémoire, il aligne aussi des scènes à l’encre de chine en processions d’Ottomans, Khmers Rouges, sbires de Milosevic, sans oublier les Hutus, bien sûr. René, c’est l’auteur dramatique de la fratrie. Pièces de théâtre sur fond de fascisme, essais portant sur Israël sont au menu d’une œuvre magistrale dont certains textes ont été portés à l’écran. Voilà donc tous les ingrédients artistiques de cette extraordinaire famille créatrice servis au plaisir des visiteurs qui découvrent la nouvelle exposition du Musée Juif de Belgique*. « Sarah et ses frères » est mise en scène par un excellent Christian Israël dont le talent nous a été révélé à l’occasion de la précédente exposition, « Trajectoire et espaces juifs », transformée pour l’heure en exposition permanente. Le commissaire en est le professeur Jacques Sojcher. Ouverte au public depuis le 12 octobre dernier, l’exposition a été emménagée dans les espaces récemment rénovés du deuxième immeuble dont le musée a la jouissance, à l’arrière de la bâtisse à front de la rue des Minimes. « Sarah et ses frères » fermera ses portes, en principe, le 25 février 2008. Elle sera agrémentée d’activités muséales ponctuelles, telles les excellentes conférences des « mardis du musée » dont nous vous recommandons la lecture de la programmation sur le site www.museejuif.be. Rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte : c’est une exposition magnifique ! ■ * 21 rue des Minimes à Bruxelles. Heures d’ouverture de l’exposition et de la cafétéria : tous les jours, de 10 à 17 heures excepté Shabbat. Entrée : 5 euros (seniors, étudiants et groupes : 3 euros/enfants en dessous de 12 ans : gratuit) Visites guidées : 60 euros (dimanche : suppl. 10 euros) le shofar Un peu d’humour Fatigués de porter le fardeau de la Loi, lassés d’être le peuple élu et d’en payer le prix fort, les Juifs décident de rompre l’Alliance et de déposer tous leur livres au pied du Mont Sinaï. Ils viennent de partout, les bouquins s’entassent et finissent par dépasser le sommet de la montagne. Dieu apparaît aux Juifs et, abasourdi, Il tonne et gronde: «Mais enfin, je ne vous ai jamais donné tout ça !» *** The Bus from Bnai Brak to Jerusalem, was nearly full with all Hassidim. At the last Bnai Brak stop, a pretty young girl in a skimpy outfit boards the bus. With no seat left she has to sit next to a Hassid. He squirms a while, then reaches into hisknapsack and hands her an apple. «What’s this?» she inquires. «An apple.» «Why did you give me an apple?» she persists. «Because until Eve ate the apple, she didn’t realize she was naked!» The next morning, she again boards the same bus making the same run to Jerusalem. She is better attired, and sits next to the same Hassid, and hands him an apple. «What’s this?» he asks suspiciously. «An apple,» she shoots back. «Why an apple?» he inquires. «Because until Adam ate the apple, he didn’t know he had to work for a living.» *** Salomon court tellement de tous côtés pour son activité professionnelle que très fréquemment, il éprouve de réelles difficultés à dénicher une synagogue dans le patelin où il se trouve. Ce jour là, il éprouve un besoin important d’arrêter un instant son ouvrage et de s’en aller prier. Mais comme de synagogue, il n’y en a point, il décide qu’une église fera l’affaire : près tout, l’omniprésence divine ne signifie-t-elle pas que Dieu est partout? Il entre donc dans l’église du coin, arrime fermement son yarmulke sur son crâne, s’enveloppe dans son talith et commence à prier. Le curé entre à ce moment là par une porte dérobée, de dirige vers le centre de l’estrade, manifestement prêt à commencer l’office et lève lentement les bras en signe de bienvenue aux fidèles. Mais il interrompt son geste, au son d’un murmure peu discret en provenance de la zone où prie Salomon. Au bout de quelques instants d’attente appuyée, le prêtre s’exclame : « Les non catholiques sont priés de sortir s’il vous plaît ». Salomon continue à psalmodier. « S’il vous plaît, les non catholiques pourraient-ils sortir ? » Personne ne bouge et Salomon prie toujours. Finalement excédé, l’officiant sort d’une voix tonitruante : « Est-ce que TOUS les Juifs pourraient sortir, s’il vous plait ? ». Salomon se redresse brusquement, ôte prestement talith et yarmulke. Puis d’un preste pas, se dirige vers une niche, y attrape la statuette de Jésus bébé qui était déposée entourée de bougies odorantes, cale l’enfant de bois sous son bras et lance à la cantonade : « Viens mon petit, ils ne veulent plus de nous ici ! » 53 In f o r m at i on s u t i l es VIE COMMUNAUTAIRE OFFICES DE CHABBAT Vendredi à 20h et samedi à 10h30 ■ Talmud tora et preparation a la bar/bat mitsva Tous les mercredis après-midi. Voir calendrier. ■ Cours adultes et cercles d’etude Contactez Rabbi Abraham Dahan ou Rabbi Floriane Chinsky ■ Yiskor Si vous voulez être tenus au courant des dates de Yiskor pour des membres de votre famille, contactez Giny ( 02.332.25.28 SOCIÉTÉ D’INHUMATION A.S.B.L. GAN HASHALOM En cas de nécessité, téléphonez aux numéros suivants: Le jour A Beth Hillel ( 02.332.25.28 Le soir Rabbi Floriane Chinsky ( 0485.428.490 Rabbi Abraham Dahan ( 02.374.94.80 ou 0495.268.260 Si vous désirez souscrire à Gan Hashalom, téléphonez à Willy Pomeranc Le jour ( 02.522.10.24 • Le soir ( 02.374.13.76 Gan Hashalom est réservé aux membres de la CILB en règle de cotisation et ayant adhéré à la société d’Inhumation