Spécificités de l'infection par le Virus de l'Immunodéficience Humaine et Centres Hospitaliers Spécialisés CCLIN Sud-Ouest Version 2 - novembre 1994 Ce document a été réalisé par : Madame le Docteur C. Chassaing, CHS Limoges, Madame J. Darieumerlou, CHS Charles Perrens - Bordeaux, Madame le Docteur C. Derrieux, CHS Marchant - Toulouse, Madame le Docteur G. Despax, CHS Auch, Mademoiselle D. Cullet, CHU Bordeaux, Monsieur J-P. Dubedat, CHS Cadillac, Madame M-P. Félice, CHS Marchant - Toulouse, Monsieur le Docteur J-P. Ferrière, CHS Charles Perrens - Bordeaux (Animateur), Madame L. Guérin, CHS Auch, Monsieur le Docteur S. Marie, CHS Limoges, Monsieur G. Mathieu, CHS de la Charente - La Couronne, Monsieur J-P. Muller, CHS de la Vienne - Poitiers, Monsieur le Docteur P. Parneix, CHU Bordeaux, Monsieur F. Plainemaison, CHS de la Charente - La Couronne, Madame J. Plassot, CHS Pau, Madame C. Ramet, CHS Marchant - Toulouse, Madame le Docteur A-M. Rogues, CHU Bordeaux, Monsieur le Docteur M. Tournemine, Institut Camille Miret - Leyme, CCLIN SO - 2 Le milieu psychiatrique se trouve confronté, comme les autres partenaires du Système de Soins, au problème de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Les C.H.S sont appelés dans le cadre de la maladie mentale, à prendre en charge des patients dont certains sont ou seront séro-positifs, comme dans toute la population en général. Mais de plus, certains séro-positifs vont se trouver orientés préférentiellement en psychiatrie : les toxicomanes d'abord - l'on connaît en France tout du moins, la très forte proportion de séro-positifs parmi les toxicomanes - et les Sidéens ensuite parvenus au stade de complications psychiatriques. VIH : Les spécificités en milieu psychiatrique La première spécificité du problème du VIH en psychiatrie vient du fait que les patients porteurs de ce virus sont hébergés plus longtemps qu'en hôpital général, certains pour des durées fort longues. Ces patients sont dans leur très grande majorité, sinon la quasi-totalité, en bonne santé sur le plan somatique. Certains d'entre eux auront, dans le cadre de l'hospitalisation, une activité sexuelle, qu'on le veuille ou non, et les interdits réglementaires de certains services ne font que masquer cette réalité sans la supprimer. L'étude new-yorkaise conduite par F. Cournos1 révèle que sur une population de 95 patients schizophrènes, hospitalisés ou suivis en ambulatoire, 42% d'entre eux avait eu une activité sexuelle au cours des six derniers mois, dont 62% avec des partenaires multiples. Même à l'époque où les CHS n'étaient que des asiles avec une séparation absolue des services hommes et des services femmes nous savons tous qu'il existait une sexualité "souterraine" que chacun voulait ignorer mais qui était bien présente. La seconde spécificité vient de la personnalité même des patients. Certains, malgré toutes les recommandations possibles, ont une sexualité anarchique par carence affective, instabilité, etc. Certains sont des déviants sexuels avec tous les dangers qu'ils peuvent faire courir à d'autres patients. Une grande partie des patients, sinon la majorité, par insuffisance intellectuelle ou instabilité psychique sont peu ou pas du tout réceptifs à la campagne nationale de prévention du SIDA menée actuellement sur tous les médias d'information. A ce propos C. Kalichman2 note que 1 2 Am J Psy 1994;151:228-32. Am J Psy 1994;151:221-7. CCLIN SO - 3 le risque de contamination est accentué chez ces personnes en raison de la faiblesse de leurs connaissances sur la manière dont s'effectue la transmission du virus. Son étude révèle que 43% des patients interrogés pensent que les femmes ne peuvent pas être infectées par le VIH si elles ont des rapports uniquement avec des hommes, et 38% croient que les hommes ne peuvent être contaminés au cours de rapports hétérosexuels. La troisième spécificité tient au fait qu'avec la politique de secteur, beaucoup de patients ont pu être réinsérés dans la cité, menant une vie normale ou la plus normale possible. Ces patients sont appelés à avoir une vie affective et sexuelle, tout en gardant certains des handicaps que l'on vient de décrire. Ceux qui ne peuvent, pour diverses raisons, s'investir dans une relation de couple durable sont des sujets à risque vis-à-vis du VIH, avec là encore une moindre compréhension de la prévention à adopter. La prise en charge du milieu carcéral fait partie intégrante de la politique de secteur. Le milieu carcéral qui retient des sujets jeunes, en bon état somatique, dans une certaine promiscuité entraîne des relations homosexuelles, qui existent bel et bien, même si l'on ne veut pas en reconnaître l'existence. La prison hébergeant des jeunes toxicomanes, groupe à forte prévalence de séro-positivité, est un lieu tout désigné de dissémination du VIH. Dixon3 rapporte un taux de prévalence en milieu carcéral à Rhode Islande de 4% chez les hommes et de 12% chez les femmes et une enquête récente faîtes à la prison des Baumettes à Marseille estime ce taux à près de 11%4. Toutes ces raisons conduisent à la nécessité d'une action spécifique de prévention du VIH en milieu psychiatrique. Prévention : Quelques orientations Une information ciblée pour chaque type de patient, même pour chaque patient, est nécessaire en fonction de sa pathologie, et de sa réceptivité intellectuelle du moment. Elle doit être dispensée par les Equipes Soignantes, au cours des entretiens avec le patient, et doit faire désormais obligatoirement partie du projet de soins. Cette information sera appuyée, éventuellement, par des plaquettes explicatives, là encore spécifiques au milieu psychiatrique. Ces plaquettes ne seront utiles qu'en complément des entretiens évoqués ci-dessus, mais ne serviront à rien si elles sont distribuées sans discernement. 3Am J Med 1993;95:629-36. Epidemiol Hebd 1994;(24):107-8. 4Bull CCLIN SO - 4 Cette information sur l'infection à VIH et le SIDA prodiguée par les Soignants présente évidemment le danger d'une trop grande immixtion dans la vie privée des patients, car quoi de plus intime pour un sujet que sa sexualité ? C'est donc un rôle délicat qui se trouve dévolu aux équipes soignantes. Sur le plan matériel, tous les lieux de vie, que ce soit hospitalisation classique, de jour, foyers, appartements thérapeutiques, devraient être munis de distributeurs de préservatifs. Cet aspect matériel de la prévention ne peut être que la suite de l'effort d'information et de prévention évoqué précédemment. Comme pour les plaquettes, la simple installation de distributeurs de préservatifs serait totalement inopérante, sauf à donner bonne conscience à l'Etablissement. En milieu carcéral, le même effort de sensibilisation et d'information sur le SIDA doit être mené par les Equipes Psychiatriques et doit, là encore, faire partie intégrante de projets thérapeutiques. La mise à dispositions de préservatifs doit s'imposer, mais rencontrera certainement des résistances car c'est reconnaître l'existence de relations homosexuelles entre détenus. Pour les patients suivis sur le Secteur, la prévention de l'infection à VIH doit, là encore, faire impérativement partie de la prise en charge par l'équipe de Secteur. Ces patients extériorisés sont appelés à mener une vie personnelle malgré leurs handicaps psychiques. Pour ceux ayant une vie de couple stable, il n'y a pas de problème, mais les autres peuvent être, par certaines conduites à risque, des sujets potentiellement exposés au VIH, d'où la responsabilité qui repose sur les Soignants. A propos de responsabilité, il faut enfin évoquer la responsabilité d'un C.H.S. dans le cas où une séro-conversion se produirait pour un patient pendant son hospitalisation. Ce cas ne semble pas s'être encore produit mais il est logiquement permis de penser que c'est un problème médico-légal qui se posera tôt ou tard dans un de nos C.H.S. L'infection à VIH positionne à nouveau de façon aiguë ce que doit être la relation soignant-malade. Comment prévenir un risque chez quelqu'un qui ne veut prendre aucune précaution et assister une personne en danger sans enfreindre la loi ? Toutes ces questions n'ont pas forcement de réponse et c'est le rôle du soignant d'apprendre à gérer cela en milieu spécialisé. CCLIN SO - 5 Stratégies d'actions possibles * Sensibilisation du personnel para-médical, médical et administratif : * Séances d'information, * Cycles de formation, * Réunions au sein des UF, services, secteurs établissements, * Sensibilisation des malades (rôle éducatif de l'équipe soignante) : * Réunions de services pour les patients (régulation nécessaire), * Entretien individuel soignant-soigné, * Mise à disposition de préservatif (distribution gratuite ou payante) : * Implantation de distributeurs dans les lieux de vie, * Distribution personnalisée, * Affichage / documentation : * A placer dans les services, les centres sociaux, * Plaquette individuelle remise au patient, * Collaboration avec les associations existantes, CCLIN SO - 6 Documents et adresses utiles Documents nationaux : * SIDA "les faits, l'espoir" - L. Montagnier. * Infection par le VIH et SIDA : Diaporama et QCM. ARCAT SIDA - MNH. * Au fil de la vie. ARCAT SIDA. * Documents, dossiers et affiches. CESSPF (voir adresses utiles). Documents propres aux établissements de l'inter-région (disponible auprès du CCLIN SO) : * Etre et agir contre le SIDA : Centre Hospitalier Spécialisé de la Charente, * SIDA EMOI ET MOI: CIDAG Poitou Charente - Service de Maladies infectieuses (CHU Poitiers), Adresses utiles : Centres d'Information et de Soins de l'Immunodéficience Humaine : * CISIH de Bordeaux : Hôpital Pellegrin - 33076 Bordeaux Cedex Tel : 56 79 56 06, * CISIH de Toulouse : Hôpital Purpan - 31052 Toulouse Cedex Tel : 61 77 20 49, * CISIH de la Guadeloupe : Hôpital les Abymes - 97159 Pointe-à-Pitre Cedex Tel : 19 590 89 16 20 ou 89 13 21, * CISIH de la Guyane : CH de Cayenne - 97306 Cayenne Cedex Tel : 19 594 39 53 25, * CISIH de la Martinique : Hôpital Pierre Zobda Quitmamn - 97261 Fort de France Tel : 19 596 55 23 41. * CESSPF : Comité d' éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française. Ordre National des Pharmaciens, 4 Av. de Ruysdaël - 75008 Paris. * Fédération Nationale AIDES - 247, rue Belleville - 75019 PARIS Tel : (1) 44 52 00 00 CCLIN SO - 7