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Audition et dépistage
de la surdité
Développement embryonnaire
L’audition est un sens fonctionnel avant la naissance. La différenciation
des cellules sensorielles de l’organe de Corti, et la formation des
connexions avec le système nerveux central se développent entre la 9
e
et
la 12
e
semaine post-conceptionnelle. Le début du fonctionnement de la
cochlée fœtale se fait entre la 18
e
et la 20
e
semaine. Le développement
anatomique et fonctionnel est terminé entre la 28
e
et la 30
e
semaine.
Les structures cérébrales auditives se développent jusqu’à 6 ans. Le déve-
loppement du cerveau auditif est sous l’influence capitale des stimulations
cochléaires. Alors que la cochlée a achevé son développement à la naissance,
L’ESSENTIEL
La fonction auditive comme tous les sens permet de percevoir le monde
extérieur et d’accéder à l’information, à la communication, à la fonction
hédonique et ainsi à la formalisation de la pensée.
La déficience auditive ou surdité est le déficit sensoriel le plus fréquent
chez l’enfant. Un enfant sur 1 000 présente une surdité sévère ou profonde
dès la naissance et 1 sur 500 présentera un déficit auditif avant l’âge adulte.
Cette déficience est grave puisqu’en engendrant des difficultés à commu-
niquer et des perturbations dans le développement du langage ou de la
pensée, elle bouleverse fortement le développement de la personnalité.
Elle doit être dépistée et diagnostiquée le plus tôt possible pour que la
prise en charge précoce permette de stimuler et d’utiliser au mieux les
potentialités existantes.
Le dépistage est du ressort de tout clinicien à chaque consultation. Notam-
ment, tout retard de langage doit faire procéder à un bilan ORL complet.
34 Le développement de l’enfant
les structures auditives du cerveau n’achèveront leur maturation que vers
4 ou 6 ans. Durant toute cette période, la cochlée, en lui envoyant des stimu-
lations appropriées, joue un rôle majeur dans le développement du système
auditif cérébral.
Déficience auditive ou surdité
La surdité se définit par une élévation du seuil de perception des sons.
Elle concerne l’oreille. Le terme de « sourd » désigne une personne ayant
une acuité auditive diminuée quels qu’en soient les degrés. La surdité n’est
invalidante que si elle est bilatérale. Une surdité unilatérale ne perturbe
pas le développement normal du langage, elle entraîne tout au plus une
perte de l’audition stéréophonique et une gêne plus importante à la
perception dans le bruit.
Classification et retentissement de la surdité
Suivant la perte auditive, mesurée par l’audiométrie tonale, on classe les
déficits auditifs en :
- Audition normale : Le seuil auditif se situe entre 0 et 20 dB, la perception
est considérée comme normale.
- Surdité légère : Le déficit auditif est situé entre 20 et 40 dB. Le sujet
perçoit la parole mais tous les phonèmes ne sont pas reconnus. Le langage
peut se développer mais l’enfant doit être vigilant pour comprendre la
parole, il ne perçoit pas la voix faible. Il existe une gêne scolaire.
- Surdité moyenne : Le déficit se situe entre 40 et 70 dB de perte. Le sujet
perçoit mal la voix émise à intensité habituelle. La parole est perçue au
niveau du seuil, elle est audible mais non intelligible. L’acquisition du
langage est possible mais imparfaite. La lecture labiale est utilisée. L’appa-
reillage auditif et la rééducation orthophonique sont nécessaires.
- Surdité sévère : Le déficit se situe entre 70 et 90 dB de perte. L’enfant
perçoit les bruits environnants, les voyelles de la parole, mais les
consonnes sont difficilement perçues. Il perçoit la voix à forte intensité
mais elle n’est pas comprise. Le langage ne peut se développer spontané-
ment, l’appareillage et la rééducation orthophonique sont indispensables.
RECOMMANDATION
Toute anomalie dans le développement cochléaire aura une répercussion
sur le développement des structures cérébrales. Cette notion est particuliè-
rement importante pour tout ce qui concerne la réhabilitation précoce.
Audition et dépistage de la surdité 35
- Surdité profonde : Le déficit auditif est supérieur à 90 dB de perte. La
parole n’est pas perçue, seuls la mélodie et le rythme sont conservés. Le
développement du langage est impossible. Appareillage et éducation
spéciale sont indispensables. D’autres types de langage peuvent être
proposés notamment la langue des signes dont l’apprentissage doit être
fait le plus tôt possible après diagnostic.
Dépistage d’une surdité
Quand dépister?
Les premières semaines de vie sont une période privilégiée mais ne
concernent que 5-10 % des enfants déficients. Les autres déficiences sont à
rechercher au moindre doute dans les mois suivant.
La période néonatale apparaît comme une période optimale à la réalisa-
tion de ce dépistage pour plusieurs raisons. En France, la plupart des
accouchements ont lieu en maternité et le nouveau-né y séjourne plusieurs
jours. Il est donc facile d’accéder à une population importante d’enfants à
cette période ce qui optimise la rentabilité du dépistage. Le dépistage est
aujourd’hui possible dès la naissance grâce la mise au point d’outils perfor-
mants permettant de détecter le déficit auditif dès les premiers jours de
vie : l’enregistrement des oto-émissions acoustiques provoquées (OEAP) et
les potentiels évoqués auditifs automatisés (PEAA). Il faudrait pouvoir le
réaliser pour tous les enfants. Malheureusement, dans la plupart des pays,
L’ESSENTIEL
Il est important de dépister très tôt une surdité chez un enfant parce que
ces conséquences sont graves sur son développement et qu’il existe une
étroite relation entre le pronostic et la précocité de la prise en charge.
Le développement du langage et le développement cognitif perturbés par la
surdité apparaissent significativement meilleurs lorsque l’enfant atteint d’une
surdité permanente néo-natale est pris en charge avant l’âge de 6 mois.
Parmi tous les enfants avec une déficience auditive, 50 % ont eu des
facteurs de risques et 50 % sont dépistés dans la population générale. La
détection des premiers signes est du ressort de tout médecin lors de
chaque examen clinique de nourrisson.
L’interrogatoire et l’examen complet de l’enfant avec quelques tests
comportementaux permettent au praticien d’identifier la plupart des défi-
cits. Les examens spécifiques sont du ressort de l’ORL.
36 Le développement de l’enfant
et en France notamment, ce dépistage néonatal systématique n’est pas
encore réalisé si ce n’est dans le cadre d’initiative locale ou pour la popula-
tion des enfants à hauts risques de surdité (tableau 4.I)
Ce dépistage systématique dès la naissance trouve toutefois des limites
dans le fait qu’un certain nombre de surdités apparaissent après la naissance
(16 % des surdités permanentes). C’est dire le rôle primordial des médecins
pédiatres, des médecins de PMI, des médecins généralistes dans le dépis-
tage de ces surdités. Il est essentiel pour tous les enfants quel que soit l’âge,
même si le dépistage était normal à la naissance, de rechercher les indices
qui doivent alerter : inquiétude exprimée par les parents, absence ou
inconstance des réactions aux stimulations sonores, troubles de la commu-
nication, troubles du comportement, retard de compréhension et/ou
d’expression qui peuvent être liés à une déficience auditive.
Méthodes de dépistage utilisables par le praticien non ORL
Dans les 4 premiers mois
Le praticien peut avec l’aide d’un audiomètre ou de boîtes à bruits codi-
fiées (tests comportementaux de Veit et Bizaguet), voire avec la voix de la
mère qui peut l’appeler, vérifier que l’enfant réagit par une phase d’arrêt
Tableau 4.I Principaux facteurs de risques de surdité néonatale motivant
un test auditif adapté pour chaque enfant (réactualisés par K. Asano en 1990)
Antécédents familiaux d’hypoacousie en dehors des cas où une étiologie acquise a pu
être formellement démontrée.
Infection prénatale (CMV, rubéole, toxoplamose, oreillons, herpès).
Malformation congénitale touchant la tête et le cou même s’il n’y a pas de malformation
du pavillon de l’oreille.
Poids de naissance inférieur à 2 000 grammes.
Anoxie néonatale sévère (Apgar de 0 à 3).
Détresse respiratoire ayant nécessité une réanimation avec de fortes concentrations
d’oxygène ou une ventilation prolongée.
Hyperbilirubinémie (BLN supérieure à 0,5).
Troubles neurologiques d’origine centrale.
Infection grave et traitements par ototoxiques (notamment aminoside et furosémide
supérieur à cinq jours).
L’ESSENTIEL
Le meilleur dépistage est un examen clinique complet, avec écoute
attentive des signes décrits par le parent présent, avec vérification simple
de l’absence de bouchon de cérumen dans les oreilles et avec l’étude de la
réactivité comportementale avec des outils faciles d’utilisation.
Audition et dépistage de la surdité 37
POUR EN SAVOIR PLUS
Les oto-émissions acoustiques
Les oto-émissions provoquées (OEAP) sont des sons de très faible intensité
émis par la cochlée de manière rétrograde et enregistrables dans le conduit
auditif externe dans trois conditions possibles. Elles sont soit spontanées,
soit créées en réponse à des clics (oto-émissions acoustiques provoquées)
soit des réponses à une stimulation auditive par deux sons purs (produits
de distorsion).
L’enregistrement de ces oto-émissions se fait par l’intermédiaire d’une sonde
munie d’un embout placé dans le conduit auditif externe. Le seul paramètre
d’intérêt clinique est la présence ou l’absence de ces oto-émissions. Leur
présence est corrélée au seuil auditif. Elles sont toujours enregistrables
lorsque le seuil audiométrique est inférieur ou égal à 30 dB. L’enregistrement
doit être réalisé chez un nouveau-né endormi ou très calme.
Ce test de dépistage offre plusieurs avantages par rapport aux tests
comportementaux :
- il est objectif, spécifique de l’audition, et plus sensible;
- il permet de dépister toutes les surdités bilatérales ou unilatérales dès que
le déficit atteint ou dépasse 30 dB;
- il utilise une faible intensité de stimulation;
- il est rapide (3 à 4 minutes pour tester les deux oreilles) et donc évite
toute nécessité de prémédication;
Les limites du test sont :
- l’existence de bruits parasites (bruit nasal, déglutition, etc.), une agitation,
peuvent empêcher l’enregistrement des oto-émissions provoquées;
- une pathologie de l’oreille moyenne (dysfonctionnement tubaire, otite,
etc.) empêche souvent le recueil des oto-émissions.
Les potentiels évoqués auditifs automatisés (PEAA)
Principe : il recueille l’activité électrique des voies et des centres auditifs
produite par une stimulation acoustique. La mise au point récente d’appa-
reil automatisé permet de déterminer objectivement si les potentiels sont
présents ou absents à une intensité sonore donnée (réponse binaire). Ce
test est objectif, rapide mais un peu plus long que l’enregistrement des
OEAP (environ huit minutes). Il est faisable par un professionnel non
spécialiste et peut être réalisé comme les OEAP dès les premiers jours de
vie. Comme pour le test précédent, l’absence de réponse doit conduire à
un bilan diagnostique qui confirmera ou infirmera le déficit auditif.
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