Être connecté. Voilà la grande affaire! Ils ont mis des prises partout. (Je dis ils, car moi, je ne leur ai rien demandé). Ils ont même mis des prises dans le vent qui font que nous n’avons plus besoin de prises. C’est la nouvelle manière d’être relié et attaché. Avant, la paroi du mur nous permettait de retenir prisonnier un ordinateur déjà trop encombrant grâce à un câble. Mais lorsque le câble est dissout dans l’air, comment faire pour se tailler en douce et laisser la machine là où elle est? N’est-ce pas un grand malheur de ne plus pouvoir rompre ce lien? Le luxe ne serait-il pas d’être déconnecté? D’ailleurs, nous sommes des bêtes traquées. Quand nous ne sommes pas enchaînés à notre ordinateur, je veux dire lorsqu’on décide de descendre dans la rue pour respirer un bol d’air frais, ce sont les panneaux publicitaires qui sollicitent notre attention. Ils sont partout! Absolument partout. Même le dernier petit espace vide affiche encore un message qui vous suggère d’y mettre votre publicité. Regardez, si vous pouvez encore le voir, ce beau parterre de marguerites, caché par un immense panneau qui vous vend une côte de porc à neuf francs soixante. Soûlé et désaxé en permanence, il devient difficile d’arracher son esprit de la prise virtuelle ou publicitaire. Comment retrouver un havre de paix? Comment faire une pause Éloge de la déconnexion Frederic.Rauss@epfl.ch, Domaine IT salutaire? Devons-nous jeter notre téléphone portable au loin, comme on jetterait un caillou à un chien? Le temps de leurrer la meute féroce avide de sucer toute notre humanité et de filer par un chemin de traverse? Comme il est doux l’apaisement que l’on ressent, quand on se retrouve enfin avec soi-même. Comme on retrouverait un vieil ami qui vous dirait: Ça me fait plaisir de te revoir. Ça faisait si longtemps que tu n’étais pas venu me trouver. Pfouh! Comme ça fait du bien. On respire. On se remet à FI Mobil-IT – 1er septembre 2009 – page 6 voir. Tiens, le monde a de belles couleurs aujourd’hui. On entend le clapotement de la pluie sur le pavé. Le vent dans les feuilles. Les oiseaux qui chantent. Les enfants qui rient aux éclats un peu plus loin sur la place de jeux. Le camion poubelle du lundi matin, oui, même le camion poubelle du lundi matin. Comme tout ceci me parle plus personnellement, plus intimement. Fort de cette prise de contact avec soi-même, on se rend compte qu’il est effectivement très important d’être connecté. Non pas technologiquement ni mécaniquement, mais organiquement. Afin de faire de nouvelles boutures, de permettre à de nouveaux rameaux de pousser. Il est grand temps d’étendre nos racines, d’entrer en contact avec le terreau vivant de notre être et de nos rêves. Peut-être se sentira-t-on un peu perdu au début. Mais très vite, on aperçoit autour de soi quantité de prises pour se relier. Le chant du merle, un poème, un sourire, autant de petites choses qui nous offrent d’entrer de plain-pied dans la vie, d’entrer en relation avec soi-même et les autres. Tant d’hommes et de femmes qui nous ont précédés, ont fait de leur vie un accueil pour maintenir vivantes nos valeurs d’humanité. Leurs outils étaient bien souvent rudimentaires: du papier, de l’encre. Des matériaux aussi élémentaires que du silex taillé en forme de flèche en regard des nouvelles technologies. Mais cela reste tout de même rudement efficace et pénétrant quand on décide de faire taire la rumeur techno-publicitaire et de se reconnecter à notre part féconde. Peut-être n’avons-nous même jamais rien inventé de plus élaboré. n