Université Pierre Mendès France – Grenoble 2
Année universitaire 2005-2006
La philosophie politique
de Spinoza
Cours de Thierry Ménissier
***
Master « Histoire de la philosophie »,
2ème année, UE 19 « Etudes autoriales »
et
Préparation à l’agrégation externe de philosophie,
Epreuve de commentaire de texte écrit
Argument du cours
Ce cours a pour objet l’étude de la philosophie politique de Spinoza. Il part de
l’hypothèse qu’elle se construit autour d’un double thème. D’une part, le penseur hollandais
entreprend de construire une philosophie de la politique entièrement rationnelle, centrée sur
l’accord des substances individuelles pensées comme conatus lorsqu’elles agissent selon la
raison ; de l’autre, il se fonde sur la reconnaissance de l’importance des passions.
D’un côté, dominée par l’Ethique, l’œuvre spinoziste propose l’idée d’une
communauté des hommes conduits par la raison, et se présente de ce fait comme une des
tentatives les plus abouties pour conférer une signification positive à l’expression si souvent
oxymorique « philosophie politique ». De l’autre, la dynamique des passions anime l’ordre
social pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur : l’expression des passions renforce la
puissance collective, rendant inutile le modèle contractualiste ; pour le pire : elle attise la
haine, singulièrement dans le cas des passions religieuses.
Alors, tandis que l’ambition du penseur hollandais n’est ni de changer radicalement
l’homme passionné, ni même d’apaiser intégralement les tumultes qui naissent spontanément
dans la cité, comment réaliser la communauté des hommes guidés par la raison ? Qu’est-ce
que peut être une politique philosophique à la fois pleinement rationnelle et admettant
l’influence des passions dans la conduite des hommes ? La solution théorique à ces questions
paraît reposer sur le traitement spinoziste des relations entre nature et raison, qui engendre une
reformulation du droit naturel ; leur solution pratique semble consister dans le développement
des conséquences d’une idée de souveraineté tout à fait originale, qui se résume dans
l’expression « puissance de la multitude », et en la promotion d’un Etat fondé sur la liberté
des sujets, mus par le droit naturel.
Nous verrons que parce qu’il bouleverse la théorie de l’obéissance proposée par
Hobbes, Spinoza contribue à forger une nouvelle représentation de l’obligation civique, et
qu’il est de ce fait un des fondateurs de la démocratie. Et que, parce qu’il propose de
constituer une « politique de l’immanence », il est l’inspirateur des penseurs politiques
contemporains théoriciens de la démocratie radicale, c’est-à-dire, au-delà des formes
démocratiques actuelles, l’instigateur de voies qui sont encore à explorer.
Plan du cours
Introduction : Particularités et enjeux de la philosophie politique de Spinoza
1.1.Philosophie et politique
I.1.Le corpus problématique de la théorie politique spinoziste
I.1.1.Trois moments théoriques indépendants ?
I.1.2.Le projet d’unifier la tradition réaliste et l’exigence philosophique
I.2.Philosophie, politique et anthropologie
I.2.1.Une politique du conatus ?
- Identification du conatus
- La composition des conatus
I.2.2.La redéfinition du droit naturel
- Du droit naturel considéré en général
- Le « droit de nature » selon Hobbes
1.2.Politique et passions
I.3.Des hommes passionnés naturellement en lutte les uns contre les autres
I.3.1.Le régime des passions contraires
I.3.2.Etat de nature et état civil conçus en fonction de la théorie des passions
I.4.L’efficience socio-politique des passions
I.4.1.La loi de l’imitation affective
I.4.2.L’efficience politique des passions et de l’imagination dans la constitution
d’une nation : l’Etat des Hébreux
- Logique de la superstition
- De la supériorité réelle des Hébreux sur les autres peuples
II.Les modes concrets de la vie politique
II.1.Institution de la société politique et affirmation de la liberté collective
II.1.1.Déterminer le droit positif qui correspond à la redéfinition du droit naturel
II.1.2.Liberté et libéralisme
II.2.Du contrat social à son dépassement
II.2.1.La théorie spinoziste du transfert de doit par contrat
II.2.2.La critique du contrat et la remise en question du concept hobbésien de
« populus » au profit de celui de « multitudo »
- « Multitude » et « peuple » selon Hobbes : l’institution du sujet collectif
légitime
- L’affirmation spinoziste de la « multitude » et l’idée d’un transfert de droit
non juridique
II.3.La multiplicité des régimes, ou la politique dans l’histoire
II.3.1.Une typologie des régimes
II.3.2.Quel est le meilleur régime ?
II.4.Politique et religion, leurs relations concrètes
Bibliographie
1.Textes et éditions utilisés :
-Traité de la réforme de l’entendement, traduction A. Koyré, Paris, Vrin, 1984.
-Ethique, traduction de Ch. Appuhn, tome III des Œuvres, Paris, Flammarion, « GF »,
1965 ; traduction avec le texte original en regard de B. Pautrat, Paris, Le Seuil,
1988.
-Traité théologico-politique : traduction Ch. Appuhn, tome II des Œuvres de Spinoza
(reéd. Flammarion, « GF », 1965). Si, pour des raisons de commodité, les références
courantes du cours sont effectuées dans cette édition, nous nous appuyons
systématiquement sur celle de J. Lagrée et de P.-F. Moreau, avec le texte latin en
regard, tome III de la nouvelle collection des Œuvres (Paris, P.U.F., coll.
« Epiméthée », 1999).
-Traité politique : traduction de Ch. Appuhn, tome IV des Œuvres (Flammarion,
« GF », 1966) pour les références courantes, mais nous nous sommes également
référés à celle de P.-F. Moreau, avec le texte latin en regard et un index approfondi
(Paris, éditions Répliques, 1979), et à celle d’E. Saisset (1842) révisée par L. Bove
(Paris, L.G.F., « Livre de Poche/Classiques de la philosophie », 2002). A signaler la
nouvelle traduction récente par Charles Ramond, Tractatus politicus / Traité
politique, in Œuvres V, Paris, P.U.F., « Epiméthée », 2005.
-Lettres, traduction Ch. Appuhn, dans le tome IV des Œuvres, op. cit.
2.Commentaires consultés :
-Etienne Balibar,
-Spinoza et la politique, Paris, P.U.F., 1985.
-« Individualité et transindividualité chez Spinoza », dans Pierre-François Moreau
(dir.), Architectures de la raison. Mélanges offerts à Alexandre Matheron, Paris,
E.N.S. Editions, 1996.
-Olivier Bloch (dir.), Spinoza au XXème siècle, Paris, P.U.F., 1993.
-Laurent Bove,
-La stratégie du conatus. Affirmation et résistance chez Spinoza, Paris, Vrin, 1996.
1 / 101 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !