C A S C L I N I Q U E Le signe du double ligament croisé postérieur M. X. est un sportif de 35 ans qui pratique la natation au moins trois fois par semaine. Une violente douleur du compartiment interne du genou gauche accompagnée d’un blocage en flexion est apparue au cours d’un entraînement. La persistance de la symptomatologie et la gêne fonctionnelle l’amènent à consulter. Le genou est difficilement examinable en raison de la douleur et de l’existence d’une phlébite associée. Les clichés standard ne montrent pas de lésion ostéo-articulaire. Une IRM du genou est demandée à la recherche d’une lésion méniscale. Cet examen comporte des séquences sagittales en T1 et T2* (écho de gradient [figure 1]), et des séquences coronales en T1 (figure 2) et en STIR (short TI inversion recovery : séquence pondérée T2 avec suppression du signal de la graisse [figure 3]). Il permet de conclure à l’existence d’une anse de seau méniscale interne luxée dans l’échancrure intercondylienne, associée à des images de contusion osseuse. Le diagnostic d’anse de seau migrée du ménisque interne est confirmé par l’arthroscopie du genou et une ablation monobloc du ménisque est effectuée. Figure 1. Coupe sagittale du genou G en écho de gradient T2* (920/22 : TR/TE). Il existe deux bandes de bas signal dans l’échancrure intercondylienne ; la plus postérieure correspond au ligament croisé postérieur normal, la plus antérieure et inférieure correspond à la languette méniscale luxée simulant un “2e ligament croisé postérieur”. 36 ! ! DIAGNOSTIC ! OBSERVATION Figure 2. Coupe coronale T1 (600/12 : TR/TE ) passant par la partie antérieure de l’échancrure. Le ménisque interne présente un signal et des contours anormaux, et il existe une image de bas signal, linéaire, adossée à l’épine tibiale médiale, correspondant à la languette méniscale luxée. Figure 3. Coupe coronale STIR (3180/30 : TR/TE) : la languette méniscale est visualisée dans cette séquence, qui montre également des signes de contusion de l’os spongieux du plateau tibial latéral. La Lettre du Rhumatologue - n° 267 - décembre 2000 C COMMENTAIRES Sur les séquences sagittales en T2* (figure 1) et T1, il existe en effet en avant et au-dessous du ligament croisé postérieur (LCP) une bande en bas signal ressemblant à une structure ligamentaire, de direction parallèle à celle du LCP, simulant un deuxième LCP, et qui ne correspond pas à une structure anatomique normale. Il s’agit d’une bandelette méniscale provenant du ménisque interne luxée dans l’échancrure (anse de seau migrée). Cette image a été décrite comme le signe du double ligament croisé postérieur, car elle a le même signal et la même direction que le LCP sur les coupes sagittales. Le LCP est aisément identifiable sur les coupes sagittales sous forme d’une structure linéaire épaisse, en hyposignal T1 et T2, décrivant une courbe à concavité antéro-inférieure, située dans l’échancrure intercondylienne. Il s’insère sur la surface rétrospinale du tibia, traverse l’échancrure intercondylienne et s’attache sur la face latérale du condyle médial du fémur. L’existence d’une deuxième image de LCP est anormale et doit faire évoquer le diagnostic de luxation méniscale. Les coupes parasagittales et coronales T1 permettent de confirmer l’existence d’une rupture du ménisque interne restant et l’anse de seau visible dans l’échancrure intercondylienne, en dessous du LCP au contact de l’épine tibiale médiale (figure 2). A S C L I N I Q U E La luxation méniscale est aussi observée sur la séquence STIR (figure 3) malgré une moins bonne définition des images. Cette séquence STIR est surtout utile pour montrer les lésions osseuses ou ligamentaires associées à la lésion méniscale. Ici, il existe un hypersignal de l’os spongieux du plateau tibial latéral traduisant une contusion osseuse, moins nettement visible sur la séquence T1 (figure 2). L’anse de seau méniscale provient d’une fente longitudinale verticale complète du ménisque qui le sépare en deux fragments, restant solidaires par leurs deux extrémités : un fragment périphérique non déplacé, un fragment central qui va se loger dans l’échancrure intercondylienne, créant l’image classique en arthrographie de l’anse de seau migrée. Ces images s’observent avec une plus grande fréquence au niveau de la partie moyenne et de la corne postérieure du ménisque interne. L’IRM est une technique sensible qui permet, comme l’arthrographie, de diagnostiquer les lésions méniscales et leur étendue. Elle donne des informations très précises sur les déplacements de languettes méniscales vers des zones articulaires moins accessibles à l’arthrographie, telles que l’échancrure intercondylienne, ce qui permet de faire un bilan détaillé des lésions avant une arthroscopie thérapeutique. C. Le Breton, service de radiologie, hôpital Tenon, Paris