Philosophies médiévales du langage (et de l’esprit) – C
ESALLI
/Fribourg SP 2012/1
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« Le son vocal ne signifierait rien si n’existaient l’accord et la volonté des hommes voulant intelliger au
moyen du son vocal ce que l’intellect d’un autre homme veut signifier ou consignifier par ce <son
vocal>. C’est pourquoi signifier ou consignifier n’appartient pas au son vocal lui-même, mais à
l’intellect par le moyen du son vocal. Par conséquent, s’il fallait attribuer un mode de signifier à quelque
chose, on devrait l’attribuer davantage à l’intellect <qu’au son vocal>. »
[9] « Differt autem significatio a suppositione primo quia aliqua significatio est ad placitum eo quod
terminus habet illam ex arbitrio voluntatis […]. Suppositio igitur non oritur ex principio voluntatis sed
ex natura rei; verbi gratia non est ex arbitrio voluntatis quod talis consequentia sit bona ‘homo currit
igitur iste homo currit vel iste homo currit et sic de aliis’. […] Similiter terminus qui significat ratione
sue significationis tantum includit duos respectus rationis: unum ad intellectum concipientem, alium ad
rem ad quam movet intellectum intelligendam ; terminus autem qui supponit includit illos duos
respectus et cum hoc tertiam habitudinem habet ad terminum respectu cuius subicitur vel predicatur
[…]. » [Richard Brinkley, De suppositionibus (= Summa logicae, IV), ch. 1, ed. Cesalli & Lonfat – travail en
cours]
« La signification diffère en effet de la supposition tout d’abord en cela que la signification est
conventionnelle puisqu’un terme la possède en vertu d’un choix volontaire […]. La supposition, donc,
n’est pas d’origine volontaire mais provient de la nature de la chose ; par exemple : ce n’est pas en vertu
d’un choix de la volonté que l’inférence suivante est valide : ‘un homme court, donc cet homme-ci
court, ou cet homme-là court, et ainsi des autres’. […] De même, un terme qui signifie n’entre que
dans deux relations de raison en vertu de sa signification : l’une par rapport à l’intellect qui conçoit <la
chose>, l’autre par rapport à la chose à l’intellection de laquelle <ce terme> conduit l’intellect ; mais
un terme qui suppose entre dans ces deux relations, et avec cela, il présente une troisième relation par
rapport au terme dont il est sujet ou prédicat […]. »
[10] « Sed notandum quod quintuplex est proposicio, scilicet : mentalis, vocalis et scripta proposicio ; realis,
ut quelibet res movens ad componendum vere vel false ; et quinta proposicio est sic esse sicut proposicio
significat. […] Proposicio realis est, ut iste homo, iste lapis, etc. quia sicut in alia proposicione est
subiectum et predicatum et copula, sic in isto homine est dare istam personam, que est pars subiectiva
speciei humane, que est tamquam subiectum ; et est dare similiter naturam humanam, que essencialiter
inest isti homini tamquam predicatum, et realiter predicatur de isto homine ; et est dare essenciam istius
hominis, que est realis copula copulans istum hominem cum sua natura. Et sicut in proposicione
artificiali predicatum dicitur de subiecto, sic in ista proposicione reali, iste homo est essencialiter et
realiter natura humana. Quinta proposicio est veritas significata a parte rei, sicut ista veritas : hominem
esse est veritas complexe, quia verum complexum ; et hec est causa qualiter debet dici proposicio. »
[Jean Wyclif, Lociga, c. 5, ed. Dziewicki, p. 14]
« Il faut noter qu’il y a cinq types de proposition, à savoir : mentale, vocale et écrite ; <la proposition>
réelle, comme n’importe quelle chose motivant <l’intellect> à juger avec vérité ou avec fausseté ; et la
cinquième proposition est : ‘en être ainsi que le signifie une proposition’. […] Une proposition réelle
est par exemple cet homme-ci, cette pierre-ci, etc., parce que de même que dans une autre proposition,
il y a un sujet, un prédicat et une copule, de même, il y a dans cet homme-ci : cette personne, qui est le
substrat de l’espèce humaine et qui est comme un sujet ; et il y a également la nature humaine qui existe
essentiellement dans cet homme comme un prédicat et se prédique réellement de cet homme ; et il y a
l’essence de cet homme, qui est une copule réelle couplant cet homme <i.e. cette personne> avec sa