PRESQUE Cp-REPR´
ESENTATIONS ET (ϕ, Γ)-MODULES
par
Laurent Berger
R´esum´e. — On associe deux presque Cp-repr´esentations `a un (ϕ, Γ)-module, et on en
calcule les dimensions et les hauteurs. Comme corollaire, on obtient un r´esultat de pleine
fid´elit´e pour les Be-repr´esentations.
Abstract (Almost Cp-representations and (ϕ, Γ)-modules). — We associate two
almost Cp-representations to a (ϕ, Γ)-module, and we compute their dimensions and heights.
As a corollary, we get a full faithfulness result for Be-representations.
Table des mati`eres
Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1. B-paires, (ϕ, GK)-modules et (ϕ, Γ)-modules......................... 5
2. Rappels et compl´ements sur les presque Cp-repr´esentations. . . . . . . . . . . 8
3. Les presque Cp-repr´esentations associ´ees aux B-paires. . . . . . . . . . . . . . . . 10
4. Pleine fid´elit´e pour les Be-repr´esentations............................ 15
R´ef´erences.............................................................. 16
Introduction
Dans tout cet article, Kest une extension finie de Qp(on pourrait sans doute se borner
`a supposer que le corps r´esiduel de Kest parfait mais dans [Fon03] on suppose que K/Qp
est finie et nous faisons de mˆeme par pr´ecaution) et on note GK= Gal(K/K) le groupe
de Galois absolu de K. Afin d’´etudier les repr´esentations p-adiques de GK, Fontaine a
introduit un certain nombre d’objets (anneaux de p´eriodes p-adiques, (ϕ, N)-modules
filtr´es, (ϕ, Γ)-modules, presque Cp-repr´esentations. . .) et il est toujours ineressant et
fructueux de faire le lien entre ces diff´erents objets. Dans cet article, nous montrons
comment on peut associer `a un (ϕ, Γ)-module deux presque Cp-repr´esentations, et nous
Classification math´ematique par sujets (2000). — 11F80; 11F85; 11S15; 11S20; 11S25; 14F30.
Mots clefs. — Th´eorie de Hodge p-adique; presque Cp-repr´esentations; B-paires; (ϕ, Γ)-modules;
(ϕ, GK)-modules; pentes de Frobenius.
2LAURENT BERGER
en calculons la dimension et la hauteur. Avant de donner un ´enonc´e pr´ecis, nous faisons
`a pr´esent quelques rappels pour d´ecrire les objets qui interviennent dans l’article.
Les (ϕ, Γ)-modules. — Afin de simplifier les notations, nous ne d´efinissons l’anneau de
Robba que pour K=Qpdans l’introduction. On note B
rig,K l’anneau de Robba, c’est-`a-
dire l’anneau des s´eries formelles f(X) = PkZakXktelles que akKet qui convergent
sur une couronne ρf<|X|p<1 o`u ρf<1 d´epend de f. On note B
Kle sous-espace de
B
rig,K form´e des s´eries f(X) telles que la suite {ak}kZest born´ee ce qui fait que B
K
est un corps muni de la norme de Gauss et dont on note A
Kl’anneau des entiers. Ces
anneaux sont tous munis d’un frobenius ϕefini par (ϕf)(X) = f((1 + X)p1) et d’une
action de Γ = Gal(K(µp)/K)χ
Z×
pdonn´ee par (γf)(X) = f((1 + X)χ(γ)1).
Un (ϕ, Γ)-module est un B
rig,K -module libre muni d’un frobenius semi-lin´eaire ϕtel
que Mat(ϕ)GLd(B
rig,K ) et d’une action semi-lin´eaire de Γ continue et commutant
`a ϕ. On dit qu’un tel objet est ´etale s’il en existe une base dans laquelle Mat(ϕ)
GLd(A
K). En combinant des r´esultats de Fontaine ([Fon90]), Wintenberger ([FW79]
et [Win83]), Cherbonnier et Colmez ([CC98]) et Kedlaya ([Ked05]) on trouve que les
(ϕ, Γ)-modules ´etales forment une cat´egorie qui est naturellement ´equivalente `a celle de
toutes les repr´esentations p-adiques de GKce qui explique leur importance.
Les ϕ-modules sur B
rig,K ont ´et´e ´etudi´es par Kedlaya (voir par exemple [Ked04]) qui a
d´egag´e une notion de pente et montr´e que tout ϕ-module sur B
rig,K admet une filtration
canonique telle que les gradu´es sont isoclines de pentes croissantes. Les ϕ-modules ´etales
sont ceux qui sont de pente nulle. Si D est un ϕ-module de rang 1, alors il existe une base
de D dans laquelle λ= Mat(ϕ)K×et la pente de D est alors la valuation de λ. Si D
est de rang >1, alors le degr´e de D est par d´efinition la pente de det(D).
Les B-paires. — Les B-paires sont des objets introduits dans [Ber08] qui g´en´eralisent
les repr´esentations p-adiques, et la cat´egorie des B-paires est alors ´equivalente `a celle de
tous les (ϕ, Γ)-modules sur l’anneau de Robba. Pour d´efinir les B-paires, on utilise les
anneaux B+
dR,BdR et Be=Bϕ=1
cris de Fontaine. Notons que ces trois anneaux sont filtr´es
et que leurs gradu´es respectifs sont Cp[t], Cp(t) et {PCp[t1] tels que P(0) Qp}.
On a BeBdR et B+
dR BdR et ces trois anneaux sont par ailleurs reli´es par la «suite
exacte fondamentale »: 0 QpBeBdR/B+
dR 0.
Si Dest un ϕ-module filtr´e qui provient de la cohomologie d’un sch´ema Xpropre et
lisse sur OK, alors le ϕ-module sous-jacent ne d´epend que de la fibre sp´eciale de X(c’en
est la cohomologie cristalline) alors que la filtration ne d´epend que de la fibre g´en´erique
(c’est la filtration de Hodge de la cohomologie de de Rham, dans laquelle se plonge la
cohomologie cristalline). Si V=Vcris(D), alors on voit que BeQpV= (Bcris K0D)ϕ=1
PRESQUE Cp-REPR´
ESENTATIONS ET (ϕ, Γ)-MODULES 3
ne d´epend que de la structure de ϕ-module de Det de plus, les ϕ-modules D1et D2sont
isomorphes si et seulement si les Be-repr´esentations BeQpV1et BeQpV2le sont (cf. la
proposition 8.2 de [Fon03]). Par ailleurs, B+
dR QpV= Fil0(BdR K0D) et les modules
filtr´es KK0D1et KK0D2sont isomorphes si et seulement si les B+
dR-repr´esentations
B+
dR QpV1et B+
dR QpV2le sont.
L’id´ee sous-jacente `a la construction des B-paires est d’isoler les ph´enom`enes li´es `a la
«fibre sp´eciale »et `a la «fibre g´en´erique »en consid´erant non pas des repr´esentations
p-adiques V, mais des «B-paires »W= (We, W +
dR) o`u Weest un Be-module libre muni
d’une action semi-lin´eaire et continue de GKet o`u W+
dR est un B+
dR-r´eseau stable par GK
de WdR =BdR BeWe.
Si Vest une repr´esentation p-adique, alors W(V) = (BeQpV, B+
dR QpV) est une
B-paire et si Dest un (ϕ, N)-module filtr´e, alors
W(D) = ((Bst QpD)ϕ=1,N=0,Fil0(BdR QpD))
est aussi une B-paire. On sait associer `a toute B-paire un (ϕ, Γ)-module D(W) sur l’an-
neau de Robba et par le th´eor`eme A de [Ber08] le foncteur qui en r´esulte est une
´equivalence de cat´egories. De plus, cette ´equivalence est compatible `a celle entre les
repr´esentations p-adiques de GKet les (ϕ, Γ)-modules ´etales, via le foncteur V7→ W(V).
Par ailleurs, si on se restreint aux B-paires de la forme W(D), alors on retrouve les
r´esultats de [Ber04].
Les presque Cp-repr´esentations. — Les presque Cp-repr´esentations sont des objets
d´efinis et ´etudi´es par Fontaine dans [Fon03]. Ce sont des espaces de Banach Xmunis
d’une action lin´eaire et continue de GKtels qu’il existe d>0 et des repr´esentations
p-adiques de dimensions finies V1et V2telles que X/V1=Cd
p/V2. Les presque Cp-
repr´esentations ont une dimension dimC(GK)(X) (l’entier dci-dessus) et une hauteur ht(X)
(qui vaut dim(V1)dim(V2)).
Si Fest un groupe formel, alors X= lim
F(mCp) contient VpF=QpZplim
F[pn]
et on a une suite exacte 0 VpFXtanF(Cp)0 ce qui fait que Xest une
presque Cp-repr´esentation, dont la dimension et la hauteur sont celles de F. Dans le cas
o`u F=Gm, on a X= (B+
cris)ϕ=pet plus g´en´eralement, les espaces (B+
cris)ϕh=pasont tous
des presque Cp-repr´esentations.
Presque Cp-repr´esentations et (ϕ, Γ)-modules. — Le r´esultat principal de cet ar-
ticle est la construction de deux presque Cp-repr´esentations X0(W) et X1(W) associ´ees
`a une B-paire Wainsi que le calcul de leurs dimensions et de leurs hauteurs. Si D est un
(ϕ, Γ)-module, alors le plus grand sous-module de D de pentes 60 est bien d´efini, et on
le note D60; on note aussi D>0= D/D60.
4LAURENT BERGER
Si West une B-paire, alors on pose X0(W) = ker(WeWdR/W +
dR) et X1(W) =
coker(WeWdR/W +
dR). Le r´esultat principal de notre article est alors le suivant (voir le
th´eor`eme 3.1 qui donne un r´esultat plus pr´ecis) :
Th´eor`eme A. — Si West une B-paire, alors X0(W)et X1(W)sont deux presque
Cp-repr´esentations. Si de plus D = D(W), alors :
(1) dimC(GK)X0(W) = deg(D60)et ht(X0(W)) = rg(D60);
(2) dimC(GK)X1(W) = deg(D>0)et ht(X1(W)) = rg(D>0).
Ce th´eor`eme permet d’associer `a un (ϕ, Γ)-module D un complexe de longueur 2 de
presque Cp-repr´esentations (c’est moralement le complexe [WeWdR/W +
dR]) dont la
dimension et la hauteur sont le degr´e et le rang de D. L’´etude du foncteur qui en r´esulte
promet d’ˆetre ineressante.
Le deuxi`eme r´esultat de cet article est un th´eor`eme de pleine fid´elit´e pour les Be-
repr´esentations. Toute Be-repr´esentation peut ˆetre vue comme le Wed’une B-paire et
en utilisant le th´eor`eme A, on trouve le r´esultat suivant (c’est le th´eor`eme 4.1), qui
r´epond par l’affirmative `a une question de Fontaine (voir la remarque en bas de la page
375 de [Fon03]). Ce th´eor`eme de pleine fid´elit´e pour les Be-repr´esentations (les fibres
sp´eciales des B-paires) est l’analogue du th´eor`eme A’ de [Fon03] qui concerne les B+
dR-
repr´esentations de longueur finie.
Th´eor`eme B. — Le foncteur d’oubli de la cat´egorie des Be-repr´esentations de GKvers
la cat´egorie des Qp-espaces vectoriels topologiques avec action lin´eaire et continue de GK
est pleinement fid`ele.
Le th´eor`eme A est dans le prolongement naturel des calculs de [Ber08]. Notons tou-
tefois que le fait que X0(W) et X1(W) sont des presque Cp-repr´esentations ainsi que le
th´eor`eme B s’inscrivent naturellement dans un projet ambitieux ayant pour but de faire
le lien entre B-paires, presque Cp-repr´esentations et espaces de Banach-Colmez (Fontaine
et Plˆut, travail en cours).
La plan de l’article est assez naturel. Dans le §1, on fait quelques rappels et compl´ements
sur les B-paires, les (ϕ, GK)-modules et les (ϕ, Γ)-modules et dans le §2 on fait de mˆeme
pour les presque Cp-repr´esentations. Le §3 est consacr´e `a la d´emonstration du th´eor`eme
A et le §4 `a celle du th´eor`eme B.
Remerciements : Les r´esultats et les techniques de cet article sont directement inspir´es
des travaux de Jean-Marc Fontaine et je le remercie pour ses nombreuses explications
patientes et ´eclairantes.
PRESQUE Cp-REPR´
ESENTATIONS ET (ϕ, Γ)-MODULES 5
1. B-paires, (ϕ, GK)-modules et (ϕ, Γ)-modules
Commen¸cons par faire des rappels tr`es succints sur les d´efinitions (donn´ees dans
[Fon94] par exemple) des divers anneaux de Fontaine que nous utilisons dans cet article.
Rappelons que e
E+= lim
x7→xpOCpest un anneau de caract´eristique p, complet pour la
valuation valEefinie par valE(x) = valp(x(0)) et qui contient un ´el´ement εtel que ε(n)
est une racine primitive pn-i`eme de l’unit´e. On fixe un tel εdans tout l’article. L’anneau
e
E=e
E+[1/(ε1)] est alors un corps qui contient comme sous-corps dense la clˆoture
alg´ebrique de Fp((ε1)). On pose e
A+=W(e
E+) et e
A=W(e
E) ainsi que e
B+=e
A+[1/p]
et e
B=e
A[1/p]. L’application θ:e
B+Cpqui `a Pk−∞ pk[xk] associe Pk−∞ pkx(0)
k
est un morphisme d’anneaux surjectif et B+
dR est le compl´et´e de e
B+pour la topologie
ker(θ)-adique, ce qui en fait un espace topologique de Fechet. On pose X= [ε]1e
A+
et t= log(1 + X)B+
dR et on d´efinit BdR par BdR =B+
dR[1/t]. Soit epe
E+un ´el´ement
tel que p(0) =p. L’anneau B+
max est l’ensemble des s´eries Pn>0bn([ep]/p)no`u bne
B+et
bn0 quand n→ ∞ ce qui en fait un sous-anneau de B+
dR muni en plus d’un Frobenius
ϕqui est injectif, mais pas surjectif. On pose e
B+
rig =n>0ϕn(B+
max) ce qui en fait un
sous-anneau de B+
max sur lequel ϕest bijectif. Remarquons que l’on travaille souvent avec
Bcris plutˆot que Bmax mais le fait de pr´ef´erer Bmax ne change rien aux r´esultats et est
plus agr´eable pour des raisons techniques.
Rappelons que les anneaux Bmax et BdR sont reli´es, en plus de l’inclusion Bmax BdR,
par la suite exacte fondamentale 0 QpBϕ=1
max BdR/B+
dR 0. Ce sont ces anneaux
que l’on utilise en th´eorie de Hodge p-adique. Le point de d´epart de la th´eorie des (ϕ, Γ)-
modules sur l’anneau de Robba est la construction d’anneaux interm´ediaires entre e
B+et
e
B. Si r > 0, soit e
B,r l’ensemble des x=Pk−∞ pk[xk]e
Btels que valE(xk)+k·pr/(p1)
tend vers +quand kaugmente. On pose e
B=r>0e
B,r, c’est le corps des ´el´ements
surconvergents, d´efini dans [CC98]. L’anneau e
B
rig =r>0e
B,r
rig d´efini dans [Ber02,§2.3]
est en quelque sorte la somme de e
B+
rig et e
B; de fait, on a une suite exacte (d’anneaux et
d’espaces de Fr´echet) 0 e
B+e
B+
rig e
B,r e
B,r
rig 0.
Rappelons que K0=W(k)[1/p] ; pour 1 6n6+, on pose Kn=K(µpn) et HK=
Gal(K/K) et ΓK=GK/HK. Si Rest un anneau muni d’une action de GK(c’est le
cas pour tous ceux que nous consid´erons), on note RK=RHK. L’anneau e
B,r
rig contient
l’ensemble des s´eries f(X) = PkZfkXkavec fkK0telles que f(X) converge sur
{p1/r 6|X|<1}. Cet anneau est not´e B,r
rig,K0. Si Kest une extension finie de K0, il lui
correspond par la th´eorie du corps de normes (cf. [FW79] et [Win83]) une extension finie
B,r
rig,K qui s’identifie (si rest assez grand) `a l’ensemble des s´eries f(XK) = PkZfkXk
K
avec fkK0
0telles que f(XK) converge sur {p1/er 6|XK|<1}o`u XKest un certain
´el´ement de e
B
Ket K0
0est la plus grande sous-extension non ramifi´ee de K0dans Ket
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