[…] À l’intérieur de la caverne, il n’y a pas que des prisonniers enchaînés, mais aussi
d’autres hommes qui vont et viennent. À l’extérieur, il y a enfin les « objets véritables »
(516a) et le Soleil qui les éclaire. Entre les ombres que les prisonniers voient sur le fond de
la caverne qui leur fait face et les réalités naturelles, il y a un niveau intermédiaire : celui des
objets fabriqués.
[…] Le mode de connaissance des prisonniers est comparable à la sensation : il s’impose
immédiatement à l’homme. La seule liberté est de fermer les yeux ou bien de recevoir
l’image visible qui leur fait face. Le mode de connaissance des hommes qui sont sortis de la
caverne et se sont habitués à la lumière éblouissante du jour est comparable à la vision des
Idées grâce à la philosophie. Entre les deux, il y a place pour une perception plus élaborée
que la simple sensation, une certaine connaissance des choses mais sans l’éclairage des
formes intelligibles : c’est le rapport au monde selon nos activités quotidiennes (les hommes
sont dits alors porteurs de « toutes sortes d’objets fabriqués »).
[…] Pour changer notre regard sur le monde et voir que les objets sensibles dépendent des
Idées-causes comme les ombres et les statues dépendent des modèles vivants, il faut un
travail difficile qui est d’abord pénible pour l’homme délivré de ses chaînes. L’éblouissement
de l’homme sorti de la caverne correspond à l’étonnement : le saisissement de l’homme qui
se rend compte de la richesse potentielle des réponses possibles à une question simple, et
qui découvre par là même un nouveau regard sur le monde.
[…] A aucun moment, Platon ne dit que la caverne serait « le monde sensible » et l’extérieur
de la caverne « le monde intelligible » : il y a un seul monde, mais l’homme peut le voir de
façon différente selon ce que son regard peut rencontrer. Le regard sensible voit les
apparences sensibles ; le regard de l’intelligence voit les réalités intelligibles.
D’après Jérôme Laurent, professeur de philosophie à l’université de Caen