Forum Autres voix…autres choix 24 février 2011 Fiche #4 Bâtir des alternatives Y A-T-IL URGENCE D’ATTEINDRE L’ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE? Discours dominant Avec une dette parmi les plus lourdes en Occident, le Québec doit retourner à l’équilibre budgétaire de toute urgence. Le temps n’est plus à la relance, il faut se serrer les coudes pour éponger les déficits liés à la crise. Les services publics sont trop généreux. Si on ne coupe pas dans le budget, les impacts du vieillissement de la population sur les dépenses en santé et sur la réduction du nombre de personnes au travail enfermeront les Québécois dans une spirale de l’endettement. Proposition Étaler, à l’instar de l’Ontario et du gouvernement fédéral, le plan de retour à l’équilibre budgétaire sur une plus longue période et préserver la stimulation de la relance par des investissements publics. 1- La dette et le déficit n’atteignent pas des sommets catastrophiques Le retour à l’équilibre budgétaire ne doit pas être envisagé comme une nécessité supplantant toutes les obligations du gouvernement. Plus encore en temps de crise, l’État a un rôle à jouer afin de relancer l’économie et d’assurer un niveau de vie décent pour les plus démunis. A- Bien comprendre le déficit Le déficit budgétaire du gouvernement du Québec devrait atteindre les 4,5 milliards $ en 2010. Cette somme représente 1,5 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui constitue une proportion nettement inférieure à celle qu’on retrouve ailleurs: Déficit budgétaire en % du PIB en 2010 Royaume-Uni 11,4 % France 7,5 % Allemagne 3,0 % Ontario 3,5 % États-Unis (fédéral) 9,9 % Moyenne OCDE 7,5 % La situation financière du Québec est ainsi moins alarmante qu’on tente de le faire croire. Forum Autres voix…autres choix Ce déficit ne provient pas d’une explosion des dépenses publiques. Au contraire, on constate que la part des dépenses de l’État dans le PIB a même tendance à décroître. Elle est passée de 23 % au début des années 80 à 18 % en 2008, avant de remonter légèrement en raison de la récession. La baisse des revenus du gouvernement du Québec représente la principale cause du déficit. Près du tiers de ce dernier s’explique directement par les baisses d’impôts accordées par le gouvernement québécois entre 2003 et 2007. B- Bien comprendre la dette L’augmentation de la dette publique du Québec au cours des dernières années a été causée essentiellement par des investissements dans les immobilisations (infrastructures publiques, Hydro-Québec). Cela signifie aussi que le Québec possède des actifs en contrepartie de cette dette, actifs que nous cédons aux générations futures.1 Si l’atteinte de l’équilibre entre les recettes et les dépenses courantes est certes à atteindre, vouloir le faire trop rapidement comporte un coût important. La meilleure façon de réduire le déficit et la charge de la dette est encore l’augmentation des revenus découlant de l’activité économique. 2- L'austérité budgétaire risque de compromettre la relance La résilience de l’économie québécoise repose largement sur l’intervention de l’État; on peut dès lors s’interroger sur le bien fondé des mesures d’austérité budgétaire préconisées par le gouvernement du Québec, d’autant plus que la reprise est fragile, ici comme ailleurs. La réduction des investissements publics dans les infrastructures dès 2013 aura invariablement un effet négatif sur l’économie québécoise. Une réduction des services offerts par le gouvernement et du nombre d’emplois du secteur public pourrait ralentir la reprise. Le niveau de production de l’économie est l’élé- ment le plus important du ratio dette/PIB. Conséquemment, avant de penser couper dans ses dépenses, le gouvernement doit s’efforcer de stimuler une croissance qui assure des emplois de qualité tout en respectant notre environnement. 3- Les services publics sont en danger Depuis dix ans, le gouvernement s’est volontairement privé de plusieurs milliards de dollars en revenus par ses choix fiscaux. Cela explique en grande partie que les services publics souffrent aujourd’hui d’un financement problématique. Le cadre financier actuel prévoit une réduction du taux de croissance des dépenses de programmes de 4,6 % en moyenne depuis 2003 à 2,2 % par an jusqu’en 2013-2014, ce qui aura inévitablement des effets pervers sur la qualité des services publics. Un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite n’est pas remplacé, ce qui a pour conséquence de diminuer les services à la population. Beaucoup de services de première ligne, tant en santé, en éducation que dans des domaines moins connus comme l’inspection des bâtiments, ont également vu leur qualité diminuer. Le sous-financement entraîne la réduction de la qualité des services et contribue à miner l’appui de la population à leur endroit. Le retour à l’équilibre budgétaire doit passer par une augmentation des revenus de l’État soutenue par des mesures progressives et non par une réduction des ressources consacrées aux services publics. Toutefois, un engagement à financer les services publics adéquatement ne signifie pas qu’on ne doive pas envisager de revoir certains choix de gestion et de financement dans le secteur public ou qu’il n’y ait pas de meilleures pratiques qui puissent être mises en place. 1- Louis Gill : L’heure juste sur la dette du Québec. Juin 2010. http://www.economieautrement.org/IMG/pdf/ Gill_Dette_Heurejuste.pdf