des constituants cellulaires ou tissulaires, liée à une réponse
immunitaire anormale définie comme « autoagressive ». Cette
réaction est la conséquence d’une rupture de tolérance qui se
traduit par un dialogue « aberrant » entre les cellules présenta-
trices de l’antigène (cellules dendritiques) et les lymphocytes T
et B. Elle s’associe, dans la plupart des cas, à la production
d’autoanticorps qui peuvent être des marqueurs diagnostiques
ou, parfois aussi, des acteurs pathogènes détectés plusieurs
mois ou années avant l’apparition des signes cliniques [17].
Cette définition n’est pas d’un grand apport pour la pratique
quotidienne, en dehors des autoanticorps qui sont souvent uti-
lisés comme critères de classification. Les progrès physiopa-
thologiques permettent maintenant d’envisager une classifica-
tion plus nosologique qui pourrait s’appuyer sur quelques
avances conceptuelles.
3.2.1. Identification de maladies auto-immunes monogéniques
La grande majorité des affections auto-immunes est polygé-
nique, mais il existe quelques exemples d’affections monogé-
niques [18]. À ce jour, les trois principales sont des affections
très rares caractérisées par un défaut de régulation des lympho-
cytes T.
●Le syndrome IPEX (immune dysregulation polyendocrino-
pathy, entheropathy, X-linked) se caractérise dès l’enfance
par une atteinte digestive souvent sévère, un diabète de
type I, une thyroïdite et des cytopénies auto-immunes (ané-
mie hémolytique et thrombopénie). Ce syndrome est lié à
des mutations du gène FOX P3 qui code pour l’ADN-
binding protein scurfin nécessaire à l’activité des lymphocy-
tes T régulateurs CD4+, CD25+ [19,20] ;
●le syndrome ALPS (autoimmune lymphoproliferative syn-
drome) se caractérise par des mutations du système FAS/
FAS Ligand régulant l’apoptose lymphocytaire. Ce syn-
drome, dont il existe plusieurs formes, se caractérise globa-
lement par des manifestations auto-immunes cliniques et
biologiques (cytopénies) et l’apparition d’une lymphoproli-
fération CD4–/CD8–[21] ;
●le syndrome APECED (autoimmune polyendocrinopathy–
candidiasis–ectodermal dystrophy syndrome) appelé aussi
APS-1 (autoimmune polyendocrine syndrome-1) est caracté-
risé par les mutations du gène AIRE (auto-immune regulator
proteine) qui intervient dans l’éducation thymique des lym-
phocytes T régulateurs. Ce syndrome se caractérise par des
manifestations auto-immunes essentiellement endocrinien-
nes parfois associées à une candidose chronique [22].
Ces différentes affections sont extrêmement rares, mais
l’étude de leur mécanisme a permis de mieux comprendre le
fonctionnement du système immunitaire dans les maladies
auto-immunes.
3.2.2. Identification d’une « signature » cytokinique
des maladies auto-immunes
Les maladies auto-immunes sont caractérisées par une réac-
tion immunitaire avec un certain « profil » cytokinique. La
mise en évidence d’une « signature cytokinique » a été un pro-
grès conceptuel intéressant dans le lupus [23–25]. Dans cette
affection, plusieurs travaux ont démontré le rôle de l’interféron
de type I (α) qui est une cytokine produite par les cellules den-
dritiques plasmacytoïdes capables de moduler la réponse
immunitaire en activant les lymphocytes T et B autoréactifs.
En fait, cette signature interféron n’est probablement pas spé-
cifique du lupus, mais traduit l’initiation de certaines maladies
auto-immunes, comme le SGS et les thyroïdites, par l’activa-
tion des cellules dendritiques [26].
Àl’inverse, d’autres affections auto-immunes, comme la
PR, dépendraient du TNF-αdont l’un des effets pourrait être
d’inhiber la synthèse d’IFNα/β. Cette hypothèse permettrait
d’expliquer l’apparition de maladies auto-immunes (lupus)
dépendantes de l’IFN-α/βsous anti-TNF [27]. Ainsi, il y aurait
une régulation inhibitrice réciproque entre la production de
TNF-αet d’IFN-α/β, justifiant une classification en maladies
auto-immunes dépendantes de l’IFN et en maladies auto-
immunes dépendantes du TNF-α(Fig. 2).
En réalité, la situation est plus complexe car le TNF-αet les
interférons de type 1 ont des effets immunologiques qui peu-
vent varier en fonction de leur origine cellulaire, de leur
concentration et du moment auquel ils sont produits au cours
de la maladie [28]. Un des exemples les plus simples pour
illustrer cette complexité est l’existence d’affections associant
des signes de PR ou de lupus (appelées rhupus [rheumatoid
arthritis and lupus]).
3.2.3. Identification de maladies dysimmunitaires associant
des phénomènes d’allo- et d’auto-immunisation maternofœtale
Dans certaines affections considérées comme des allo-
immunisations maternofœtales, il a été décrit des phénomènes
d’auto-immunisation dont le rôle pathogène est discuté. Trois
exemples peuvent être décrits :
●les néphropathies extramembraneuses néonatales sont liées
à des IgG anti-NEP (neutral endopeptidase). Ces autoanti-
corps sont la conséquence d’une allo-immunisation mater-
nelle contre la NEP syncitiotrophoblastique qui est absente
chez la mère, mais présente dans les podocytes du rein de
l’enfant. Ces anticorps d’isotype IgG vont passer la barrière
fœtoplacentaire et se déposer en entraînant une néphropathie
extramembraneuse fœtale ;
●dans l’arthrogrypose congénitale, la mère qui est saine a des
autoanticorps antirécepteurs de l’acéthylcholine fœtale. Pen-
dant la grossesse, ces autoanticorps passent chez le fœtus
induisant une myasthénie et des contractures à l’origine de
l’arthrogrypose [29,30] ;
●l’hémochromatose néonatale est une affection rare qui pour-
rait être une affection liée à une allo-immunisation materno-
fœtale contre un antigène inconnu. Néanmoins, dans certai-
nes formes, il a été observé la présence d’autoanticorps, en
particulier anti-Ro/SS-A [31]. Dans une série récente de 15
patientes ayant donné naissance à des enfants avec une
hémochromatose néonatale, deux d’entre elles avaient un
lupus et une troisième des signes biologiques d’auto-
J. Sibilia / Revue du Rhumatisme 74 (2007) 714–725718