RESUMÉ Rapport : Le Plan pétrolier de Shell et Harper (Harper’s Shell Game) 23 juillet 2012 Le projet de pipeline Northern Gateway d’Enbridge, qui acheminerait le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta à la côte de la Colombie-Britannique, est devenu un enjeu politique majeur. Ce projet constitue la carte maîtresse du ministre Stephen Harper de transformer le Canada en une « superpuissance de l’énergie » issue des sables bitumineux. Pour réaliser ses ambitions, le gouvernement Harper s’est allié à des multinationales pétrolières en vue de lancer un assaut sans précédent contre la nature et la démocratie. Fondé sur des documents obtenus grâce à la Loi sur l’accès à l’information et tirés de dossiers publics, le rapport Harper’s Shell Game (Le Plan pétrolier de Shell et Harper) explore la façon dont une société pétrolière – Shell – et le gouvernement Harper ont construit une alliance et les raisons qui les ont poussés à le faire. Cette alliance vise à mettre en œuvre une « Stratégie de défense des sables bitumineux » qui a pour objectif de miner les lois de protection de l’environnement, au Canada, aux États-Unis et en Europe. Contrairement à de nombreuses autres sociétés pétrolières, Shell a accepté, il y a longtemps, la position consensuelle de la communauté scientifique sur les changements climatiques et a lancé un appel général à l’action pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, au cours de la dernière décennie, cette pétrolière a largement abandonné ses investissements dans les énergies renouvelables au profit d’une expansion importante de ses opérations d’exploitation des sables bitumineux. Cette expansion générerait suffisamment de pétrole pour remplir le pipeline proposé Northern Gateway d’Enbridge et prévoit deux projets importants d’exploitation des sables bitumineux, qui font présentement l’objet d’évaluations environnementales, tout comme le projet de pipeline. En plus de participer à cette stratégie d’investissement axée sur les énergies carbones, Shell a joué un rôle politique clé dans la campagne du gouvernement Harper contre les lois promouvant les combustibles à faible teneur en carbone aux États-Unis et en Europe, et a soutenu activement le projet de construction du pipeline Northern Gateway. La volonté du gouvernement Harper de faire du Canada une superpuissance de l’énergie semble servir les intérêts des sociétés pétrolières comme Shell, qui ont maintenant l’intention de produire du pétrole à partir des sables bitumineux, malgré les coûts et les effets polluants plus élevés, pour remplacer le pétrole provenant des réserves conventionnelles, en forte décroissance. Toutefois, cette stratégie va à l’encontre des intérêts de la population au pays, pour les raisons suivantes : • Elle est nocive pour l’environnement. La solution in extremis que représente la production de pétrole issu des sables bitumineux, une source qui génère plus de gaz carbonique, propulsera le réchauffement climatique à des taux catastrophiques. Une expansion des opérations d’exploitation des sables bitumineux accélère également la destruction de l’environnement dans les régions exploitées et intensifiera les effets nocifs sur la santé des communautés locales. Elle entraînera en plus d’autres problèmes en Colombie-Britannique, en raison des inévitables déversements pétroliers provenant des pipelines qui achemineront le pétrole des sables bitumineux et des navires pétroliers qui sillonneront les côtes. • Elle est nocive pour l’économie. L’Organisation de coopération et de développement économique, la Deutsche Bank et l’Alberta Premier’s Council on Economic Strategy (Conseil du premier ministre de l’Alberta pour une stratégie économique) ont tous émis des avertissements à l’effet que le Canada encourrait un risque important s’il adoptait une stratégie d’investissement à long terme qui repose sur les sables bitumineux. L’injection d’investissements supplémentaires dans les infrastructures liées à ce type de pétrole emprisonnerait le Canada dans une économie fortement polluante, aux dépens de solutions de rechange axées sur les énergies renouvelables. Ce choix empêcherait le Canada de développer les outils nécessaires pour prospérer dans un monde qui choisit de passer à l’action pour contrer les changements climatiques. • Elle est nocive pour la démocratie. Des documents obtenus grâce à la Loi sur l’accès à l’information révèlent de façon détaillée la collusion entre Shell et le gouvernement Harper et les efforts de ceux-ci pour miner les lois promouvant les énergies propres et la protection de l’environnement, lois qui nuisent à l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux. Cette stratégie de pressions en coulisse est accompagnée de déclarations publiques et de changements législatifs visant à intimider les groupes environnementaux et autochtones, qualifiés comme des « adversaires » dans les documents internes du gouvernement et comme des « radicaux » dans les déclarations publiques gouvernementales. Même si cette tentative de limiter la liberté d’expression constitue un geste fondamentalement anti-démocratique, le gouvernement poursuit de façon agressive ses efforts pour empêcher la tenue d’un débat sur le type de stratégie énergétique qu’il conviendrait d’adopter pour servir les intérêts nationaux du Canada. Les sables bitumineux ne constituent pas notre seule option en matière d’énergie. Les dernières études du Groupe d’experts gouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indiquent que nous possédons la technologie qui nous permettrait de résoudre la crise climatique. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) démontre qu’il serait beaucoup plus rentable de commencer à déployer ces technologies dès maintenant plutôt que de le faire plus tard. Le pire choix que nous pourrions faire, selon l’AIE, serait de maintenir le statu quo et d’éviter d’agir pour stopper le réchauffement climatique. Heureusement, nous sommes au fait des politiques publiques dont il faut se doter pour rapidement mettre en place les solutions climatiques nécessaires et bâtir ce que Greenpeace appelle la [R]évolution énergétique. Notre défi est d’interpeler les puissants interlocuteurs qui s’opposent à la mise en place de telles politiques, dont Shell et le gouvernement Harper. Ces acteurs choisissent de servir les intérêts restreints et à court terme de l’industrie pétrolière et d’en mousser les profits plutôt que de participer aux efforts collectifs pour construire une économie verte qui inversera le processus du réchauffement planétaire. À la lumière de cette perspective élargie, il est clair que certains projets, comme le lancement de nouvelles exploitations de sables bitumineux par Shell et la construction du pipeline Northern Gateway par Enbridge, vont à l’encontre des intérêts nationaux du pays.