A
SPECTS
S
OCIOLOGIQUES
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zôon politicon » (Simmel, 1999 : 162) (trad.)
1
. Le Tu et le comprendre,
insiste-t-il, sont des Urphänomen, des phénomènes originaires, comme
leur mise en relation prend la forme d’un Grundereignis, d’un événement
fondamental. Ceci étant, il s’agit de savoir dans quelle partie de l’œuvre
de Simmel ce problème est-il posé avec le plus d’acuité ? Où, en d’autres
termes, est-il possible de cerner au plus près le travail du comprendre et
de l’altérité ? Telles sont les questions qui ouvrent la présente étude.
Dans un article important, Lichtblau défend l’hypothèse suivant
laquelle c’est dans ses écrits sur la théorie de la connaissance et la théorie
de l’histoire que Simmel développe au mieux l’articulation entre der
Andere et das Verstehen, l’autre et le comprendre (Lichtblau, 1993 : 31).
En s’inspirant de cette hypothèse, il est possible de faire un pas
supplémentaire en disant que des écrits épistémologiques de Simmel le
plus central est celui sur Les problèmes de la philosophie de l’histoire
(Simmel, 1984 ; Simmel, 1997)
2
. Deux raisons corroborent ce propos.
D’une part, l’ouvrage connut trois versions — 1892, 1905 et 1907 —
suffisamment retravaillées pour ne plus être les répliques les unes des
autres. La correspondance entre Simmel et Rickert atteste de ces
retouches successives de même qu’elle confirme que Simmel travaillait
une quatrième version avant que celle-ci ne soit malheureusement
interrompue par sa mort (Gessner, 1999 : 294-296 ; Oakes & Röttgers,
1997 : 424-428). D’autre part, l’intérêt et l’importance de l’ouvrage
tiennent à ses difficultés presque insurmontables au plan théorique :
problème de la relation de proximité et de distance entre moi et autrui,
problème de la dérivation de la compréhension historique à partir de la
compréhension d’autrui, etc. L’amplitude de ces problèmes et des
solutions que Simmel propose pour y remédier constituera ainsi le cœur
ou le nexus de ce que le lecteur trouvera ici. Alors que la première partie
de l’essai s’attachera à la compréhension de l’altérité sous l’angle de
l’existence d’autrui, la seconde partie cherchera à penser l’altérité dans
l’éclairage de l’histoire en tant que totalité. Chacune de ces parties étant
1
« Das Du und das Verstehen ist eben dasselbe, […] ein Urphänomen des menschlichen
Geistes, wie das Sehen und das Hören, […] wie Raum und Zeit, wie das Ich; es ist die
transzendentale Grundlage dafür, dass der Mensch ein zôon politican ist ».
2
La version qui servira de référence ici est celle traduite par Raymond Boudon (Simmel :
1984). Il est à noter qu’une seule traduction a été modifiée à partir de la version originale
allemande parue dans les œuvres complètes de Simmel (Simmel : 1997 ). Il convient aussi
de noter que les difficultés de la thèse simmélienne nous autorisent à faire des va-et-vient à
l’intérieur du texte.