
Être atteint d’un cancer à l’adolescence : aspects psychologiques 39
Dans ce contexte, les transformations corporelles engendrées par la survenue d’un
cancer et par les traitements qui lui sont liés, viennent s’ajouter et se superposer aux
transformations pubertaires, voire les effacer. L’éclosion d’un cancer à l’adolescence
vient donc compliquer voire entraver le travail d’élaboration permettant l’appropria-
tion psychique du corps sexué (ainsi que toutes les problématiques pubertaires qui
lui sont corrélées), corps nouveau que l’adolescent doit pourtant adopter, apprendre
à aimer, et reconnaître comme sien. En outre, le cancer et les traitements qui lui sont
liés, peuvent venir alimenter le sentiment de l’adolescent d’être devenu étranger à lui-
même, voire augmenter le vécu préexistant d’avoir un « corps étranger » persécuteur,
qui l’inquiète et qui fait effraction.
Finalement, l’adolescent doit mener de front un travail psychique important qui
le confronte à un double traumatisme : celui de la violence liée à l’effraction puber-
taire (4, 5) et celui de la maladie. Ce travail d’élaboration psychique apparaît particu-
lièrement complexe et diffi cile, dans la mesure où il confronte l’adolescent, de façon
presque simultanée, à la découverte d’un corps érogène, sexué et de plaisir, très vite
(re)transformé, voire effacé par la maladie et les traitements en un corps agressé,
défaillant et douloureux. Les modifi cations pubertaires et la maladie représentent
ainsi deux phénomènes inédits qui coexistent brusquement, avec la menace toujours
présente que le « corps malade » fi nisse par occulter le « corps sexué », avec toutes les
conséquences que cela peut comporter sur le plan du développement psycho-sexuel.
E ets secondaires des traitements et appropriation du corps sexué
L’appropriation psychique du corps sexué est un enjeu majeur du travail d’adoles-
cence. La possibilité de s’identifi er au parent œdipien de même sexe, l’élaboration de la
bisexualité psychique, la mise en place d’une identité sexuelle défi nitive et d’une orien-
tation sexuelle, la reconnaissance et l’intégration psychique de l’appareil génital du
sexe opposé ainsi que l’acceptation de la masturbation comme moyen de découverte
et d’appropriation du corps sexué, représentent différents éléments qui conditionnent
et favorisent l’accès à une sexualité et à une position subjective adultes.
Dans le contexte de la survenue d’un cancer, l’appropriation du corps sexué est
compliquée voire entravée par les effets secondaires des traitements (perte des poils
et des cheveux, amaigrissement, fonte musculaire, endolorissement de certaines zones
érogènes, atrophie mammaire chez les fi lles). Ces effets secondaires peuvent en effet
être vécus consciemment ou inconsciemment par l’adolescent comme venant effacer
voire attaquer son corps sexué (6), ce fantasme pouvant induire celui d’un retour à
un corps prépubère, infantile et immature ou encore celui d’avoir un corps asexué ou
androgyne. Ainsi, l’effacement du corps sexué par les traitements peut comporter cela
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