Cours de Génétique des Populations F. Fleury
http://gen-net-pop.univ-lyon1.fr Univ. CB Lyon 1
Chapitre 4
Systèmes de croisements non panmictiques
1- les différents systèmes de croisements non panmictiques
Chez de nombreuses espèces, les croisements ne se réalisent pas au hasard.
L'hypothèse de panmixie n'étant pas respectée, la structure génétique des
populations va s'écarter de celle d'une population théorique idéale. Ces croisements
non aléatoires des individus d'une population peuvent soit correspondre à des
appariements plus fréquents entre individus de phénotypes ou de génotypes
déterminés = homogamie (assortative mating), soit être la conséquence de
croisements entre individus apparentés = consanguinité. Ces deux cas doivent être
distingués car ils n'ont pas les mêmes conséquences sur la structure génétique des
populations.
L'homogamie correspond des croisements entre phénotypes ou génotypes
particuliers qui sont plus fréquents que ceux attendus sous l'hypothèse de panmixie.
L'homogamie peut résulter d'un choix des conjoints sur la base de leur ressemblance
ou dissemblance phénotypique. Le choix des partenaires peut impliquer des critères
morphologiques, comportementaux ou sociaux. L'homogamie est généralement
positive car elle implique souvent des croisements entre individus phénotypiquement
semblables. Cependant, dans certains cas, des croisements plus fréquents se
réalisent entre individus de phénotypes (ou de génotypes) différents (homogamie
négative). L'homogamie peut être totale ou partielle si tout ou seulement une partie
des couples se forment sur la base d'un choix.
L'un des cas les plus connus d'homogamie positive est observé chez certaines
espèces de plantes où il existe une variabilité de la date de floraison. Les plantes qui
fleurissent tôt dans la saison seront préférentiellement pollinisées par d'autres
plantes à floraison précoce alors que les plantes qui fleurissent tardivement se
croiseront plutôt entre elles. Chez d'autres espèces de plantes, une variabilité de la
morphologie des organes mâles et femelles est à l'origine d'une homogamie négative
avec des croisements plus fréquents entre fleurs à stigmates courts et style long (et
inversement). Des exemples d'homogamie phénotypique positive peuvent aussi être
observés dans les populations humaines où la formation des couples peut se faire
sur la base de critères ethniques ou socio- culturels.
Les conséquences de l'homogamie sur la structure génétique des populations se
traduiront par une modification de la fréquence des génotypes uniquement pour les
caractères impliqués dans l'appariement sans que les fréquences allèliques à ces
loci soient modifiées. Les fréquences génotypiques et les fréquences alléliques de
tous les autres loci ne seront pas modifiées.
Cours de Génétique des Populations F. Fleury
http://gen-net-pop.univ-lyon1.fr Univ. CB Lyon 1
La consanguinité est la conséquence de croisements entre individus apparentés
c'est-à-dire des croisements entre individus qui possèdent un ou plusieurs ancêtres
communs. La consanguinité est un phénomène fréquent chez de nombreuses
espèces car elle ne résulte pas uniquement d'un choix délibéré de se croiser avec un
apparenté. Les causes d'une fréquence élevée de croisements consanguins sont en
effet de 3 grandes origines.
Le système de reproduction permet chez certains organismes hermaphrodites
l'autofécondation. C'est un cas extrême de consanguinité puisque chaque individu se
croise avec lui-même. Ce phénomène existe chez de nombreuses espèces de
plantes comme le maïs, le blé, le riz, la tomate, le coton, etc. Chez certaines
graminées, l'autofécondation peut dépasser 80%. L'autofécondation n'est cependant
pas le mode exclusif de reproduction et il existe souvent à la fois des croisements
autogames et des croisements allogames (entre des individus différents) qui
résultent de la mise en place de systèmes d'auto-incompatibilité. Chez les animaux,
l'autofécondation est plus rare. Elle existe chez certains vers parasites, chez des
mollusques et divers crustacés.
Le choix d'un croisement avec un apparenté peut s'observer dans certaines
populations humaines caractérisée par des structures sociales ou des traditions qui
favorisent l'union entre individus apparentés.`
La petite taille des populations est à l'origine de croisements consanguins
fréquents simplement parce que le choix des conjoints est limité. La probabilité de
s'apparier avec un apparenté est donc importante même si les croisements se
réalisent au hasard. Ce phénomène s'applique à toutes les espèces dont les effectifs
sont constamment faibles (espèces rares). Il existe également chez les espèces
ayant des effectifs plus grands, mais dont les populations sont spatialement
fragmentées ou avec de fortes structures sociales, ce qui contraint les individus à se
reproduire à l'intérieur d'un groupe d'effectif limité.
En partant du principe que chaque organisme à reproduction sexuée a 2 parents,
grands parents, arrières grands parents et à une génération t donnée
ancêtres, il suffit de très peu de générations pour obtenir un nombre d'ancètres
supérieur à la taille de la population surtout si celle-ci est faible. La probabilité de se
croiser avec un apparenté peut donc être élevée, même si les croisements se font au
hasard.
2
4=23
8=2t
2
Ainsi, toute population naturelle est caractérisée par un taux non nul de
consanguinité qui est négligeable lorsque l'effectif de la population est important mais
qui est d'autant plus fort que la population présente de faibles effectifs.
Cours de Génétique des Populations F. Fleury
http://gen-net-pop.univ-lyon1.fr Univ. CB Lyon 1
2- Consanguinité individuelle et apparentement
2-1 Parenté et consanguinité
Les notions de parenté et de consanguinité sont centrales pour comprendre le
fonctionnement génétique et l'évolution des populations.
La consanguinité reflète non seulement le système de reproduction d'une population,
mais permet également de quantifier les conséquences des variations d'effectifs
(dérive génétique). Le degré de parenté quantifie la ressemblance entre individus qui
partagent des gènes en commun et permet de mesurer de la part de la variabilité
phénotypique d'une population expliquée par des variations génétiques (héritabilité).
Il faut bien distinguer la parenté et la consanguinité:
- deux individus sont apparentés lorsqu'ils ont un ou plusieurs ancêtres
communs.
- un individu est consanguin lorsqu'il est issu du croisement de deux
individus apparentés.
Lorsqu'elles sont connues, les relations de parenté sont représentées par un arbre
généalogique. La figure ci-dessous représente un mariage entre cousins germains.
Dans cette généalogie, seul l'individu M est consanguin car il est issu du croisement
de deux individus apparentés (K et L). Ces individus K et L sont apparentés (cousins
germains) car ils ont deux de leurs quatre grand-parents en commun (C et D). Il
existe beaucoup d'autres individus apparentés dans cette généalogie (H avec C et D;
K avec A, B, C, G, H etc), mais il y a un seul individu consanguin car il n'y a qu'un
seul mariage entre apparentés.
Généalogie d ’un croisement entre cousins germains
G
K
HI
J
M
L
CDF
E
B
A
Cours de Génétique des Populations F. Fleury
http://gen-net-pop.univ-lyon1.fr Univ. CB Lyon 1
2-2 Identité des allèles, autozygotie et allozygotie
Le calcul des coefficients de consanguinité et de parenté est basé sur le concept
important d'identité des allèles par descendance (on parle aussi d'identité par
ascendance) qui fait appel à l'histoire des allèles.
Des allèles sont dits identiques par descendance lorsqu'ils proviennent de la copie
d'un même allèle ancestral sans qu'aucune mutation n'intervienne lors des processus
de réplication. Ces allèles ont donc tous comme origine la même séquence d'ADN
qui a été dupliquée en de nombreux exemplaires.
Deux allèles identiques par descendance sont donc du même état allélique, mais la
réciproque n'est pas vraie. Deux mêmes états allèliques (A par exemple) ne sont pas
forcément identiques par descendance car ils peuvent provenir de deux événements
mutationnels distincts. Ils seront alors notés Ai et Aj, les indices i et j (ij) signifiant 2
mutations différentes ayant produit des formes alléliques similaires dans leur état et
leur fonction.
On dit qu'un locus est autozygote s'il possède deux allèles identiques par
descendance. Ce locus est donc obligatoirement homozygote Ai Ai.
Un locus est allozygote lorsque ses deux allèles ne proviennent pas de la copie
d'un même allèle ancêtre. Un locus allozygote est donc soit hétérozygote Aiaj soit
homozygote AiAj, les deux exemplaires du même gène étant du même état allélique
mais d'origine différente(mutation différente).
L'autozygotie est une caractéristique d'un locus et ne peut concerner que des
individus consanguins car eux seuls peuvent porter deux copies du même allèle
ancêtre, chacune reçue de l'un des parents. Un individu consanguin n'est cependant
pas forcément autozygote à l'ensemble de ses loci comme le montre la figure ci-
dessous représentant un croisement frère-soeur.
Parce qu'ils ont un ou plusieurs ancêtres communs, deux individus apparentés
pourront partager des allèles identiques par descendance. C'est le cas des individus
II1 et II2 qui ont en commun l'allèle A1. Ces individus ne sont cependant pas
consanguins car aucun de leur locus ne peut être autozygote.
2
1 é
1
3
2
1
I
II
A1a1A1A1 A1A3
A1a1
A1A3
A3a1
A1A2
III
Allozygote
autozygote Allozygote
Cours de Génétique des Populations F. Fleury
http://gen-net-pop.univ-lyon1.fr Univ. CB Lyon 1
2-3 Coefficient de consanguinité individuel
On appelle coefficient de consanguinité, noté f, la probabilité qu'un individu
possède à un locus donné deux allèles identiques par descendance c'est à dire la
probabilité d'autozygotie. Ces allèles identiques par descendance proviennent
toujours de la copie sans mutation d'un allèle présent chez les ancêtres communs
aux deux parents de l'individu consanguin.
Sur l'ensemble du génome, le coefficient de consanguinité correspond au
pourcentage des loci à l'état autozygote. Comme toute probabilité, ce coefficient f
varie entre 0 et 1. Il est nul uniquement lorsque les parents de l'individu considéré ne
possèdent aucun ancêtre commun. Sinon, la valeur du coefficient de consanguinité
est d'autant plus élevée que le degré d'apparentement de ses parents est fort.
Le coefficient de parenté de deux individus correspond à la probabilité pour qu'un
allèle pris au hasard à un locus donné chez un individu soit identique par
descendance à un allèle pris au hasard au même locus chez l'autre individu. Le
coefficient de parenté entre deux individus est donc égal au coefficient de
consanguinité de leurs éventuels descendants.
2-4 Calcul du coefficient de consanguinité individuel f : cas où les ancêtres
communs ne sont ni consanguins ni apparentés
Le calcul du coefficient de consanguinité individuel s'effectue à partir d'une
généalogie qui permet de rechercher tous les ancêtres communs aux parents de
l'individu consanguin. La probabilité d'autozygotie est alors calculée en prenant en
compte le nombre d'ancêtres communs et le nombre de générations qui séparent
ces ancêtres communs de l'individu consanguin, sachant que la probabilité de
transmission d'un allèle d'une génération à la suivante est 1/2 pour des loci
autosomiques.
Dans le cas du croisement entre frère et soeur représenté ci-dessous, l'individu
E est consanguin et les ancêtres communs à ses parents sont les individus A et B.
Si A et B ne sont ni consanguins ni apparentés, leur génotype peut être noté
α1α2 pour A et α3α4 pour B, les indices 1, 2, 3 et 4 indiquant qu'aucun allèle n'est
identique par descendance alors que le signe α représente n'importe quel état
allélique (A ou a pour un locus à 2 allèles).
Le calcul du coefficient de consanguinité f de l'individu E consiste à déterminer
sa probabilité d'autozygotie c'est à dire P(αiαi).
E peut être autozygote soit pour des allèles de A soit pour des allèles de B. La
transmission de ces allèles à la descendance (qui peuvent se retrouver par copie
dans E) définit un chemin (une boucle de parenté) reliant l'individu consanguin, ses
parents et leur ancêtre commun.
Pour l'ancêtre A, il y a un seul chemin possible ACEDA avec 4 étapes (chemin en
rouge sur la figure)
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !