Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2013, 13 : 99-108
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Elle a permis de constater que la langue
française a utilisé des syntagmes comprenant le
mot « réservoir », dans ce type de contexte,
bien antérieurement. Ce faisant, un doute est
né quant à l’exactitude des dates de l’OED
citées par R.W. Ashford. Un travail complé-
mentaire semblable a alors été mené pour les
syntagmes anglais correspondants.
Les lignes qui suivent rendent compte des
résultats de cette recherche.
Ressources numériques et requêtes
La recherche a été faite essentiellement sur
internet, plus particulièrement, sur le site de
Gallica et avec Google Livres. Les interfaces
de Gallica et de Google Livres permettent les
mêmes requêtes, monocritères ou multicritères,
recherche simple ou recherche avancée, langue
et date, titre, texte et fourchette de dates, etc.
Les mots-clés utilisés ont été : « réservoir »,
« réservoir miasmatique », « réservoir de
germes », « réservoir d’infection », « réservoir
de virus », « réservoir de bacilles », « réser-
voir de bactéries », « réservoir de microbes »,
« réservoir de maladie », « hôte réservoir » et
« réservoir animal » ainsi que les syntagmes
anglais correspondants. Par ailleurs, le syn-
tagme « réservoir de…. » a été employé avec
une dizaine de noms de maladies (par ordre
alphabétique) : arbovirose, dengue, fièvre aph-
teuse, fièvre jaune, lèpre, morve, paludisme,
péripneumonie, peste, rage, rouget, tubercu-
lose, tularémie, variole.
La recherche a porté également sur les dic-
tionnaires du site Médic@.
Pour les livres en aperçu limité trouvés
grâce à Google Livres, nous avons contrôlé les
extraits affichés sur l’ouvrage imprimé.
Résultats
Le mot-clé « réservoir » a conduit à un très
grand nombre de réponses (25 826 réponses
sur Gallica), la très grande majorité étant en
dehors de tout contexte pathologique. Il a donc
été nécessaire de passer à la recherche des
syntagmes contenant ce mot, cités ci-dessus.
Les résultats sont présentés par ordre chro-
nologique de première apparition détectée pour
chacun des syntagmes.
x 1847 : « réservoir miasmatique »
Ce syntagme est attesté dans la Gazette mé-
dicale de Paris :
« C’est la rate seule que je viens d’avoir en vue
comme réservoir de la matière miasmatique […].
Je conclus donc que d’ordinaire la rate est le ré-
servoir miasmatique qui entretient la fièvre [palu-
déenne] intermittente3 ».
On le retrouve en 1872, dans la revue Lyon
médical :
« Ici que trouvons-nous ? une cour ; est-ce bien
une cour ? étroite et sombre, véritable réservoir
miasmatique4 ».
x 1867 : « réservoir de virus »
Auzias-Turenne présente une communica-
tion au Congrès médical international de Paris,
en août 1867, sur la prophylaxie des maladies
vénériennes et s’exprime en ces termes :
« Or, en admettant que les prostituées exercent
leur métier pendant quatre années, - ce que relate
certaine statistique, - la mercurialisation aurait
pour résultat de les constituer un réservoir de virus
pendant tout ce temps5 ».
On peut noter que dans cette même com-
munication, il utilise le syntagme « réservoir
de vérole » qui est, de très loin, la première
parution trouvée du mot « réservoir » appliqué
à une maladie :
« En moyenne approximative, avons-nous dit,
les prostituées vivent de leur métier pendant quatre
années, dont elles passent au moins une à l'hôpital,
pour être traitées, je ne dis pas guéries, de la syphi-
lis par le mercure. Il leur resterait donc trois ans
d'une prostitution effective. Elles peuvent être,
pendant ces trois années, un réservoir de vérole
dans une proportion que vient de nous apprendre la
statistique de M. Fournier, et que la syphilisation
nous explique6 ».
3 DURAND, 1847, p. 86.
4 ANONYME, 1872, p. 149.
5 AUZIAS-TURENNE, 1867, p. 376.
6 Ibid., p. 378.