Les ensembles D. Daigle 1. Notions de base La notation x ∈ A

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Les ensembles
D. Daigle
1. Notions de base
La notation x ∈ A signifie que x est un élément de l’ensemble A (elle se lit “x est
élément de A” ou encore “x appartient à A”). Remarquez que le symbole d’appartenance
∈ est différent de la lettre grecque ε. La théorie des ensembles commence par la
définition de l’égalité des ensembles :
Deux ensembles sont égaux si et seulement si ils ont les mêmes éléments.
Ceci signifie que :
• si deux ensembles ont les mêmes éléments, alors ces ensembles sont égaux
• si deux ensembles sont égaux, alors ils ont les mêmes éléments.
1.1. Exemple. Supposons que A et B sont des ensembles satisfaisant :
• 2 ∈ A, 3 ∈ A, 4 ∈ A, et 2, 3, 4 sont les seuls éléments de A
• 2 ∈ B, 3 ∈ B, 4 ∈ B, et 2, 3, 4 sont les seuls éléments de B.
Alors la définition d’égalité implique que A = B. Donc il ne peut pas exister plusieurs
ensembles différents dont les éléments seraient 2, 3, 4 et rien d’autre.
1.2. Supposons que a1 , a2 , . . . , an sont des objets quelconques (un objet peut être un
nombre, un ensemble, une fonction, une matrice, etc, donc n’importe quel objet mathématique). La définition d’égalité implique qu’il ne peut pas exister plusieurs ensembles
différents dont les éléments seraient a1 , a2 , . . . , an . Le symbole {a1 , a2 , . . . , an } désigne
l’unique ensemble dont les éléments sont a1 , a2 , . . . , an .
Par exemple si on écrit A = {3, 41} alors 3 ∈ A, 41 ∈ A et A n’a pas d’autres
éléments que 3 et 41.
Prenez note du cas “n = 1” de la notation 1.2 : si a est un objet quelconque, alors {a}
désigne l’ensemble dont l’unique élément est a. Un ensemble qui a exactement 1 élément
est appelé un singleton. Par exemple, l’ensemble {5} est un singleton. Remarquons
que l’ensemble {5} et le nombre 5 sont deux objets différents : 5 6= {5}.
Observons que la définition d’égalité implique que {2, 3, 4} = {4, 2, 3} = {2, 3, 2, 4},
puisque ces ensembles ont les mêmes éléments.
Il est possible qu’un ensemble soit un élément d’un autre ensemble. Par exemple,
on a les deux ensembles A = {2, 3} et B = {3, 4, 5, 6}. Puisqu’on a les objets A et
B, on peut ensuite former l’ensemble C = {A, B} = {{2, 3}, {3, 4, 5, 6}}. On a alors
{2, 3} ∈ {{2, 3}, {3, 4, 5, 6}} et {3, 4, 5, 6} ∈ {{2, 3}, {3, 4, 5, 6}}.
1.3. Exercice. Soient A = {2, 3} et B = {A}. Alors A a combien d’éléments, et B a
combien d’éléments ? A est-il égal à B ?
1
2
Différentes méthodes pour définir un ensemble
On a vu qu’on peut définir un ensemble en énumérant ses éléments, comme dans les
exemples suivants : U = {3, 7, 342}, V = {2, 3, 4, . . . , 10}, N = {0, 1, 2, 3, . . . }. Il existe
plusieurs méthodes pour définir un ensemble sans énumérer ses éléments. Voici une de
ces méthodes :
1.4. Étant donnée une condition P , la notation
E = x | x satisfait la condition P
signifie que E est l’ensemble de tous les objets qui satisfont la condition P .
Remarquez que, d’après la définition d’égalité des ensembles, il ne peut pas exister
plusieurs ensembles différents dont les éléments seraient “tous les objets qui satisfont P ”.
1.5. Exemple. Utilisons la méthode 1.4 pour définir des ensembles A, B et C :
• A = x | x est un nombre entier et x2 − 7x + 10 = 0
Cette notation signifie que A est l’ensemble de tous les objets x qui satisfont
la condition “x est un nombre entier et x2 − 7x + 10 = 0”. Autrement dit,
A = {2, 5}.
• B = x | x est un nombre premier
Ceci signifie que B est l’ensemble de tous les nombres premiers.
• C = x | x est une fonction de N vers N
Ceci signifie que C est l’ensemble de toutes les fonctions de N vers N.
Voici une variante de la méthode 1.4 pour définir un ensemble :
1.6. Étant donnés un ensemble A et une condition P , la notation
E = x ∈ A | x satisfait la condition P
signifie que E est l’ensemble de tous les éléments de A qui satisfont la condition P .
1.7. Exemple. La méthode 1.6 nous permet de définir l’ensemble
E = x ∈ R | x2 > 3 ,
qui est l’ensemble de tous les nombres réels x satisfaisant x2 > 3. La méthode 1.4 nous
permet de définir l’ensemble
E 0 = x | x ∈ R et x2 > 3 ,
qui est l’ensemble de tous les objets x satisfaisant “x ∈ R et x2 > 3”. Donc E = E 0 .
3
Dans les notations
“x” parn’importe quelle autre lettre.
1.4 et 1.6, on peut
remplacer
Par exemple on a x ∈ R | x2 > 3 = s ∈ R | s2 > 3 , car dans les deux cas on a
l’ensemble des nombres réels dont le carré est supérieur à 3.
Il y a des cas où on préfère utiliser une lettre
plutôt qu’une autre, pour des raisons
psychologiques. Considérez par exemple C = x | x est une fonction de N vers N ,
qui est l’ensemble de toutes les fonctions
de N vers N. Puisque les éléments
de C sont
des fonctions, on écrira plutôt C = f | f est une fonction de N vers N .
1.8. Voici encore une autre méthode pour définir un ensemble. Cette fois nous donnerons seulement des exemples, sans donner une formulation générale.
• Soit A = x2 | x ∈ N ; alors A est l’ensemble de tous les carrés de nombres
2 2 2 2
naturels, donc
2 A = {0 ,1 , 2 , 3 , . . . } = {0, 1, 4, 9, . . . }.
• Soit B = x | x ∈ R ; alors B est l’ensemble de tous les carrés de nombres
réels,donc B est l’ensemble
des nombres réels plus grands ou égaux à 0, donc
B = x ∈R | x ≥ 0 .
• Soit C = 4x + 6y | x, y ∈ Z ; alors C est l’ensemble de tous les nombres de
la forme 4x + 6y où x, y peuvent prendre n’importe quelles
valeurs dans Z. En
fait C est exactement l’ensemble des entiers pairs, C = x ∈ Z | x est pair .
Les ensembles de nombres
Nous utiliserons les notations suivantes :
• Un nombre entier plus grand ou égal à zéro est appelé un nombre naturel. Le
symbole N désigne l’ensemble des nombres naturels, donc N = {0, 1, 2, 3, 4, . . . }.
Notez bien que 0 ∈ N.
• Le symbole Z désigne l’ensemble des entiers (positifs, négatifs, ou nuls), donc
Z = {. . . , −3, −2, −1, 0, 1, 2, 3, . . . }.
• Un nombre rationnel est une fraction a/b où a, b ∈ Z et b 6= 0. L’ensemble de
tous les nombres rationnels est noté Q.
• L’ensemble de tous les nombres réels est noté R.
Rappelons la notation des intervalles.
Si a < b sont des nombres réels alors
• (a, b) = x | x ∈ R et a < x < b
• [a, b) = x | x ∈ R et a ≤ x < b • (a, b] = x | x ∈ R et a < x ≤ b • [a, b] = x | x ∈ R et a ≤ x ≤ b .
Si a ∈ R alors
• [a, ∞) = x | x ∈ R et x ≥ a • (a, ∞) = x | x ∈ R et x > a • (−∞, a] = x | x ∈ R et x ≤ a • (−∞, a) = x | x ∈ R et x < a .
Finalement,
4
• (−∞, ∞) = R.
1.9. Exemple. Soit J = [a, a2 + 1] | a ∈ R . Alors J est un ensemble dont les
éléments sont des intervalles : pour chaque a ∈ R l’intervalle [a, a2 + 1] est un élément
de J, et J n’a pas d’autres éléments que les intervalles [a, a2 + 1] tels que a ∈ R. Par
exemple, on a [3, 10] ∈ J, [ 21 , 45 ] ∈ J et [3, 8] ∈
/ J.
L’égalité des ensembles
Regardons encore une fois la définition d’égalité des ensembles. On sait que la
condition A 6= B signifie que A et B n’ont pas les mêmes éléments. On a donc :
1.10. Étant donnés des ensembles A, B,
A 6= B ⇔ il existe au moins un objet qui est élément d’un des
ensembles A, B mais n’est pas élément de l’autre.
En effet, la phrase écrite à droite de “⇔” est une façon précise de dire que A et B
n’ont pas les mêmes éléments.
L’ensemble vide
1.11. Théorème. Il existe exactement un ensemble qui n’a aucun élément.
Démonstration. On doit prouver les deux affirmations suivantes :
(1) Il existe au moins un ensemble qui n’a aucun élément.
(2) Il existe au plus un ensemble qui n’a aucun élément.
Preuve de (1). L’ensemble x ∈ Z | x3 = 4 n’a aucun élément, donc il existe au
moins un ensemble qui n’a aucun élément.
Preuve de (2). On doit montrer que si A et B sont des ensembles qui n’ont aucun
élément alors A = B. Par contradiction : supposons que A et B sont deux ensembles
qui n’ont aucun élément et tels que A 6= B. Alors 1.10 implique qu’il existe un objet
x qui est élément d’un des ensembles A, B mais qui n’est pas élément de l’autre. En
particulier, on a alors x ∈ A ou x ∈ B, ce qui contredit l’hypothèse que A et B n’ont
aucun élément.
1.12. Définition. En vertu de 1.11, il existe exactement un ensemble qui n’a aucun
élément. Cet ensemble est appelé l’ensemble vide et on le désigne par le symbole ∅.
Autrement dit, ∅ est l’unique ensemble qui satisfait :
quel que soit l’objet x, on a x ∈
/ ∅.
Par exemple, les ensembles V = x ∈ R | x2 = −1 et W = x ∈ Z | x3 = 4
n’ont aucun élément, donc V = ∅ et W = ∅, donc V = W .
Rappelons que, étant donné un objet a, on peut former le singleton {a}.
1.13. Lemme. Si a et b sont des objets tels que {a} = {b}, alors a = b.
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Démonstration. Puisque a ∈ {a}, et puisque {a} et {b} on les mêmes éléments, il
s’ensuit que a ∈ {b}. Puisque a ∈ {b} et puisque le seul élément de {b} est b, on
conclut que a = b.
1.14. Puisqu’on a l’objet ∅, on peut former le singleton {∅}. Notez bien que ∅ 6= {∅},
puisque {∅} n’est pas vide (on a ∅ ∈ {∅}).
Puisqu’on a l’objet {∅}, on peut former le singleton {{∅}}. Montrons que
{∅} =
6 {{∅}}.
Par contradiction : Supposons que {∅} = {{∅}}. Alors le Lemme 1.13 implique que
∅ = {∅}, qui est faux.
1.15. Si E est un ensemble qui possède un nombre fini d’éléments, on dit que E est un
ensemble fini. Si E est un ensemble fini qui possède exactement n éléments, on écrit
|E| = n et on dit que la cardinalité de E est égale à n.
Par exemple, si A = x ∈ R | x2 = 9 alors |A| = 2 (car A = {−3, 3} possède deux
éléments).
Si E possède un nombre infini d’éléments, on dit que E est un ensemble infini. Par
exemple, N, Z, Q, R sont des ensembles infinis.
2. Les sous-ensembles d’un ensemble
2.1. Définition. Soient A et B des ensembles. Si la condition
chaque élément de A est élément de B
est satisfaite, alors on dit que A est un sous-ensemble de B, et on écrit A ⊆ B.
Par exemple, les affirmations suivantes sont vraies :
{2, 3, 4} ⊆ {1, 2, 3, 4, 5, 6},
{1, 2, 3, 4, 5, 6} ⊇ {2, 3, 4},
{2, 3, 4} ⊆ {2, 3, 4},
et on a aussi {2, 3, 4} 6⊆ {3, 4}.
Les expressions suivantes sont des synonymes : A est un sous-ensemble de B, A est
une partie de B, A est inclus dans B. La négation de A ⊆ B s’écrit A * B, et signifie
que A n’est pas un sous-ensemble de B. Remarquez :
2.2. Étant donnés des ensembles A et B, on a :
A * B ⇔ il existe au moins un élément de A qui n’est pas élément de B.
2.3. Proposition. Pour tout ensemble A, on a ∅ ⊆ A et A ⊆ A.
Démonstration. Soit A un ensemble.
Puisque tout élément de A est un élément de A, on a A ⊆ A.
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On démontre ∅ ⊆ A par contradiction. Supposons que ∅ ⊆ A est faux ; alors on
a ∅ * A, donc 2.2 implique qu’il existe au moins un élément x de ∅ qui n’est pas
élément de A. On a alors x ∈ ∅, ce qui contredit la définition de ∅.
2.4. Notation. Étant donné un ensemble E quelconque, on définit
℘E = A | A ⊆ E ,
ce qui signifie que ℘ E est l’ensemble des sous-ensembles de E. On dit aussi que ℘ E
est l’ensemble des parties de E, ou l’ensemble puissance de E (en anglais : the powerset
of E ). Notez que l’usage des parenthèses est facultatif : on peut écrire ℘(E) ou ℘ E,
au choix.
2.5. Exemple. Soit E = {1, 2}, alors E a quatre sous-ensembles :
∅, {1}, {2}, {1, 2}
donc ℘ E = ∅, {1}, {2}, {1, 2} . Notez que l’ensemble ℘ E a exactement quatre
éléments : ∅ ∈ ℘ E, {1} ∈ ℘ E, {2} ∈ ℘ E, {1, 2} ∈ ℘ E.
2.6. Exemple. ∅ a un seul sous-ensemble (c’est ∅), donc℘ ∅ = {∅}.
{∅} a deux sous-ensembles : ∅ et {∅}. Donc ℘{∅} = ∅, {∅} .
L’Exemple 2.7 vous demande un peu de gymnastique mentale. Pouvez-vous suivre
le raisonnement ?
2.7. Exemple. Puisque chaque élément de l’intervalle [0, 3] est un élément de R, on
a [0, 3] ⊆ R, donc [0, 3] est un sous-ensemble de R, donc [0, 3] ∈ ℘ R. Pour la même
raison, on a [a, b] ∈ ℘ R pour tout choix de a, b ∈ R tels que a < b. Donc chaque
élément de l’ensemble
A = [a, b] | a, b ∈ R et a < b
est un élément de ℘ R. Donc A ⊆ ℘ R. Donc A ∈ ℘℘ R.
Voici un exemple qui illustre comment prouver une inclusion A ⊆ B.
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2.8. Exemple.
Soit
A
=
n
|
n
∈
N
= {0, 1, 4, 9, 16, 25, . . . }
√
√
et soit B = x ∈ [0, ∞) | il existe un k ∈ Z satisfaisant x ≤ k ≤ x + 1 .
Voici une preuve que A ⊆ B :
Soit x ∈ A.
√
Alors il existe
n ∈ N tel que x = n2 . On a alors x = n, donc la condition
√
√
x ≤ n ≤ x + 1 est satisfaite, donc la condition
√
√
x ∈ [0, ∞) et il existe un k ∈ Z satisfaisant x ≤ k ≤ x + 1
est satisfaite. Ainsi, x ∈ B.
Remarquez que B * A. Pour prouver ceci, il suffit de trouver un élément de B qui
n’est pas élément de A. Par exemple, on a 3 ∈ B et 3 ∈
/ A, donc B * A.
2.9. Proposition. Quels que soient les ensembles A, B, C,
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(a) si A ⊆ B et B ⊆ C, alors A ⊆ C
(b) si A ⊆ B et B ⊆ A, alors A = B.
La démonstration de (a) est un exercice. Voici la démonstration de (b) :
Démonstration. Puisque A ⊆ B et B ⊆ A, chaque élément de A est élément de B et
chaque élément de B est élément de A ; donc A et B ont les mêmes éléments, donc
A = B en vertu de la définition de l’égalité des ensembles.
Notez que la réciproque de 2.9(b) est vraie : si A = B alors A ⊆ B et B ⊆ A. Donc
on a
A = B ⇐⇒ (A ⊆ B ∧ B ⊆ A)
Ceci a la conséquence suivante : pour prouver que des ensembles A et B sont égaux,
il suffit de prouver que A ⊆ B et que B ⊆ A.
2.10. Exemple. Soit A = 2z | z ∈ Z (l’ensemble de tous les entiers pairs) et soit
B = 12x + 22y | x, y ∈ Z (l’ensemble des nombres 12x + 22y où x, y ∈ Z prennent
toutes les valeurs possibles). Montrons que A = B.
Montrons d’abord que A ⊆ B :
Soit a ∈ A.
Alors il existe z ∈ Z tel que a = 2z.
Soient x = 2z et y = −z; alors x, y ∈ Z et
12x + 22y = 12(2z) + 22(−z) = 2z = a.
Donc a ∈ B.
Montrons ensuite que B ⊆ A :
Soit b ∈ B.
Alors il existe x, y ∈ Z tels que b = 12x + 22y, donc b est pair.
Donc b ∈ A.
Ainsi, A = B.
2.11. Définition. Soient A et B des ensembles. On définit la notation A ⊂ B par :
A ⊂ B ⇔ A ⊆ B et A 6= B.
La notation A ⊂ B se lit de l’une ou l’autre des façons suivantes :
• A est strictement inclus dans B ; • A est un sous-ensemble propre de B.
Par exemple, la condition N ⊆ N est vraie, mais N ⊂ N est fausse. Les symboles ⊆
et ⊂ se comportent exactement comme ≤ et < (la condition 5 ≤ 5 est vraie mais 5 < 5
est fausse).
2.12. Soient A et B des ensembles. Pour prouver que A ⊂ B, il faut vérifier deux
conditions :
• tout élément de A est élément de B
• au moins un élément de B n’est pas élément de A.
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